( f a m i l y f i r s t ) l'excitation est à son comble pour la gamine d'une dizaine d'années. sur le trajet école - maison, elle regarde le paysage qui s'offre à elle à travers la vitre du bus scolaire. elle est impatiente de faire découvrir à son père la note qu'elle a obtenu au devoir d'anglais sur lequel il l'a aidée. elle est jeune mais l'école, ce n'est pas vraiment son truc. elle sait déjà qu'elle ne rêve pas de longues études, ce qu'elle veut, c'est danser. danser devant le monde entier. bouleverser à travers ses pas. se livrer silencieusement. piper veut émouvoir et partager. elle veut vivre le rêve que sa mère n'a jamais pu réaliser parce qu'elle n'a jamais eu les opportunités qu'elle attendait.
elle descend du bus scolaire et se dépêche de rejoindre le domicile familiale. elle bouscule quelques personnes sur son passage, sans prendre le temps de s'excuser, elle n'a pas le temps. elle ouvre la porte et part presque avec elle, tellement son geste est rapide et non contrôlé.
papa ! papa ! regardes combien j'ai eu à mon contrôle. elle court à travers la maison jusqu'au salon où il se trouve habituellement. mais aujourd'hui, elle ne découvre que sa mère, assise sur le canapé. personne d'autre à l'horizon.
il est où papa ? on peut encore entendre l'excitation dans sa voix mais la petite piper découvre peu à peu l'expression faciale de sa maman et elle perd vite toute sa bonne humeur. elle semble triste et malheureuse, elle n'aime pas la voir dans cet état. d'ailleurs, c'est rare qu'elle montre ce visage à ses enfants. c'est une femme forte, qui arbore un sourire permanent sur les lèvres. elle n'a jamais ce regard triste et vide de tout sentiment.
maman.. ? qu'est-ce qu'il y a ? pourquoi papa n'est pas là ? son sac à dos toujours sur le dos, piper s'assoit doucement à ses côtés. sans comprendre. ou sans vouloir comprendre. sa mère tourne le visage vers sa fille, tente un sourire qui ressemble plus à une grimace mais la tentative est réussie.
papa est partie ma puce. il a décidé de prendre un nouveau chemin sans nous. piper ne sait pas très bien où elle veut en venir mais elle a compris l'essentiel; son père les a quittés.
* * *
comme chaque jour de la semaine, ça crie dans tout l'appartement des svenson. piper a fini par arrêter d'en demander les raisons. sûrement l'un de ses frères qui a perdu l'une de ses chaussettes et qui accusent l'un des membres de la famille. ou alors l'un des petits a terminé le paquet de céréales sans en laisser ou demander aux autres. ce ne serait pas la première fois. dans cette jolie famille de cinq enfants, c'est monnaie courante. l'un est toujours prêt à faire une farce de mauvais goût aux autres ou à les chercher perpétuellement.
piper, tu n'aurais pas vu mon devoir de mathématiques ? il était posé sur mon bureau. se retournant pour faire face à son frère cadet de deux ans de moins, elle le toise un peu du regard. il vient vraiment lui demander ça ? elle a vraiment une tête à voler des devoirs ? d'accord, ce serait son style normalement. mais pas en ce moment, pas alors que la fête des pères approche à grand pas et qu'elle n'a toujours pas de nouvelles du sien.
pourquoi je m'intéresserai à un devoir de maths ? vas demander à ton voisin de chambre, tu sais bien qu'il aime se faufiler en douce lorsque tu as le dos tourné. et il s'en va, aussi rapidement qu'il n'est apparu. il sait que ce n'est pas le moment de lui prendre le choux pour des bêtises pareilles. il a dû le comprendre au ton qu'elle a employé, à sa présence réduite de ces derniers jours. piper n'exprime pas beaucoup ce qu'elle ressent, elle garde beaucoup ses sentiments au fond d'elle mais ses frères et sa sœur savent et comprennent quand ça ne va pas. à première vue, ça ne se voit pas. mais c'est une fratrie relativement soudée et bienveillante envers les uns et les autres.
son sac sur les épaules, piper quitte sa chambre en prenant soin de fermer derrière elle. elle a horreur qu'on fouille dans ses affaires en son absence, qu'on fouille dans ses affaires tout court même. elle sait que ça n'assure rien, c'est pour la forme. à hauteur de la cuisine, elle entre et trouve sa mère près de l'évier, à laver les bols et couverts que ses frères ont utilisés un peu plus tôt. déposant un tendre baiser sur la joue de sa mère comme elle a l'habitude de le faire à chaque fois qu'elle va partir, elle ne tarde pas à la prévenir.
ne m'attendez pas ce soir, j'ai un entraînement et je risque de rentrer tard. un fin sourire sur les lèvres et elle quitte le domicile jusqu'à tard dans la soirée.
( d a n c i n g q u e e n ) ses mouvements s'enchaînent à la perfection face à la foule qui n'a d'yeux que pour elle. piper a un charme naturel qui opère instantanément sur le public, comme si elle était faite pour être sur le devant de la scène, à la vue de tous. les lumières tamisées sont braquées sur elle et elle danse comme si elle était seule au monde. elle regarde quand même son auditoire, pose ses yeux sur chaque personne, les unes après les autres. retire un vêtement et en joue pour attiser la curiosité du public, pour qu'ils en demandent plus. jouer avec eux, elle passe son temps à ça. à communiquer sans dire un mot. à jouer avec la barre sur le podium. à en dévoiler sans trop en montrer. elle prend son temps, sans trop le prendre. c'est un juste milieu à prendre dans ce métier, il ne faut pas faire languir de trop le public pour éviter que ça ne devienne trop long pour eux. piper a trouvé son équilibre avec le temps.
et comme chaque soir, elle termine nue devant une foule qui l'acclame et l'applaudit. elle aime ça, c'est indéniable. elle prend du plaisir à le faire et ça se voit. c'est peut-être bizarre quand on l'entend dire ça mais c'est la stricte vérité. quand elle sort de scène, elle les entend encore de sa loge. elle sourit, satisfaite de sa performance. elle le sera encore plus quand elle en aura eu des retours qui ne sauraient tarder. pour l'instant, elle se rhabille. sa nuit est terminée. et malgré l'excitation encore présente, elle est fatiguée mais se languie d'être demain.
( l o v e s t o r y ) le palpitant qui s'accélère, les papillons qui s'agitent dans son ventre, les joues qui rougissent au moindre compliment. elle a tout de la femme amoureuse, piper. c'est la première fois en dix-sept ans. elle a connu quelques amourettes et flirts mais ça n'a jamais mené à grand chose, ça n'a jamais abouti sur de réels sentiments ou une quelconque relation. cet homme, c'est différent. il est un peu plus âgé qu'elle, d'à peine trois ans et dans sa tête, c'est déjà l'homme de sa vie alors que ça fait seulement deux mois que leur relation a débuté. piper s'emballe vite et pour pas grand chose. elle est jeune, personne ne peut lui en vouloir. comme toute adolescente, elle rêve du prince charmant et du grand amour avec un grand a. et quand elle le retrouve, c'est à chaque fois la même excitation. elle est heureuse de retrouver cet homme qui fait battre son cœur et qui l'aime en retour. ils n'ont jamais beaucoup de temps pour eux alors chaque instant, elle en profite et ne le lâche pas d'une semelle. elle prend ce qu'il veut bien lui donner, le temps qu'il peut lui accorder. elle prend tout, sans broncher. même si elle en veut plus, elle ne dit rien. sûrement trop bonne, trop conne. l'amour rend aveugle, à ce qu'on dit.
* * *
la nuit est tombée, la chambre de la brune est plongée dans le noir. ou presque, seuls les rayons de la lune déterminent grossièrement la position des meubles et leurs grosseurs. sous sa couette, piper pleure toutes les larmes de son corps ne sachant comment réagir d'autre. en silence. sa relation vient de prendre un tournant qu'elle n'aurait jamais imaginé, elle vient de voler en éclat. elle ne comprend pas, piper, tout semblait parfait entre eux. tout semblait aller pour le mieux même. elle ne comprend pas comment une telle chose a pu se produire. elle se sent honteuse et détruite face à ça. elle n'a même pas su comment réagir et elle a préféré partir pour s'isoler dans sa chambre. sans un mot à sa famille, sans se montrer au dîner, sans répondre aux questions qu'on lui posait à travers la porte. ils n'ont pas insisté bien longtemps et elle les remercie infiniment pour ça.
cette nuit, elle n'a pas fermé l’œil une seule seconde. elle avait peur de revivre ce qu'elle a vécu quelques heures plus tôt. pourtant, elle ne fait qu'y penser et se repasser, malgré elle, toute la scène. cette dispute qui commence. les mots qui dépassent la pensée de l'un comme de l'autre. le ton qui monte de chaque côté. les quelques regards qui se tournent en leur direction. les reproches qui fusent. sa main qui se lève. cette même main qui claque contre la joue de piper. ses yeux qui se remplient immédiatement de larmes. son regard qui croise celui de l'homme. pas une honte ou un remord dans son regard. ses jambes qui tremblent et qui prennent difficilement la fuite.
il a levé la main sur elle. elle a du mal à se l'avouer parce qu'elle sait que ce n'est pas normal. parce qu'elle en a honte aussi. et malgré tous les sentiments qui se mélangent au fond d'elle, une pointe d'amour pour lui est toujours présente. c'est complètement absurde et une chose est sûre, elle ne compte pas retourner dans ses bras. elle sait qu'elle vaut mieux que ça, que ça ne fera que s'empirer si elle reste près de lui. il est hors de question qu'elle devienne une femme qui a peur de son homme. hors de question que son nom s'ajoute à ses femmes qui perdent la vie chaque jour sous les coups de leur compagnon.
( a n d m o r e ) piper a tenté de retrouver la trace de son père durant un long moment mais sans succès. c'est comme s'il s'était volatilisé et qu'il ne souhaitait pas être retrouvé. elle a fini par accepter sa décision, avec une certaine rancœur au fond d'elle malgré tout. / elle a du mal à s'entendre avec son grand frère, il traîne dans des affaires par toujours nettes et saines et ça a le don de l'agacer. peut-être qu'elle n'est pas toute blanche de son côté mais rien de pire que son frère. / elle a arrêté ses études à l'âge de 17 ans, suite à sa rupture avec son premier petit copain. de toute façon, elle n'a toujours voulu que danser et rien d'autre. dans sa tête, son destin était tout tracé et elle perdait son temps à se rendre en cours chaque jour. elle a, d'ailleurs, beaucoup changé depuis cette période. / elle a longtemps enchaîné les jobs mal payés et où on la traitait comme une moins que rien. ça n'a fait qu'endurcir son caractère. elle n'avait que d'autres choix que de continuer de toute façon, impossible de payer son loyer et ses factures sinon. et elle voulait montrer à sa maman qu'elle était capable de s'assumer et de ne pas lui faire regretter sa décision. / contrairement à beaucoup d'autres femmes, elle ne rêve pas de fonder une famille. elle aime les enfants mais elle n'a pas envie d'en avoir un à elle. elle ne ressent pas le besoin d'être mère tout simplement, et beaucoup ne comprennent pas cette décision et pensent que ce n'est qu'une passade. / il y a quelques mois, elle a eu une relation avec son patron. personne n'en a jamais eu la confirmation parce qu'ils jugeaient qu'ils n'avaient pas besoin de le savoir. il paraît que pour vivre heureux, il faut vivre cacher. ça l'a été, durant un temps mais les démons de morgan ont été plus forts et menaçants jour après jour. piper pensait pouvoir y faire face et les combattre. elle s'est trompée, elle n'a pas réussi. elle a mis fin à leur histoire la nuit où il a tenté de l'étrangler dans son sommeil. ça a été la première fois où elle a eu peur. peur pour sa vie, peur pour elle, peur de lui. / jamais elle n'a quitté new-york et jamais elle ne compte quitter cette ville. elle l'aime malgré touts ses défauts, malgré touts ses mauvais côtés. piper ne se voit pas ailleurs, elle y a toute sa vie. / elle est employée au closer depuis trois ou quatre ans, ça fait un long moment maintenant qu'elle s'y dénude. elle a eu l'occasion de quitter cet endroit une fois, une chance incroyable s'offrait à elle. chance qu'elle a décliné parce qu'elle n'a pas su partir. le closer est comme une seconde famille pour elle, elle a comme l'impression d'être liée à chaque personne ici, elle n'a pas le courage de les quitter. / elle fume plutôt pas mal depuis quelques années. elle a commencé lorsqu'elle avait quinze ans, légèrement influencée par ses camarades de classe. mais depuis, elle ne s'est jamais arrêtée, ça a même empiré. elle se lance parfois le défi d'en finir avec la cigarette mais rien à faire, elle finit toujours par reprendre. / lorsqu'elle était encore scolarisée, elle traînait beaucoup plus souvent avec des garçons qu'avec des filles. elle a toujours trouvé leur amitié plus sincère qu'une amitié entre filles. ça ne l'empêche pas d'en avoir quelques unes évidemment, mais c'est rare dans son cas. / elle veut parfois tout contrôler et ça a le don d'agacer tout le monde, peu importe la nature de la relation. / c'est une piètre cuisinière. elle préfère réchauffer des plats tout faits ou se commander un repas, plutôt que de se mettre derrière les fourneaux. / elle est parfois victime d'insomnie depuis que son père a quitté la maison. c'est récurent, ça revient sans cesse.
spf. ---- / 25 ans ---- / rpgiste