Light on. {ft Nuria}

Il y a le bleu d'un soir
le jaune éclatant,
le rouge sanglant,
le vert espoir.
Sur ses mains mal essuyées, des éclaboussures illuminent encore ses phalanges. S'étalent sur le téléphone qu'elle utilise si peu. Éclosion d'un sourire aux bouts des lèvres rose.
Rose amitié.
Chant d'oiseau venu de loin, auquel elle ne répond pas sur l'instant. Achevant d'essuyer ses mains sur le jean déjà abîmé. Abandonnant l'atelier sans un regard en arrière, une toile sous le bras et l'empressement aux bouts des pieds. Elle a l'euphorie des enfants qui s'extasient d'un rien. Le plaisir innocent, insouciant qui naît d'un détail, d'un appel ou d'une idée.
De Gabriel pour ce matin.
Et d'autre chose demain.
Et si le temps est maussade nuria se fait soleil, elle sent bien que l'atmosphère est à la grisaille. Qu'importe, elle soufflera sur les nuages qui assombrissent son horizon, comme elle s'évertue toujours à dégager le ciel de ceux qu'elle croise. Elle voudrait l'éclat pour tout ceux qui sont ternes, la joie pour tout ceux qui sont triste, l'amour pour tout ceux qui sont seuls. Trop idéaliste pour un monde qui ne l'attend pas pour sombrer.
blanc naïveté.
Mais si elle peut aimer tout le monde, peu le lui rende bien. Compté sur quelques doigts d'une main qu'elle referme pour taper contre la porte de l'un d'eux. Essoufflée d'avoir marché trop vite, empressée de se débarrasser de son fardeau. Elle n'attend aucune réponse, s'engouffre comme les oiseaux qui s'immiscent par vos fenêtres, dans une grâce toute relative et un engouement qui en fatiguerait plus d'un. « tiens. » elle tend la toile à peine sèche sans s'attarder sur les politesses, gamine excitée à l'idée d'offrir son présent comme s'il était saint graal. « c'est drôle parce que je pensais à toi en le peignant, et je le terminais quand tu m'as contacté. » le destin, elle voudrait dire. S'il n'y a aucun hasard, il y a des signes. Et son tableau abstrait qui n'a de sens que pour elle, cette toile aux couleurs qui éclatent en cherchant à vous éblouir le regard, peut-être que c'était pour lui. Un bout médiocre de bonheur à suspendre aux murs ternes pour les jours de mélancolie. « il faut l'accrocher quelque part, pour t'illuminer un peu. » toi, ou juste la pièce lancé de cette voix qui ne perd pas son excitation, qui ne laisse aucune place à la négation malgré le sourire qui s'étire. Presque intrusive quand elle semble vouloir le forcer à accepter une œuvre qui n'a ni queue ni tête, consciente pourtant que gabriel a depuis longtemps éprouvés les lubies de nuria, tant que s'il n'y est pas devenu hermétique il a apprit à composer avec autant qu'elle apprend – toujours parfois – à composer avec lui une musique qui a toujours parfaitement résonné à leurs oreilles.

Elle l'observe chercher l'accroche à laquelle suspendre la toile avec ce sourire bienveillant qui lui sied si bien. Un plaisir né sans doute de cette vanité d'artiste, savourant bien malgré elle de voir le fruit de son inspiration suspendu au mur de quelqu'un. Visible de ceux qui viendront, d'autres qui ne connaissent rien de son travail. Mais surtout, elle a cette conviction que gabriel – contrairement a bien d'autre – ne feint pas d'apprécier ses cadeaux d'un autre genre. Il n'a pas besoin du faste, de l'emballage en papier de soie ou d'un bibelot à la mode. S'ils semblent différents, nuria croit parfois entrevoir à quel point ils sont semblable lorsqu'il s'agit de l'honnêteté.
Celle de l'âme.
Il y a quelque chose, dans le fond de ses pupilles, qui jure une sincérité dont elle n'a jamais eu a douter. Depuis des années déjà. Une confiance devenue aveugle puisque – elle le sait au fond d'elle – il ne saurait la trahir. Une conviction qu'elle a déjà par le passé pourtant, pour d'autre qui ont fini par fissuré son cœur. et pourtant aveuglément, elle recommence. Convaincu qu'aucun n'est le reflet parfait d'un autre. Et mille fois gabriel a prouvé qu'il était différent de ceux qui ont jeté un temps des ombres sous son soleil. Il y a son sourire qui s'élargit dans son dos lorsqu'il la remercie à mi-voix, comme un secret qu'il peinerait à dévoiler. Avouer que ça le touche ou qu'il en avait besoin. Une différence tangible entre eux, là ou nuria n'a jamais eu de mal à parler ou à montrer ses sentiments. « ça me fait plaisir. » elle le dit avec autant de calme que de conviction. De cette voix qui n'en fait pas une affaire d'état. C'est rien et beaucoup à la fois. Rien qui ne vaille la gêne qu'elle discerne dans sa voix discrète, pas avec elle du moins. Ils se connaissent trop bien pour ça c'est ce qu'elle aime croire. trop bien pour qu'elle ne soit pas parfois un peu déçue de voir qu'après toutes ces années il ne perd pas ces vieilles habitudes. « la même chose que toi. » pas difficile, elle se contente d'un rien. Se souciant peu de la boisson qu'il servira, préférant s'alanguir sur son canapé, prenant le temps de retirer ses chaussures pour s'y installer confortablement. Comme si elle était chez elle et sans doute oublie-t-elle parfois qu'elle ne l'est pas. Son regard qui vagabonde sur la pièce, achevant sa course sur gabriel dans un hésitation qu'elle achève de rendre conviction. « alors, comment tu vas? » elle n'est pas de celle qui force à la confidence, qui s'insurge de ne pas être l'épaule sur laquelle on se penche. Elle pose simplement la question parce qu'elle attend sincèrement une réponse, sans justification, sans raison particulière. Juste une réponse qui déterminera si elle est là pour le plaisir de se retrouver, pour le besoin de parler ou simplement la nécessité d'oublier.

Comme une œuvre abstraite, nuria tente de déchiffrer les humeurs de gabriel. Oscillant entre solitude coutumière, silence pudique et affection sincère elle a parfois du mal à savoir quelles sont les émotions qui prédominent dans son esprit. Elle a – tout au plus – une idée globale, consciente que bien qu'ils savent faire preuve d'honnêteté l'un envers l'autre il y a des choses dont il ne parle pas aussi facilement que de la pluie et du beau temps. Nuria respecte ça, elle l'a toujours fait même quand la curiosité démangeait sa langue. Elle le respecte encore aujourd'hui quand elle a la sensation qu'il a besoin d'un peu de lumière dans la grisaille alentours. « je savais pas que t'avais de tel talent. Tu cuisines bien aussi  ? Parce que si c'est le cas, je vais venir plus souvent, c'est lassant de manger que des pâtes. » dieu sait que ses doigts savent créer de l'or – du moins quelque chose d'assez beau pour qui y laisse glisser son regard, s'y fixer parfois – mais certainement pas lorsqu'il s'agit de nourriture, encore moins celle qui inclut de faire fonctionner un four ou une gazinière. Trop lunaire pour rester des heures sur une préparation qu'elle aura oublié une poignée de minute plus tard. « tu devrais sortir. » elle darde le regard sur un coin de fenêtre ou le soleil brille encore. Ça semble facile dit comme ça, bien consciente pourtant que ces heures qu'elle peut passer à ne rien faire d'autre que déambuler dans les rues de new-york ne sont pas celles que gabriel aimerait passer pour combler le vide. Il doit sans doute trouver bien peu d'intérêt à ces instants vide de sens. « ou vient peindre dans mon atelier. je suis sûre que ça te plairais. » et que ça te changerais les idées. ça illuminerait l'endroit aussi, ils sont peu nombreux à y mettre les pieds – sans doute parce que nuria est trop étrange pour noué des liens assez fort pour les emmener dans son jardin – il y a peu de chance qu'il se découvre une vocation pour les arts plastiques mais elle sait au moins avec une absolu certitude que s'il y mettait de la volonté il pourrait se déconnecter un peu. Simplement imaginer ce qu'il veut retranscrire sur la toile et ne plus penser qu'à ça. Un paysage paradisiaque ou une femme nue. Ce qui lui plaira, après tout. « bien sûr que ça va. » elle sourit comme s'il ne pouvait en être autrement. Il est révolu le temps des douleurs elle l'espère, il y a longtemps qu'elle a choisi de se délester de ses souffrances en espérant ne plus jamais les retrouver. Consciente qu'elle ne gravite pourtant jamais loin d'elle, elle parvient à ne plus les remarquer. « j'ai vendu une toile aujourd'hui et j'crois vraiment qu'il a du potentiel. Avec un peu de chance, l'acheteur en parlera autour de lui et après .. ça peut aller vite pour lui. » et ça, ça suffit à la rendre heureuse. Sans certitude mais rien qu'avec de l'espoir. Ça marchera peut-être pas, mais elle aura essayé, elle en aura fait un peu. Elle aura donné sa chance à quelqu'un qui le méritait vraiment. Elle a jamais eu besoin de rien d'autre pour se sentir vivante.

Sourire doux pour toute réponse. Elle sait pas si ce célibat dont il parle fait partit des raisons pour lesquels il semble ailleurs parfois. Si c'était juste pour expliquer sa nouvelle passion pour la cuisine.   « tu m'apprendras? » elle demande, curieuse de découvrir un nouvel art. Bien consciente pourtant qu'elle aura sans doute jamais le talent – et l'intérêt – pour le faire correctement. Y a des choses pour lesquelles nuria n'est pas faites, se focaliser trop longtemps sur une unique tâche en fait partie. Elle se contentera sans doute de venir manger ce qu'il prépare parce qu'elle sait ses mots sincères autant que les siens le sont pour lui. Inaliénable lien qui les unis depuis trop longtemps pour que leurs paroles soient le vent que d'autres peuvent se lancer. Futile et versatile. « je tâcherais de m'en souvenir quand je serais à cours de pasta box » qu'elle répond dans un rire. Le ton de l'humour qui masque pourtant l'évidence que nuria est bien capable de s'inviter quand elle en ressent l'envie simplement parce qu'il l'a désormais proposé et qu'elle a toujours fonctionné comme ça. Répondant à ses désirs de l'instant. L'envie d'un repas qui ne soit pas réchauffé au micro-onde couplé à celui de passer du temps avec gabriel l'a mènerait plus souvent ici que la bienséance le voudrait sans doute. « qui a dit qu'il y avait besoin d'en avoir un ? » elle croit pas vraiment aux codes établis nuria, jamais de celle qui accepte les carcans. Assez lucide quand même pour ne pas croire que gabriel ferait des toiles dignes des grands maîtres mais l'enjeu n'est pas là. Sa proposition ne visait pas à faire de lui le nouveau rembrandt simplement à sortir de cette bulle délétère dans laquelle il semble emprisonné aujourd'hui. « ce que je trouve beau, tu le trouveras peut-être laid. Et ce que tu peindras, quelqu'un le trouvera magnifique. » c'est sa définition de la beauté. Immatérielle et subjective. Certaines œuvres qui parlent à certaines parties de l'âme. A certaines personnes. Parfois une dizaine, parfois rien qu'une. Et c'est suffisant pour justifier  « il suffit de faire ce que tu sens et ça sera forcément beau. » y a pas de plus belles œuvres que celles qu'on crée avec ses émotions, pas de plus beaux tableaux que ceux qui les retranscrivent. Même lorsqu'ils semblent ne ressembler à rien ou n'avoir de sens que pour soi-même. La beauté de l'art comme celle de l'amour, ça n'a besoin d'aucune explication. ça existe, simplement. « en grande partie. Et c'est pas facile quand t'es pas entouré de ceux qui font le plus de bruit. » c'est jamais facile. Elle croit pas – de toute façon – aux aisances venues de nul part. Au destin peut-être, celui qui est et celui pour lequel on se bat.  Celui qu'on essaye de provoquer. Il n'est pas immuable, variant sous le joug des moyens qu'on se donne. et de l'espoir, toujours l'espoir. « en portrait en aquarelle, avec plusieurs visages c'était étrange. Et beau. Et très doux en même temps. » les mots sont maladroit à ses oreilles, ne rendant pas hommage à la somptuosité de l'oeuvre. L'art ne s'explique pas, il se vit, il se ressent. comme une musique qui aux basses puissantes qui viennent vibrer jusque dans nos os.

Il accepte,
bien sûr qu'il accepte. Gabriel est de ceux qui font avec les lubies de nuria comme on fait avec les caprices des enfants. On hoche la tête avec entrain en étant sans doute pourtant bien conscient que l'idée ne sera jamais mise en œuvre. Elle viendra peut-être une fois – ou deux – puis elle oubliera. Ou elle préférera le regarder faire plutôt que de s'y atteler parce que cuisiner c'est trop prenant pour les esprits volages. Mais elle sourit quand même, avec la douceur de ceux qui s'attendrissent en boucle sur les évidences qu'ils avaient pourtant déjà déceler : les amitiés comme la leur sont faites pour ne jamais s'arrêter. « et pourquoi ils en auraient pas envie ? » n'est-ce pas tout l'attrait de l'art : vouloir voir, sentir ressentir ce que les artistes veulent raconter sans qu'on sache rien d'eux parfois. Elle sait le monde égocentrique, les gens si facilement enclin à ne regarder que vers eux-même. Nombrilisme à peine assumé quand ils prétendent se soucier de tous. Des menteurs pour la plupart. Mais y croire c'est déjà faire l'effort. Et tant d'autres – des millions d'autres – qui s'y intéresse réellement. Qui s'intéresseraient aussi à gabriel, s'il voulait bien montrer un peu de lui. Oser y croire rien qu'un peu. que ça intéresse quelqu'un « moi ça m'intéresse. Et puis, personne te demande de l'exposer au milieu de l'avenue ou de dire que ça vient de toi. Ça peut juste être … un moyen de décompresser. un bout de toi. anonyme. » parce qu'il ne s'agit que de cela, au fond, la certitude qu'il a besoin de vider quelque chose en lui. Son esprit encombré, son âme tourmenté ou son cœur pesant. Difficile de savoir quand il est si doué aux jeux de dupes, prétendre d'aller bien quand l'éclat de ses pupilles est plus terne qu'à l'accoutumé. Nuria n'accepte de faire semblant de rien voir que parce qu'il est l'Ami avec ce grand A. qu'on connaît trop bien pour le forcer à parler. Qu'on respecte trop pour faire autre chose qu'être là si jamais il le demandait. « viens quand tu veux tu sais que la porte est toujours ouverte pour toi. » elle se souvient pas l'avoir déjà vu en pousser la porte pourtant. Ils partagent beaucoup de choses sans jamais avoir partagé l'art. Comme si c'était un univers trop lointain pour qu'il ai envie de faire le voyage. «  Tu verras c'est comme avoir des dizaines de portes vers des mondes différents. » ça semble idiot voir insignifiant mais nuria sans doute que c'est ce qu'elle préfère. tout est possible aucun carcan n'est assez solide pour emprisonner l'imagination – ou les émotions – on les exprime d'un millions de façon pour que d'autres les vivent de mille autres encore.