sanctify my body with pain ± annalisa

Up from the ashes
Run through the fire
Down by the blade they bled us the same and the blood won't dry
The monsters that made us, they wrote down their names
One by one I'm gonna dig your grave

There's a wolf at your door
There's a hound at your heels
There's a snake in your bed
Tell me, how does it feel?
♛ by wiise

l'hôtesse de l'air te réveilles. Tu grognes tout en passant ta main maladroitement sur le fil de tes écouteurs bien vissés dans tes oreilles ta musique beuglant à présent dans le vide. Elle te baragouine quelque chose en anglais que tu comprends pas très bien, bordel c'est si dur d'articuler pour les américains? Tu grognes et t'excuses plus poliment. "I'm sorry! I get it, we're arrived! thanks!" tu lui souris le plus faussement du monde, sale godiche. Un bref instant, tu te demandes si le jet-lag ne se fait pas ressentir sur ton humeur mais clairement tu t'en tamponnes de savoir si t'as froissé la petite dame. Repliant soigneusement la tablette face à toi, tu te relèves empaquetant le peu d'affaires que t'as avec toi. Tu déménages à l'autre bout du monde, et le seul truc dont t'as besoin c'est une valise ridiculement petite qui passe en bagage cabine. C'est presque flippant, mais foutrement pratique. Seul ton dermographe et ton attirail de travail ne compte. Tes fringues ont déjà été expédiés par transporteur à ta nouvelle adresse, quelque chose en moins à trimballer c'est toujours ça de pris.

à la sortie de l'aéroport après avoir esquivé une foule de gens plutôt impressionnante, tu tentes à présent de te trouver un taxi. Quelle idée de déménager dans le seul coin des US où t'as strictement aucune connaissance, hein anna? Tu tentes d'abord d'attendre patiemment ton tour, puis après avoir été choqué moult fois par l'incivilité des gens, tu te décides enfin à jouer des coudes. Exténuée de tes heures de vol et ne rêvant que d'une bonne douche bien chaude. Tu arrives enfin à griller la priorité à un couple de touristes et grimpe dans leurs taxi venant d'arriver à ta proximité. Goguenarde, tu leurs adresses une excuse dans ton plus bel italien avant de claquer la portière à leurs nez afin de donner ta destination au conducteur. "Déposez moi dans le Queens, s'il vous plaît. N'importe où m'iras très bien." il doit bien être neuf heures du matin, et le soleil brille haut dans le ciel. Ton ventre grognes, te réclamant le saint petit déjeuner. Puis le dîner de la veille que t'as pas eu l'occasion d'avaler, aussi. Ouais donc basiquement tu crèves littéralement la dalle. Alors que la voiture se met en route vers ton futur imminent, tes yeux se perdent dans le vide tout comme tes pensées qui se veulent vagabondes et ta main gauche vient caresser ton alliance.

Ce qu'il y a de pire quand tu perds  quelqu'un c'est que tu ne le perds pas entièrement d'un coup comme un pansement que l'on arrache. Ça serait trop simple de passer à autre chose sinon. Trop simple de s'en remettre. Tu perds d'abord l'odeur dans les draps, celle de sa peau fraîche lorsqu'il sort de la douche. Tu commences à avoir du mal à te rappeler les petits détails comme sa voix, son sourire le jour de votre mariage, la perfection de ses traits tout comme ses imperfections. La douceur de ses mots lorsqu'il te réconfortait, la tendresse de son amour et de ses lèvres sur les tiennes. La perte de Pierre t'as anéantie, réduite à l'état de zombie pendant des semaines. Catatonique, incapable de sortir de ton effroi. Et la chose la plus horrible est que les choses dont tu rappelles le plus sont les circonstances dans lesquelles tu l'as perdu. Son rire mourant dans le sifflement d'une arme à feu, son sang sur tes vêtements et sur tes mains alors que t'essaie de compresser du mieux que tu peux sa gorge atteinte. Tes larmes dévalant sur ton visage et tombant lourdement contre lui de toute la tristesse qui venait de s'abattre sur tes épaules. Tes appels au secours tandis que les passants te toisaient essayant de sauver leurs vie d'une autre balle qui irait se perdre. Il s'est éteint contre toi, dans tes bras sans que tu n'ai pu faire quoi que ce soit. Et tu l'as perdu à tout jamais. Impuissante, incapable. Peut être que tu fuis, tu fuis ce que tu étais et ce que vous auriez pu devenir si on ne te l'avais pas enlevé si injustement. Peut-être que tu fuis ta famille, les crimes dans lesquelles elle se noie et ce depuis des générations. T'en sais rien, t'as pas vraiment réfléchis. Le seul truc que tu sais c'est que si t'es encore debout c'est pour le rendre fier, ton pierre. Tu vivras ta vie pour vous deux, c'est ce que tu peux faire de mieux.

Le conducteur du taxi te fais un brin de discussion. L'homme se met à rire en entendant ton estomac crier famine. tu t'excuses accusant ton vol horriblement long et la qualité pas terrible de la nourriture sur ton vol. La bouffe italienne te manques déjà et tu ne peux réprimander un léger souffle défaitiste. L'échange de banalités suit son court, tu te demandes si tout les chauffeurs sont aussi bavards que celui-ci. Il te demande ce que tu fais dans la vie, tu lui dis que t'es payée à dessiner sur les gens. Il te jette un regard dans le rétroviseur dubitatif, ouais bon vendu comme ça c'est pas le plus révélateur. Aimable, tu lui raconte ce que tu fais de tes dix doigts pour pouvoir remplir ton estomac au moins aussi ouvert à la discussion que l'homme. Il t'explique qu'il est chauffeur de taxi depuis des années, que s'il fait ça c'est pour payer une bonne université à ses gosses. L'amertume te reviens, le sujet des enfants reste encore trop sensible pour toi à l'instant. Tes yeux scrutant l'extérieur par la vitre fumée de la voiture, tu commences à reconnaître certaines rues et endroits. L'homme s'insère sur la voie de droite, se rapprochant du trottoir afin de t'y déposer.  "Tenez, et gardez le change. Merci à vous pour la course, bon courage pour le reste de votre journée." que tu lui dis avec ta politesse maladive. tu lui tends deux billets de cinquante dollars, reprends ta valise et sort du taxi gratifiant son conducteur d'un sourire.

Cela doit bien faire une bonne dizaine de minutes que tu marches dans les rues du Queens bondées à cette heure matinale de la journée. Le soleil brille, faisant rayonner tes cheveux flamboyants dépassant de ton bonnet. Tes lunettes de soleil vissées sur ton nez afin de cacher les valises se trouvant sous tes yeux et ton large cuir sur les épaules, tu te sens fin prête à commencer cette nouvelle aventure qui te tends les bras. Ton smartphone à la main, tu suis à la lettre ses indications afin de trouver ton shop. Tu vivras au dessus de la boutique pendant un moment, le temps de te trouver un chez toi. Ca te suffit amplement, et beaucoup de travail est à venir de toutes façons. Tu finis par déboucher dans une ruelle calme, où seul le bruit de tes bottines sur le béton se fait remarquer. Un sentiment de fierté immense t'assailles quand enfin tu te trouves devant la large devanture de ton salon. Un large sticker posé sur la baie vitrée indique "Thick as thieves" aka "TAT", l'intérieur de l'acceuil est clair et spacieux. Un frisson te parcours des pieds à la tête, ton coeur se serre. Comme s'il venait de poser sa main sur ton épaule, tu te lances à corps perdu dans ce nouveau départ.