It's a quarter after one, I'm all alone and I need you now - Ainswell

Minuit passé, et Kristina ne parvient pas à trouver le sommeil. Elle est devant la télévision, mais en réalité, elle ne regarde rien. Son esprit est ailleurs. Katheryn. Il n’y a qu’elle dans ses pensées. Depuis qu’elle a découvert pour son cancer, elle ne fait que penser à elle, tout le temps. C’était déjà le cas avant, mais ses pensées sont bien différentes aujourd’hui. Elle s’inquiète, elle s’inquiète pour elle. Elle ne peut s’empêcher de se demander si elle va bien, si elle n’a besoin de rien et… Si elle va s’en sortir. Elle voudrait être près d’elle, à chaque instant. Elle voudrait pouvoir la protéger, veiller sur elle. Mais ce n’est plus son rôle. Ce n’est plus sa place. Parce qu’elles ne sont plus en couple, et fatalement, elles ne vivent plus ensemble non plus. Tout ce qu’elle peut faire, c’est répondre présente lorsque Katheryn a besoin d’elle. L’accompagner à ses rendez-vous à l’hôpital, lui tenir la main durant ses séances de chimiothérapie. C’est tout ce qu’elle peut faire. Et elle a toujours cette petite boule au ventre, chaque fois qu’elle la voit, parce qu’elle sait pertinemment qu’elle l’aime toujours, Kristina. Elle est toujours amoureuse d’elle. Elle espérait que le temps atténuerait ce qu’elle ressent, que cette séparation deviendrait de plus en plus réelle, qu’elle finirait par s’y faire. Mais ce n’est pas le cas. D’autant plus qu’elle voit bien que c’est aussi difficile pour Katheryn, qu’elle souffre, elle aussi. Et elle ne cesse de s’excuser, de lui dire qu’elle souhaitait juste la protéger, qu’elle n’a aucune envie de passer à autre chose, des paroles que Kristina entend. Des paroles qui la touchent. Et qui restent coincées dans son esprit. Au fond, entretenir ce semblant de relation ne l’aide pas à tourner la page. Ni elle, ni Katheryn. Mais peu importe. Tout ce qui compte, c’est de préserver la quadragénaire et sa santé. Alors ce soir, lorsqu’elle reçoit un message de cette dernière, elle l’ouvre immédiatement, Kristina. Et elle comprend bien vite que Katheryn ne parvient pas à trouver le sommeil. Elle imagine que dans son état, cela doit souvent être difficile. Alors, puisqu’elle ne dort pas, elle non plus, elle lui proposer d’aller la rejoindre. Sans trop réfléchir. Katheryn est dans sa tête, dans son cœur, et ce ne sont pas de simples messages qui parviendront à l’endormir ce soir. Elle enfile un jean, un tee-shirt tout simple, attrape deux trois affaires qu’elle jette dans son sac, et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle se retrouve dans sa voiture en direction de chez son ancienne petite-amie. Une fois arrivée devant la porte de l’appartement, elle frappe doucement à la porte, et après quelques secondes, cette dernière s’ouvre, laissant apparaitre Katheryn. - Bonsoir… Un faible sourire sur les lèvres, elle entre alors à l’intérieur, déposant un baiser contre la joue de la blonde, lui offrant par la même occasion une caresse contre son bras. Elle sait qu’elle ne devrait pas. Elle ne devrait pas être si tactile. Elle ne devrait pas être si tendre. Mais lorsqu’elle voit la femme qu’elle aime si faible, si fatiguée, elle ne peut pas faire autrement. Elle se laisse simplement aller. Déposant ensuite son sac dans l’entrée, elle se retourne de nouveau vers elle, reprenant. - Je vois que tu ne t’étais pas endormie d’ici à ce que j’arrive… Elle lui sourit de nouveau, au fond, elle est heureuse d’être là. Heureuse d’être avec elle, et de savoir qu’elle va pouvoir passer la nuit près d’elle. Même si cela consiste à passer la nuit sur le canapé, toutes les deux, discuter et regarder les pires programmes à la télévision. Tant qu’elle est là, tant qu’elle peut s’assurer que tout va bien pour Katheryn, c’est l’essentiel.

Elle ne saurait décrire la relation qu’elle entretien actuellement avec Katheryn, Kristina. Elles sont des anciennes petites-amies, c’est certain. Mais elles ne sont pas que cela, puisque c’est bien elle qui prend soin de Katheryn maintenant qu’elle a un cancer. Elles ne sont pas non plus amies, elles ne le seront certainement jamais, parce que la jolie rousse a beaucoup trop aimé la quadragénaire pour pouvoir être son amie. Alors elles sont dans une relation en suspens, une relation indescriptible, à la fois tendre et ambigüe. Pourtant, elle est certaine d’être toujours folle amoureuse d’elle, Kristina. Elle est certaine de ne jamais aimer quelqu’un d’autre comme elle l’aime elle. Mais elle est incapable d’envisager quoi que ce soit avec Katheryn, incapable, parce qu’elle lui a fait beaucoup trop de mal. Parce qu’elle a peur de ne plus jamais pouvoir lui faire confiance, aussi. Et elle sait pertinemment qu’elle ne devrait pas être aussi proche d’elle. Qu’elle ne devrait pas la rejoindre au beau milieu de l’année. Mais se résoudre à la laisser seule, seule avec son cancer, c’est tout bonnement inenvisageable pour elle. Et elle a parfaitement conscience que cette proximité ne l’aide pas à aller de l’avant, pire encore, qu’elle la bloque dans une relation qui appartient au passé, mais elle ne parvient pas à faire autrement. Elle ne parvient pas à se détacher de Katheryn. Et même si c’est cette dernière qui a mis un terme à leur relation, elle voit bien qu’il en est de même pour elle. Elle voit bien que Katheryn a besoin d’elle, qu’il y a toujours le même amour dans ses yeux. Une fois à l’intérieur de l’appartement, Kristina l’écoute et ses paroles lui serre le cœur. Elle l’imagine, elle l’imagine à moitié éteinte, toute la journée. Elle l’imagine, mal, repliée sur elle-même. Et cette pensée la conforte dans l’idée qu’elle veut être là, avec elle, ce soir. - Je suis contente d’être là, moi aussi. Un faible sourire sur les lèvres, elle s’approche du salon avec elle et s’installe rapidement sur le canapé, à ses côtés. Les paroles suivantes de Katheryn lui arrachent un rire et elle reprend rapidement. - Totalement prête ! Ses yeux se perdent alors sur son visage, elle ne peut s’empêcher de la regarder. Elle ne peut s’empêcher d’en analyser chaque trait. Elle est si belle, Katheryn. Elle est si parfaite, comme elle l’a toujours été. - Demain je n’ai rien de prévu alors je peux te tenir compagnie autant que tu le souhaites. Sa main vient alors attraper celle de Katheryn, encore un contact qu’elle ne devrait pas lancer, encore un contact qu’elle devrait éviter, mais elle a ce terrible besoin de la rassurer. De lui montrer que tout va s’arranger. Même si n’est pas en mesure de le contrôler.

Elle a la sensation de se retrouver dans une impasse, Kristina. Elle sait qu’elle ne peut pas reprendre son histoire avec Katheryn, recommencer à zéro alors qu’elle ne lui fait plus confiance, alors qu’elle a bien trop souffert. Mais elle sait aussi qu’elle ne peut pas vivre sans d’elle, qu’elle ne peut pas se tenir trop loin d’elle, qu’elle l’aime toujours. Et au fond, ce cancer n’a fait que lui faire réaliser davantage encore qu’elle est incapable de tirer un trait sur Katheryn. Qu’elle l’aime, qu’elle est toujours folle amoureuse d’elle et qu’elle ne l’abandonnera jamais. Elle aimerait tellement pouvoir revenir en arrière, elle aimerait que Katheryn puisse faire les bons choix, prendre les bonnes décisions, pour elle, pour leur couple, pour leur avenir. C’était comme si d’un geste de la main, elle avait balayé tous les efforts, toutes les complications affrontées, toute la souffrance essuyée pour pouvoir être ensemble. Elles se sont battues pour mener la vie dont elles rêvaient, ensemble, et Katheryn a tout gâché. Elle a tout effacé. Tout, sauf l’amour de la jolie rousse pour elle. Une fois de plus, ce soir, elle ne peut que constater qu’elle sera toujours à ses côtés, comme si son cœur était attaché, enchaîné à Katheryn. Mais assise près d’elle, sa main dans la sienne, elle ne regrette pas. Elle ne regrette pas d’être là, de pouvoir prendre soin d’elle cette nuit. - Ne t’en fais pas, on va zapper et trouver quelque chose ! Dit-elle en échappant un joli rire. Un rire qui s’efface bien rapidement, bien trop rapidement lorsqu’elle entend les paroles suivantes de son ancienne petite-amie. C’est violent, extrêmement violent, d’entendre Katheryn lui avouer qu’elle a commencé à perdre ses cheveux. Parce que même si elle tente d’ironiser la situation, Kristina sait très bien que la quadragénaire est effrayée. Qui ne le serait pas dans une telle situation. Et Kristina, elle, elle est bouleversée. Bouleversée à la simple idée de l’imaginer dans un tel état. Ses yeux commencent même à briller mais elle tente de contenir ses larmes, de ravaler sa peine pour lui offrir le meilleur soutien possible. Et tant pis si son cœur se brise, tout ce qui compte, c’est Katheryn. Une, deux secondes durant lesquelles elle reste silencieuse, sans oser bouger. Et finalement, elle s’approche un peu plus pour prendre Katheryn dans ses bras, avec tout l’amour qu’elle lui porte encore. - Je suis désolée… Je… On va trouver une solution, je te le promets Katheryn. Elle ferme les yeux en la tenant contre elle. Parce qu’elle aussi, elle ne pensait pas que cela arriverait aussi vite. Elle ne pensait pas voir Katheryn aussi mal si vite. Et elle réalise combien elle a eu raison de la rejoindre ce soir. Après quelque chose de si traumatisant elle ne peut pas rester seule. Elle ne peut pas passer la nuit seule. - On va prendre le temps de voir ce qui est le mieux pour toi. On. On, oui. Parce qu’une fois de plus, c’est quelque chose qu’elle affrontera avec elle. Elle est prête à se battre pour Katheryn, pour que ce cancer disparaisse de sa vie, pour qu’elle puisse vivre une belle vie, une vie heureuse.

Elle a mal, tellement mal. Elle a mal, tellement mal qu’elle a la sensation que son cœur va exploser. Elle réalise peu à peu que les mois à venir vont être un véritable cauchemar. Elle réalise peu à peu qu’elle risque de perdre la femme qu’elle aime, qu’elle risque de la voir souffrir le martyre, qu’elle risque de la voir plus épuisée que jamais. Et c’est quelque chose qu’elle n’avait jamais envisagé, lorsqu’elle s’est mise en couple avec Katheryn, Kristina. Elle n’a jamais imaginé qu’un jour peut-être, elle la verrait malade. Qu’un jour peut-être, elle la verrait dépérir. C’est violent, bien trop. Et c’est à la fois une preuve que son amour est sincère, que son amour est réel. Parce qu’elle a peur, elle a peur pour elle, elle est même terrifiée, mais elle ne pense pas une seule seconde à prendre la fuite. Elle ne pense pas une seule seconde à s’éloigner d’elle. A lui dire adieu. Au contraire, elle s’approche et la prend dans ses bras de la manière la plus solennelle qui soit. Ce qu’elle souhaite lui dire à travers ce câlin, c’est qu’elle est là. Qu’elle est là et qu’elle ne l’abandonnera pas, jamais. Katheryn lui assure pourtant qu’elle va bien, que tout ira bien. Caressant son dos à son tour, la jolie rousse reprend la parole à son tour. - Tu es la femme la plus forte que je connaisse. Un doux sourire apparaît sur ses lèvres. Elle est bouleversée, mais elle n’a pas le droit de l’être. Elle se reprend alors, se détache d’elle, sourit à son baiser avant d’attraper l’une de ses mains. - Peu importe la couleur, tu seras toujours magnifique. Mais évite le roux, il ne faudrait pas qu’on se ressemble. Dit-elle en laissant échapper un rire. Puisque Katheryn souhaite dédramatiser la situation, c’est également ce que fera Kristina. Elle l’accompagnera, et ce sera douloureux, elle en a conscience, mais l’essentiel est que Katheryn se sente bien. La jolie rousse n’a aucune envie de la voir perdre confiance en elle, elle sait à quel point perdre ses cheveux peut-être difficile pour une femme, alors elle tient à lui rappeler qu’elle sera toujours la plus belle. Et malgré tout, sa main contre sa joue lui fait du bien. Elle lui sourit, encore un peu plus en reprenant. - On peut se faire des chocolats chauds ? Lorsqu’elle la regarde, elle parviendrait même à oublier toute la souffrance, tout ce qui s’est passé entre elles. Elle ne voit plus que l’amour, la complicité, la tendresse, la passion.

Elle comprend ce que Katheryn tente de faire, parce qu’à sa place elle en ferait elle-même autant. Elle ne voudrait pas la voir s’inquiéter, la voir malheureuse ou souffrir de la situation. Alors elle comprend. Katheryn souhaite simplement la protéger de ce que la maladie implique. Mais quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle dise, elle souffrira, Kristina. Elle souffrira et elle le sait. En acceptant d’être auprès d’elle pour affronter son cancer, elle a également accepté la douleur que cela allait lui infliger. Mais elle préfère mettre un mouchoir sur cette dernière, elle préfère se blinder entièrement, pour pouvoir rester avec elle. Il est hors de question qu’elle laisse la souffrance la ronger, pas alors que Katheryn a plus que jamais besoin d’elle dans sa vie. Ses paroles lui font d’ailleurs un bien fou, et un sourire ému s’installe sur son visage sans même qu’elle ne le réalise. Même si, au fond, elle en doute grandement. Katheryn est une femme forte, elle l’a toujours été et elle n’a pas besoin d’elle pour le rester. Non, Kristina souhaite simplement être près d’elle pour prévenir un éventuel moment de faiblesse, un moment où elle aura besoin de quelqu’un pour la relever. Elle reste près d’elle pour s’assurer que tout aille bien. La tendresse entre elles est encore extrêmement présente. Elles ne peuvent s’empêcher de se toucher, elles ne peuvent s’empêcher de garder un contact, une proximité. Elles ne peuvent s’empêcher de se sourire, de maintenir la complicité évidente qui les liées autrefois. - Arrêtes, tu sais bien que tu seras toujours sexy ! Un petite rire s’échappe de ses lèvres, une nouvelle fois. Elle accepte de se détendre, elle aussi. Elle se laisse aller, complètement. Elle tente d’oublier que la situation est loin d’être drôle. Elle tente d’oublier que la femme qu’elle aime est souffrante. Pour se concentrer, juste ce soir, sur l’instant présent. Sur cette soirée qu’elles partagent, sur cette soirée apaisée. Bien loin des pleurs, loin des cris. Loin de tout ce qui a pu détruire leur relation. Acquiesçant une fois de plus lorsque Katheryn lui affirme qu’elle va bien, elle sent son cœur se réchauffer peu à peu. Il n’en faut pas plus à Kristina pour la rendre heureuse, actuellement. Elle ne pense à rien d’autre. Même plus à leur couple passé. Parce que Katheryn compte plus que tout. Alors elle la laisse s’occuper des chocolats chauds pendant qu’elle, elle cherche un film qui pourra les occuper une bonne partie de la nuit.  Elle zappe quelques instants avant de tomber sur un film qui semble pas mal, un thriller. - Oui, je crois que ça pourra faire l’affaire. Un sourire qu’elle lui offre, juste avant de la laisser s’installer à ses côtés de nouveau. - Merci pour le chocolat. Glissant sous le plaid que Katheryn apporte, Kristina réalise pour la première fois que ce sont des choses qu’elles faisaient lorsqu’elles étaient en couple. Elles sont bien trop proches, et pourtant la jolie rousse ne trouve pas le courage de se détacher. Elle ne trouve pas le courage de s’éloigner, elle reste là, collée à elle. - Ça me rappelle la fois où on avait mis un film et que tu t’étais endormie au bout de cinq minutes à peine. Dit-elle en riant à nouveau. Elle s’en souvient comme si c’était hier. C’était quelque temps après la fusillade à l’université, une des première fois où elles ont pu réellement se parler à cœur ouvert.