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Message Sujet: imposter(s).   imposter(s). Empty Lun 4 Juin - 0:55

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avec kerri lieberman

Il est quatorze heures sept. Mardi. Les talons d’Alma crépitent sur le trottoir. Pour l’oiseau de nuit, c’est le petit jour. D’épaisses lunettes de soleil protègent ses rétines encore rouges de la veille, quand les néons érodaient la pupille ou que la lumière était si basse qu’il fallait plisser le regard et se pencher par-dessus la table de jeu pour bien se voir. Trois heures après s’être couchée, la culichi passait un pantalon stretch noir, un t-shirt blanc ordinaire et un perfecto sombre au revers épinglé d’un pin’s mignon mais kitsch – la mascotte d’un petit cinéma occulte et fermé depuis longtemps. Le noir lui sied, des épaules aux chevilles. Il y a longtemps qu’Alma ne fait plus attention aux costumes qu’elle revêt, pour accompagner untel, pour solliciter un autre. À chaque job, son uniforme. Le sien est plus… malléable. Et, d’autres fois, plus aéré. Ce boulot-là, il n’exige pas grand-chose qu’une tenue sobre (pas tout à fait le genre de la maison), qu’elle a piochée dans les coupes et tissus qui mentent le plus sur ce qu’elle est et, surtout, sur ce qu’elle fait.

La femme s’appelle Kerri Lieberman. Alma et elle ne se connaissent pas et ce n’est pas appelé à changer. D’après Slevin, Kerri Lieberman sait ce qu’elle a à faire. Tout l'ennui avec ce petit blondinet crasseux et trapu, c'est qu'il a un sens du fric aiguisé mais un talent pour la combine extrêmement relatif. À force de le fréquenter, Alma se méfie ; elle est déjà allée récupérer des paquets dans des arrière-salles pas très nettes comme dans des bureaux de grands standings en plein Manhattan, auprès de secrétaires qui en expédient des centaines à la journée ou des petites-amies pas très conscientes de ce qui leur passe entre leurs paluches manucurées. Lorsque ce bougre de Slevin a dit que c'était une galerie et que le colis serait deux tableaux de soixante-dix centimètres par soixante, Alma n'a pas fait l'étonnée cependant qu'elle l'était en-dedans. Ce n'est pas tous les jours que la môme de Culiacán se pointe dans le Queens des bobos de plus de quarante ans, Alfa Romeo sur le parking et un verre de rye whisky et de vermouth rouge sur le rooftop à vingt heures. Alors : tant pis pour ses scrupules et la marge d'erreur Slevin Miller. Elle pousse la porte de la galerie d'un geste énergique, comme s'il n'y avait rien de plus naturel pour la fille de Sandro et Lucia Ocáná de se trouver là. Peut-être cette Kerri Lieberman sait-elle ce qu'elle fait. Ou peut-être n'en a-t-elle aucune idée.

Il n’y a qu’un seul visiteur. Il note la présence d’Alma mais ne s’intéresse pas à elle. En règle générale, elle n’apprécie guère l’indifférence qui ne la flatte pas, au minimum, une fraction de seconde. Dans ces circonstances, elle s’en accommode en flânant parmi les œuvres fixées aux murs ou installées sur des promontoires et baguettes métalliques. C’est peu dire qu’elle ne s’y connaît pas le moins du monde. Aucune couleur ni aucune forme ne lui évoque quoi que ce soit – ou alors des gribouillages scolaires que les parents font semblant d’aduler quand c’est le méfait de leur progéniture. À Corona, il y avait quelques bons dessinateurs mais la grande majorité artistique qui s’exprime le fait à la bombe de peinture et sur des toiles de bétons et de briques. Ça, ces bordures propres, ces rivets, ces couleurs timides, c’est de l’Art blanc et de l’Art riche. Alma en fait rapidement le tour de son attention factice et lorsque, finalement, la rousse dont on lui a fait le portrait (plutôt flatteur, au demeurant) la veille se révèle dans son dos, l'hispanique pivote sur ses talons hauts et présente une paume ouverte et professionnel. « Alma. » Dans son domaine, les noms de famille sont superficiels. Quand ils ne sont pas carrément dangereux. « Je viens récupérer la commande de mon patron. Miller, elle précise à toute fin utile. »
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Message Sujet: Re: imposter(s).   imposter(s). Empty Jeu 7 Juin - 20:13

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avec alma ocana

Un oeil à sa montre. Le temps s’est figé, comme toujours lorsque l’irlandaise est en mauvaise compagnie. Il n’y a que son pied pour battre la mesure et témoigner de l’impatience qui l’étreint peu à peu. Kerri a vite appris les règles de la bonne société, du sourire aimable et des tics nerveux qu’on ne laisse pas deviner. Pourtant il y a des restes, des lacunes que même les années de pratique ne parviennent à combler. Et puis il y a cet accent du bronx, ces intonations traînantes et moins soutenues, cet agacement qui fait parfois vibrer les cordes vocales. Quand ses doigts commencent à leur tour à tapoter le plexiglas transparent de son bureau, son interlocuteur sait que les minutes sont comptées. La diction s'accélère, les mots se bousculent, mais le charme n’opère pas. Bientôt, Kerri se lève. Entretien terminé. Une main tendue qu’il saisit, et elle lui montre la sortie.

Pas de regrets. L’irlandaise n’aime pas les affaires. C’est bien là l’aspect du boulot qui la laisse encore amère. Elle aime l’art pour sa beauté, son unicité. Elle aime l’argent, aussi. Certainement bien davantage que ce qu’il serait convenu d’admettre. Mais les deux ensemble, c’est un mariage raté. Kerri ne brade pas ses tableaux, et ne les survend pas non plus. Au milieu de ce paraître qu’elle s’inflige constamment, il n’y a bien qu’avec les oeuvres d’art qu’elle est d’une honnêteté totale. Son rendez-vous dehors, elle ferme la porte et s’affale dans le premier fauteuil venu. Coincée dans son tailleur, elle abaisse la fermeture éclair sur le côté, et cherche son air comme une plongeuse après une compétition d’apnée. Le repos n’est pourtant que de courte durée. On frappe à la porte, et quelques secondes d’hésitation après, une tête s’engouffre par l’entrebâillement. Quelqu’un est dans la galerie. On ne la dérange pas au simple visiteur, au passant venu se rincer l’oeil devant des oeuvres qu’il n’aura jamais autrement que sur des reproductions bon marché. Kerri se lève, ajuste sa tenue et emboîte le pas à son assistant. Qui que soit l’intru, il dérange. On la brief en deux mots. L’autre détonne, pas assez couleur locale.

Au détour d’un couloir, Kerri comprend mieux. La jeune hispanique qui traîne devant ses oeuvres d’art n’aurait probablement pas assez de son appart’ et de tout son contenu pour se payer la moindre babiole ici. Du moins, c’est ce que son apparence laisse à deviner. L’irlandaise pose sur ses lippes son sourire le plus polie et laisse ses talons claquer jusqu’à la petite brune qui musarde entre deux monochromes. La raison de sa présence ici lui importe moins que de la savoir loin, et vite. Quiconque est susceptible de rentrer ici jugera le contenu de la pièce à travers ses oeuvres et ceux qui les contemplent. Kerri n’a pas besoin d’une boule de divination pour entrevoir les critiques que la présence de la jeune femme pourrait engendrer. Elle a vite appris les règles, Kerri. Et nul doute que sans ce mariage propice, elle aurait été la première à se voir interdite de séjourner en pareil endroit. La gamine se retourne et lui tend une main rigide qu’elle sert avec fermeté. « Kerri. » répond-t-elle du même ton. Pas de fioritures. Contrairement aux apparences, elle n’est pas simplement perdue au milieu des peintures. Pourtant, en écoutant sa demande, Kerri laisse échapper un rire involontaire. Elle se ressaisit juste assez pour poursuivre sans marquer d’interruption. « Assurément c’est une blague. » Elle ne rit plus, pourtant. Et son sourire s’est évaporé, lui donnant l’air d’une institutrice un peu trop sévère prête à distribuer un blâme. « Je ne sais pas qui vous a dit que vous pouviez récupérer des tableaux comme dans un quelconque drive in, mais il ne suffit pas de se présenter au comptoir pour être servie. » Le talon claque et le regard se fait sévère. Qui que soit cette môme, on ne l’a pas assez briefée. Un tableau, même insignifiant, ne se transporte pas sous le bras comme un banal sac de patates. Kerri ne sait pas ce qui se passe, mais l’instinct de la gamine qu’elle fut n’a pas totalement rendu l’âme. Quoi qu’il se advienne, elle n’en aimera certainement pas l’issue.
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Message Sujet: Re: imposter(s).   imposter(s). Empty Mer 13 Juin - 11:51

Le rire de la galeriste (un de ces rires dépourvus de tout sentiment, de toute joie) fait sourciller Alma. L'éclat de désinvolture, qui loge dans ses pupilles depuis le jour de sa foutue naissance à Culiacán, s'accentue aussi maladivement qu'à souffler de l'oxygène sur des braises. D’un côté, elle s’essaie à faire bonne figure, et ce n’est donc rien d’autre qu’un mécanisme de défense. De l'autre, le scepticisme l'envahit : Kerri Lieberman n'a pas du tout l'air de savoir ce qu'elle a à faire. Pour commencer, desserrer ce masque de sévérité qui fiche un sacré coup de mépris à la mexicaine. Les gens bien (pas seulement les nantis, les gens globalement certains d'eux-mêmes et de leur rectitude morale) ont tendances à se verrouiller dès la moindre contradiction à leur petit univers parfait et parfaitement rodé. C'est différent lorsqu'on a été exhumée du chaos et de la triche. Rien ne va de soi. Tout devient une question d'adaptation, pour survivre. Et Alma possède un talent remarquable pour cela. Quelles que soient les circonstances, qui que ce soit son interlocuteur, il y a des chemins à prendre et des mots préciser pour les paver : « Vous voulez dire que je devrais ajouter un S'il-vous-plaît, sinue-t-elle entre l’ironie et la platitude, ou que vous n'avez rien au nom de Slevin Miller ? » À ce sujet, aucun doute n’est permis cependant. Comment pourrait-on laisser le moindre détail à la merci du hasard ? L’adresse est vérifiée mille fois, de même que le nom de la propriétaire. Alors pourquoi tout ceci sent le traquenard ou, à peu près pire, la combine mal-conçue et tout près de foirer ? Pour sûr, ce ne sera pas sa faute. Elle ne foire pas, jamais. On est trop vite cramé, trop vite dispensable, trop vite remplacé. Et, d’une manière plus générale, l’ego d’Alma Ocana n’endure pas bien l’échec. « Je peux repasser plus tard, elle suggère avec un ton de diplomatie qui, heureusement, ne sonne pas aussi fond que la substance de ses réflexions. Si vous voulez passer quelques coups de fil pour vérifier. » À la question Auprès de qui ?, qu'est-ce qu'Alma en saurait ? Elle ignore même ce que les deux tableaux sont censés payer. De deux choses l’une : elle en a une petite idée mais préfère encore n’être pas fixée. Ce qui est sûr, c'est qu'il vaut mieux cela que des billets et, franchement, il est plus indiqué, par tout bon avocat, que cela demeure ainsi.
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