super(wo)man. (joe)

c'est quand même le coin le plus classe du queens. ça n'a rien à voir avec effervescent. c'est beau par ici. c'est grand. c'est là où il faut se montrer du moins, c'est ce que tu as cru comprendre. t'en as essayé des boîtes. parfois, tu t'es fait refoulée parce que les videurs ont gardé les yeux un petit peu trop longtemps sur ta fausse carte d'identité. ils ont fini par comprendre que tu te foutais de la gueule du monde. que ton objectif, c'était de corrompre ton entourage, de grandir plus vite que tu ne le devrais. ce n'est pas ta faute. sans doute parce que tu es la dernière d'une fratrie de trois et que tu as toujours voulu ressembler aux plus grands. en tout cas ce soir, on te demande pas ta carte d'identité. en même temps, tu rentres dans un bar et, elle t'avait bien dit la petite blonde du cours de sciences que tu n'aurais aucun mal à pénétrer dans les locaux. un jeu d'enfant. pourtant, t'as pas fait énormément d'effort ce soir. t'as enfilé une robe certes mais, celle-ci n'a rien d'exceptionnelle. elle est courte, assez près au corps mais d'une simplicité sans faille. couleur noire, pas trop longue, pas trop courte, pas trop décolletée. parfaite, en soit. tes cheveux ondulés glissent le long de ton dos. t'as opté pour du mascara, un rouge à lèvres nude. rien de plus banal. et pourtant, lorsque tu te diriges vers le comptoir pour commander un verre, on arrive à te faire chier. pas le barman. lui, il te sert sans se poser des questions. ce sont les gars qui se trouvent autour qui posent problème. certains sont un peu trop bourrés pour être resservis. d'autres surement drogués jusqu'aux os. et puis, y a ceux qui sont juste lourds au naturel. en tout cas, pas beaucoup de types bien dans les parages. tu serres les dents pour ne pas t'énerver. tu tentes de faire abstraction face aux remarques, aux avances qu'on peut te faire. tu fais comme si tu n'entendais rien et ce, même si ce n'est pas facile. encore moins quand le type vient s'asseoir à côté de toi et pose sa main contre ta cuisse. instinctivement, t'as un mouvement de recul mais, t'as pas envie de foutre la merde au milieu de tout ce monde. tu te dis juste que t'as rien à foutre ici.

Tu te demandais parfois toi-même pourquoi tu t’obstinais encore à venir dans le coin. Les videurs étaient certes plutôt cool et peu regardants pour les filles qu’ils laissaient passer mais purée, il fallait vraiment se les coltiner, les baltringues qu’ils acceptaient également. A croire qu’ils essayaient d’assembler tous les tocards du Queens sur une même place ! Encore heureux que la musique était bonne et non pas de vieux remix. Non, là les morceaux avaient de quoi te faire bouger jusqu’au bout de la nuit et c’est d’ailleurs ce que tu faisais, sur la piste de danse. C’était ton truc ça, la musique. Tu ne savais pas chanter mais onduler ton corps au rythme du son et laisser ton cœur battre en diapason avec les basses, ça c’était quelque chose ! Sur la piste de danse, tu oubliais un peu ta vie et surtout, de penser.
Mais ça ne te rendait pas aveugle pour autant et les types qui te tournaient autour te gonflaient, ils sentaient la transpiration, l’Axe et le rut. T’étais pas intéressée et tu n’avais pas la patience de leur faire comprendre. Tu n’avais pourtant rien de particulier, rien qui puisse te rendre réellement attirante : ta robe coulait sur toi comme de l’eau parce que tu n’avais aucune forme pour la retenir. Il n’y avait rien pour te mettre en valeur sous l’étoffe, rien à part ton air fauve et ta crinière décolorée qui jurait avec celle des autres filles aux cheveux bien lisses et bien coiffés. Celle du bar par exemple. Une vraie princesse avec ses grands yeux de biche. Elle était belle. Et comme toutes les belles filles, elle était entourée d’un essaim de mecs qui tentaient tour à tour leur chance. L’un d’eux se fit plus hardi, une main sur sa cuisse, remontant vers l’intérieur comme sur un terrain conquis. Mais putain, pourquoi est-ce qu’elle ne lui en collait pas une ? Toi, t’avais envie de lui envoyer sa tête jusqu’en Chine pour l’avoir touchée comme ça, sans même dire bonjour. Enfin, ça c’est ce que tu t’imaginais parce finalement, t’en savais rien toi, tu n’étais pas à côté d’eux mais ce fut plus fort que toi. Avant même de pouvoir te reprendre, tu t’étais déjà dirigée à grands pas vers eux et sans autre forme de procès, tu attrapais le bras de la princesse pour la tirer de son tabouret. « NON MAIS CA VA BIEN OUI ? QU’EST-CE QUE TU CROIS FAIRE LA ?! » lui criais-tu dessus à travers la musique. Peut-être que tu étais en plein délire, peut-être que tu avais trop bu ou alors, peut-être que tu étais juste en train de lui offrir une porte de sortie à cette situation. Ceci dit, peut-être que tu y gagnerais une belle marque rouge sur ta joue, les paris étaient lancés.

@Isa Bora Pardon pour l'attente !

si tu viens ici, c'est parce qu'on t'a dit que les videurs ne regardaient pas les cartes d'identité. trop facile. tu rentres dans la boîte comme une lettre à la poste. tu observes la populasse. pas la meilleure du monde pour le coup. beaucoup de filles comme toi, trop jeunes pour se trouver dans un endroit pareil. beaucoup de mecs plus âgés qui se permettent de détailler chaque partie du corps de chaque demoiselle présente sur les lieux. toi, tu ne prêtes aucune attention aux regards qui peuvent se poser sur toi. t'es trop occupée à gagner le comptoir pour commander un verre. c'est ce que tu fais et barman acquise, léger sourire collé sur les lèvres. tu te permets de lui rendre parce que c'est le personnel quoi, tu sais que ce n'est pas méchant. verre à la main, tu t'amuses à repousser certains types, te concentrant sur la musique qui résonnait dans tes tympans. tu tentes de caler quelques paroles sur ce rythme un peu trop rapide pour les sons que tu te permettais d'écrire jusqu'à maintenant. tu bouges la tête en faisant tourner le contenu de ton verre, essayant d'oublier les avances insistantes du type d'à côté. tu serres les dents, tu serres les poings. tu te redresses mais tu ne dis rien, tu ne fais rien pour te défendre parce que tu ne t'attendais pas à cela. y a une fille qui vient à votre rencontre. elle te chope le bras d'une manière assez violente afin d te tirer du tabouret sur lequel tu es perchée. t'n fais tomber ton verre qui se brise sur le sol sans grande discrétion. même le mec super relou à un mouvement de recul. tu le regrettes. t'aurais préféré qu'il lui transperce le pied de manière brutale. en tout cas toi, tu te passes une main dans les cheveux, te les arrachant presque par la même occasion. putain... que tu jures agacée. tu ne prêtes aucune attention à la demoiselle, préférant quitter cette pièce. tu te faufiles entre les gens, tu les pousses, tu gagnes la sortie assez rapidement. tu t'appuies contre le mur pour respirer une grand coup, les yeux fermés. les vibrations du mur qui résonnent dans ta tête, dans ton corps tout entier. t'en veux au monde entier. t'en veux aux hommes. t'en veux à cette fille qui vient de te pourrir la soirée -mais sauvée la vie en même temps.