Somebody save me. (Gaspar)

✩ Somebody save me.

Il n’est pas un héros, il lui affirme. Non, peut-être pas tous les jours. Mais, indéniablement, il a été son héros ce soir. Elle ne sait pas ce qu’il serait advenu d’elle, sans lui. Son agresseur n’était sûrement pas censé la tuer. L’on ne cherche pas à ôter la vie de quelqu’un si on veut espérer revoir son argent. Mais l’homme qui l’a engagé semblait plus que prêt à s’amuser avec elle. Seulement c’est à ses proches qu’il pourrait s’en prendre. C’est cette pensée, plus que tout le reste, qui la terrorise. Ce sont les doutes, finalement, qui viennent l’assaillir. Peut-être qu’elle n’aurait jamais dû venir à New York. Peut-être qu’elle aurait dû fuir à l’autre bout du monde. Ou bien trouver de l’argent, coute que coute, quitte à employer les pires moyens. Peut-être qu’elle aurait juste dû réfléchir avant de se mettre dans une situation aussi critique. Une situation qu’elle finit par lui exposer, à cet inconnu, sans la moindre once de prudence. La méfiance est loin d’être une habitude chez elle, plus encore alors qu’elle est aussi chamboulée que cette nuit. Que risque-t-elle de plus, de toute manière ? Elle est déjà plongée dans les ennuis jusqu’au cou. Au pire, rien ne changera. Au mieux, parler la libérera. Et c’est le cas. Se confier à lui, lui qui n’est qu’un inconnu, cela lui fait du bien. Cela lui donne la sensation de se délivrer d’un poids qu’elle porte en elle depuis des mois entiers. Tout de suite, le jeune homme lui assure que son secret est en sécurité avec lui. Comme s’il comprenait à quel point elle y tient, comme s’il devinait toutes les angoisses qui peuvent bien l’habiter. Il est apaisant, Gaspard. Si serein qu’il parvient, même à distance, à calmer les battements effrénés de son cœur. Un sourire, faible mais sincère, vient se dessiner sur les lèvres de la jolie blonde devant sa promesse. – Merci, ça… Ça fait du bien d’en parler à quelqu’un. D’ordinaire, elle partage tout, ne serait-ce qu’avec sa fille. Ses déboires amoureux, ses échecs professionnels, elle est loin d’être de ceux qui les gardent pour soi. Elle a besoin de parler, Cassey. C’est certainement pour cette raison que se taire était si difficile. Et s’ouvrir à cet inconnu, si facile. Pour cette raison mais pas seulement. C’est aussi quelque chose qui se dégage de lui. Elle ne saurait dire si c’est ce sourire rassurant qu’il lui a offert, cette voix, calme et posée, si différente de la sienne. Ou bien ce regard confiant et assuré qui lui donne la sensation que, au moins en cet instant, elle est en sécurité. Il la tranquillise, irrémédiablement, mais elle ne s’attend pas une seconde à ce qu’il veuille l’aider. Un peu interloquée par sa question, la blondinette fronce à peine les sourcils, en signe d’incompréhension plus que de méfiance. Il s’excuse pour sa curiosité qui n’en est pas vraiment une. Il est médiateur et négociateur, prêt à l’aider. – D’accord, donc vous n’êtes pas un héros mais un ange gardien tout compte fait. lui dit-elle, dans l’esquisse d’un sourire. Elle n’ose réellement y croire, elle est beaucoup trop désespérée pour oser y croire, pas si facilement. Mais elle décide de répondre à ses interrogations, malgré tout, qui sait ? – Vingt mille dollars. avoue-t-elle, un peu honteuse. Elle vient d’un milieu où parler de ses problèmes d’argent mériterait la camisole de force. Un milieu où les problèmes d’argent ne sont pas censés exister. Elle voulait seulement le meilleur pour sa fille, Cassey. Mais elle a vu trop haut, trop haut pour ses frêles et seules épaules. – Il s’appelle Logan, il détient un bar à Los Angeles. Il y a des choses pas claires dedans mais je ne sais pas exactement quoi. Elle a peu d’informations, elle en a conscience. Elle n’a pas tant cherché à connaître cet homme avant d’accepter son argent. Elle était seulement soulagée d’en obtenir rapidement pour éponger ses dettes. Mais ce qu’elle lui doit, à lui, c’est pire. Et cela pourrait bien se finir par sa vie. C’est la gorge nouée, la détresse dans les yeux, qu’elle conclue dans un murmure. – Je ne sais pas… Je ne sais pas comment vous pourriez m’aider. C’est son argent, il est en droit de le réclamer. J’ai juste été trop stupide de croire que je pourrais le rembourser.