décadanse (jaime)

le cœur bat trop fort. trop vite. l'angoisse s'infiltre comme un poison dans ses veines, brûlante et glaciale à la fois. elle prend aux tripes, s'accroche comme un fauve sur sa maigre proie. quelques perles de sueur viennent rouler sur la peau de son front. il faut juste attendre. les yeux sont clos, les paupières contractées, intérieurement un combat fait rage. elle a trop tardé avant de se piquer avec sa dose. il faut juste attendre. elle est là, plantée sur ses draps défaits au milieu de son appartement, priant tous les dieux qui n'existent pas pour que le calvaire s'arrête. elle est là, toute seule face à ses démons, mais pas assez sociable pour supporter quelqu'un d'autre. surtout elle refuse de se montrer vulnérable, la grande, la forte will n'est qu'une ombre à la portée de tous. il faut juste attendre, c'est bientôt la fin. cette phrase, elle la marmonne en boucle. une dernière fois et les fils qui la maintiennent debout cèdent sous le poids de sa crise. tout son corps se laisse tomber sur le matelas. elle ne cherche pas à lutter, elle veut juste un peu de paix dans cette fin de matinée. elle veut juste que tout ça s'arrête.

quelques heures, une éternité peut-être. le souffle est apaisé, il retrouve un peu de son rythme habituel. le palpitant bat toujours la chamade, déchet d'une angoisse trop forte, trop longue, trop tout. le soleil ne tardera pas à s'effacer derrière l'horizon, l'idéal pour arracher les tourments à grand renforts d'alcool. la plage sera le repaire pour cette nuit, il ne lui manque plus qu'à envoyer une invitation, elle sait très bien à qui. pas assez proche ces derniers temps pour poser des questions fâcheuses, mais assez pour que ça ne soit pas étrange. quelques mots sur l'écran du téléphone, écrits tant bien que mal entre deux tremblements. jaime, cette fille pas si différente de will jusqu'à sa séparation avec son ancien mec, il parait qu'elle a réussi à se sevrer. la jalousie efface son léger sourire, l'admiration se teinte d'une pointe de jalousie. elle a su combattre ses démons, plongeant will dans sa solitude, encore un peu plus. c'est moche, c'est égoïste à en pleurer, mais elle n'a pas l"intention de la laisser plus longtemps dans cet état, elle refuse de sombrer toute seule. la satisfaction la pousse à se lever, ultime effort pour se préparer sommairement et pousser ses pieds dans un dernier effort, le prochain objectif bien en tête. l'alcool est ravitaillé, ses pas les mènent bientôt vers une ruelle bien plus sombre, plus angoissante pour le commun des mortels. la louve se métamorphose en agneau devant la silhouette du dealeur, les pulsations cardiaques s'emballent, putain de faible, un caniche rampant au sol devant son maitre. quand elle se remet en marche, la mâchoire est serrée, en colère contre elle-même de ne pas avoir su s'imposer devant lui. le chemin vers la plage isolée n'est plus très long, mais assez pour qu'elle rumine toute seule, malgré le joint coincé entre ses lèvres gercées. la cadence s’accélère, les pas se succèdent plus rapidement pour arriver à la destination tant convoitée. elle s'éloigne consciencieusement du risque de foule et se laisse aller sur le sable fin. les lumières à l'horizon témoignent de l'activité, une vie plus lointaine, une vie à laquelle elle n’accédera jamais, pas assez riche, pas assez souriante pour se mêler à ce milieu. le bruit machinal d'une bouteille de bière ouverte coupe le silence presque religieux de cette soirée. et si jaime ne vient pas ? et si elle reste plantée là, en proie à sa solitude, pauvre petit agneau isolé ? ce sera un soir comme les autres, un soir de trop.
j'ai besoin de toi comme l'ombre à besoin du jour.