papier glacé (tazmin)

Tu t’observes, face aux miroirs, t’observe les moindres recoins de ton corps presque nu. Tu le connais par cœur ce corps, pour l’avoir tant observé, tant admirer, t’en être tant satisfaite. Il y a même un moment ou tu t’es dit qu’il pouvait te rapporter de l’argent, se monnayer pour sortir de ton quotidien merdique, quitter le Bronx et cette vie qui ne te convenait pas. Tu ne l’avais jamais regretté, même si ton rêve n’avait jamais été celui de poser pour ce genre de magazine, tu n’avais jamais remis en question ton choix. Mais aujourd’hui ce corps avait changé, il y avait quelques choses d’étrange, quelques choses en plus. Ou plutôt quelqu’un. Un habitant furtif, plantant ses racines au creux de ton corps, étendant ses liens dans tes entrailles comme une mauvaise herbe qu’on ne pourrait combattre. Tu le sens pas pourtant. Tu ne sens rien. Rien d’anormal. Rien de différent, ou presque. Pas l’ombre d’une sensation, d’une présence, d’un quelconque indice qui puisse t’indiquer qu’il est bien là, grandissant. Tu sais pas si c’est normal, tu sais pas si toutes les femmes ressentent la même chose, ou juste ce néant. Tu te tournes un peu, un angle peu favorable, ton ventre plus aussi plat, une peau qui commence à se tendre peu à peu, qui ne sera bientôt plus qu’un rond bien parfait, une lune régulière trahissant alors ta situation de femme enceinte. Tu pensais, naïvement, que tu pourrais le cacher bien plus longtemps, qu’ils n’y verront rien, rien avant que tu ne trouves une solution, une idée, une issu à tout ce merdier. Qu’est-ce que tu feras quand ton ventre trop rond t’empêchera de travailler ? De poser pour quelconque photo ? Tu sais bien ce qui se passera, aucun photographe ne voudrait de toi, surtout pas pour ces photos-là, surtout pas dans ton état. Qu’est-ce que tu feras quand tu ne pourras plus non plus te faufiler dans les poches des plus riches, balancer des œillades et des sourires pour charmer, s’approcher. Tu te trouves déjà repoussante, pourquoi est-ce que ce serait différent pour ces hommes ? Tu soupires, une main dans tes cheveux t’entend que l’ont t’appelle de l’autre côté de la porte. « J’arrive ! », t’attrape là tenu posé derrière toi, la robe moulante, près du corps. Tu sais pas vraiment comment tu pourrais cacher ta récente grossesse avec une telle tenue, et tu’es plus tellement sur de vouloir faire ces essais photo. Pourtant t’en rêver. Un vrai modèle, pour un vrai magazine, loin de cette photo dénudée, de c'est cliché de plastique. C’est ta chance Tony, tu le sais, la chance que tu attendisses depuis longtemps, qu’on te donne enfin. Tu peux pas la rater. Tu peux pas la louper. Alors t’enfile le tissu qui se tend contre ton corps, arrange tes cheveux avant de rejoindre Tazmin, Tu te places rapidement, laisse pas le temps aux personnes qui t’entourent de remarquer quoi ce soit, arrange tes cheveux en observant l’objectif. « Alors… Tu veux le faire comment ? », t’essayes de trouver le meilleur angle, la meilleure façon, de cacher ton ventre arrondi.