how many licks does it take to get to the center of the loneliness? / gia.

ce monde, il a l'goût des bonbons sucrés de papa, ceux qu'il glissait sous son oreiller à chaque fois qu'elle perdait une dent, comme pour l'encourager à en égarer d'autres. enfin, plus exactement, de ceux qui perdent tout leur goût après avoir été abandonné sous le matelas pendant trop de mois. ce monde, il est d'un gris piteux et kashi s'y perd, môme éparse, môme départ. elle voudrait s'casser loin d'une planète qui tourne pas vraiment rond mais y'a les pieds qui s'coincent sur le bitume, et puis leo qui appelle, et puis la famille, et les obligations. kashi elle est pas capable de prendre le large, mais ça l'empêche pas d'vouloir toucher les étoiles. c'est juste qu'elle le fait la bouche fermée, les lippes fatiguées d'ne plus savoir s'étirer vers les sommets. elle s'tait, et elle attend. elle attend longtemps, l'dos contre le banc et les yeux vers le ciel gris. elle s'demande si les nuages se dissolvent à cause le souffle chaud du soleil ou si c'est juste qu'ils sont trop tristes pour se regrouper. elle s'demande si tout le monde se sent triste comme elle se sent seule. sa solitude, c'est un peu l'sentiment qu'elle a quand elle est la pointe des pieds à essayer d'atteindre le foutu cabinet du haut. ne jamais y arriver. avoir personne pour réclamer. kashi, elle a la tristesse facile mais elle le vit bien. elle le vit facilement. elle le vit heureusement. y'a trop de gens qui comptent sur elle. qu'elle soutient. ou alors y'en a pas assez. ouais, c'est surement ça– y'en a pas assez. sinon elle se sentirait pas seule, pas vrai? de toute façon on s'en fiche des nuages, ou des amis que kashi n'a pas. de toute façon, les nuages sont déjà trop tristes pour les consoler. suffit d'les regarder: ils sont déjà en train de pleurer, les gouttes sur ses joues, qui s'accrochent à ses cils et lui donnent envie d'fermer les yeux pour ne plus rien voir. des gouttes par dizaines, centaines, milliers. ils doivent vraiment être tristes pour pleurer autant. kashi se demande si sa tristesse vaut rien, parce que kash pleure pas. elle, elle baisse les yeux et elle acquiesce. la plupart du temps. aujourd'hui, il pleut, et elle est trempée, et elle ne sait pas comment elle va rentrer parce que le bus ne passera pas avant une demi-heure. alors elle souffle, un peu, et se dirige vers le seul abris qu'elle peut voir. habité, déjà, le petit havre de paix. elle souffle encore, mais pas méchamment. juste parce que l'destin lui en veut, ces derniers temps. " est-ce que j'peux? " qu'elle demande. la phrase à moitié mâchée, le reste qui s'perd derrière ses dents. la fille aussi, elle a l'air d'avoir une tristesse qui vaut le coup, du genre qui peint l'visage tout de gris. comme les nuages. on en revient toujours aux nuages.