midnight roses (evie)

01/ la campagne aux alentours de la ville de dallas, c’est là que tu es née. deuxième fille de Richie et Katherine Helström, des américains pures souches. des origines norvégiennes qui traînent mais simplement dans le nom de famille, qui persiste. américains fiers d’avoir voté pour donald trump, américains fiers de porter arme de poing à chaque hanche. toi et ta soeurs, vous n’avez jamais voulu de ce monde là. vous étiez pourtant les filles idéales, les filles rêvées. modèle typique de l’américaine pure et intelligente. blondes, les yeux bleus. pendant des années, vous avez tout fait pour satisfaire vos parents. mais à tes dix-huit ans, alors qu’ivy en avait vingt-et-un, vous avez simplement décidé de partir. quitter dallas, pour une ville où vous trouveriez la paix, un monde qui vous ressemblerait davantage. vous êtes donc parties, sans vraiment dire au revoir à vos parents. tu n’as jamais su si tu les aimais, dans le fond. ça a toujours été étrange entre vous. ivy et toi, vous avez toujours été très proches, très liés, la plupart du temps contre vos parents que vous n’arriviez pas à comprendre. qui vous en demandait trop, beaucoup trop. alors new-york vous a accueilli, le queens plus particulièrement. vous avez longtemps galéré, enchaînant les petits boulots et les castings. ça a été dur, très dur pour toi et ta soeur mais vous n’avez jamais regretté d’être parties de dallas et d’être arrivées là. ivy a finit par décrocher le premier rôle dans une comédie musicale de broadway, elle touchait son rêve des doigts pendant que tu poursuivais encore la recherche du tien. et cette vie compliquée est devenue plus facile, vous aviez de quoi vous loger, vous nourrir matin midi et soir, de quoi sortir pour vous amuser, même. 02/ tu n’as jamais su ce que tu voulais faire de ta vie. ou plutôt si, tu as toujours adoré danser. danse classique, danse de salon. tout ça t’as toujours animé, et arrivée à new-york, tu as décidé que c’était ce que tu voulais faire de ta vie. gagner ta vie en dansant, enchaîner les castings et les compétitions. la danse t’animait et elle portait tes rêves les plus grands. tu as intégré ce studio de danse, un an après être arrivée à new-york, et ça a été une révélation de plus. la danse de salon, tu adorais ça. les compétitions te motivaient à aller toujours plus loin, toujours plus haut. viser l’excellence. toi et ton partenaire de l’époque, vous étiez quasiment les meilleurs. ton meilleur ami, celui à qui tu pouvais tout dire. vous vous portiez l’un et l’autre, comme des piliers. la compétition forgeait votre amitié. 03/ et puis il y avait camille. même âge, les boucles brunes qui te rendaient folle. le regard de braise, et le talent inné, le don incroyable de ce jeune homme. camille, tu as eu l’impression d’être tombée amoureuse le jour même où tu l’as vu pour la première fois. camille, il dansait mieux que quiconque, il foulait le parquet comme si sa vie en dépendait. mais il n’a jamais vraiment prêté attention à toi, pas comme tu l’aurais voulu, du moins. camille, il était en couple avec ta pire ennemie, celle qui cherchait toujours à t’écraser, celle qui te méprisait. tu ne supportais plus de les voir ensemble, tu ne supportais plus qu’elle ait camille pour elle toute seule. alors un jour, tu as totalement vrillé. tu as perdu les pédales, tu as voulu l’anéantir, elle et sa carrière. tu as simplement voulu la détruire. mais tu as échoué, et c’est camille que tu as fais souffrir. c’est lui que tu as blessé, lui dont tu as ruiné la vie. depuis ce jour, et cet accident que tu as provoqué, camille ne peut plus danser. il avait une carrière flamboyante face à lui, et tu as anéanti tous ses espoirs. tu n’as jamais réussi à te pardonner ce que tu avais fait. ce jour où sa carrière s’est arrêtée, tu as aussi mis un terme à la tienne, ne supportant pas de pouvoir danser alors que tu avais brisé ses jambes. tu t’es tournée vers autre chose, tu as changé, tu n’as plus jamais été la même. 04/ à partir de ce moment là, tu as opéré de nombreux changements dans ta vie. de blonde, tu es passée à brune. les cheveux noirs de jai, les yeux toujours aussi bleus. de deux tatouages, tu as terminé par recouvrir la quasi intégralité de ton corps. tu avais ce besoin de changer, de devenir celle que tu es vraiment, dans le fond. une fille plus sombre, plus fragile et plus forte à la fois. les changements physiques sont venus en même temps que les changements dans ta vie, et le changement de ton caractère. tu as délaissé la danse, pour reprendre tes études. ta soeur a tenté de t’en dissuader, mais tu n’avais simplement pas la force de continuer avec le poids que tu portais sur les épaules. tu n’as plus revu camille pendant de longues années. tu t’es lancée dans la cuisine, dans l’idée de devenir une cheffe renommée. tu avais dit adieu à un de tes rêves, mais tu n’avais pas perdue ton ambition. tu as travaillé dur pour obtenir un diplôme, essuyant les critiques pour t’améliorer encore et encore. t’après ton professeur, tu avais un véritable don, que tu n’avais jamais exploité encore. tu étais créative, inventive, tu apportais une nouvelle idée de la cuisine gastronomique. ton rêve, ça aurait été d’aller à paris pour faire un stage dans un palace réputé. mais tu manquais d’argent, et comme tu avais fini par t’éloigner de ta soeur, tu n’avais pas voulu lui demander de l’aide. aujourd’hui, tu travailles dans un restaurant du queens, c’est de loin le meilleur, mais ce n’est pas le pire non plus. tu as bien conscience de gâcher ton talent, mais un événement est venu bouleverser ta vie. 05/ leo. ton fils. et celui de camille aussi. vous vous êtes revus, il y a quinze mois. vous vous êtes fréquentés, vous avez essayé d’oublier les fractures du passé. rien de sérieux, du moins pas de son côté. et tu en as profité, une nouvelle fois. tu as une nouvelle fois joué à l’égoïste pour tromper camille. tu savais parfaitement ce que tu faisais, en ne prenant plus de contraceptif, en lui mentant sur ce soi-disant implant que tu avais, qui permettait de te protéger d’une grossesse non désirée. mais ce bébé, tu le voulais tellement. tu voulais quelqu’un pour illuminer ta vie, quelqu’un à aimer plus que tout au monde. camille, tu lui as littéralement fait un enfant dans le dos. tu es tombée enceinte, comme prévu. tu n’as plus donné de nouvelles et tu as vécu cette grossesse en étant si épanouie, si heureuse. tu te sentais enfin véritablement toi-même. tu n’avais pas camille à tes côtés, mais tu avais une partie de lui, et ça te suffisait, pour le moment. tu as mis au monde ce bout de chou, ton prince, leo. il a cinq mois maintenant et il te rend heureuse. et pourtant, tu as peur de l’avenir. peur qu’il te pose des questions sur son père, questions auxquelles tu n’auras sans doute pas les réponses.