(wp #01) circé solomos.

baie des anges ☽ circé.

Les bagages délaissés, le palpitant délesté d’une tonne comprimante, la respiration placide, pondérée, c’était une risette dépourvue d’élancement qui venait étirer ses pulpes humides. Le goût du plasma ou du mercure n’altérait plus l’humidité de sa salive, l’arsenic de ses canines trépassé, laissant un goût fleuri, légèrement sucré en bouche. C’était dans sa tunique immaculée qu’elle s’était éveillée, Circé, le teint pâle, traits lénifiés, se tenant droite sur ses gambettes, rayonnante, les cernes oubliés, repos de l’âme que lui avait octroyé cette balle dans le crâne. Fracas de ses os broyés par le projectile métallique, l’hémoglobine comme peinture, dorure des murs crasseux, la poudre magique séchée contre ses narines tremblantes. Elle s’était éteinte seule, dans sa chambre, Circé, sans penser aux autres, mais à son bien-être : elle qui avait éternellement rêvé de rejoindre le bas-monde, Cerbère comme compagnon, Charon comme guide spirituel. Les paumes déployées, ses mirettes céruléennes glissaient sur les taches d’encre engendrées par cette missive rédigée sous l’impulsion de la dernière minute. Lettre soigneuse réfléchie mais écrite impulsivement, les poings serrés, fermes, presque à rompre la plume du stylo. Et, les mots lui revenaient en mémoire, la frappant inévitablement, géhenne inexorable. Elle se souvenait de son introduction, dans laquelle elle disait ne pas savoir comment écrire une lettre, alors elle s’était contentée de construire un pavé, un amas de mots et de lettres pour reconstituer l’état de son esprit. Circé ne s’était jamais sentie à sa place, même au sein de cette famille ravagée. Elle énonçait, garder en elle la colère envers Venus, les géniteurs, haine parfois ressentie envers Hadès, puis Crios, Hestia, Éros aussi. Mais, Circé les avait tous aimés, malgré ses crises, ses hurlements, son comportement ignominieux et c’était entre ces lignes torturées, qu’elle assumait son addiction à la drogue, puis son overdose de Janvier 2019. Elle demandait à sa famille de ne pas lui en vouloir ni de la détester, parce qu’elle s’était toujours sentie honteuse, de la conjecturer, affalée sur le divan, les mains graisseuses des chips et entre quelques excuses, Circé parlait de lui, Diego. Celui qu’elle avait aimé, qu’elle continuerait d’aimer, même loin de lui. Saint Diego, sauveur puis martyr, se taquiner, s’entendre, s’aimer puis se détruire, s’engueuler pour mieux s’aimer, se détruire. « Je t’aime, » qu’elle lui confiait, dans un paragraphe entièrement dédié au brun. « J’ai tout aimé de toi, » ajoutait Circé, entre quelques souvenirs partagés, les restaurants impayés, les éclats de rire, les étreintes, les disputes, les faux-plans. « De tes bouclettes à tes orteils tordus, » elle lui demandait de l’imaginer rire, les joues creusées et les dents exhibées, en se balançant d’avant en arrière. « De ton rire à tes caresses, de tes mots à tes paupières closes », sur lesquelles ses doigts s’étaient baladés, glissant jusqu’à ses paumes chaudes, refuge qu’il incarnait. « Ne m’oublie pas, » c’était sur ces quelques mots que ses perles humides avaient coulés, humidifiant le papier noirci par l’encre. Enfin, elle s’adressait à Will, rare amie, mais fidèle alliée, partenaire vicieuse, âme folle qu’elle aimait et évoquait également Callum, sans révéler son activité secrète, juste en lui disant de l’inventer entre quelques éclats lumineux, lovée dans la voûte étoilée. Et, Circé terminait en signant maladroitement un « Votre Circé adorée », avant d’être éclaboussé par son sang, les adieux d’un ange déchu.

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