Tell you i need you. (isabella)

Presque quatre ans. Presque quatre ans maintenant que Peyton n’avait pas revue sa grande sœur. Tout du moins, pas régulièrement. Elle l’avait vu, ou du moins entrevue, le jour de son mariage. Elle ne l’aurait raté pour rien au monde, Peyton, et ce même si les relations avec Isabella n’étaient pas aux beaux fixes. Et ce, même si elle ignorait beaucoup de choses sur ce Luke, qu’elle avait épousé. Mais elle restait sa grande sœur, elle le resterait toujours. Plus encore, elle était comme une mère pour elle, comme une véritable mère. Mais avec tous les drames qu’avaient connu leur famille, elles n’avaient pas eu l’occasion de se dire tout ce qu’elles avaient sur le cœur. Pourtant, elle l’aimait, Peyton. Elle aimait Isa plus que tout au monde. Et cela ne changerait jamais. Alors, il y a quelques semaines, lorsqu’elle avait appris qu’elle était malade, ce fût comme une évidence, il était temps pour elle de rentrer. De rentrer près de sa famille qui devait avoir besoin d’elle autant qu’elle avait besoin d’eux. Et puis, elle était partie pour vivre, elle était partie pour découvrir le monde, pour se trouver, et cela avait été le cas. Ce monde dans lequel elle voulait tant s’aventurer, elle l’avait vu, elle y avait vécu. Et elle avait faits des choses plus folles les unes que les autres. Elle ne regrettait rien -pour le moment-, et elle voulait plus que tout continuer à être celle qu’elle était. Avec ou sans son insuffisance cardiaque. Alors elle avait décidé de revenir, de faire la surprise à Isabella, d’aller sonner chez elle à l’improviste, et de ne surtout pas lui avouer qu’elle était malade. Elle voulait lui cacher à tout prix, Peyton. Elle ne voulait pas qu’on la traite comme une malade, mais plus encore, elle ne voulait pas inquiéter Isabella. Après la mort de leur frère, ce serait certainement bien trop difficile à encaisser pour elle. Et puis, peut-être qu’au fond de son cœur, la jolie brune ne voulait pas l’accepter. Elle ne voulait pas accepter que sa vie ne pourrait très certainement plus être comme avant. Elle avait bien trop de mal à envisager qu’elle ne pourrait plus faire de folies, être cette fille insouciante qu’elle était devenue avec le temps. Pour le moment, elle ne préférait pas y songer, elle voulait se concentrer sur ses retrouvailles avec sa sœur. Et uniquement cela.

Et c’était à la nuit tombée, que son avion avait atterri à New-York. Une fois là-bas, elle avait pris un taxi jusqu’au Queens, qui l’avait déposé juste devant la porte de sa grande sœur. Sa valise à la main, elle pris une grande inspiration avant de se décider à sonner. Après quelques instants, la porte s’ouvrit sous ses yeux, laissant apparaître Isabella. Surprise ! S’exclama-t-elle, un grand sourie aux lèvres. Elle était heureuse, tellement heureuse de la retrouver. Elles se donnaient quelques nouvelles, très peu, mais Peyton n’avait pas cessé de penser à sa sœur.

CODAGE PAR AMATIS

♛ Tell you I need you.

On ne change pas, On met juste les costumes d'autres sur soi. On ne change pas, Une veste ne cache qu'un peu de ce qu'on voit. On ne grandit pas, On pousse un peu, tout juste Le temps d'un rêve, d'un songe,Et les toucher du doigt. Mais on n'oublie pas, L'enfant qui reste, presque nu, Les instants d'innocence, Quand on ne savait pas...

Allongée dans sa chambre, la porte soigneusement fermée aux oreilles indiscrètes, Isabella est en pleine conversation téléphonique avec son amant. Luke absent, elle pourrait aller le retrouver mais ses sorties nocturnes à répétitions risquent d’attirer l’attention si elles deviennent trop fréquentes. Puis, elle ne veut pas inciter Nikolaï à quitter sa maison alors qu’il avait prévu de rester en compagnie de sa femme ce soir. C’est plutôt saugrenu, c’est vrai, mais elle n’a jamais été une femme simple, Isa. Plongée dans sa conversation, elle tente pourtant de s’en défaire depuis plusieurs minutes, justement pour laisser Nikolaï retrouver ses occupations. Elle voulait seulement entendre sa voix. Mais elle a plus de mal à s’en détacher qu’elle ne le voudrait. Ce n’est, finalement, que lorsqu’elle entend le bruit de la sonnette d’entrée qu’elle sort brusquement de sa petite bulle. Elle sursaute même un peu, avant d’informer son interlocuteur qu’elle doit le laisser. Cette fois, c’est plus facile. Elle attrape son peignoir en soie qu’elle enfile tout en quittant sa chambre. Elle descend les escaliers tout en le nouant, et en réfléchissant aussi à l’identité du mystérieux visiteur. A cette heure, elle pense évidemment à Ayden. Mais elle ne songe pas, pas une seule seconde, à celle qui se trouve en réalité à sa porte. Quand elle l’ouvre, elle s’apprête déjà à retrouver le visage familier de son meilleur ami. A la place, c’en est un tout autre, mais tout aussi reconnaissable qu’elle voit finalement. – Peyton… laisse-t-elle échapper de ses lèvres, encore sous le choc de la nouvelle. Elle ne s’y attendait tellement pas. Et, pour cause, cela fait tellement longtemps qu’elles ne se sont pas vues toutes les deux.

La dernière fois, c’était à son mariage. Elle a invité Peyton, bien sûr. Et celle-ci est bien venue. Mais elles se sont tout juste croisées. Il faut dire que, ce jour-là, Isabella a peut-être bien vu plus de monde que durant toute sa vie. Puis, aussi… Inévitablement, quelque chose s’est cassé entre elles. Avec le départ de sa cadette quatre ans plus tôt, la Latina a ressenti un vide immense en elle, un vide qu’elle n’a jamais su combler. Elle a vécu cette émancipation dont avait tant besoin Peyton comme un abandon, pire encore, comme un rejet. Après Jim qui n’est plus ce monde, après Ben qui a préféré s’éloigner, elles n’étaient plus que toutes les deux. Toutes deux contre le reste du monde, voilà ce qu’elles étaient. Mais Peyton l’a laissée à son tour. Et, malgré les quelques appels téléphoniques, malgré les messages, malgré tout ce que la société actuelle peut leur offrir pour communiquer, Isabella sait au fond d’elle que les choses ne sont plus les mêmes entre elles. Elles ne sont plus les mêmes depuis l’instant où sa petite sœur lui a dit qu’elle voulait quitter New-York. 

Pourtant, en la voyant, le premier choc passé laisse place rapidement au bonheur. Un sourire se fend sur les lèvres de l’aînée des sœurs Cooper avant qu’elle n’accueille sa cadette dans ses bras comme seule une mère le ferait. Une main contre son dos, l’autre contre ses cheveux, elle la serre dans ses bras de longues secondes. Elle finit par reculer et la regarder de haut en bas, comme pour vérifier qu’elle va parfaitement bien, ou peut-être pour s’assurer que c’est bien elle. Jamais, elle n’y aurait cru. – Ça fait si longtemps… Viens, entre. Elle attrape instinctivement la valise de sa petite sœur pour la mettre à l’intérieur. Une fois la porte fermée, elle relève les yeux vers elle. – Comment vas-tu ? Est-ce que tout va bien ? Parce qu’indéniablement, son instinct protecteur ressurgit avec Peyton. Et peut-être aussi parce qu’après tout ce temps séparée d’elle, c’est difficile pour Isabella d’oser croire à ce retour qu’elle n’espérait plus. 
 

La porte venait de s’ouvrir quelques secondes plus tôt seulement, et Peyton se retrouvait déjà complètement emmitouflée dans les bras de sa grande sœur.  Elle se serrait contre elle, elle se blottissait, parce que leur relation avait toujours été ainsi, et parce que malgré l’éloignement de ces dernières années, cet amour qu’elles avaient l’une envers l’autre ne faisait que grandir. Isabella, elle était plus, bien plus que sa famille. Elle n’était pas sa famille au sens large, elle avait la place la plus étroite qui soit dans son cœur, celle d’une mère. C’était elle qui lui avait tout appris, c’était elle qui lui avait donné tout l’amour dont elle avait besoin, c’était elle qui avait essuyé ses premières larmes, consolé son premier chagrin d’amour. Elle la respectait, Peyton, elle l’admirait, et Isa, elle avait une autorité sur elle que seule une mère pouvait avoir. Et malgré la distance, on ne cesse pas d’aimer sa mère. C’est bien moi… Affirmait-elle, presque émue en voyant sa grande sœur si heureuse de la voir. La vérité, c’était qu’elle n’imaginait pas une seconde à quel point elle l’avait blessé en partant. Elle n’imaginait pas une seconde à quel point Isabella avait souffert, et elle ne l’aurait pas fait, si elle l’avait su. Jamais elle n’aurait voulu la blesser même malgré son besoin d’indépendance. Mais Isa, elle avait toujours été pudique sur ses sentiments. Encore aujourd’hui, elle n’avouait pas à sa petite sœur ce qu’elle ressentait au plus profond de son cœur. Mais c’était peut-être normal, après tout. Peut-être qu’elle s’était sentie abandonnée et que, c’était trop difficile de parler à ce moment-là. Et puis c’était une optimiste, Peyton, elle était convaincue que dans la vie, il n’était jamais trop tard pour changer, pour rattraper les choses. Alors elle était ici, aujourd’hui, devant la porte d’Isabella, prête à la retrouver. C’était donc sans hésiter qu’elle se décida à rentrer à l’intérieur de la maison, regardant autour d’elle, et puis, un grand sourire aux lèvres, elle reprit la parole. Oui, oui, tout va bien ! Mensonge, mensonge. Mais c’était pour son bien. Elle ne pouvait pas lui infliger cela, Peyton, pas encore, pas une nouvelle fois. Je suis… Revenue m’installer ici. Elle attrapait alors la main d’Isa dans la sienne, un petit sourire aux lèvres. Elle avait raison, oui, cela faisait longtemps. Et elle était en train de se rendre compte que cela faisait peut-être même trop longtemps. Je suis désolée de ne pas t’avoir prévenu, mais je voulais te faire la surprise, et quand je vois ta tête je ne regrette pas ! Et puis, elle était imprévisible, Peyton. Elle pouvait agir sur un coup de tête, en plus du fait qu’elle avait gardé son âme d’enfant.

CODAGE PAR AMATIS

♛ Tell you I need you.

On ne change pas, On met juste les costumes d'autres sur soi. On ne change pas, Une veste ne cache qu'un peu de ce qu'on voit. On ne grandit pas, On pousse un peu, tout juste Le temps d'un rêve, d'un songe,Et les toucher du doigt. Mais on n'oublie pas, L'enfant qui reste, presque nu, Les instants d'innocence, Quand on ne savait pas...

C’est tellement bon de retrouver Peyton. Son odeur, son visage, ses bras, elle tout entière. Elle n’aurait jamais osé y croire ce matin en se réveillant, Isabella. La dernière fois qu’elle lui a parlé, elle s’amusait comme une petite folle à Las Vegas. Et, pour rien au monde, elle ne semblait prête à vouloir rentrer au bercail. Alors, sans grande surprise, cette visite impromptue soulève bien des interrogations chez sa grande sœur. Mais elle ne veut pas l’assaillir de questions, pas tout de suite. Elle veut simplement profiter de la joie de retrouver la femme la plus importante de sa vie. Elle sent Peyton resserrer son emprise sur elle, se blottir plus fortement encore contre elle, comme pour mieux profiter de leur étreinte. Et, à cet instant, Isa a la sensation de retrouver la petite fille d’antan, celle qui venait se loger dans ses bras à chaque petit chagrin, à chaque grand drame de sa si jeune vie. Celle qui est sa petite sœur, mais avec laquelle elle a toujours agi comme une mère. Et, comme une mère en retrouvant son enfant, un flot d’émotions la submerge bien qu’elle fasse tout ce qu’elle peut pour contenir ses sentiments en elle. Oubliant la douleur engendrée par le départ de la belle, Isabella ne profite que du bonheur de la retrouver. Peu importe le temps que cela durera, peu importe ce qui suivra, ces quelques instants pendant lesquels elle garde Peyton dans ses bras sont plus précieux que tout. Mais, assez vite, son instinct protecteur la ramène à la réalité. Passée sa propre joie, elle a besoin de s’assurer que tout va bien pour sa cadette. Que rien de malheureux n’ait causé ce retour si soudain. Quand elle vient la rassurer à ce sujet, Isa la croit, sans l’ombre d’un doute. D’abord parce qu’elle a confiance en sa sœur, ensuite car elle ne lui a jamais menti. Mais, tout de même, elle est intriguée. Plus encore par les mots qui suivent, mots qui, irrémédiablement, lui font oublier sa première question. Les autres arrivent très vite. – Ici ? A New-York ?! Mais… Comment est-ce que c’est possible ? Cette fois, la curiosité d’Isabella laisse place à une certaine inquiétude. Naturellement, elle a besoin de comprendre. Mais elle n’a pas le temps de vouloir en savoir plus qu’elle entend les paroles suivantes de la jolie brune. Sa main dans la sienne, elle lui adresse un petit sourire en coin. Elle est heureuse, bien sûr, de la voir. Elle ne pourrait pas être plus heureuse. Mais c’est tellement… Inattendu. Elle sait combien Paige peut être imprévisible. A ce sujet, elle est tout l’inverse d’elle. Si Isabella a besoin de tout prévoir constamment, sa sœur es beaucoup plus libre d’esprit. Mais… Au point de revenir du jour au lendemain, après quatre ans loin de la ville et… Loin d’elle ? – Tu n’as pas à t’excuser, enfin. Je suis vraiment heureuse de te voir. Elle est juste… Surprise. Mais elle ne veut pas la questionner d’emblée, au risque de la braquer s’il y a effectivement quelque chose. A la place, elle l’entraîne jusqu’au salon. – Je te sers quelque chose ? Ou tu veux manger un petit bout ? La cuisinière est partie depuis longtemps, mais elle pourra bien se débrouiller. – Luke n’est pas là. Tu vas pouvoir me raconter tout ce que j’ai manqué. Et peut-être aussi l’éclairer sur ce retour aussi inattendu.
 

Elle s’y attendait, Peyton, elle s’attendait à cette surprise sur le visage de sa sœur. Evidemment, après avoir quitté New-York durant des années, la petite décidait finalement de pointer le bout de son nez pour revenir s’y installer. Et ce, sans prévenir personne, et sans aucune raison. Du moins, aucune raison qu’elle ne souhaitait donner à sa grande sœur. Elle n’était pas revenue parce qu’elle était malade. Elle n’était pas revenue parce qu’elle avait besoin d’aide. Sa maladie lui avait simplement fait prendre conscience que tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain, elle était revenue à la réalité, brutalement certes, mais elle y était revenue. Et la réalité avait été l’absence de sa sœur, l’absence de sa famille, qu’elle avait laissé -abandonnée-, depuis bien trop longtemps maintenant. Et c’était cela, le plus important aux yeux de Peyton, cela et non sa maladie. Car c’était bien pour sa famille qu’elle était revenue. Même si elle n’avait pas vu Isabella et Ben depuis plusieurs années, l’amour qu’elle avait pour eux était toujours intact, comme une bonne bouteille de vin qui, une fois gardée, prenait de la valeur. Alors, parce qu’elle les aimait, elle ne voulait pas leur faire subir de nouveau l’épreuve qu’ils avaient déjà eu à vivre avec leur frère. S’il lui était arrivée quelque chose alors qu’elle était loin d’eux, elle savait pertinemment que cela aurait pu les détruire. Oui, ici. Vous me manquiez, tu me manquais. Affirmait-elle, un beau sourire aux lèvres, plus sincère que jamais. Et entendre qu’Isabella était heureuse de la voir la rassurait, elle n’était pas revenue pour chambouler sa vie, loin de là. Elle voulait juste retrouver sa famille, et pour elle, le point central était celle qu’elle considérait comme sa mère. Je suis heureuse aussi. Elle sentait en elle un flot d’émotions l’envahir, elle avait toujours été comme cela Peyton, sentimentale. Elle pouvait facilement se laisser submerger, aussi bien qu’elle laissait toujours son cœur la guider. Isabella, elle était bien plus pragmatique et réfléchie qu’elle, mais la chose qu’elles avaient en commun toutes deux, c’était leur amour l’une pour l’autre. Et en regardant le visage de sa sœur, elle réalisait à quel point elle n’avait pas changé. Elle était toujours la même et ce que c’était bon de la retrouver. Acquiesçant finalement, Peyton se décida à reprendre la parole. Je te suis pour un verre d’eau, on pourra tout se raconter, oui. Elle n’avait jamais eu de secrets pour sa sœur, elle lui avait toujours tout raconté. Sa maladie était la première chose qu’elle gardait pour elle, et c’était bien un cas de force majeure. Avançant dans la belle demeure de sa sœur, Peyton la suivit dans la cuisine en demandant. Alors, comment tu vas ? Dis-moi tout ! Elle avait certainement tellement de chose à rattraper sur la vie de sa grande sœur, entre son travail, son mariage avec Luke, elle voulait s’assurer que tout se passait pour le mieux pour elle. Après tout, si elle était revenue, c’était pour elle, pour eux.

CODAGE PAR AMATIS

♛ Tell you I need you.

On ne change pas, On met juste les costumes d'autres sur soi. On ne change pas, Une veste ne cache qu'un peu de ce qu'on voit. On ne grandit pas, On pousse un peu, tout juste Le temps d'un rêve, d'un songe,Et les toucher du doigt. Mais on n'oublie pas, L'enfant qui reste, presque nu, Les instants d'innocence, Quand on ne savait pas...

Ce n’est pas qu’elle n’est pas heureuse, Isabella. Bien sûr que non. Elle est terriblement heureuse, un brin soulagée aussi, de pouvoir serrer sa petite sœur dans ses bras. Elle peut enfin la voir, lui parler, s’assurer qu’elle va bien autrement qu’en lisant les cartes postales qu’elle recevait de sa part. Elle est plus heureuse encore de se dire que cette distance immense entre elles est terminée. Elle n’aura plus peur de ce qui se passe dans la vie de Peyton, elle n’aura plus peur simplement de ne plus en faire partie. Elles se retrouvent, comme avant, comme si rien n’avait changé. Car c’est comme ça, les sœurs, en tout cas c’est comme ça entre elles. Rien n’a jamais pu altérer l’amour qu’elles éprouvent l’une pour l’autre. Mais Isabella étant Isabella, elle ne peut pas s’empêcher de se poser des questions. Elle s’interroge sur ce retour à New-York si soudain de la part de celle qui n’a jamais pu tenir en place. Elle s’inquiète aussi, bien sûr qu’elle s’inquiète. Elle est non seulement la grande sœur de Peyton, mais aussi celle qui a pris le rôle de mère pour elle. Pourtant, sa cadette semble avoir une explication très claire dans sa tête. Ils lui manquaient. Et c’est réciproque. Seulement elle se sent incapable de lui renvoyer ses mots. Peut-être parce qu’elle n’a pas eu le choix, elle. Elle a dû vivre avec ce manque, cette distance qu’elle n’a jamais voulue. Elle s’est efforcée de se persuader qu’elle était en accord avec la décision de Peyton mais la vérité, c’est qu’elle ne l’est pas. Elle n’a pas le droit de lui en vouloir, elle n’a pas le droit de lui faire de reproche, elle le sait. Mais admettre à quel point elle a été touchée par son absence, elle n’en est pas capable. Pas encore. - Eh bien... Je t’avoue que c’est... Inattendu... C’est une superbe nouvelle, ne t’y méprend pas, mais inattendue, oui. Hum, elle n’est pas sure d’avoir la meilleure réaction, Isa. Mais, en vérité, elle connaît sa petite sœur. Elle ne serait pas soudainement revenue simplement parce que sa famille lui manquait. Il y a quelque chose qu’elle ne dit pas, la Latina en est presque convaincue. Mais, avant de lui offrir un interrogatoire en guise d’accueil, elle souhaite la mettre à l’aise. Un petit sourire sur les lèvres aux paroles de la petite brune, elle la pousse à la suivre jusqu’à la cuisine sans lui répondre toutefois. Contrairement à elle, Isabella garde autant contenance qu’elle le peut. Elle n’ose que trop peu se dévoiler pour admettre devant sa petite sœur tout ce qui la taraude depuis trop longtemps. - Seulement un verre d’eau, tu es sure ? Je peux te servir... Elle s’arrête un instant, laissant le réfrigérateur ouvert alors qu’elle tourne la tête vers elle, comme si elle venait d’être frappée par une évidence. - Je me rend compte que je ne sais même pas ce que tu aimes boire... lâche-t-elle un peu trop spontanément. Car si elle est réservée sur ses sentiments, elle n’en est pas moins honnête sur la réalité. Et le constat est triste. Elle n’a plus aucune idée des goûts de sa petite sœur. Elle déteste réaliser une chose pareille. Laissant de côté la bouteille de vin qui attirait son regard, elle soupire brièvement comme si elle avait un millier de choses en tête. Mais elle se tourne vers sa sœur une nouvelle fois quand elle entend sa question. - Oh, je vais bien... C’est un peu la routine ici. Mais c’est plutôt à toi de tout me raconter ! Elle attrape deux verres tout en poursuivant. - C’est toi l’aventurière qui a certainement fait les quatre cent coups ! Raconte-moi tout ce qui t’est arrivé, je veux absolument tout savoir, et je te promets que je ne te ferais aucun sermon. précise-t-elle avec un sourire complice, tendre.

 

Isabella était bien plus réservée qu’elle, et cela avait toujours été le cas. Alors elle ne s’étonnait pas, Peyton, de la voir beaucoup moins heureuse qu’elle, parce que cela ne voulait pas dire qu’elle ne l’était pas. En réalité, elle savait qu’elle l’était, mais voir sa petite sœur partie depuis des années revenir du jour au lendemain, il lui faudrait certainement plus qu’une soirée pour réaliser. Et bien évidemment, elle avait raison, c’était inattendu. Elle était inattendue, Peyton, elle réagissait toujours de manière surprenante, elle était imprévisible. Peut-être qu’Isabella avait des doutes sur ses explications, mais au fond d’elle, Peyton espérait vraiment que ce n’était pas le cas. Elle espérait vraiment qu’elle la croirait sur parole, qu’elle ne chercherait pas à comprendre. Et puis, elle n’avait pas l’air malheureuse, Peyton, loin de là, alors pourquoi devrait-elle se poser autant de questions. La belle brune n’avait pas encore réfléchi à la manière dont elle parviendrait à cacher sa maladie à sa grande sœur, elle ne l’avait pas encore réalisé elle-même, alors préméditer n’était pas dans ses plans. Pourtant il le faudrait, parce que sa maladie elle l’avait pour la vie, et parfois c’était bien plus compliqué de le cacher. Peut-être qu’elle lui dirait un jour, peut-être, mais pas maintenant. Isabella n’était certainement pas prête, mais plus encore, elle, elle n’était pas prête. Ne t’en fais pas, j’imagine bien que tu ne t’attendais pas à me voir débarquer ce soir.  Mais elle, elle était tellement heureuse de revoir sa grande sœur que cela pouvait se ressentir dans son regard lorsque ses yeux se posaient sur elle. Et en entendant ses paroles suivantes, dans son cœur, elle sentait qu’elle avait eu raison de rentrer. Et ce avant que la distance ne vienne les séparer pour toujours. Ne t’embête pas, pour ce soir un verre d’eau ira très bien, pour les jours suivant, tu le sauras très vite. Disait-elle avec un sourire taquin, elle était bien revenue et elles pourraient se retrouver désormais. Se retrouver réellement. Pourtant, si un rire s’échappa de ses lèvres en entendant Isabella lui dire qu’elle voulait tout savoir et qu’elle ne la sermonnerait pas, lui résumer les dernières années de sa vie lui semblait bien compliqué. Il y avait tellement de choses à dire et par la même occasion rien d’important, rien qui aurait pu changer sa vie, enfin, si ce n’était son mariage, mais elle n’allait pas lui en parler dès ce soir. C’était… Génial. Je n’aurai jamais pensé que j’aimerai tant voyager. Et pourtant, maintenant cela allait être bien plus difficile pour elle. Las Vegas c’était fou, démesuré, c’est pour ça que je suis restée si longtemps là-bas. Et pour travailler, évidemment. Elle s’était retrouvée à travailler dans ce casino un peu par hasard, pour vivre, comme dans toutes les villes qu’elle avait visité, mais elle avait vraiment adoré cela Peyton. C’était même ce qu’elle avait préféré. C’était vivant, c’était incroyable.

CODAGE PAR AMATIS

♛ Tell you I need you.

On ne change pas, On met juste les costumes d'autres sur soi. On ne change pas, Une veste ne cache qu'un peu de ce qu'on voit. On ne grandit pas, On pousse un peu, tout juste Le temps d'un rêve, d'un songe,Et les toucher du doigt. Mais on n'oublie pas, L'enfant qui reste, presque nu, Les instants d'innocence, Quand on ne savait pas...

Le regard posé sur sa petite sœur, Isabella l’observe. Marcher, s’asseoir, sourire. Même sa manière de parler est différente. Plus posée, plus soutenue, plus mature simplement. Elle a grandi, elle a vraiment grandi. C’est à la fois émouvant et déstabilisant. Elle sortait tout juste de l’adolescence quand elle est partie, la voilà revenue transformée en véritable jeune femme. Mais elle garde ses pensées pour elle, Isa. Elle préfère éviter de paraître trop bouleversée, seule la joie de leurs retrouvailles prime ce soir. Elle chasse aussi de son esprit le constat trop douloureux de ne pas connaître suffisamment sa propre sœur pour deviner ce qu’elle a envie de boire. Alors que, quelques années auparavant, elle connaissait absolument le moindre de ses goûts. Elle se contente de lui servir un verre d’eau, et de prendre elle-même un peu de vin blanc. Puis, elle s’approche d’elle, leurs deux verres à la main, désireuse d’en connaître un peu plus sur la vie de sa cadette. La petite brune évoque naturellement le plaisir qu’elle s’est découvert pour les voyages. Isabella lui sourit paisiblement, sans une once de surprise quant à elle. – Ce n’est pas surprenant, tu as toujours eu du mal à tenir en place. Jusque dans son propre berceau. Elle le sait, Isa, parce que c’est elle qui a toujours pris soin d’elle. La pauvre Peyton n’a pas eu la chance de connaître longtemps leur mère et, même lorsqu’elle était toujours de ce monde, c’était Isabella qui s’occupait des plus jeunes. C’est sûrement pour cette raison qu’il y a toujours eu ce lien si fort, si puissant entre les deux sœurs. Elles ont toujours tout représenté l’une pour l’autre. Bien que, fatalement, tout a certainement changé ces dernières années qu’elles ont passées si loin. Attrapant sa coupe de vin, la Latina en boit une gorgée tout en écoutant le récit de Las Vegas de son interlocutrice. Elle n’y est jamais allée, elle, mais étant la ville de la démesure, elle n’est pas surprise. – Evidemment. répète-t-elle avec un petit sourire entendu. Elle se doute bien que Peyton a dû aussi beaucoup en profiter pour s’amuser. – J’avais cru comprendre que tu étais vraiment tombée sous le charme… Je ne pensais pas que tu pourrais quitter Las Vegas et revenir un jour. Surtout si brutalement. Ses inquiétudes sont toujours là, malgré son bonheur, elles la poussent à s’interroger. Et, sans pouvoir se retenir plus longtemps, la grande sœur en elle reprend le dessus. – Qu’est-ce qui t’a soudain décidée à rentrer ? demande-t-elle en plongeant son regard dans le sien. Car il y a quelque chose, elle en est certaine. Quelque chose d’autre que le simple fait que sa famille lui manquait.
 

Installée face à sa grande sœur, Peyton réalisait à quel point c’était bon de la retrouver. Malgré ses voyages, ses folies et toutes les belles choses qu’elle avait pu voir, il y avait un certain vide dans son cœur qu’elle sentait brusquement se refermer. Et elle en prenait conscience, maintenant. Ce vide c’était Isabella, c’était son absence. Et si c’était elle, qui en était la seule responsable, sentir son regard protecteur, maternel, sur elle lui faisait le plus grand bien. Peyton esquissa alors un sourire en entendant les premières paroles de sa grande sœur. Elle se rappelait sans mal toutes les fois où elle s’était blessée, toutes les fois où Isabelle avait soigné ses bobos. Sa mère était décédée alors qu’elle n’était qu’une enfant et, Peyton ne lui en avait jamais voulu parce que ce n’était pas sa faute, évidemment. Mais sa mère, sa vraie mère, pour elle, c’était bien Isabella. Et, comme une mère, Isabella ne pouvait s’empêcher de se poser tout plein de questions. Elle avait compris que Peyton était tombée amoureuse de Las Vegas, et elle ne comprenait pas ce retour soudain. Alors après quelques instants, la jeune femme prit la main de sa grande sœur dans la sienne, en lui répondant avec sincérité. Las Vegas c’était génial. Et tous mes voyages aussi. Mais j’ai réalisé que ma famille me manquait… Tu sais, je peux m’amuser autant que je le veux là-bas, il y a des choses qui sont irremplaçables… Comme toi. Elle esquissa un petit sourire, elle ne lui mentait pas. Elle lui racontait simplement une demi-vérité. Et puis… Je n’ai jamais dit que je partirai pour toujours, tu sais. Elle avait eu besoin de se trouver, de savoir qui elle était vraiment. Elle avait eu besoin de respirer, après la mort de son frère. Mais jamais elle n’avait affirmé que cela serait définitif. Sa famille restera toujours sa famille, son socle.

CODAGE PAR AMATIS