think outside the box ((rayleigh&selena))

think outside the box

Rayleigh regarde fixement le colis posé sur son comptoir depuis au moins dix minutes. Assise sur l'un des tabourets hauts de sa cuisine, elle ne fait rien. Elle a les coudes posés sur le dessus du comptoir, les mains jointes et le menton posé dessus. Elle a une moue sur les traits, de celles qui disent wtf et wth, et son esprit tourne à vide sur une seule question : qu'est-ce que je fais maintenant ? Ce n'est pas comme si elle avait le choix. C'est une question rhétorique (d'où le fait que son esprit tourne à vide), parce qu'il n'y a qu'une seule réponse possible, et qu'elle est comprise dans la question, et dans les règles de société. Quoique visiblement, certains s'en foutent bien, des règles de société. Quand on doit envoyer un colis à son ex-femme, on ne charge pas sa nièce de le déposer sous prétexte qu'elle vit dans la même ville. Surtout avec le sens d'orientation de Rayleigh. Elle a mille fois plus de chances de se perdre que le livreur d'Amazon. Par contre, elle ne se pointera pas à 22h un dimanche, ça c'est sûr. Pas même sûr qu'elle se pointe. Mais Rayleigh le sait bien : elle ira. Elle ira apporter son colis à sa tante (ou ex-tante ? toujours de la même famille malgré le divorce ou pas ?), parce que c'est dans sa nature. Pas qu'elle soit foncièrement gentille ; juste que son oncle lui a mis dans la tête que c'était à elle de le faire et maintenant elle s'en sent obligée. Comme si elle avait une mission à accomplir.

Mais déjà, il faut qu'elle réunisse le courage de se lever et de taper l'adresse de Selena dans Google Maps. Avec un soupir, la jeune femme se lève de sa chaise et tourne le dos au colis pour se servir un verre d'eau au robinet, qu'elle boit à petites gorgées, les yeux perdus dans le vague. Elle a l'impression d'avoir reçu une bombe. Elle ne sait pas ce qu'il y a dedans en plus. Elle n'entend pas de minuteur, de compte à rebours ou de chose dans le genre, mais elle a quand même la pression.
Montent, montent les bulles, conglomérat et agglomérat, pastilles d'air à l'enveloppe de fer et au goût de soufre, surplus, excès et outrance main dans la main bras dessus bras dessous grandes enjambées sautantes qui viennent s'écraser sur les parois de verre, éclats, brisures, fêlures, explosions transparentes et invisibles, sans couleur, absence de couleurs, absence de sons, absence d'émotions, tout dans ces tons de blanc et de blanc et de blanc, quelques nuances par-ci par-là un arc irisé dans les prunelles embrasées quand le barrage se vide dans un bruit retentissant de fracas et de tumulte, tempête et typhon riment avec tintamarre et cauchemar.

Rayleigh a fini par empoigner le paquet et, la bombe sous le bras, le minuteur dans la main, elle traverse une rue bondée avec précaution. Lunettes de soleil sur le nez, casquette sur la tête, elle louche sur son téléphone pour percer les reflets du soleil sur l'écran, évite une trottinette électrique et prend à droite. Upper East Side, 5ème Avenue. Elle est bientôt arrivée à destination (on croirait entendre un GPS). Sa destination se trouve à droite. Quand elle arrive devant l'immeuble où habite Selena, elle lève la tête vers son sommet, vers le ciel bleu et le soleil cuisant. Il fait bien trop beau pour devoir s'occuper d'une course pour son lâche d'oncle. Elle est en colère, Ray-Ray. Ce qui ne lui arrive pas souvent, mais quand c'est trop, c'est trop. Avec un nouveau soupir, elle appuie sur l'interphone qui indique "Selena Brown" et attend de voir si sa tante est là. Elle espère que oui, parce que sinon, ça va être compliqué de retrouver le courage nécessaire pour revenir. Il ne sera plus dans le tiroir à chaussettes cette fois-ci. Et puis qu'est-ce qu'elle va lui dire à Selena ? Mon abruti d'oncle a oublié ton adresse ou mon pauvre oncle ne veut pas te voir ?

they say that, they say this. what am I suppose to believe ?

capraccoon
@selena brown