cause à effet (phèdre)

tu ne te rappelles plus exactement de ce qui tournait à plein régime dans ta tête, à l'instant où sa présence encore bien réelle vient vriller l'écran de ton iphone. ni même si c'était le sens de ta destinée ou l'entièreté de ce que tu avais foiré pour parvenir à la déshonorer. tu comptes me répondre un jour ou j'dois attendre d'avoir plus de dents et des rides ? phèdre, habillée de son plus beau costume. l'art d'un dramaturge suintant de chaque mot écrit. tu soupires et délibérément, tu occultes. un énième message relayé à la triste liste de ceux auxquels tu ne donneras pas suite. elle t'en a envoyé bien trop ces derniers mois. tant que tu ne saurais plus les compter, tant qu'elle aurait pu faire céder l'appareil sous l'accumulation intempestive. s'est imposée dans une vie d'où tu l'avais écarté, pour préserver ta dignité ou ce qu'il en restait. ta patience s'en est trouvé ébranlée à maintes reprises, mais tu as tenu bon terrence. ne pliant pas sous le courroux de la sirène hurlante. sérieux, réponds. stp. celui-ci sera de trop, goutte d'eau faisant déborder le vase de ton énervement en sourdine. toi qui essayais tant bien que mal de reprendre le contrôle de ton existence chiffonnée en réparant l'erreur qui t'avait coûté beaucoup trop cher, tu n'espérais pas avoir à supporter son entêtement des années durant. alors tu t'enfonces dans ce rôle de tête de con que tu maîtrises à la perfection. tu t'essaies à la rabrouer, tout en restant le plus froid possible. si la lassitude et la colère mêlées pouvaient s'emparer d'elle, ta mission serait remplie en un temps record. pourtant, tu esquisses un semblant de vérité à son encontre. tu ne sais plus comment lui parler terrence, tu ne sais plus comment l'aborder et tu ne sais plus comment gérer cette amitié entachée par vos pulsions alcoolisées. ce n'était qu'un faux pas sans importance, pas vrai terrence ? sermon si souvent répété, dont tu n'as pas encore réussi à t'imprégner avec fermeté. tu y croyais ardemment, tu avais envie d'y croire jusque-là. et les suppositions balancées par phèdre pour te faire réagir s'étaient frayés un chemin dans ton esprit, insinuant un doute pas permis. tu te persuaderais presque de la véracité de ses propos, soufflés dans l'unique but de te faire déchanter. et qui justifieraient en toute simplicité la distance que tu as forcé. mais dans un élan d'agacement, tu secoues la tête sur ses foutaises. les balayant d'un revers de manche dédaigneux. relevé, d'un mouvement éclair, du canapé où tu t'étais échoué, ta main s'empare de tes clés de bagnole.
la route est taillée à vive allure jusqu'à chez elle. comme si après t'être efforcé de la fuir pendant des mois, il t'était vital de lui parler en face-à-face. tu t'extrais de la carrosserie métallique et tu toques à sa porte. deux coups secs, alors que tu sens déjà ta patience s'effriter. je t'accorde la première manche. l'avantage que tu lui as cédé en accédant à sa requête. tu pénètres à l'intérieur sans y avoir été invité et tu jettes un oeil partout autour de toi. à la recherche d'une oreille indiscrète qui te forcerait à taire le constat de vos dégâts. puis tu te retournes et retrouves sa silhouette longiligne, son souvenir t'étant resté intact. une main glissée dans ta poche arrière saisit déjà le paquet de clopes. tu en coinces une que tu enflammes entre tes lèvres avant de reprendre. et maintenant que je suis là, on fait quoi ? dis-moi ce que tu espères encore tirer de nous phèdre. quel avenir peut-on encore se dessiner sur les cendres de ce qu'est devenue notre amitié.

(@phèdre batten )