souvenir amer.

Les yeux de la louve.
Elle se faisait métamorphe, vivant sa double vie.
Elle se faisait naïade, appréciant mieux la Nuit, son danger et ses démons, plutôt que sa vie.

T’enchaînes alors que les démons se déchaînent.
Ce soir, encore la salle est pleine.
De ces corps qui se mouvent et souvent se trouvent,
entre excitation et déraison lorsque coule la boisson
et bat dans les oreilles l’une après l’autre les chansons.

Tu déposes de nouveaux verres sur une table,
rembarres ceux qui lubriquement bavent,
évites ces mains baladeuses sur tes fesses comme une danseuse,
entre les clients venus passer une soirée heureuse.

Où l’alcool coule à flot et les danseurs prennent les pistes d’assaut.
Où les rencontres se font et se défont, pour ces êtres qui espèrent n’pas rentrer seul à la maison
pendant qu’certains poussent la chanson.

Lorsqu’une de tes tables est reprise, tu t’avances vers eux,
l’groupe de jeunes où les rires sont nombreux
la soirée semble déjà bien partie pour eux.

Tu souris, amicale,
éclairant ton visage fatigué pourtant, cachant tous ces râles
qui en secret ne cessent
qui jamais ne te laissent.

Et j'aimerais tant qu'ça cesse, qu'ils me laissent.

- Bonsoir.
qu’tu lances, ignorant un regard sur la tenue qu’tu portes,
l’uniforme obligatoire, d’une jupe presque aussi courte que celle d’une escorte
d'un visage à un autre, ton regard se déporte.

...

Jusqu'à ce qu'il se pose sur lui,
dans ce même temps où un d’tes démons rit.
de cette découverte.
de cette porte ouverte,
au fantôme d’un passé,
d’ce sale connard qui t’a abandonné.

Et j’peux pas m’en empêcher,
Art.
D’glisser sur toi mes yeux,
à faire gémir les Dieux
à enflammer les cieux.

quand j’détaille tes traits que j’connais un peu trop,
qu’autrefois, en les effleurant de mes doigts, j’trouvais bien trop beaux
qu’autrefois, en y glissant mes lèvres, j’arrivais à soulager un peu mes maux.

quand j’plonge mes yeux dans les tiens,
à m’faire glisser un peu plus dans cet angoissant ravin
lorsque j’me prends tes vagues,
lorsque j’ai l’impression d’me reprendre cette putain d’dague.

Et encore j’me noie
parce que ça m’rappelle durement ce toi et moi,
que j'ai pu faire d'toi mon roi.
La durée puis cette mortelle finalité.

Mille pensées te traversent,
mille émotions visibles dans ton regard te renversent
montrant à quel point ça t’bouleverse,
la boule dans l’ventre qui te traverse.

Une seconde.
Quelques unes encore
Avant qu’ça arrive plus fort.

La mâchoire qui se serre,
La déception se mêle à la colère
et c’est toi que j’terre.

c'est ton souvenir, ton corps, un passé que j'enterre.

Tu te détournes, te focalises sur les autres assis, ses amis,
construis sur tes lèvres pulpeuses un arc pas si pourri
d’un sourire de façade
digne d’une jolie naïade,
pourtant en pleine noyade.

Un raclement de gorge que tu fais,
non pas pour les attirer
mais pour t’reprendre
et j'sens encore mon coeur qui se pend,
c'est encore tes pas vers la sortie que j'entends.
- qu’est-ce que j’vous sers ?
Alors c'est eux, l'centre de ton univers ?
Tu reconnais quelques têtes, t'laissant un goût amer.

Tu cales ton plateau entre ta hanche et ton bras
alors qu’tu les affronte tous,
sauf lui.

Sauf toi Art.
C’est fini.

---

nyc.  2021
(Retranscription d'un enregistrement audio. - certains diraient qu'elle était maintenant folle, la soupçonnant alors de se parler à elle-même, la tête à l'envers. Elle manquait surtout d'air, c'était navrant, putain de déchirant était son enfer.*)

(Un grésillement. Une respiration se fait entendre, de quelques secondes.)
Art… (D’un souffle. D’une agonie aussi jolie qu’une délicieuse mélodie.)

…

(Silence. D’nouvelles respirations.)

Qu’est-ce que tu veux que j’te dise ?
Qu’est-ce que tu viens foutre ici ?
Putain. (Elle éclate de rire. Fou et malsain.)
Repars d'où tu viens.

nb : Elle aurait pu éclater en sanglots. Comme tous ces fois où elle l’a fait pour lui. Pour toutes ces fois où elle croyait en lui alors qu’il l’a achevé, l’a tout autant détruit.

-   La louve.

@art windell

et quand ton portable a vibré, quand la conversation s'est activée, t’as reconnu le nom de l’endroit. cœur qui bat un peu plus fort, cœur qui fait un bond. sourire qui disparait aussi vite qu’il est arrivé. parce que quand on t'a proposé d’aller là-bas, t’as eu envie d’annuler. t’avais la mine réjouie pourtant quand le téléphone s'est allumé. t’avais envie d’enchainer les verres quitte à plus te souvenir le lendemain de la soirée d’hier. mais le destin en a décidé autrement. et t'as pas eu d'autre choix que de te jeter dans la gueule de la louve. et elle est affamée, la louve. prête à te manger à la moindre occasion. prête à te faire payer toutes les erreurs du passé.

et t’as tout tenté pour les dissuader. quitte à t’attirer des questions indiscrètes, quitte à passer pour le batard avec ton excuse toute faite. et voilà que t’es là, art, foulant ce bar que tu ne connais que trop bien alors que t’y as jamais mis les pieds. jamais depuis que tu sais qu’elle est là quelque part. quelque part à attendre, surement de l’autre côté du bar. et voilà que t’es là, art, retenant ton souffle aux premiers cheveux blonds qui passent. voyant comme son ombre dans toutes les femmes qui marchent.

et elle est là devant toi. son regard qui se fige quand elle croise le tien. le cœur qui, à nouveau, rate un bond. souvenirs qui se bousculent dans la tête, souvenirs qui se rappellent que dans une autre vie, vous vous êtes aimés. sourire qui s’installe sur ton visage, comme pour garder la face. parce que y’a les autres qui captent. et tu fais pas le fier, art, face à elle. à esquiver tous les éclairs qu’elle te lance, parce que t’as été trop faible. éclairs qui disparaissent quand elle se reprend et que t’as beau essayé de la regarder, jj a décidé de pas te calculer.

"une caïpiroska s’il te plait."

ton cocktail préféré. tentative pour briser le silence, qui entre vous, s’est petit à petit instauré. et elle fuit, jj, là où le devoir l’appelle. et y’a le blanc qui vient supprimer toutes les autres couleurs de ton visage. le temps de quelques instants. y’a bien les regrets qui viennent te piquer le cœur quand tu détailles chaque centimètre de son corps qui s’éloigne. y’a bien les doutes qui viennent te parasiter la tête quand elle se meut dans la foule, le sourire forcé et le plateau entre les mains. et tu te reprends, art. surprises et craintes que tu laisses petit à petit de côté. parce que dans ta tête, t’es de nouveau le plus fort. remettant le masque du loup qui se laissera pas attaquer par la louve au cœur brisé.

Les yeux de la louve.
On s’amusait de cette tragédie alors que ce n’était qu’une question de survie. On racontait pourtant qu’elle n’en était que plus belle, d’une beauté irréelle quand s’évaporait son sourire de miel.
Elle se faisait immonde, l’une des pires espèces de son monde.

Et Art, tu sens si fort sur toi son regard,
à t’foutre dans l’coeur et dans l’crâne encore plus de bazar.

T’as en tête ces instants où il était ce phare,
dans tes tumultes qui n’avaient rien d’plus rares,

Mais Art, j’ai juste envie d’te dire qu’il est trop tard,
qu’de tout ça, j’en ai marre.

Ca y est, j’me suis laissée bouffer par tous mes cauchemars.

Tu te souviens ?
Est-ce que ça te reviens ?

De ce qui te réveillais au milieu de la nuit,
où douloureusement tu poussais un cri
avant d’te réfugier entre ses bras,
et mon amour, j’avais tant besoin de toi.

De ce qui t’empêchais de t’endormir
parce que sournoisement tu les entendais rire,
ces démons à faire tressauter ton palpitant d’mauvais bons,
à t’laisser te retourner entre les draps.
parce que j’me revoyais là-bas.
et sale connard, t’as pas pu prendre soin de moi.

juste pourquoi ?

Tu repenses à ces nuits qui te semblaient trop longues,  éternelles,
à travers la ville lorsque ton regard se perdait à contempler le ciel,
Art laissé dans ton dos, beau,
endormi après avoir déposé un dernier baiser sur sa peau
et que tu ne pouvais t’empêcher d’porter tes lèvres au goulot,
afin d’enivrer ton esprit pour ne plus entendre ces mots et subir ces maux.

Et ce soir quand t’as posé sur lui tes yeux,
y a rien eu d’heureux
t’en es plutôt soulagée, d’voir que s’échappe sa fierté,
t'es plutôt accablée
alors que t’as noté sur ton carnet sa commande,
à t’foutre une putain d’réprimande,
parce que t’aurais pu le parier,
parce que t’en étais sûre de ce qu’il allait demander.

Parce que, putain, j’ai rien oublié.
Parce que j’peux encore décrire ton visage les yeux fermés.
Parce que j'sais ce qu'à l'époque tu aimais.
Parce que pendant un instant j’y ai repensé,
à ce qu’on était Art, toi et moi.

Et ça m’foudroie.
Putain t’as pas le droit.

Alors que tu t’es retournée pour aller vers le bar, il a pas l’droit,
d’poser son regard sur toi,
de te suivre quand tu fends la foule,
quand ton corps continue d’se faire emporter par la houle
dans une démarche qui chamboule;

D'un mouvement des reins,
la marche chaloupée pour faire rougir les saints.

Tu détestes autant qut’aimes bien trop
d’sentir la chaleur de ses yeux de bas en haut.

Quelques minutes plus tard, tu reviens
et déposes les uns après les autres les verres pleins.
- N’hésitez pas à me trouver pour recommander ou au moindre problème.
cordiale, toujours aussi faussement et pourtant le tremblement dans la voix qui se sème
c’est à lui que tu t’adresses dans tes derniers mots,
vipérine, un putain d’égo,
tu lui souris dans un sourire en coin
dans un mouvement sensuel
pour son verre que t’as préparé avec soin,
du sel ajouté en masse au bar dans son cocktail.

Tu l'effleures et ton coeur d’rancunière encore se meurt,
l’aura malsaine comme une putain d’reine
avant que tu te recules et libère la place sur la scène.

Tu t’éloignes pour prendre ta pause,
déjà une cloque entre les lèvres roses.
T’as trop besoin de souffler,
d’une taffe pour tenter de t’apaiser,
de la fraîcheur de la nuit pour oublier.

Tu sors la porte de service
et la laisse claquer derrière toi dans un bruit qui hérisse
tu lèves la tête vers la lune qui se lisse,
la tête pleine de vices.

Putain, Art, pourquoi t’es là ?

---

nyc.  2021
(Retranscription d'un enregistrement audio. - certains diraient qu'elle était maintenant folle, la soupçonnant alors de se parler à elle-même, la tête à l'envers. Elle manquait surtout d'air, c'était navrant, putain de déchirant était son enfer.*)

(Un grésillement.) Pourquoi t’es là ?
Pourquoi est-ce que j’peux pas m’en empêcher ?
D’avoir aujourd’hui encore le cœur brisé. (Une longue inspiration. Un hoquet.)
D’avoir aujourd’hui encore tant de haine et de peine.
D’avoir aujourd’hui encore l’impression que c’était hier. (D’un rire sans joie.)

J’étais quoi pour toi ?

nb : Parce qu’il était beaucoup pour elle. Parce qu’aujourd’hui, elle se perd entre sentiments renversants et haine dans un goût amer. Le corps déchiré par vague en pleine mer.

-   La louve.

@art windell  

la louve est là devant toi. le regard assassin qu’elle contient et qui se mélange à cette politesse obligatoire. et t’aimerais fuir, art, fuir pour te cacher dans la jungle newyorkaise. oublier qu’elle existe. oublier les erreurs du passé. et pourtant t’es là, assis à cette table, les rires qui masquent la gêne, qui cachent le malaise. les regards se croisent. faire semblant, toujours semblant. dissimuler les émotions et les sentiments. faire taire les battements de cœur qui se réveillent quand les iris s’ensorcellent. et jj t’efface. comme un dessin fait sur une ardoise. t’es inexistant, art.

confort d’un cocktail, toujours le même. comme pour te rappeler qui t’es. et surement que jj s’y attendait. trop prévisible, art. mais là t’as pas le courage d’essayer la nouveauté. et elle te le ramène, effleure ta main d’un mouvement qui te fait frissonner. yeux qui se plantent à nouveau dans les siens. message que t’essayes de lui faire passer. ça dure quelques secondes, mais ça suffit à te perturber. à l’intérieur, ça tremble. parce que jj c’est peut-être surement la seule que t’as réussi à aimer.

yeux qui suivent les courbes, qui anticipent les mouvements de la louve. porte qu’elle pousse après quelques instants. et tu te lèves, art, le mensonge au bord des lèvres. t’as même pas touché au cocktail. et tu sais pas pourquoi t’y vas, mais y’a les pas qui te guident. le cerveau qui se débrancherait presque. et y’a l’air qui vient te caresser le visage quand tu la rejoins enfin. des centaines de pas pour trouver à nouveau ta proie. et elle est là, jj, la clope au bec et surement le cœur en miettes.  

"bonsoir jj."

et c’est peut-être le moment qu’elle attend. le moment de te balancer tes quatre vérités. et surement que oui, art, tu l'as mérité. tu te prépares aux coups, tu te prépares aux cris. parce que depuis que tu l'as laissé tomber, jj a tous les droits de te blesser. sourire timide sur les lèvres. comme un enfant qu'on va bientôt gronder. et c'est ce que t'es, art. un gosse qui a jamais su assumer.

"ça fait longtemps."

et peut-être bien que tu t'enfonces, art. peut-être bien que tu balances les mots qu'il faut pas. surement que tu sais pas comment faire avec elle. et y'a tes yeux qui se posent toujours sur elle. on en revient toujours au même point. cet éternel recommencement. la flamme brille toujours mais elle finira surement par te brûler.

(désolée pour l'énorme retard )