we are children that need to be loved (blue)

il conduit. s'arrête. dort. conduit à nouveau, s'arrête, et fume. le résumé d'une sinistre vie. tout d'même, aujourd'hui, il a bougé un peu plus son cul, a posé des lettres de motivation juste dans l'espoir d'réussir à s'faire un peu d'argent. il a mal au dos. il a mal partout. il fait tellement chaud qu'il a allumé un peu la climatisation. pas longtemps, il a pas envie de ruiner sa batterie, mais assez pour qu'il arrête de transpirer. il a abandonné, est en train d'se demander c'qu'il va foutre de sa journée. il hésite à rejoindre tad, mais il bosse, et il n'ose pas non plus le déranger. c'est épuisant, un mode de vie comme le sien. surtout avec sa propre mentalité, où il n'ose même pas déranger les autres. alors peut-être qu'il va dormir. il est prêt à allumer le contact, juste pour bouger et aller dans un autre endroit, bien plus paisible. mais il a pas l'temps, parce que ça cogne contre sa vitre. il fronce les sourcils, panique le temps d'une seconde pour s'apaiser dans les secondes suivantes. c'est ilhan. ça lui fait arracher un léger sourire. j'demande que ça. il avait plus rien, a fini son sachet d'extasie dans la nuit parce qu'il arrivait pas à dormir. il a pas assez pour s'en acheter un autre, et il a pour une fois, préféré prendre une bouteille d'eau qu'la drogue. il ouvre la porte, sort en verrouillant derrière lui. il est clairement gêné, mais c'est toujours comme ça de toute manière. mais j'dérange pas ? il veut pas s'imposer. a pas envie d'foutre des microbes dans un endroit sein. sa vie, elle craint.

j'demande que ça. Parfait. Pile la réponse que j'attendais de Blue. Ce gosse qui vivait déjà comme un adulte parce que son connard de père l'avait viré de chez lui. Du coup il habitait sa bagnole et laissait la drogue guider ses rêves la nuit. J'le jugeais pas. Au contraire, j'le comprenais. La drogue, c'était le seul truc qui me permettait de tenir le soir lorsque j'pensais à ma mère qui en avait rien à foutre de ma gueule, à mon père qui ne m'avait éduqué qu'avec l'argent et à Leana. Elle avait été magnifique toute sa jeunesse. Et elle avait péri dans une mare de sang, fini dans un cerceuil sous terre avec pour seule compagnie les araignées et autres insectes. Désormais sa beauté s'effritait et elle n'était plus que squelette. Pas reconnaissable. Pas identifiable. Une tombe parmi tant d'autres. Tombe qui renfermait un sourire qui avait l'habitude d'éclairer mes journées. Blue avait un peu le même sourire d'ailleurs, celui des gens qui continuent d'croire en la vie. « Si tu dérangeais j't'aurais pas inventé » que j'répondais en lui faisant signe de la tête de me suivre avant de lui donner une tape dans le dos. « T'sais si t'es en manque tu peux venir chez moi à n'importe quel moment, pas seulement si t'es en manque même ». J'voulais qu'il sache que j'étais là pour lui, qu'il était pas seul. Qu'il ne le serait sûrement jamais. Les mecs comme lui trouvaient toujours quelqu'un pour veiller sur eux. Tout comme ils s'en sortaient toujours. Alors j'm'inquiétais pas. « Puis d'ailleurs si t'as un copain ou une copine tu peux l'amener, j'me ferais un plaisir de la rendre addict, ça me fera un client en plus ». Petit sourire en coin tandis qu'on continuait à marcher vers mon appart. Blue était le seul qui payait jamais ma drogue. Parce qu'il m'offrait bien plus que de l'argent. Il m'offrait de l'espoir.

peut-être qu'il était un peu trop content, blue, d'ne pas passer une soirée tout seul. faut dire que ça d'venait trop répétitif, toujours le même refrain. à la différence que ce soir, la lune ne brille pas autant qu'hier. à la différence que ce soir, il n'est pas en train de se rouler un joint, ou d'écraser d'la poudre contre un vieux livre qu'il n'a jamais vraiment lu. alors son pote tombe vraiment pas. d'une part parce que ça peut lui faire que du bien, d'la compagnie. il en a ras l'bol, blue, d'se parler à lui-même. il sourit, bêtement. c'est vrai que sa réponse est plutôt con. il connaît ilhan, il sait à quel point c'est sûrement l'homme le plus réel, le plus sincère qu'il connaisse. il s'contente alors de fermer sa voiture, de la vérouiller, après avoir pris son vieu sac à dos qui contient le peu de chose essentiel qu'il possède. oui, je sais. mais tu m'connais, ilhan. j'ose pas... putain, tu m'connais. il est incapable de s'exprimer correctement. il veut juste pas faire de la merde, il veut juste pas déranger les gens. surtout pas lui. alors que pourtant, ça fait un bon moment qu'ils se connaissent. ils finissent rapidement dans l'appartement d'ilhan. il sourit, il pouffe même de rire. oh, t'as du mal à te trouver des clients, toi ? qu'il dit en posant son sac à l'entrée, enlevant directement ses chaussures. il lâche même un soupir. parce qu's'foutre à l'aise, c'est carrément bien plus agréable que de rester enfermer dans sa voiture. de sentir une autre odeur qu'sa transpiration. entendre d'autres bruits que les chats errants, que les klaxons, les verres qui explosent au sol à cause de type comme lui, mais avec encore moins de chance que de lui. sans voiture, qui doivent s'battre contre la météo. il est pas l'plus à plaindre, finalement. pour t'remercier de m'inviter, j'peux te faire la cuisine. j'garantie juste pas la cuisson, ni la qualité du truc. qu'il dit en pouffant d'rire. ce s'ra au moins ça, pas vrai ?