Sujet: can't stop my heart from beating, why do I love this feeling (headan) Sam 14 Nov - 22:03
can't stop my heart from beating, why do I love this feeling (headan) @Aidan Pennden
Heaven n’accordait que peu d’importance aux biens matériels, se fichant éperdument de posséder le dernier Balenciaga ou le dernier smartphone, et si elle n’était pas matérialiste de nature, elle n’en demeurait pas moins dépensière. Aussi, lorsqu’elle avait entraperçu une boutique d’accessoires pour animaux sur son chemin en se rendant à un rendez-vous professionnel, elle s’était fait une obligation impérieuse d’y mettre les pieds une fois ses engagements professionnels honorés (…). Ce fut au moment où Heaven passait sa carte bleue dans le terminal de paiement qu’elle prit la décision de rendre visite à son ex, car il lui semblait totalement absurde de faire patienter son chien une semaine encore pour découvrir ses nouveaux jouets. Elle interpella un taxi à la sortie du magasin et s’engouffra dans l’habitacle, sous la clameur environnante d’un new york constamment agité.
(...)
Les bras lourdement chargés, Heaven entreprit de toquer à la porte à l’aide de ses coudes – elle s’était prononcée un peu vite en répondant « un sac en plastique ? non merci et l’écologie alors ? » parce que ses affaires étaient tombées à de nombreuses reprises avant qu’elle ne trouve son équilibre, néanmoins relatif. « Beaver me manquait trop », gémit la jeune mannequin lorsque la porte s’ouvrit devant elle, des éclats de candeur dans le regard. Elle avait certes usé de cette excuse jusqu’à la corde ces dernières années mais elle n’en était pas moins sincère. Heaven lui vouait une adoration sans faille ; elle lui excusait la moindre de ses incartades et l’autorisait à grimper sur le lit ou le canapé dès qu’il en exprimait l’envie. Elle l’avait affectueusement surnommé « Beaver » parce qu’il avait longtemps rongé les meubles lorsqu’il était encore chiot ; elle ne l’avait plus jamais appelé autrement. Elle avait déniché le petit Beagle derrière une poubelle, alertée par les gémissements de ce qu’elle avait tout d’abord pris pour un hamster ; elle en était tombée amoureuse à la minute où elle l’avait vu, en dépit de ses yeux aux pourtours ornés de croûtes et de son odeur pestilentielle. Dès lors, elle n’avait plus imaginé la vie sans lui.
Parce que le chien venait de reconnaître sa voix et qu’il se ruait déjà vers l’entrée, Heaven profita de cette occasion pour pénétrer dans le logement. Elle déposa les jouets à même le sol afin de prendre le chien dans ses bras. « C’est qu’tu m’as manqué mon bébé ! J’ai pas arrêté de penser à toi. » Beaver lui offrit quelques jappements en guise de réponse, avant de retrouver le sol en frétillant de la queue sous l’excitation. « ‘Faut vraiment qu’on trouve une autre organisation, deux semaines c’est trop long » dit-elle le plus sérieusement du monde « pourquoi pas tous les trois jours, ce serait tellement mieux ». Puis, elle s’exclama soudainement « j’ai trop envie de faire pipi, j’peux utiliser tes toilettes ? J’ai bu la cafetière en guise de déjeuner, j’en peux plus ». Elle désigna l’énorme tâche marronâtre qui ornait son sweat d’un moulinet de la main « ce qui explique cela… j’peux te piquer un t-shirt dis ? ».
Les comptes, les comptes, des chiffres partout, on calcule, on vérifie, et ça, d'où ça provient ? Non, ça ne va pas, il faut recalculer le pourcentage. Trois heures que je traînais sur ce dossier au lieu de profiter d'un peu de temps libre. Il était important, et un de mes collègues était dessus. Celui qui l'aura résolu en premier s'attirera les faveurs du chef. Je comptais bien réussir en première. Et puis, je ne voulais pas arrêter de travailler. Tant que je vérifiais, comptais, appliquais les codes subtils et précisément tarifés du centre des impôts, je ne pensais pas à mes problèmes. Le plus grand d'entre eux étant que je ne savais pas quoi faire d'autre de mon existence que de compter des impôts. Fouiner dans les comptes des entreprises de la ville était passionnant, mais une fois qu'un dossier était terminé, une fois la dose de satisfaction évaporée entre mes neurones, je n'avais plus rien. Je restais là, avec mes plats préparés, incapable de trouver la motivation de me faire à manger, de sortir, de faire quelque activité sociale. Quand je n'avais pas de dossier sur lequel me pencher, je comatais sur le canapé, devant la télévision, Beaver à mes côtés, lorsqu'il était à ma garde. On toqua. Le chien leva la tête et observa l'entrée.
Je compris, avant même que je n'ouvre la porte, qui se trouvait sur son pas. Quand je disais que je m'ennuyais, ça ne signifiait pas que fallait venir m'emmerder non plus, bougonnai-je dans la sphère privée de mes pensées, tandis que mon ex-femme me sortait la même excuse habituelle. Beaver, ce sale petit traître, accourut pour la saluer. Elle en profita pour s'immiscer chez moi. Elle avait ramené des jouets, qui tombèrent tandis qu'elle prenait le chien dans ses bras. Je l'adorais, Beaver. Il comblait le vide de mon appartement, me rappelait parfois les beaux jours, qui devenaient aussitôt douloureux au souvenir d'Heaven, et de l'erreur que j'avais commis en l'épousant. Il y a des soirs où, malheureuse et légèrement alcoolisée, je regrettais d'avoir demandé la garde partagée. Mais je l'aimais tout de même, ce chien, et je refusais de faire le plaisir à Heaven de lui accorder la garde complète. Elle insistait pour que je capitule. - Trois jours, c'est trop court. Notre calendrier initial est très bien, annonçai-je sèchement. Elle faisait comme chez elle, malgré notre divorce. Elle posa Beaver, mais ne tourna pas les talons, bien décidée à s'éterniser. Sa requête me fit serrer les mâchoires. La nuit dernière, seule dans le noir, incapable de trouver le sommeil, je l'imaginai un instant à mes côtés, comme un fantôme qui me tenait compagnie, les traits de son visage apaisés. Aujourd'hui, sa tête, je ne pouvais pas la voir, car elle n'était pas apaisée. Heaven avait toujours cette énergie, cette détermination qui m'irritait. - Tu passes aux toilettes et tu t'en vas. Tu te changeras chez toi. Les gens ne seront pas étonnés de te voir négligée de toute façon. Je savais déjà que je ne pouvais pas gagner. J'espérais seulement que mon attitude froide et distante suffirait à la lasser. Je n'avais pas le cœur à lutter en ce moment. J'étais dans cette période où le vide était trop lourd. Il fallait vraiment que je me trouve quelqu'un.
Sujet: Re: can't stop my heart from beating, why do I love this feeling (headan) Dim 15 Nov - 15:59
« Trois jours, c'est trop court. Notre calendrier initial est très bien. » Heaven plissa les yeux, interpellée par cette détermination soudaine et par ce refus catégorique qui lui donna l'effet d'une gifle. « Selon qui au juste ? As-tu pensé une seule seconde à ce que Beaver voudrait ? » Répondit-elle en écarquillant les yeux, comme si Aidan venait de faire preuve d'un égoïsme sans nom. « Tu ne peux pas prendre une telle décision de façon si arbitraire. » Ajouta-t-elle en s'accroupissant pour caresser l'animal qui se frottait contre ses jambes, réclamant son attention. Heaven concédait à reconnaître qu'Aidan s'occupait bien mieux de leur animal, notamment parce qu'elle était bien mieux disciplinée et bien moins distraite qu'elle. Et si elle voulait bien l'admettre à elle-même, elle refusait de lui accorder cette satisfaction en lui dévoilant ce qu'elle ressentait.
« Tu passes aux toilettes et tu t'en vas. Tu te changeras chez toi. Les gens ne seront pas étonnés de te voir négligée de toute façon. » Elle voulut répondre qu'elle n'avait jamais prétendu être coquette et se lancer dans une tirade accusatrice pour lui reprocher quelques idioties en retour mais s'abstint - elle se gargarisa intérieurement de cette soudaine maturité. « Bien sûr que j’vais aller aux toilettes. » Répondit-elle aussitôt - elle n'allait pas décemment pas risquer le calcul rénal pour lui faire plaisir. « Je venais aussi prendre de tes nouvelles. Si je me souviens bien, c’est une période particulièrement stressante pour toi : la clôture des exercices comptables, les déclarations de TVA… » Ajouta-t-elle en se heurtant à une indifférence qui la blessait bien plus qu'elle ne voulait l'admettre. « Pardon de me soucier de toi, Aidan. Si tu permets, je vais donc aux toilettes et après, je pars. » Fit-elle en haussant les épaules, traversant à grandes enjambées le couloir pour rejoindre les toilettes. Comment en étaient-elles arrivées là ? Comment Aidan avait-elle pu cesser de l'aimer ? Comme Heaven avait-elle pu se tromper à ce point ? I guess we'll never know.
Durant son passage dans la salle de bain, Heaven ne cessa de s'interroger sur les postures évidentes de défiance dont Aidan faisait preuve à son égard ; qu'avait-elle fait pour mériter tant de véhémence, pour subir de telles foudres alors qu'elle avait seulement manifesté l'envie de voir son chien plus souvent ? Ce fut en séchant ses mains qu'elle décida soudainement de retirer son sweat. Tant pis pour la maturité. Elle sortit de la pièce en claquant la porte, le vêtement sur le bras, exhibant ses sous-vêtements comme si de rien n'était. « Beaver, je dois y aller. Viens me faire un bisou ! » S'exclama-t-elle en rejoignant l'entrée.
Il était évident qu'Heaven n'allait pas lâcher l'affaire de sitôt. Elle avait plus d'un tour dans son sac, et c'est ainsi que j'avais fini dans son lit en premier lieu. Elle conserva son calme. Encore une fois, c'était moi la vilaine de l'histoire. - Beaver est un chien. T'as qu'à aller faire un gosse si tu veux quelqu'un pour se plaindre à ta place. Cette femme se croyait dans un conte de fée, où tout était soit blanc, soit noir, un échiquier sur lequel elle contrôlait les deux reines, et se moquait éperdument des rois, refusant ainsi de mettre un terme à cette partie qui avait déjà trop duré. Je n'avais pas besoin d'elle pour s'occuper de moi, j'étais une adulte mature et responsable. Et surtout, j'avais du travail. Un gros dossier. J'allais coincer un fraudeur très bientôt, et recevoir la reconnaissance de mes collègues, ainsi que de mon supérieur. J'avais de l'ambition, moi. Si Heaven en avait eu, elle aurait été se chercher une vie et aurait arrêté de me tourner autour. Je roulai les yeux, sans répondre. Qu'elle aille donc pisser et se casse de chez moi.
Alors qu'elle était aux toilettes, je me retins de prendre Beaver et partir, mais j'étais chez moi et elle en profiterait pour saccager les lieux. J'attendis qu'elle sorte. Je n'aurais pas dû être surprise par sa sortie. Elle traversa mon salon en soutien-gorge, s'arrêta dans l'entrée, salua le chien heureux. Autrefois, c'était un jeu. Elle aimait le pouvoir que son image avait sur moi, loin de l'indifférence que le regard des autres sur son corps à demi-dénudé lui provoquait. Le regard de tous les autres, mais pas du mien. Elle n'avait jamais été indifférente à mon égard, c'est pour ça qu'elle avait ôté son haut. Elle voulait que je la regarde, la désire, regrette de l'avoir délaissée. Elle voulait que je me souvienne de ce que nous avions et la supplie de revenir auprès de moi. Cela n'arrivera pas. Elle avait déjà trop pris de mon âme. Je n'avais plus la force de lutter. Attristée par le retour de certains souvenirs, je déboutonnai le haut de ma chemise, animée par l'amertume, et la tirai par dessus ma tête. Je la roulai en boule, comme Heaven avait pu me froisser, m'user, et la lui jetai au torse. - Je ne peux rien faire de plus pour toi. Prends ça, et va-t'en. Moi aussi, je pouvais m'exhiber. Sauf que moi, c'est parce qu'Heaven m'avait tout pris, et non parce que j'avais voulu jouer.
Sujet: Re: can't stop my heart from beating, why do I love this feeling (headan) Lun 16 Nov - 20:20
« Beaver est un chien. T'as qu'à aller faire un gosse si tu veux quelqu'un pour se plaindre à ta place. »« Beaver ressent des émotions, je te signale », articula-t-elle en même temps que ses traits se durcissaient « et je n’ai besoin de personne pour s’exprimer à ma place, c’est terriblement insultant, en plus d’être carrément infantilisant », poursuivit-elle, acerbe. En dépit des sentiments évidents de colère qui montaient en elle, Heaven ne put s’empêcher de se rappeler qu’elle avait jadis imaginé fonder une famille avec Aidan ; des filles aux prunelles émeraude, aux lèvres pleines et aux cheveux bruns…
Ce fut au moment où Aidan lui jeta son chemiser dans les bras qu’Heaven fut frappée par une réalité qui la dépassait. Par cet acte ô combien avilissant, son ex-femme tentait de lui signifier « prends ce vêtement, gage de ma soumission, je m’incline devant ta perversité ». Alors, Heaven attrapa le vêtement, comme s’il eût été un morceau de son être, et le serra contre sa poitrine, à défaut de serrer Aidan contre elle. « Je ne peux rien faire de plus pour toi. Prends ça, et va-t'en. »« Tant d’égo et de rancœur combinés », elle ponctua ses paroles d’un rictus amer, meurtrie par ce qu’Aidan lui renvoyait. Heaven avait l’impression d’être un monstre. Comment avait-elle pu passer de muse à bourreau ? Avait-elle jamais été une muse ? Ou avait-elle toujours été un bourreau ? Ses yeux qui autrefois brillaient d’admiration, quoi qu’elle fasse et quoi qu’elle dise la transperçaient aujourd’hui d’un sentiment nouveau, une sorte de lassitude douce-amère.
« Plus je te regarde et plus je sais de choses sur nous deux. » Elle ne s’exprima pas davantage, laissant ces mots lourds de sens peser dans l’air, jusqu’à lui donner l’impression qu’ils la privaient d’oxygène. Comme d’ordinaire lorsqu’Heaven sentait qu’Aidan lui échappait, elle sentit poindre en elle un sentiment de détresse absolu. Elle parut un instant la regarder à travers elle, par-delà les forêts luxuriantes dans lesquelles elle aimait tant se perdre, mais ne distingua qu’une mince clairière dont la lueur verdâtre lui donnait la nausée. Sur son visage, une expression complexe, difficile à interpréter ; une étrange combinaison de désespoir teinté de colère, des éclats de tristesse transperçant ses iris de part et d’autre. Heaven avait envie de crier. Elle avait aussi envie de l’embrasser. Elle ne voulait pas lui faire de mal, en aucune manière, mais elle lui en faisait indubitablement.
Heaven était terrifiée à l’idée d’être reléguée au rang de souvenir ; son père avait disparu depuis si longtemps qu’il lui arrivait d’en oublier son visage et elle se détestait pour ça. Que ressentirait-elle réellement si Aidan cessait de l’aimer ? Et si elle avait déjà cessé de l’aimer ? Et si Heaven n’avait été qu’un obstacle, qu’une étape la menant à son véritable amour ?
Je n'avais pas envie de lui répondre. Pourquoi le devrais-je ? Elle voulait toujours avoir raison, me rabaisser, m'humilier, faire en sorte de s'insinuer dans mon esprit pour que je culpabilise et m'excuse. Elle voulait mon attention. Elle s'en foutait que je l'aime ou non. Elle voulait seulement laisser son emprunte au fer rouge sur ma poitrine. Et le pire, c'est qu'elle avait réussi. J'étais terriblement mal. Mais je gardais une mine impassible. Elle m'accusait, encore, et moi je me taisais à nouveau. Si je parlais, j'allais dire des choses que je regretterais ensuite. Je ne voulais pas lui faire de mal. Pourquoi devions-nous toujours nous faire du mal ? On s'était quittées pour arrêter de souffrir. Apparemment, Heaven voulait continuer. Elle aimait avoir mal. Et ça, ça me foutait en rogne, parce qu'à vouloir souffrir pour rien, elle me faisait du mal à moi. Elle aurait pu aller se cogner la tête contre une porte, au lieu de ça elle avait choisi de venir s'écraser contre moi, pour qu'on s'effondre et se brise encore une fois.
Je voulais m'énerver. Je voulais lui hurler de partir. Mais je n'en avais pas l'énergie. Et elle avait l'air dépitée. Comment lui en vouloir, quand elle apparaissait si vulnérable ? Quand, il n'y avait pas si longtemps, je profitais de ces instants pour aller la prendre dans mes bras, feignant de la consoler pour me réfugier moi-même, et m'apaiser un moment ? Je ne savais pas. Quoi dire. Quoi faire. J'étais là. Je la fixais. J'essayais de comprendre pourquoi elle continuait à venir, à provoquer des conflits inutiles. On n'était plus ensemble. Et sans que je ne contrôle mes lèvres, cette vérité s'en échappa : - C'est fini entre nous. Tu l'as compris, ça ? De toutes les choses qu'elle savait sur nous, celle-ci semblait lui avoir échappée. Je la suppliai intérieurement. Arrête de venir. Je peux pas. Je peux pas. Je pris une profonde inspiration, et soufflai lentement. Une part de moi désirait encore Heaven. Je savais que, la nuit prochaine, en son absence, je souffrirai. Je fixerai anxieusement le plafond, taperai de la cheville sur le matelas, étoufferai des cris douloureux, actuellement coincés dans ma poitrine. Le manque, je le ressentais chaque jour, et quand Heaven était là, la douleur était insupportable. La dose de bien-être à portée de main, je luttais contre ce piège.
Sujet: Re: can't stop my heart from beating, why do I love this feeling (headan) Dim 29 Nov - 18:30
« C’est fini entre nous. Tu l’as compris, ça ? » Ces mots, qu’elle avait déjà entendus n'en demeurèrent pas moins douloureux, semblables à des coups de poignards qui martelaient une fois de plus le cœur endolori de la jeune femme. Prisonnière d’une réalité qu’elle ne voulait accepter, son corps fut parcouru d’un violent sanglot, de ceux qui vous secouent l’échine et vous désarticulent ; Heaven pleurait à l’intérieur. « Merci d’avoir éclairci ce point. » Dit-elle en affectant délibérément des accents d’autodérision, masquant son chagrin avec peine ; elle se sentait exsangue. « J’étais un peu confuse, il faut croire. Comme j’ai cru t’entendre dire « jusqu’à ce que la mort nous sépare ». Mais comme bien souvent, les gens disent des choses qu’ils ne pensent pas vraiment. » Elle voulait délibérément la blesser, voir jaillir dans ses yeux des putains de larmes, des regrets au fond de la gorge… mais elle voulait aussi se jeter à ses pieds, la supplier de lui donner une seconde chance, lui dire qu’elle ne pouvait pas vivre sans elle. Par-dessus tout, elle désirait qu’Aidan la prenne dans ses bras, la berce de ses inflexions envoûtantes, que l’émeraude de ses yeux caresse à nouveau le glacier des siens, que la terre retrouve son ciel et non plus que leur rencontre n’embrase l’univers.
Privée de sa dignité, Heaven demeura ainsi dénudée, vulnérable, le choc des mots d’Aidan se réverbérant dans tout son corps. Elle voulut lui demander si elle en avait assez de la voir et si elle avait pour habitude de dire tout ce qu’elle pensait à voix haute, elle avait trop peur de la réponse. Alors, elle s’entendit dire. « Tiens, je ne demandais pas la charité. » Elle desserra sa prise en lui tendant le vêtement, les jointures de ses mains reprenant de leur habituelle couleur rosée. Elle l’observa, longuement, à travers ses cils comme si elle tentait de sonder son âme, sans aucune once de lubricité, son visage parcouru de multiples variations indéfinissables.
Mes propos l'avaient heurtée. Ils lui avaient fait mal, et j'aurais dû m'en sentir fière. Soulagée. Parce que c'était ce que je voulais, non ? La blesser et qu'elle parte à jamais, qu'elle quitte ma vie qu'elle avait déjà si bien saccagée, et ne puisse plus jamais y réapparaître, du moins non sans ressentir cette vive douleur que je lui avais provoquée en lui parlant de la sorte. Sauf que je n'étais pas soulagée. Ni fière. J'avais honte. Honte d'avoir dû en arriver là, moi qui autrefois avais osé me comparer à une bonne personne. Les bonnes personnes ne font pas de mal aux autres, pas même à leurs ennemis. Ennemi. Etait-ce ce qu'Heaven était devenue pour moi ? Une ennemie ? Un adversaire ? Quelqu'un à affronter sans relâche, avec détermination et l'espoir d'une éventuelle victoire ? Mais qu'avais-je à y gagner ? N'avais-je pas déjà perdu ? Un mariage raté, ça aurait dû nous suffire pour arrêter de se battre. Il semblait que le divorce n'était pas gage de paix. J'avais pourtant essayé de lever ce drapeau blanc.
Je la regardais se décomposer. Mes bras tombèrent le long de mon corps. Je la sentis venir, la réponse dure mais, comme je crus la mériter, je ne l'empêchai pas de frapper mon coeur. Ces mots qu'elle m'accusait d'avoir trahis, elle les avait elle-même prononcés le jour de notre mariage. Quand réalisera-t-elle qu'elle était aussi en faute dans notre échec marital ? C'était toujours de ma faute, à chaque fois qu'elle n'allait pas bien, elle venait me blâmer. Je ne le supportais plus, et en même temps, je vivais son absence comme une pénitence. - Tu avais promis de m'aimer, crachai-je, puis déglutis-je, au lieu de ça tu m'as fait souffrir, et tu continues malgré la rupture de notre contrat de mariage. Et parce qu'elle tendait ma chemise comme notre contrat déchiré, je ressentis le besoin d'aller la saisir, et d'en défaire nerveusement les derniers boutons. Je me concentrai sur les boutons, pour éviter son regard. Je ne pris sur moi que la chemise ouverte. Affrontant son regard, je la passai sur ses épaules. - Non, tu ne faisais que quémander mon attention. Et tu l'as eue. Parce que je savais que, de toute façon, même si elle partait aujourd'hui, elle reviendrait pour me narguer. Elle était un cauchemar, dans lequel je me perdais parfois volontairement, car affronter le vide de la réalité m'était insupportable.
Sujet: Re: can't stop my heart from beating, why do I love this feeling (headan) Mer 2 Déc - 14:21
« Tu avais promis de m'aimer, au lieu de ça tu m'as fait souffrir, et tu continues (..) » Heaven savait lire entre les lignes, pas toujours, mais la plupart du temps. Elle soupesa le moindre de ses mots, s’attarda sur la sémantique et baissa la tête, dans un semblant de reddition. Parce qu’aimer signifiait « prendre soin », Heaven reconnut sans peine que ça n’avait pas toujours été le cas, à défaut de reconnaître pleinement ses erreurs. Entre elles, tout était allé beaucoup trop vite ; elle aurait juré être tombée amoureuse dès la première seconde où elle l’avait vue. Trop fort aussi, dans une réalité faite d’excès. Très rapidement, Heaven l’avait exposée au monde, jetant la brebis innocente au milieu d’un troupeau de loups affamés. Et ils avaient fait de leur relation un spectacle, de leur vie, une comédie. Heaven n’avait pas eu les épaules pour gérer cette attention, et encore moins Aidan.
« Non, tu ne faisais que quémander mon attention. Et tu l'as eue. »« Oui exactement parce que je ne suis qu’une sale gosse en manque d’amour, tu vois ? » Elle avait dit « amour » et pas « attention » parce qu’elle voulait à tout prix la blesser pour ébranler ce qu’elle prenait comme un manque d’affect de sa part.
« C’est bon, j’prends Beaver et j’me casse. De toute façon, c’est mon chien, pas le tien. Marre de tes conneries. » Dit-elle en attrapant le chien dans les bras. « T'en prendras un autre, avec une fille bien comme il faut, bien sous tous rapports. Une figure lisse et sans aspérités cette fois-ci. Tu l’épouseras et tu lui feras peut-être des bébés, qui sait ? Et vous serez une petite famille lisse et proprette comme on en fait partout. Votre vie sera chiante comme les pierres. Vous irez à Wallmart ensemble remplir le caddie de légumes bio et vous mangerez ensemble en silence parce que vous n'aurez rien à vous dire, rien qui mérite d'être raconté. Vous vous aimerez. Pas passionnément mais assez pour vous supporter, pour endurer l’indifférence qui de toute façon finira par vous gagner. Et peut-être, je dis bien peut-être, que tu ne la regarderas pas comme tu me regardes, avec ce mépris qui te tord la bouche. Je sais que tu me détestes. Notre vie n’était pas parfaite, c’est vrai. Mais tu ne peux pas dire que je n’ai pas tout fait pour toi. Je t’ai aimé comme personne ne t’aimera jamais. Même quand t’es une putain de connasse. J’ai toujours pensé que t’étais mon Eden. Mais finalement, je crois que t’étais la putain de pomme. »
Ses répliques faisaient mal, putain, qu'est-ce qu'elles me firent mal ! Je ravalai tout, je ne voulais pas lui montrer ma souffrance. Elle en aurait été trop heureuse. Je ne pouvais pas non plus perdre le contrôle, car je ne savais pas ce que je lui ferais si mes émotions m'échappaient. Je me jetterais sur elle, certainement, pour lui faire quoi ? J'étais déchirée entre l'envie de l'étriper et de la serrer dans mes bras. Ce n'était pas totalement incohérent, car dans les deux cas, je m'accrocherais à elle, et elle gagnerait. Elle voulait tellement que je sois auprès d'elle qu'elle en laisserait sa vie, et laisserait échapper avec son dernier souffle un sourire fourbe. Mais j'aurais dû lui dire dès le départ, que si elle me tuait, ou que j'en venais à la poignarder avec tout l'amour que je lui avais trop donné et que j'aurais aimé pouvoir reprendre, je ne la laisserais pas mourir en paix. Non, après sa dernière expiration, je la plongerais dans le Styx et la ramènerais ici, dans le monde des vivants, notre enfer à nous deux, le seul monde où l'on se trouvait ensemble.
Ne pas paniquer. Elle m'associait au Mal, parce que c'était plus simple pour elle que d'admettre ses torts. Je savais, pour ma part, que je n'étais pas parfaite, que j'avais commis des erreurs dans notre relation. La première avait été de la suivre aveuglément dans notre péripétie de mariage, qu'il me semblait avoir initiée, poussée par le désir qu'elle m'avait injectée avec force. Pourtant, si j'étais la pomme, pour se retrouver bannie du bonheur, il avait bien fallu qu'elle me goûte, non ? Croquer la vie à pleines dents, comme ils disent. Heaven l'avait fait, et elle s'en était brisé les mâchoires, dont s'en était échappée sa langue de vipère. Elle insinuait que je l'avais dupée, comme une vulgaire promotion frauduleuse en tête de gondole, qui attirait malicieusement la foule. - Eden, hein ? C'est à ça que tu t'attendais quand tu m'as épousée ? Un putain de jardin divin ? Tu mélanges tout, même les lettres. Je n'ai jamais prétendu, jamais menti sur mon identité. Aidan, c'est pas loin comme nom, mais ça n'a rien à voir avec tes fantasmes. Je ne joue pas, moi. De nous deux, ç'a toujours été toi l'actrice. Alors oui, je devrais sûrement aller me chercher quelqu'un de nouveau. Trouver mieux que toi, ça devrait pas être compliqué. Mes poings se crispèrent, parce que quand je n'allais pas bien, le manque s'intenfisiait, et rendait chaque seconde plus rude que les autres. Souvent, quelques verres de vin, ou quelques cachets, suffisaient à m'abrutir, passer la période. Mais là, tant qu'Heaven était chez moi, je ne pouvais aller assommer mon addiction. Et son origine étant là, à quelques pas de moi, la combattre était plus difficile encore. J'avais besoin de son amour, même s'il fallait échanger quelques coups pour y parvenir. Dans ces moments-là, mon corps se rabattait sur lui-même, compressé, et je ne pouvais plus respirer. Ma tête implosait. Je me disais alors qu'abandonner le combat serait moins douloureux que de supporter cette torture une seconde de plus. Mais je tins bon, même si je doutais pouvoir tenir bien longtemps, car je pensais à la honte et à la douleur vive qui m'éclatera la gueule au réveil, parce que j'aurais craqué, parce que je me serais infligée ce mal à nouveau. Parce qu'Heaven aurait encore une fois gagné notre guerre malsaine, et moi, comme Beaver, à ses pieds, je la supplierais de ne pas partir trop brusquement, car il me faudrait recommencer ma sobriété à zéro.