les anges dans des robes rouges. (carmin)

☆ ☆ ☆
{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Carmin Fletcher   

L'espoir se présente comme un ange dans une robe rouge
Sans maquillage, ni promesse, aucun signe d'allégresse
Mais t'avances vers lui avec assurance et maladresse
La pleine lune est jalouse quand on côtoie les anges dans des robes rouges
Elles m'ont dit : "Le monde est à nous",
ces filles qui dansent comme les anges dans des robes rouges
Mais ça dure qu'un temps, car un jour violemment, tu croiseras l'amour mais t'y croiras plus
Et pourtant, et pourtant, on sait que la vie continue

Regarde-toi,
endormie dans ses bras,
comme une amoureuse en émoi,
regarde-toi,
sereine et apaisée,
juste avant d’être brisée.

Les premiers rayons de l’astre du jour s’immiscent difficilement à travers les rideaux opaques de la chambre. Dans le lit, deux corps étendus, l’un contre l’autre. Encore nus, les dermes se frôlent, les bras s’entremêlent, comme les âmes se sont connectées la veille. Cassey, sans aucun réveil, elle pourrait dormir encore des heures. C’est la froideur contre sa peau quand il semble dégager son bras d’elle qui la pousse lentement à se réveiller, la princesse. Dos à lui, elle se retourne instinctivement pour lui faire face, les paupières encore closes, mais sa main qui le cherche déjà. Elle a du mal à émerger, comme si elle dormait d’un sommeil trop profond pour quitter les bras de Morphée. Ou c’est les siens dont elle ne parvient pas à s’éloigner. Enfin, au bout de quelques secondes de flottement, la poupée laisse délicatement entrevoir les deux océans encore apaisés. Elle croise tout de suite le regard de cet amant d’une nuit. Cet ami. Cet homme dans lequel elle n’avait pas prévu de finir son lit.

Et il y a tout qui me revient,
vite, même trop vite,
les souvenirs défilent,
les sensations me submergent,

toi et moi en plein conflit,
toi et moi unis,
sur cette table et dans la salle de bains,
dans ce lit où on a fini par s’endormir,
les corps entrechoqués,
comme les âmes se sont liées,

retour à la réalité.

Carmin a l’air un peu mieux réveillé qu’elle. Beau, toujours, il a l’air perdu dans ses songes alors qu’elle l’observe, elle, avec l’innocence d’un poupon qui vient de naître. « Bonjour toi. » elle lui adresse un doux sourire, empreint de quiétude. Elle ne réalise pas encore tout à fait ce qu’ils ont fait. Comme ils ont craqué. Il y a longtemps, pourtant, que cela ne lui est pas arrivé. Depuis Luis en réalité. Et, avant qu’elle interrompe leur liaison, il était le seul homme qu’elle fréquentait. Depuis des semaines, des mois. Même avec lui, elle s’est toujours refusée de finir la nuit dans son lit. Elle est toujours partie. Comme un moyen de préserver la relation uniquement d’amants qu’ils avaient. Mais de lui, elle n’a pas cherché à se protéger. La preuve étant qu’elle se réveille, ce matin, à ses côtés. Une éternité qu’elle ne s’y était pas risquée. Puis, soudain, il y a Tybalt. Tybalt qui apparaît, derrière le prêtre, pour lui dévoiler son identité. Lui dire qui, véritablement, il est. Elle s’est sentie trop en osmose avec lui, pour avoir la force de partir. Elle n’en a même pas eu l’envie. Comme si tout ce qu’elle voulait, c’était prolonger autant que possible cette soirée. Ce moment au goût d’éternité trompeur. Elle l’a senti éphémère, mais comme un papillon destiné à disparaître, elle ne s’est pas retenue pour autant de faire voler ses ailes. Jusqu’à ce matin. « Est-ce que ça va… ? » elle demande, naïve, devant le mutisme de l’homme bien plus bavard qu’elle a connu la veille au soir. Elle glisse la main dans ses boucles blondes éparpillées, la crinière emmêlée n’en reste pas moins facile à apprivoiser. Celui qui paraît plus compliqué à appréhender, c’est l’homme qui se tient à ses côtés. L’homme qui est silencieux depuis que le jour est venu inonder la pièce de sa lumière. Comme une ombre qui plane sur lui, Carmin, toujours plongé dans les ténèbres.

☆ ☆ ☆
{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Cassey Warren   

Comment j'en veux au monde entier
D'nous avoir donné des envies pour les enterrer
On s'retrouve pour s'ambiancer
J'côtoie aucune personne qui vit sans excès
J'essaie de n'jamais flancher
En continuant d'vivre pour l'amour du risque

Un rayon de soleil serait inutile.
Bercer ton visage de plus de lumière
Voilà qui serait bien futile
Car tu es belle, belle mais éphémère
Comme une goutte de pluie
Qui sèche avant qu'on l'essuie
Comme une larme de joie
Qui n'appartient qu'à toi.

La nuit a été douce, plus douce que prévue. Cela fait des jours et des jours que le prêtre est consumé par le visage mesquin d'Hazel. Sans répit, elle vient nuit après nuit lui rappeler qu'il a survécu et pas elle. Il est en vie et que fait-il de ce cadeau? Il le souille. Des simples mortelles, des prêtres et des gens dans la rue, tout un arsenal d'individus trompés par Carmin Fletcher, un homme aux moeurs divisées.

Ce réveil est dur pour lui. Etonné de voir une créature divine dans ses draps, de la voire même dans ses bras, les souvenirs de la soirée lui reviennent.

Cassey.
Doux poème.
Douce brise
Incomprise.

Il ne dit rien, bouge un peu pour récupérer du sang dans ses bras, et la retient lorsqu'elle bouge, craignant qu'elle ne s'échappe. C'est un drôle de sentiment que celui de l'homme qui s'éveille auprès d'une femme. L'adolescent n'est plus là. Celui qui sourit d'un air grivois en se moquant de ses comparses a disparu et nul ne sait quand il reviendra. Carmin voit sa blonde se tourner vers lui, sans chercher à le fuir. Il pourrait sourire mais son visage est crispé, encore endolori par cette nuit trop pleine d'un sommeil auquel il n'avait plus goûté depuis des mois.

Bonjour, dit-elle. C'est comme une voix qui sort d'un halo lumineux, comme un mirage auditif. Il la regarde sans répondre, craignant de briser le charme sous lequel il est emprisonné. Puis la seconde question le rattrape et il comprend l'ampleur de ces cinq mots, semblant pourtant anodins. Tybalt attrape Cassey dans ses bras et inspire son parfum à pleines narines, comme soulagé de la sentir... là, réelle, auprès de lui. « Ca va très bien. » murmure-t-il sans se comprendre lui-même. « Et toi? » Un grondement s'élève depuis l'un de leurs estomacs. Incapable de déterminer s'il est responsable de ce gargouillement ou si elle est l'affamée qui réclame de la nourriture subtilement, il se souvient juste de la soupe qu'il a jetée la veille sous un coup de nerfs. Il la laisse s'écarter un peu pour plonger ses yeux dans ceux de la sirène qui partage son lit. « Je ne sais pas ce qui m'émerveille le plus : que tu sois toujours là ou que... moi je sois toujours là. » Il n'y a pas de sourire sur ce visage tristement lucide. Carmin est conscient de qui il est, il sait que ces moments sont à chérir car ils risquent de s'évaporer à n'importe quel instant.

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{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Carmin Fletcher   

C’est comme un rêve,
dont, doucement, tu émerges,
la conscience encore en sommeil,
tu ne pourras pas éviter le réveil.

La princesse encore à demi-endormie a pour seul réflexe de se tourner face à lui. De se blottir, instinctivement, contre lui. Elle a toujours besoin de plusieurs minutes pour se réveiller. C’est plus vrai encore après la nuit qu’ils ont passée. Il n’y a pas que leurs corps qu’ils ont épuisé, il y a aussi un bout de son âme qu’il a arrachée. Comme elle ne l’avait plus été depuis longtemps, Cassey. Il s’est emparé de fragments d’elle insoupçonnés, pour mieux la découvrir, pour mieux l’explorer. Instant agréable mais aussi éreintant, pour celle qui ne livre jamais son âme si facilement. Elle essaie comme elle peut de se réveiller ; se raccroche aux deux lacs qui lui font face pour mieux y arriver. Jusqu’à ce qu’il l’attire contre lui, poupée docile et encore vaguement endormie, mais suffisamment réveillée pour esquisser un sourire. Les effluves corporelles se sont mêlées dans la nuit. C’est un peu d’elle qu’elle peut respirer au creux de son cou, mais encore beaucoup de lui. Les phalanges délicates trouvent refuge dans le dos à la peau incroyablement douce du prêtre, elle s’en enivre tout en l’écoutant lui dire qu’il va bien. Un instant, elle aurait cru le contraire. « Hum… bien aussi. » elle relève la tête vers lui, un brin amusée par l’appétit qui revient. Le sien, le leur, elle ne sait plus trop bien. L’habitude de sauter le petit-déjeuner, elle se souvient néanmoins que la veille au soir, aucun d’eux n’a rien avalé. La main dans sa chevelure, glisse sur son minois, et elle se réveille pour de bon. Elle le contemple avec un soupçon de malice quand il avoue sa surprise : elle est restée, lui aussi. « Je te rappelle qu’on est chez toi. » elle précise, comme si cela pouvait suffire, pour expliquer qu’il ne pourrait pas partir. Elle le sait sauvage, Carmin, comme un animal qui refuse d’être apprivoisé. Elle l’a vu, il y a quelques heures, se laisser aller dans une délivrance qui ne semblait pas lui être habituelle. Il l’a même confessé, ce n’était pas ordinaire. Pas le Carmin du quotidien. « Et moi, tu crois que je suis du genre à partir pendant que tu dors encore ? » elle reprend, avec bien plus d’insouciance dans la voix que celle de Tybalt.

C’est peut-être ce que tu ferais,
ce que tu aurais fait,
en réalité, tu n’aurais pas attendu de le voir s’endormir,
si c’était un autre que lui.

Elle aurait seulement récupéré ses vêtements après leur petite affaire. Elle se serait rhabillée à la hâte avant de laisser le destin s’assurer de leurs retrouvailles. Non, dormir dans les bras d’un amant n’est pas dans ses habitudes. Pourtant, Cassey, elle n’a l’air ni chamboulée, ni confuse. Elle s’est sentie beaucoup trop en accord avec ce qui est arrivé pour agir autrement. Mais son insouciance peut laisser entrevoir aussi les mœurs beaucoup plus légers du papillon qui virevolte librement. Elle se recule dans le lit, le drap qui voile à peine sa poitrine. Elle sait qu’elle va devoir partir, le temps file. Et son travail l’attend à la boutique. Mais elle a encore envie de prolonger ce petit instant avec lui. « Moi, je suis contente d’être restée. Je me suis sentie bien à tes côtés. » et elle laisse entrevoir, des émotions qu’il n’a peut-être pas envie de percevoir. Une vérité qui dérangerait Carmin, mais qui pourrait peut-être mieux atteindre Tybalt… seulement, lequel es-tu, ce matin ? Tybalt, ou bien, Carmin ?

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{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Cassey Warren   

Bleu, tu es bleu d'elle
Mais rouge de ta vie
Rouge d'un sang infini
Qui coule, éternel.

Est-il seulement capable de s'abandonner à pareille frivolité sans avoir de dessein derrière la tête. Autrefois, ce qu'il vient de se passer aurait eu lieu mais avec un but bien précis. Autrefois, peut-être qu'il aurait posé les exacts mêmes gestes mais avec l'idée de la détruire derrière, de la détruire avec une seule parole, un seul mot bien appuyé. Seulement, Carmin ou Tybalt, qui qu'il soit à cet instant, ne pense pas aux funestes projets qui l'animaient. Là, ce qui l'agite, c'est l'idée qu'elle est auprès de lui, encore. Et si elle est ici, il ne peut se passer qu'une chose maintenant : partir. Elle ne peut plus rien faire d'autre que fuir. Si elle est maline, elle prendra ses jambes à son cou avant que le malin ne revienne lui nuire. Mais Carmin, en pleine lutte contre lui, se retient de la chasser. Car pour un bonheur de courte durée, il est prêt à la sacrifier. Voilà déjà son égoïsme qui refait surface, laissant présager que le gredin va bientôt montrer sa race.

Sans comprendre ce qu'il voulait dire, la belle sourit. Elle est tellement belle dans cette aura matinale et dans cette insouciance qu'il ne lui connaissait pas. « Je parlais de partir... pas physiquement.  » Ténébreux, il ne sait s'il s'est fait comprendre cette fois. Tybalt peut laisser la place à son jumeau maléfique à tout moment. Il se déride un peu quand elle lui demande s'il pense qu'elle, elle partirait. Il secoue la tête avec un sourire taquin sur le visage. «  Toi, tu ne peux pas, la porte est fermée à clé. » Son visage s'étire d'un rayonnement plein de bonhomie. Cela ne lui ressemble pas, il ne se reconnait pas.

Ce qu'elle révèle en toi, ces petites parcelles qui font taire les voix, celles que tu entendais cent fois, ... tout change sous la lumière de son regard. Et tu as peur de ce vide qu'elle crée, de cette faille qu'elle a dessinée dans ton âme. Avant, tu étais peut-être faible mais tu étais fort dans ton armure, toujours à distance de tes douleurs internes. Aujourd'hui, tu as goûté à quelque chose de nouveau. Et quand l'armure viendra se refermer sur toi, tu sais que les abysses qui traînent dans ton for intérieur te tortureront et se moqueront de toi.  

« Petit déj?  » Il ne répond pas à sa phrase, cherchant à minimiser le côté cucul qu'elle est en train de faire ressortir chez lui. Il n'est pas doux, il n'est pas tendre Carmin. Son regard tombe sur la poitrine qui se dessine sous le drap. Toujours nue, à quelques centimètres de lui, il ne sait s'il a envie d'un petit déjeuner ou d'autre chose. Tandis qu'elle bouge, Carmin retient le drap sous ses doigts et tire dessus, forçant le corps à se révéler à lui, sous la lumière du jour. « Ne te rhabille pas.  » murmure-t-il sur un ton presque injonctif.

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{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Carmin Fletcher   

Partir,
tu n’en as pas le désir,
comme tu as encore moins envie,
que ce soit moi qui file,

Partir,
tes iris le disent,
ton cœur le crie,
tu repousses et provoques tout à la fois,
le moment où on s’perdra.

Les billes bleues l’observent, aucun mot ne sort de ses lèvres. Elle le contemple, Cassey, comme si elle tentait de le comprendre. La moue mal réveillée laisse apparaître pour la première fois la curiosité, face à tout ce qu’il pourrait éprouver. Regrettes-tu, Tybalt ? Ou bien, est-ce Carmin, qui abhorre nos ébats ? Regrettes-tu, Carmin, d’avoir livré un bout de ton âme ? Ou bien, est-ce Tybalt encore en plein désarroi ? Elle ne sait pas, la princesse, peut-être qu’elle n’a pas envie de savoir. Nulle envie de gâcher un moment qui, quoi qu’il pourrait en dire, demeure authentique. Nulle envie, surtout, de se confronter à la réalité après avoir frôlé un rêve utopique. « Tu as peut-être… juste eu envie de rester. Comme moi. » elle n’essaie pas de lui faire sortir une quelconque déclaration. C’est même pour cette raison, sans doute, qu’elle a ajouté ses propres émotions. C’est juste un fait facile à énoncer, une vérité qui est là, entre ces draps froissés. Ils ont eu envie l’un de l’autre. Ils ont eu envie, pas seulement d’un corps-à-corps. Mais aussi de cette communion. Cet échange hors-norme. Ils ont eu envie d’être eux, juste eux, loin de tout ce qu’ils montrent au monde et tout ce que le monde voit d’eux. Le sourire complice, enfin, il revient sur ses lippes. Et déclenche en même temps un rire de la nymphe. « Ça me donne une bonne excuse pour rester… » elle avoue en se laissant reposer sur son dos, la silhouette encore voilée se prélasse impudiquement dans ce lit qui n’est pas le sien mais qu’elle a imprégné de ses arômes.

J’aime quand tu me souris de cette manière,
trop instinctive pour ne pas être naturelle,
trop authentique pour ne pas être une évidence,
ô, Carmin, tu n’as pas l’air si dérouté par ma présence.

Il ne répond pas à ses paroles sans qu’elle ne soit guère surprise. Habituée, peut-être tristement, aux hommes qui n’osent exprimer clairement ce qu’ils peuvent ressentir. C’est par une offre de petit-déjeuner qu’il lui répond, une offre à laquelle son ventre creusé n’a aucune envie de dire non. Mais si elle essaie de garder en tête l’idée qu’elle n’est pas aussi libre qu’elle le voudrait, Carmin a tout du tentateur qui sait tout lui faire oublier. Un sourire étire les lippes de l’astre solaire alors qu’il tire sur le drap qui cachait ses formes. Et puis, cette demande, chuchotée comme un ordre. « Ah… c’est moi que tu veux pour ton petit-déjeuner ? » elle rétorque, le sourire enjôleur. La sirène se redresse, emporte avec elle un bout de ce drap. « Je dois passer chez moi avant d’aller travailler… » car elle n’a rien, ici. Ni maquillage, ni vêtements, si ce n’est ceux qu’il lui a arrachés la veille. Seulement elle ne peut pas s’empêcher de se pencher vers lui, ses lippes qu’elle effleure avec les siennes, avant de lui offrir un baiser qui devient vite fiévreux. « Mais c’est dur de te laisser. » elle doit bien l’avouer. Surtout quand elle le voit nu, le corps découvert, ce corps qui a su la rendre folle il y a encore quelques heures. Surtout quand elle l’embrasse et qu’elle le sent si proche, Tybalt.

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{ les anges dans
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crédit/ tumblr ☆ w/@Cassey Warren   

Si tu pars,
Emmène-moi avec toi.

Douloureux constat que celui d'un homme qui pour survivre a toujours caché qui il était. Là, aujourd'hui, dévêtu, dévoilé, il sait que son temps est compté. On viendra lui demander de payer sa dette pour la nuit passée et il n'a plus assez d'âme à donner pour compenser ce bonheur volé. Mais lorsque l'inquisition viendra réclamer, il se débrouillera... car ce n'est pas maintenant. Pas maintenant.

Maintenant, elle est là. Près de lui.  « Peut-être. » dit-il sans aucune envie de se débattre. Il n'est pas question de laisser Carmin ruiner Carmin ce matin. Et encore moins de le laisser détruire Tybalt. Le ton est doux entre eux, l'humeur est à l'humour. Elle rit sans craindre qu'il ne cherche à la séquestrer. Pourtant, une face sombre de lui en serait capable. La face détestable, celle que la St Clair fait naître au grand jour, celle-là... pourrait enfermer Cassey ici et la garder auprès de lui. Celle-là la haïrait autant qu'elle la diviniserait. Infime douleur de l'âme brisée dont les morceaux ne savent se recoller et qui pourtant, à l'aube de ce jour, semblent en parfaite harmonie.

Cassey se joue de lui, sourit, ne se cache pas réellement, elle tient juste un bout du drap, comme s'il cachait quoique ce soit. Arquant un sourcil, il répond du tac au tac « Je ne savais pas que c'était possible mais tu seras toujours meilleure qu'un oeuf au plat. » Son regard vibre de désir, et son corps vibre déjà à l'unisson. Il se relève et à quatre pattes, s'avance vers elle, l'attrapant au niveau des hanches pour l'obliger à se rasseoir tandis qu'il pose déjà quelques baisers dans son cou. « Tu ne travailles pas aujourd'hui. Toi et moi, on est malades. » Carmin est clairement malade. Aux abonnés absents, il a laissé le gouvernail à Tybalt. Et ce dernier espère que Carmin mourra de son mal et ne reviendra jamais. Mais le second Fletcher n'est pas si faible que ça, tous deux le savent.

Leur baiser langoureux éveille le vice du prêtre endormi. « Alors ne me laisse pas. » Cette phrase est tout sauf anodine. Bien que dite de manière assez simple, elle est un cri de l'intérieur. Il sort du lit, collé à elle. Cassey ne peut que sentir l'effet qu'elle lui fait. Marchant en la faisant avancer avec lui, il ouvre sa garde-robe et en sort un peignoir molletonné bleu marine qu'il dépose sur les épaules de la belle. Puis, il saisit un t-shirt et un caleçon en la rejoignant dans la cuisine. « Je te vois déjà venir et c'est non! Tu restes assise et c'est moi qui prépare les oeufs! » Il ouvre le réfrigérateur, fouille à la recherche d'ingrédients pour faire une omelette et sort des poivrons, du fromage râpé et des champignons. « Tu vas goûter à la meilleure omelette de ta vie. » dit-il en se penchant pour attraper des oignons dans le bac près du garde-manger. De bonne humeur, il entame sa popotte sur la cuisinière en chantonnant un air d'Hooverphonic. Il dépose les assiettes et du pain de la veille sur la table qui vacille un peu, probablement à cause des exploits de la veille. Puis il s'assied face à Cassey en lui tendant une fourchette et un couteau. « Bon, au programme du jour, je te propose qu'on aille faire un tour à Long Island. » Il sourit, très sérieux et très déterminé à l'empêcher d'aller bosser.

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{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Carmin Fletcher   

La magie continue d’opérer,
sans que je ne cherche à l’empêcher,
toi et moi, encore connectés,
je pourrais trop vite m’y habituer,

c’est bien là, le danger.

Mais le danger, Cassey, elle n’a pas l’habitude de l’éviter. C’est tout le contraire en vérité. Attirée par ce qu’elle ne peut pas changer, captivée par ce dont elle devrait se protéger. Elle est là, auprès de l’homme le plus tendre qu’elle ait côtoyé depuis une éternité, elle est là, tout contre Tybalt. Mais elle ne réalise pas tout à fait que, à l’orée de cet instant idyllique qu’elle partage avec lui, son autre visage pourrait bien trop rapidement la faire déchanter. Comment pourrait-elle, seulement, y songer, quand son amant se révèle aussi doux, aussi léger… aussi attachant. Le sourire sur le coin des lèvres, elle le contemple avec cette petite pointe espiègle dans les prunelles. « Je suis extrêmement touchée par ce compliment. » et elle répond naïvement, candidement, elle répond la poupée prête à se jeter un peu plus encore dans la gueule du loup. Mais le loup a des airs de chaton en besoin d’affection. Il lui intime qu’elle n’ira pas travailler, pas plus que lui. Le sourire toujours dessiné sur son visage ne fait que s’agrandir alors qu’il l’incite à rester au lit quand elle tente de s’en extirper. Les bras du prêtre autour de sa taille, ses baisers dans le cou qui éveillent déjà un trouble en elle. Cassey ferme une brève seconde les paupières, juste pour savourer sa tendresse. Il ne doit pas avoir conscience à quel point elle est faible, Cassey, et encline à oublier toute raison trop aisément. Plus encore quand il lui demande, d’une voix légère mais dont elle sent le besoin derrière, ne me laisse pas. « Comment je pourrais te laisser si tu es malade, hein ?  » elle affirme avec malice en tournant la tête vers lui, bien consciente du désir qui s’immisce en lui.
Désir réciproque à vrai dire.

Enfin, ils parviennent à sortir du lit bien qu’ils restent blottis l’un près de l’autre. Elle enfile le peignoir qu’il lui prête gentiment dont elle respire déjà les effluves masculines. Et c’est docilement qu’elle suit son hôte jusqu’à la cuisine. Elle n’a pas même le temps, une fois là-bas, de faire le moindre mouvement qu’il la somme de s’asseoir. Il a tort, la princesse peut vite s’habituer à être bichonnée. La lueur amusée dans ses iris revient de plus belle alors qu’elle tente de négocier. « Est-ce que je peux au moins préparer le café ? » elle en a trop besoin, le matin, pour se réveiller complètement. Devant la promesse du blondinet, elle lui adresse un sourire ravi. « Sache que je suis très exigeante, je t’attends au tournant. » elle finit tout de même par s’asseoir, devant cette table où elle s’est retrouvée en position horizontale la veille au soir. Les pensées peu sages, elle ne quitte pas des yeux Tybalt pendant qu’il prépare son plat. Quand il revient pour s’installer enfin auprès d’elle (cà croire qu’il lui manque un peu trop vite, le prêtre), la nymphe le remercie, juste avant d’entendre sa proposition qui sonne comme une affirmation. Un rire s’échappe des ses lippes alors qu’elle hoche la tête en signe d’acquiescement. « Tu sais que je suis extrêmement faible. Ce n’est pas gentil de me pousser comme ça à la tentation. » n’est-ce pas ce qu’il fait depuis qu’elle a sonné à sa porte ? Ils commencent leur petit-déjeuner mais c’est encore sur lui qu’elle porte son attention. « Je dois reconnaître que ton omelette est divine. » elle marque un petit silence, comme si elle cherchait un peu ses mots, le comble pour celle qui parle constamment sans réfléchir. Elle pense surtout à la situation, à lui. À la manière dont il poursuit le rêver d’hier, comme s’il craignait de voir revenir trop vite Carmin. Elle sent, partout en elle, l’envie, le besoin silencieux qu’elle le laisse être cet homme-là… ou peut-être qu’elle imagine des choses erronées, Cassey. Mais ça ne l’empêche pas de céder. « C’est complètement déraisonnable, ce que je fais. » c’est sa manière à elle de dire oui. Faible victime de ses envies, Cassey, ou bien de lui. Du pareil au même, finalement, pour celle qui a envie de ce moment avec lui.

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{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Cassey Warren   

Loin des yeux,
Loin du coeur
Près des yeux
Rayon de bonheur.


Ils sont deux enfants, tendres et heureux de partager un moment ensemble. Le réveil risquait d'être douloureux mais il ne l'est pas. Car Carmin est toujours endormi, toujours sous le charme de cette étrange nuit. Il sourit même. Cela ne ressemble pas à celui qui porte la soutane noire de sourire ainsi. Ses sourires sont secs habituellement, rares et fins. Il ne souriait que pour acquiescer une phrase qui allait dans le sens qu'il désirait, il ne souriait que pour servir quelque dessein non divin. Mais là, elle le fait sourire.

Et c'est comme si je n'étais plus moi, comme si tu transformais la pierre sous tes doigts. Les regards que nous échangeons, les soupirs que nos âmes font, c'est l'ode d'une ère nouvelle. C'est la promesse d'une vie plus belle.

Dans l'éphémère de l'instant, il ne pense pas aux lendemains. Il ne pense pas à Carmin. Il pense à elle et uniquement à elle. « Tu ne peux pas, surtout que si je suis malade, c'est de toi! » Il se mord les lèvres de façon adolescente sans qu'elle ne puisse apercevoir ce geste. Arrivé devant la cuisinière, le cuistot s'attèle à préparer l'omelette promise tout en encourageant son hôte à ne rien faire. Mais les besoins d'un liquide foncé et fort ressurgissent. « Et moi qui pensais pouvoir remplacer ta caféine. » Il tourne la tête par dessus son épaule. « Fais comme chez toi, les filtres et le café sont dans l'armoire du haut, à droite, la bleue. » Il continue de remuer les oeufs dans son bol pendant qu'elle farfouille dans sa cuisine pour mettre en place la cafetière et lancer la machine. C'est naturel, comme si elle avait toujours appartenu à cet endroit, là, avec lui.

« Faible? » Il arque un sourcil plein d'ironie, la dévorant des yeux tandis qu'elle pique sa fourchette dans l'omelette. « Va falloir te requinquer alors, j'ai besoin que tu aies plein de forces pour tout ce qui nous attend. » Un sourire légèrement grivois sur le visage, il accueille ses louanges au sujet du plat avec une réponse rapide. « Si tu veux mes faveurs, ce n'est pas en me flattant que tu les obtiendras. » Il se met alors à manger son omelette, ravi de voir qu'elle est effectivement parfaite. En deux fourchettes, il a déjà fini la moitié de son assiette. L'appétit est grand après pareille nuit. « Si tu étais raisonnable, tu ne traînerais pas avec moi. Et ça, ton instinct te l'a dit dès la première fois où l'on s'est parlé. » Il la dévisage. Carmin refait alors surface pendant une fraction de secondes. Fier de dénoncer les contradictions de la blonde, de pointer du doigt qu'elle n'est pas sans défauts, il la regarde sans bouger. Il y a un petit goût de provocation dans ce regard appuyé. C'est une part de lui qu'il ne peut renier. Toutes sortes d'idées lui traversent l'esprit, toutes sortes de choses à lui proposer pour la pousser dans ses extrêmes, pour voir à quel point elle lui est attachée. « Dis-moi Cassey, à quel point es-tu déraisonnable? » Il a trouvé son idée machiavélique. Celle qui les liera de manière forte, celle qui rendra cette nuit et cette journée inoubliable. Mais il prépare le terrain, car il ne veut pas d'un refus. « Est-ce que pour vivre, pour goûter à l'adrénaline de te sentir en vie, tu serais prête à risquer gros? Est-ce que le changement te fait peur? » La philosophie de la veille ressort un peu : qui est Cassey Warren? Mais là, il y a un but à ce questionnement.

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{ les anges dans
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crédit/ tumblr ☆ w/@Carmin Fletcher   

Si je suis malade,
c’est de toi.

La déclaration est ponctuée d’insouciance, comme une incitation, juste, pour quémander sa présence. Mais elle raisonne dans le cœur de la lumineuse d’une drôle de manière. Elle ne sait pas réellement comment il se comporte habituellement avec les femmes qui passent une nuit avec lui. Elle ne sait même pas, à vrai dire, s’il lui est commun de partager son lit. Elle n’a pas la prétention de croire qu’elle est unique, Cassey. Elle est plutôt persuadée d’être somme toute banale. Ni épouse modèle, ni femme fatale, ni même celle qui touche au plus profond de l’âme, elle est… elle est juste elle, en réalité. Mais elle a la sensation qu’il la voit autrement, Carmin. Il la voit comme une personne différente, celle qui le rend, lui, différent. Assez pour être malade d’elle. Assez pour lui adresser ses sourires empreints de lumière. Car ces sourires, l’astre solaire est persuadée qu’elle ne les a jamais vus. Elle ne les a jamais vus avant cette nuit, et puis maintenant, encore plus, à la lueur du jour.

Tu sais, Carmin,
la princesse,
on lui a souvent vanté ses qualités exceptionnelles,
on l’a souvent encensée, parfois trop même,
mais avec toi, il y a quelque chose qui diffère,
avec toi, tout paraît sincère,
dans tes sourires, dans tes prunelles,
dans la manière dont tu l’observes,
et celle dont tu l’aimes.

Elle est, comme, une rose qui ne demande qu’à éclore. Une de celles qui nargue les autres hommes, beaucoup trop, mais ne s’ouvre jamais à eux pour de bon. Mais Carmin. Carmin. Il est le petit Prince venu effleurer cette fleur que personne n’aurait su apprivoiser. Celle que beaucoup ont tenté d’arracher, d’autres plus nombreux encore s’en sont détournés. Lui, il paraît lentement s’en acclimater, la découvrir avant de la posséder. Que tous les deux, ils apprennent à se dompter. Le sourire tendre, presque solennel, sur ses lèvres devient plus amusé quand il s’entend imaginer remplacer sa dépendance au café. « Hum, qui sait, les miracles existent. » lui, doit y croire, n’est-ce pas ? Elle finit par se lancer dans la préparation du café pour tous les deux. Le petit-déjeuner est rapidement entamé alors qu’il évoque, très sérieusement, le programme de leur journée. Garder la boutique fermée, quelques jours avant Noël, c’est risquer des pertes. Mais l’antiquaire a du mal à résister au sourire du beau prêtre. « Je peux en savoir plus ou tu comptes me faire mariner ? » Quelque chose lui dit qu’il va préférer la deuxième option. Elle apprécie l’omelette préparée avec affection jusqu’à la réponse à son compliment. Cette fois, c’est elle qui le contemple avec ce petit air espiègle, le sourire joueur sur les lèvres. « Parce que je ne les ai pas déjà, tes faveurs ? » douce et enivrante, la nymphe demande avec un peu trop d’assurance. Elle est tout en légèreté, comme souvent, quand le jeune homme devient plus sérieux soudainement. « Pourquoi ? Moi, j’aime bien traîner avec toi. » qu’elle répond, volontairement en toute inconscience, quand lui est déjà plus… solennel. Plus sérieux, soudain. « J’aime tellement bien que je vais sécher une journée de boulot pour toi. » elle reprend, le chaperon vêtue d’un simple peignoir, prête à se rapprocher un peu plus du loup qui semble en profiter pour tâcher de savoir… ce qu’elle serait prête à faire, visiblement. Elle le contemple silencieusement. Sans déceler le changement en lui, elle perçoit quelque chose d’étrange. Dans sa voix, ou peut-être, dans les mots qu’il prononce. C’est peut-être juste un défi qu’il lui adresse, ou peut-être qu’il souhaite réellement deviner les limites de la belle. « Hum, je ne sais pas. Si tu m’en dis un peu plus, peut-être que je pourrais mieux te répondre. » le goût du risque, elle l’a, tout comme la soif d’adrénaline. Elle aime se mettre en danger, Cassey, alors elle est naturellement intriguée.

☆ ☆ ☆
{ les anges dans
des robes rouges }
crédit/ tumblr ☆ w/@Cassey Warren   

Tu n'imagines même pas la folie,
La démence qui anime mes nuits.
Tu n'imagines pas une seconde qui
Qui je suis, qui je suis...

Les miracles existent-ils vraiment ? Dans sa foi chrétienne imperturbable malgré ses péchés, il n'a jamais cessé de croire. Pourtant, un miracle qui porterait le nom Fletcher, il ne peut le concevoir. Il ne pouvait le faire. Puis, une nuit, elle est morte. Morte la peur d'être lui, morte la peur de respirer une nouvelle vie. Cependant, il sait que tout ça n'est qu'un mensonge, une nouvelle trahison qu'il respire, jusqu'à ce que le poison l'envenime à nouveau. Mais Carmin n'y pense pas. Il respire le miracle d'avant Noël, avec elle, avec celle qui voit autre chose en lui. Et tandis qu'ils se taquinent l'un l'autre, tandis qu'il s'ouvre plus que jamais, une idée se fraye un chemin dans son esprit.

La folie...
Tu n'imagines pas.
Mais la vie...
Entre toi et moi.

Il ne sait pas exactement ce qu'il fait, il se laisse juste guider par une inspiration ridicule qui le pousse à toujours plus lui ouvrir les portes de sa vie. « Si je voulais que tu saches, tu saurais déjà. » Il sourit, fomentant des plans inconscients pour la journée qui les attend. « Je ne sais pas, il faudra me donner encore un peu plus pour espérer avoir autant de moi.  » Un clin d'oeil anime son visage tandis qu'il mange avec elle, qu'il partage la matinée en sa compagnie, sans se poser plus de questions sur l'intelligence de de tout ça.

Mais tu es prêt à sauter le pas
A faire une bêtise comme jamais
Car de l'insouciance tu es roi
Et de l'amour, le plus mauvais.

Il avance ses cartes, pose ses pions un à un, prenant à peine des précautions. Il sait qu'il risque de tout perdre mais là, dans l'euphorie du moment, et surtout dans le besoin de le retenir, Carmin sent le besoin de changement. Sa peau est pleine d'écailles et elle risque de redevenir comme avant. Les douze coups de minuit vont retentir Cendrillon. Sauf que la tenue qui l'attend est bien moins séduisante que les hayons. Cinderella est une jeune fille prometteuse, déguisée en servante par de mauvaises personnes. Carmin s'est déguisé tout seul et n'est pas prometteur, n'est pas bon. Alors, il accroche ses pions à un cheval nouveau, une jument toute fraîche, une blonde qui lui fait entrevoir de nouveaux horizons. «  J'espère bien que tu vas me répondre. » Car il sait que ce n'est pas gagné. Il se lève et contourne la table en moins d'une seconde, faisant glisser l'assiette du bord pour s'y asseoir. Le meuble vacille toujours autant, les ébats de veille l'ont bien éprouvé. Ses doigts défont le peignoir et il regarde le corps trop blanc, trop pur de celle qui s'est offerte à lui. « Perds le contrôle avec moi.  » Il ne sourit plus. Sa voix est grave, profonde, rauque. L'étincelle dans ses yeux ne présage rien de bon et pourtant, il s'apprête à demander ce que les princes demandent, ce que les gentils espèrent. « Epouse-moi.  » Sa voix ne tremble pas. Son regard la pénètre d'une intensité sans égale. Cette demande n'a aucun sens. Ils ne sortent pas ensemble, ne sont pas amants depuis des mois, n'ont couché ensemble qu'une fois.

Risque tout avec moi
Comme je risque tout pour toi.
Prends moi comme risque
Donne-moi une chance...

En vérité, il s'attend à un refus. Il s'attend à ce que cette proposition fasse tout exploser. Cassey va rire de lui, se lever et partir. Ou pire, elle va le refuser et lui dire qu'il fait n'importe quoi, l'humiliant dans sa requête. De cette demande, ils ne peuvent sortir indemnes. Soit elle fait ce qu'il s'attend qu'elle fasse et de la sorte, lui permet de briser leur lien en faisant planer la faute sur elle. Soit elle accepte et rentre dans une folie dont elle ne mesure pas les conséquences.

Espères-tu qu'elle te dise oui?
Juste parce qu'avec toi, elle a joui?
Espères-tu?

Oui.

Il espère. D'où son ton sérieux. L'homme qui n'a jamais vécu rien auparavant, l'homme qui a déjà dépassé les trente ans, fait un pas décisif. Il le regrettera sûrement, quelle que soit sa réponse. Mais il suit un instinct meurtrier qui germe en lui, celui de se casser ou de se caser. Si elle accepte, Carmin devrait dès lors tout abandonner, tout renier, une vie de tromperie... En est-il capable? Son corps ne tremble pas, sa voix non plus. Mais son coeur est secoué d'une peur qu'elle ne peut voir. La peur d'un non, la peur d'un oui.