I will always be here. (bianca)

Tu boutonnes ta chemise, ne quittant pas des yeux l'homme qui se trouve en face de toi. Ton patron, qui essaye d'arranger sa coiffure, face au miroir. Tu ne peux t'empêcher de rire. Tous les efforts qu'il fait pour que personne ne se doute de rien, te feront toujours rire. « Bordel Antoni. » Tu t'approches de lui, lorsque tu l'entends râler. « Ouais ? Qu'est-ce que j'ai fait encore ? » Tu restes derrière lui, le regardes à travers le reflet du miroir. Ton petit sourire au coin des lèvres. « On avait dit plus pendant le service. » Tu lèves les yeux au ciel, passe tes mains sous sa chemise. « Techniquement, c'était l'avant service et je ne t'ai pas mis le couteau sous la gorge hein. » Il retire rapidement tes mains de son corps, pour sortir du vestiaire sans un mot. Tu secoues la tête. Tu as raison et il le sait. Tu t'arranges un peu les cheveux, à ton tour, avant de retourner au bar. Lorsque tu arrives derrière le comptoir, il y a déjà quelques clients. Tu te diriges directement vers la plonge, pour nettoyer quelques verres. Snow est déjà en place, fait déjà tout le boulot et n'a pas l'air d'avoir besoin de toi pour le moment. Ton torchon en main, tu passes ton regard sur toute la salle. Que des têtes que tu connais déjà, que des clients habitués. En même temps, il est rare de voir de nouvelles têtes ici. Tu poses ton regard sur une jeune femme que tu reconnais tout de suite. Bianca. Tu fronces légèrement les sourcils. Tu n'arriveras jamais à t'habituer à la voir là, elle, par contre. Tu as conscience qu'elle fait ce qu'elle veut de sa vie, que si elle a envie de vendre son corps, elle est assez grande pour le faire. Mais tu ne peux t'empêcher de la surveiller lorsqu'elle est là. Tu ne peux t'empêcher de désapprouver ses activités. Tu ne peux t'empêcher de lui faire une réflexion lorsque tu le peux. C'est plus fort que toi. Elle fait partie des rares personnes que tu apprécies vraiment ici et tu n'as pas envie de la voir s'abaisser à ça. Elle mérite tellement mieux. Elle mérite d'être heureuse avec un homme qui la respecte, pas de se taper des vieux millionnaires. Tu soupires, lorsque Snow te demande un coup de main. Tu te mets au travail, mais tu gardes tout de même un œil sur la jeune femme. C'est plus fort que toi. S'il lui arrive quelque chose, et que tu ne t'en rends pas compte, si tu n'es pas là pour la protéger, tu t'en voudras. D'ailleurs, cette soirée, va te prouver que tu as raison de la surveiller. Lorsque le service est plus calme, tu t'autorises une pause cigarette. La clope au bec, tu marches en direction de la sortie de secours. Tu jettes un dernier regard à Bianca et l'homme qui l'accompagne et ce que tu vois ne te plaît pas du tout. Tu ranges rapidement la cigarette dans ta poche de pantalon. Tu lis sur le visage de la belle, qu'elle n'est pas à l'aise du tout. Tu vois bien qu'il sert son poignet trop fort. Elle essaye de l'enlever, mais il l'attrape par le cou. C'est le geste de trop pour toi. Tu t'approches d'eux, d'un pas rapide, mais qui se montre détendu. Tu ne peux pas faire de scandale ici, c'est ton lieu de travail et tu le sais très bien. Même si au fond, tu as envie de lui frapper la tête contre la table. « Bonsoir, j'peux savoir ce qu'il se passe ici ? » Tu sens le regard de ton amie se poser sur toi, mais tu n'y fais pas attention. Tes yeux sont fixés sur cet homme, qui a beaucoup de chance d'être sur ton lieu de travail. « Mêle toi de ton cul, c'est entre elle et moi. » Ta mâchoire se crispe lorsque tu entends ses paroles. Tu prends quelques secondes pour souffler. Ta main se pose sur son col tandis que tu te penches vers lui. « On va aller faire un tour tous les deux. Et j'te déconseille de l'ouvrir, si tu ne veux pas que j'te mette une balle dans la tête. » L'homme déglutit bruyamment et hoche la tête. Tu lui mets une petite tape sur la joue. « Bon garçon, maintenant dépêche toi. » Le ton que tu utilises est dur, mais très calme. Comme si tu n'allais pas lui faire regretter ce qu'il vient de faire à ton amie. Ce n'est pas grand chose, aux yeux des autres, mais toi, tu ne supportes pas qu'on touche à quelqu'un que tu aimes. T'es quelqu'un d'excessif et c'est lui, aujourd'hui, qui va en faire les frais. Il se lève et avant que vous quittiez la table, tu tournes la tête vers Bianca. « Toi, tu restes là. » Tu te contentes de lui dire. Tu te doutes, qu'elle ne te laissera pas t'acharner sur ce mec comme ça, mais tu auras essayé au moins. Tu tires l'homme discrètement vers la porte de secours. Lorsque vous êtes sorti, tu le jettes dans l'escalier, afin de lui donner un avant-goût de ce qui l'attend. Tu descends les escaliers doucement, derrière lui, qui te supplie de ne pas le frapper. Plus tu avances, plus tu sens la colère au fond de toi, grandir. Tu peux enfin t'occuper de ce connard, tranquillement. Quand tu arrives en bas, tu ne peux t'empêcher de rire nerveusement, lorsque tu le vois essayer de courir pour s'enfuir. Malheureusement pour lui, vous vous trouvez dans un cul-de-sac, il n'a aucun moyen de se barrer. Tu l'attrapes par les cheveux.« J'vais t'apprendre à lui faire du mal connard. » Que tu grognes avant d'attraper sa tête pour la frapper violemment contre le mur.

how do i win this war alone, it's like i'm fighting with a ghost, we're two battleships that always miss but we can't admit, this is the fear of letting go. -- @antoni raskoša

Elle s’y retrouve toujours, dans les méandres de l’obscurité, dans les tréfonds de sa propre vie. Comme enchaînée, prise au piège par ce destin, par cette fatalité. Elle s’y retrouve, toujours, parce qu’elle n’est que très peu de choses, Bianca. Elle n’est que ce cœur trop tourmenté, que cet esprit incapable de voir sa beauté. Fleur salie depuis trop longtemps à présent, trop, pour oublier les coups assénés par l’univers. Tu te souviens encore de la première fois. De cette première horreur. De ce moment, quand les mains bien plus expérimentées sont venues se frotter à ton corps de gamine, à ton corps de pré-adolescente. Elle avait tout juste quinze ans. Quinze ans, elle ne connaissait rien à la vie. Quinze ans, elle ne connaissait même pas encore son propre corps. Ni même la cruauté de ce monde, la dureté avec ceux qui n’ont rien. Son âme comme offrande au diable, pour l’éternité. Parce qu’aujourd’hui encore, quand tout porte à croire qu’elle s’en est sortie, qu’elle s’est élevée, dirigée vers la lumière, quand tout porte à croire qu’elle va mieux, elle rejoint encore les ombres. Photographe, maîtresse de son indépendance, elle glisse encore sur la pente dangereuse de la prostitution. tu ne penses pas mériter mieux que ça, bianca. tu ne penses pas valoir plus que ça.
Ce soir, elle s’adonnera, encore une fois. Ce soir, elle faiblira, encore une fois. Biche blessée incapable de se relever. Dans ce bar, à la merci du pauvre type qui grille des billets pour quelques nuits avec des prostituées. Le goût est le même que tous les autres soirs, amer, avec une pointe de violence supplémentaire. tu sens qu’il y croit déjà, bianca, qu’il est certain de pouvoir faire ce qu’il veut de toi. il empoigne ton poignet comme si tu lui appartenais. et peut-être que c’est le cas, au fond. Que t’appartiens un peu à chacun de ces types. elle voit déjà les flammes, elle sent déjà son épiderme s’enflammer face au damné. mais soudainement, il apparait. Comme un ange sombre, il apparait.
Antoni. De ce monde, il baigne dans les abysses, lui aussi. Il connait le prix à payer, ce que cela lui coûte, les éraflures mentales, les éraflures de l’âme. il sait, mais il est son ange gardien. Même lorsqu’il est difficile, même lorsqu’il est brutal, il tente de la protéger. Elle le sait. Elle le sent. La brune reste sans voix, plantée-là, pendant que la scène se déroule juste sous ses yeux. pendant qu’il attrape son client du soir, prêt à l’envoyer valser, à le défigurer. machinalement, t’obéis, bianca. comme toujours, t’obéis. Tu ne bouges pas, tu le laisses l’emmener. pendant une seconde, puis deux, puis trois. Triste réalité d’une poupée qui ne contrôle plus sa propre vie. jusqu’aux remords. Jusqu’à ce qu’elle réalise que c’est lui, qu’elle met en danger. que c’est antoni, à qui elle tient tant, qu’elle met en danger. alors elle quitte l’endroit, le cœur battant, emprunte la même porte de secours pour les trouver, l’un avec l’autre, l’un sur l’autre. la fureur que le barman ne parvient pas à cacher. antoni ! qu’elle s’exclame en s’approchant, attrapant son bras pour l’empêcher de commettre l’irréparable. s’il te plait ! arrête ! le rythme suspendu, la terre qui ne tourne plus. ne gâche pas ta vie pour moi, certainement pas pour moi, parce que j’en vaux pas la peine.

(c) calaveras.