le pacte (hope)

Comme une entrée fracassante… elle ne s’attendait pas à ceci, reine des requins, dragon qui se faufilait parmi les moutons, pour leur imposer ses lois, sa règle. Reine de son royaume, elle n’aurait jamais pu croire qu’elle rencontrerait quelqu’un d’aussi audacieux, ou idiot, pour pénétrer ses frontières, et ainsi se présenter. C’était arrivé, alors qu’elle avait encore le nez dans les papiers, les fiches de renseignements qu’elle obtenait sur chacun de ses candidats, les faisant suivre, pour savoir exactement comment les convaincre d’abandonner toute estime, toute vertu, pour que la pourriture humaine, les vices des autres, puissent les détruire en live, à la télévision. Elle était ainsi, requin se nourrissant de ce qui se faisait de pire, dans le monde d’une humanité devenue trop abjecte. Et elle ne pouvait même pas déléguer, parce que la seule personne en qui elle avait confiance n’était pas présente, aujourd’hui. tu ne pouvais faire confiance à personne d’autre qu’à silene. Elle était ton roc, tu était le sien, et jamais tu ne déléguerais ce qui te revenait de droit à quelqu’un d’autre qu’à elle. dans cette entreprise, chacun était un rouage, mais elle et silene était reines. Silene princesse, elle reine, plus exactement. Majestés qui régnaient sur cette étendue d’imbéciles prêts à tout pour passer un moment à l’écran, pour tenter de ramasser le pactole, la célébrité, les médias… mais il n’y avait de place que pour un gagnant, et les autres n’étaient que déchets.
Sauf, peut-être, cette dernière. cette femme, cette idiote, ou cette impertinente, celle qui savait se montrer forte, ou qui n’avait seulement pas réfléchi. Cette femme qu’elle ne connaissait pas, qui avait eu l’audace d’entrer ainsi. était-ce du désespoir, ou de l’assurance ? elle n’en savait rien, elle avait un petit rictus. Le dragon ne s’offusquait pas aussi facilement, surtout devant une distraction aussi séduisante, cette femme, de beaux atouts, de beaux atours, de quoi l’impressionner, lui en mettre plein la vue. Le dragon ne pouvait que sourire. tu ne la connaissais pas, pas du tout. mais elle avait le physique idéale, une jeune femme, belle, séduisante, un corps bien formé, de ce que tu en voyais. Un visage qui faisait plaisir à voir, une assurance qui lui convenait. oui ? c’est pourquoi ? si c’est pour le ménage, vous voyez bien que je suis occupée, il vous faudra repasser plus tard. un trait d’humour sur ses lippes, et un amusement certain, parce qu’elle devinait qu’une aussi belle toilette n’était pas pour se plonger dans le récurage, qu’elle était sûrement là pour l’impressionner, pour passer sur sa chaine, pour se soumettre à la reine. Sauf que se soumettre, ce n’était pas avoir de l’audace. Et elle voulait le lui faire comprendre. Quiconque ne se soumettait pas ne pouvait recevoir les faveurs du dragon, qui n’attendait qu’une entière obéissance, qu’une entière domination de sa part sur chacune des têtes qu’elle sélectionnait.
Parce qu’elle était reine, qu’ils étaient dans son royaume. Que cette belle et douce créature, qui pourrait en charmer plus d’un, ne devait pas se croire au dessus du troupeau, pour avoir une chance.
Elle devait se soumettre.

Audace… ce mot qui décrivait si bien la demoiselle qu’elle avait en face d’elle, cette femme qui se sentait toute puissante, assez pour avancer sans ses ordres, assez pour défier l’autorité de la reine, assez pour se mettre en valeur, d’une certaine façon. se démarquer, par sa rébellion, se démarquer par ce culot… cette force de l’esprit, une femme qui ne se laissait pas marcher dessus… mais, toi, tu étais le dragon, hope. Le dragon, et elle ne pouvait pas passer sans prêter allégeance. et bien que sa remarque ne fut pas répondue, elle savait qu’elle avait affecté la brune qui s’avançait, sans attendre. Elle savait que ses mots tranchaient, elle savait qu’elle l’avait touchée. Elle ne l’avait pas perforée, elle l’avait attaquée, elle avait jaugé ce qu’elle valait, cette femme aux allures princières, qui aurait pu, dans un autre monde, tenter de lui voler son trône. Qui aurait pu être une ennemie, rivale, avec quelques années de retard, l’expérience en moins, les crocs en plus… en un sens, tu étais amusée, hope… parce qu’en elle, tu te revoyais, plus jeune. Assurée. Forte. Capable d’affronter les catastrophes. Capable d’affronter le monde. les mondes. Quels qu’ils soient. cela la faisait sourire. Cet aplomb, cette force. cette faculté à aller à l’essentiel, à savoir ce qu’elle voulait, à vouloir réaliser ses rêves, faire de cette envie, de cette volonté, une force bien plus grande que tout ce à quoi elle pouvait s’attendre. Une force bien plus grande que tout, sauf hope. Parce que le dragon s’y attendait, parce que le dragon était passé par là, et qu’elle ne laisserait pas la première venue la menacer. effectivement, c’est direct. Pourquoi ? question rudimentaire. Parce que la reine voulait savoir les motivations de ses pions, des candidats qu’elle envoyait sous le feu des projecteurs, qui en ressortaient vainqueurs, ou perdants. Elle voulait toujours tout savoir, et cette femme lui était inconnue. Elle qui connaissait tout du moindre de ses rendez-vous, elle n’avait jamais prévu une telle audacieuse, et ne savait rien. rien, sur elle. rien, sur son passé. rien, sur sa vie. vous tester ? elle eut un rictus. si elle savait à quoi s’attendre, aurait-elle agi différemment ? très bien… vous êtes au courant que dans mes émissions, les caméras sont toujours sur vous. Toujours. Nous n’hésitons pas. nous sommes partout. Vous ne pourrez pas vous cacher. Vous devrez suivre le jeu, vous ne pourrez jamais arrêter. Les caméras vous suivront partout, mais nous ne sommes pas cruels. Vous aurez le droit à un peu d’intimité sous la douche, aux sanitaires. Mais sachez que l’équipe vous surveillera, que vous serez à nue. filmer de la nudité n’était pas interdit, mais sur la chaîne, c’était compliqué. Néanmoins… d’ailleurs vous n’êtes pas pudique, j’espère… parce que vous ne serez presque jamais seule. Si je vous accepte. elle sourit. Parce que désormais, elle était intéressée, par cette femme… elle ne savait pas ce qu’elle valait, mais il y avait peut-être moyen d’en tirer quelque chose…

pourquoi pas ? elle eut cette lueur, dans le regard, comme si ses pupilles pétillaient. Elle eut cette étincelle qui vint s’allumer, comme une évidence, qui voulait l’appeler, qui voulait lui crier « espoir, prends la, elle en a sous le capot, elle déborde d’ambition ». cette femme, beauté chaleureuse qui ne manquait pas de l’étonner, de la surprendre. tu avais presque envie de te lancer, tu avais presque envie de lui dire oui. mais reine de son royaume, elle devait en apprendre plus. elle ne pouvait pas accepter autrui sans savoir quels armes se cachaient dans son dos. Elle ne pouvait pas laisser parler son instinct, si elle n’y apposait pas, d’abord les règles, la méfiance requise. Parce qu’elle était souveraine, qu’elle devait tout vérifier, qu’elle devait l’examiner, savoir qui se trouvait en face d’elle. elle devait apprendre, pour la cerner, cette femme qui lui ressemblait, ce requin qui tentait de mordre le dragon. et… votre nom ? souffla-t-elle, hope, sachant pertinemment qu’elle était assez importante pour que tous tende l’oreille dès que ses lèvres s’agitaient. tu tenais presque un sceptre dans ta main, la couronne invisible sur ta tête, le regard puissant. Tu ne faiblissais jamais, tu ne montrais que ta force, que ta prestance. et en l’entendant se présenter, elle acquiesça finalement. vous avez de bons arguments. un regard attiré par la poitrine de la demoiselle lui fit comprendre que c’était à prendre dans tous les sens du terme. alors, vous désirez la célébrité. Gagner, vous faire connaître, sentir les regards se retourner quand vous marchez dans la rue. Vous voulez le sommet, là où d’autres ne rêvent que d’une vie paisible. Intéressant. tous ses candidats n’étaient pas pareils. Certains ne rêvaient qu’à l’argent, d’autre espéraient se faire connaître, ou faire des rencontres. L’argent en motivait beaucoup, mais elle avait la sensation que c’était la gloire qu’elle espérait, cette jeune femme. la gloire, celle d’être la grande gagnante.
et ton rictus s’amplifia, alors que tu t’avançais doucement vers elle, tout en parlant, tout en la prévenant, tout en la testant. elle ne semblait pas avoir peur, la demoiselle. Elle ne semblait pas craindre les cameras, ni les sous-entendus. Se montrer nue ne semblait pas non plus la gêner. La pudeur, elle semblait la maitriser, savoir l’effacer quand il le fallait. des mots. Prouvez le moi. ce n’était pas dans les normes, ce n’était pas autorisé. Personne ne demanderait jamais cela à un entretien d’embauche, mais les règles s’étaient effacées depuis qu’elle avait pénétré sans aucune autorisation, ni invitation, dans les bureaux de la maitresse des lieux. Les règles n’existaient plus, depuis qu’elle les avait bafouées. Et hope comptait bien mettre ses principes à l’épreuve, voir jusqu’où elle était capable d’aller. Ce qu’elle était prête à faire pour gagner sa place dans l’émission. qu’elle ait de la pudeur ou non n’était pourtant pas un prérequis, puisque justement, tu t’amusais souvent à laisser les timides se faire avoir par les cameras bien placées, pour faire de l’audience, les mettre à l’épreuve, leur montrer qu’ils n’étaient que des pions, que l’échiquier était en place. Mais elle t’intriguait, celle-ci. Capable de se hisser, tu le sentais. Et si elle visait le sommet, autant lui montrer que jamais personne ne pourrait l’atteindre sans toi. c’était une question de contrôle, c’était une question de royauté. C’était la confrontation qui pouvait jouer en sa faveur, ou en sa défaveur.
Et hope comptait bien la pousser à bout, pour la connaître, pour mieux la cerner, la diriger. La faire plier. Pour ensuite l’aider à gravir, si elle s’en montrait digne, le sommet ainsi visé.

Impératrice dans son royaume, quiconque foulait ses terres devait se soumettre. Une figure de charme, un regard d’ébène, et une loi d’acier… rien ne pouvait flancher, elle se devait de contrôler… comme une réplique à la vie qui l’avait un jour dotée de ce qu’elle refusait… et elle avait affronté le destin, en était ressortie plus forte… elle était la dame, celle qui imposait, celle qui clignait des yeux pour annoncer son refus le plus simple, ou son commandement le plus impitoyable. Toutefois, tout n’était possible que dans ses quartiers, les bureaux, l’émission… si la démocratie existait ailleurs, elle, orchestrait une dictature que chacun approuvait, parce que l’ambition était la clé de la réussite. De l’employé le plus habile en quête de promesses et de promotions, au cameraman incapable de laisser le frisson d’explorer l’intime sans punition, elle laissait la récompense à qui la méritait. Ce n’était pas la terreur, ce n’était pas la folie, ce n’était que le juste prix à payer, pour parvenir à ses fins.
Et l’audacieuse l’avait très bien compris, dès son arrivée dans ces lieux, incapable de se laisser prendre au dépourvu. Jeu de langue et de regards, elle pénétrait en cet empire avec la ferme intention de remporter son dû, ce qu’elle recherchait. la gloire. et dans un sourire, la reine ne put qu’admettre que cette femme avait du potentiel. Il n’y eut besoin d’aucun mot, juste ce regard, juste ces lèvres élargies. Sourire partagé, lorsque l’audace prononça son nom. elle n’était pas sotte, savait parfaitement que tu étais plus qu’intéressée, maintenant que tu pouvais voir son potentiel. mais intéressée seulement, cela ne pouvait pas signifier sa victoire. Parce que l’intérêt pouvait s’effondrer au cours de cet entretien. Si la plus jeune finissait par décevoir l’ainée. Si les mots n’étaient que du vent. Cette poupée s’était lancée sur un terrain savonneux, la moindre escarmouche pouvait la rayer de toutes les listes potentielles. parce qu’elle avait choisi le culot, et que celui-ci était soit récompensé, soit puni. Le second cas ne lui plairait pas, tu la bannirais de tout potentiel média, ta réputation pouvant faire pencher la balance dans la carrière de n’importe qui sur les écrans. mais elle le savait. Hope n’avait aucun doute. petite siffleuse, elle savait quels risques elle prenait, elle semblait même prête à les surpasser. c’est dans votre intérêt. parce que la déception était l’ennemi de l’audimat. Que si le dragon n’était pas convaincu, l’audience ne rapporterait rien. c’était pourtant plus qu’une question de rentabilité. C’était une question de suprématie. Et en la voyant défaire son tissu, le sourire de la dame de fer ne put que s’élargir davantage. Dévoilant une peau douce, entretenue, et une poitrine assez attirante, cachée dans une lingerie couleur nuit, la biche se pliait aux attentes du prédateur. c’est bien pour cela que vous allez aller jusqu’au bout. souffla-t-elle, en croisant les jambes, bien décidée à voir ce que les promesses ne pouvaient qu’enjoliver. parce que même en sous-vêtements, cela ne suffirait pas. et ce n’était même pas un de tes plaisirs pervers, bien que tu ne pouvais nier que son corps était attirant. c’était une épreuve. Et tant que le regard de l’italienne ne refléterait pas ce que la reine y cherchait, alors le test continuerait. Mais si par malheur l’audace venait à s’effondrer, alors les portes resteraient fermées. cela ne devrait pas poser de problèmes, si votre langue ne me joue pas de tour…
Parce que les mots n’étaient pas regardés. Seuls les actes l’étaient.
Et que le culot ne pouvait être récompensé aussi facilement.
Les cartes étaient dans sa main.
Mais l’issue du jeu ne serait décidée que par l’impitoyable.