alliance sanguinolente. (xinyi)

La cigarette au coin des lèvres et la fumée qui lui masque une partie du visage : telle est la position adoptée par Rioja en attendant son rendez-vous. Elle n'est pas femme à être en retard, elle déteste même qu'on la fasse patienter et ses yeux ne cessent de jeter des regards obliques vers sa montre. Mais le jeune homme - son potentiel futur amant, en quelque sorte - n'est pas en retard, il lui reste encore bien une dizaine de minutes avant d'arriver au lieu de rendez-vous. Une usine désaffectée où les conversations peuvent se poursuivre sans la curiosité des oreilles traînantes. Un soupir caresse les lèvres de la jeune femme, elle ne sait pas vraiment où cet accord peut la mener mais elle aime l'aventure. Femme de poigne et de pouvoir, elle se méfie des autres gangs comme de la peste et ne dit jamais non à une alliance qui se présente - elle sait que son gang est l'un des plus dangereux comme elle sait que sa présence dans les rues du queens déplaît fortement. Les cadavres d'oiseaux se multiplient aux pieds des victimes de ses hommes de main et le business de son père ne cesse de s'enrichir. Mais engager des fiançailles pour sceller une alliance n'était pas franchement dans ses plans pour conquérir la ville, alors elle attend de voir qui est l'heureux élu prêt à partager sa vie. Elle attend de voir si elle peut lui faire confiance, si il lui convient, si ce n'est pas un piège. Et elle remarque que plus les minutes s'effritent, plus se créer dans son estomac une boule de stress.

(c) mars.

rendez-vous important ordonné par Li père.
« ne me déçois pas » qu'a-t-il encore prévu pour xinyi ? le laisser tranquille quelques instants ne semble pas être envisageable pour son géniteur.
xinyi n'a aucune envie de céder à toutes ses demandes, encore moins lorsque shun n'est pas convié. n'est-il pas censé l'accompagner à chaque mission, chaque rendez-vous ? les seules paroles de son père ont suffit à le rendre malade. « shun n'a pas à savoir. pas pour l'instant. c'est entre toi, moi et cette personne. » rien de plus. rien de moins.
ne pas en parler à shun ? ça n'apaise pas xinyi. il est la seule personne capable de le rassurer, de calmer son coeur qui bat trop désagréablement.
pourtant, il est là, à l'heure pour ce rendez-vous qui semble très important aux yeux de son père. tout ce que xinyi a appris sur cet entretient est qu'il va se dérouler dans une usine désaffectée, à l'abris de tout regards curieux en compagnie d'une personne très haut placée d'un gang rival.
envoie-t-il son fils vers une mort certaine ? est-ce son moyen de se débarrasser de lui parce qu'aujourd'hui il regrette de l'avoir mêlé aux histoires illégales de son groupe ? xinyi n'a aucune confiance en son père mais il espère avoir tout faux quant à ses suspicions.
d'un pas lent, il s'avance, rongé par la peur. l'arme à sa ceinture n'est là que pour le rassurer. il n'est même pas sur de pouvoir la dégainer si quelque chose devait lui arriver. un instant, xinyi hésite à sortir son téléphone pour appeler shun et lui demander de venir le chercher. sa main tremble autour de l'appareil avant qu'il ne se décide à le ranger et pénétrer à l'intérieur de ce bâtiment délabré. Li père n'aurait-il pas pu trouver quelque chose de plus éclairé ? plus fréquenté ?
peinant à s'habituer à l'obscurité, xinyi remarque une présence. son rendez-vous, sûrement. fébrilement, ses pas l'approchent d'une rencontre qui changera sa vie. il ne sait pas encore comment mais il s'attend à tout.
« bonjour, mh... je suis li xinyi. il me semble que nous avons rendez-vous. » annonce-t-il, tentant de ne pas paraitre trop apeuré.


la voix de son père le tourmente autant qu'elle le pousse à garder le dos droit. « je vous préviens de suite, je ne sais pas vraiment pourquoi je suis là face à vous. » mission future commune ? alliance durable ? xinyi se doute que si cette femme n'est pas là pour le tuer c'est qu'ils vont devoir s'entendre et travailler ensemble. seulement, xinyi n'a aucune idée du sujet, de l'action possible. son père l'a laissé dans le flou et ça ne lui plait pas du tout.

(c) mars.

L'attente se fait de plus en plus difficile à supporter, elle n'aime pas ce moment de doute qui déferle dans son corps. Elle ne connaît pas l'homme qu'elle doit rencontrer, n'a aucune idée de ce à quoi il ressemble, des traits de son visage ni même du son de sa voix. Mais une silhouette apparaît finalement, elle écrase négligemment sa cigarette pour avancer vers l'inconnu. D'abord juste une voix qui résonne contre les murs déchiquetés de l'usine abandonnée, une maigre présentation et elle ressent presque de la peur dans la voix de son interlocuteur. De la peur ou peut-être juste un manque d'assurance ? Rapidement elle se déleste de cette pensée. « Votre père n'a pas prit la peine de vous informer de sa petite idée ? » elle continue sa marche pour voir le visage de son interlocuteur dans une diagonale de lumière qui transperce le plafond écroulé. Un éclat de rire s'échappe de sa gorge, l'impression qu'on se moque d'elle, l'impression que quelqu'un lui fait perdre son temps. C'est un gamin qui se tient face à elle, il est peut-être majeur mais ça reste un gamin. Beaucoup plus jeune qu'elle, peut-être beaucoup moins expérimenté dans l'art du meurtre. « Votre père souhaitait une alliance en engageant nos fiançailles, à vous et moi. Mais je crois qu'il m'a surtout prise pour une babysitter. » elle ne souhaite pas être méchante avec lui, pauvre enfant qui sert sûrement de marionnette à son géniteur. Mais la situation est trop cocasse pour ne pas en rire - savoir simplement jusqu'à quel point, jusqu'à quel point elle va en rire avant de se venger de cette ' maladresse '. « Sans déconner, quel âge avez-vous ? » au moins une dizaine d'années de moins qu'elle en tout cas.

(c) mars.

l'éclat de rire qui l'accueille ne fait qu'ajouter un peu d'énervement au stress qu'il ressent déjà. c'est quoi ce délire ? qui est cette femme ? pourquoi se fout-elle ouvertement de lui ? sont-ils tous irrespectueux dans ce milieu ? quelle question, bien évidemment. « Votre père souhaitait une alliance en engageant nos fiançailles, à vous et moi. Mais je crois qu'il m'a surtout prise pour une babysitter. » les poings de xinyi se serrent instinctivement. il ne sait pas ce qui l'agace le plus. qu'elle se moque de son âge ou l'envie de son père de le marier de force. il le sait horrible, maniaque de contrôle sur sa vie mais il ne s'attendait pas à un tel affront. comment ose-t-il lui imposer une telle chose ? pire, en parler avec cette femme avant même de lui avoir soumis cette idée à lui. n'est-il pas le premier concerné ? son père a vraiment décidé de lui gâcher la vie. xinyi se demande même s'il ne prend pas un malin plaisir à trouver toutes sortes d'idées pour faire de sa vie un enfer. s'il n'était pas si lâche xinyi envisagerait de lui coller une balle entre les deux yeux.  

« Sans déconner, quel âge avez-vous ? » réalisant qu'il s'est perdu dans ses pensées, xinyi relève le visage vers cette femme qui, en effet, semble plus âgée que lui. « un âge qui vous ferait passer pour une cougar et pas une babysitter. » furieux contre son père, xinyi se surprend lui-même par ce ton sec. à croire que côtoyer les membres du gang n'arrange pas son caractère. quelques mois auparavant, il se serait mis à pleurer, il le sait. aujourd'hui, il se contrôle. ou peut-être est-ce sa colère qui le contrôle. « mon père aurait dû se proposer à vous pour des fiançailles, vous êtes plus proches niveau âge, c'est sûr. » xinyi exagère, mais il en a assez de se faire marcher sur les pieds, assez qu'on se foute de lui. mais il sait aussi qu'il n'aura sûrement pas le choix que d'accepter cette alliance. sauf si la femme face à lui refuse. « rien ne vous oblige à accepter le deal après tout. vous êtes une grande fille, non ? »

(c) mars.