femmes de caractère. (dowhan)

err ne le laissera pas s’enfuir. elle ne tiendra pas de le savoir en cavale. de le savoir capable de faire ça sur d’autres femmes. err ne dort plus, la nuit. elle ne fait que revoir ces images terribles. pour assouvir ses nuits blanches, la jeune blonde court les rues à la recherche d’indices. la boite de nuit. la rue. les caméras de surveillance. elle veut un visage, elle veut une preuve. et ce matin, elle a réussi à parler à la personne responsable. celle qui pourra l’aider, celle qui pourra peut-être alléger sa conscience et remplir ses nuits de sommeils. les yeux cernés, le haut débraillé et le jean troué. err attend sur le palier. err attend la petite cassette, celle de la vidéo. celle de son porche. celle de la vérité. son ventre se tord au fil des minutes qui passent. elle aimerait ne pas avoir à revivre ce moment toute seule, mais elle doit se séparer du monde. le temps de se réveiller. de sortir de cet état second dans lequel elle est depuis déjà quelques jours. err doit trouver une solution à ses problèmes, à ses erreurs. seule. comme elle l’a toujours fait. la porte s’ouvre, err attrape la cassette et la glisse dans son sac. elle ne remercie personne, elle n’en juge pas l’intérêt. la finalité reste la même. l’agression ne demande aucune excuse, aucune politesse. err n’en donnera pas. l’regard perdu sur le matin qui se lève, err cherche un café. elle a besoin de souffler, avant de visionner cette étape de sa vie. après quelques pas, elle s’arrête donc. la file est longue. err perd déjà patience. l’une, puis l’autre. lenteur d’un matin chargé. lenteur de gens pressés. une blonde devant reste la tête baissée sur son portable. err s’énerve. elle s’active. tentant de rester polie, malgré elle. « t’es sur mon chemin, ma grande. » un large sourire s’affiche sur son visage d’ange. err bat des cils et passe doucement devant, sans prendre en compte quelconques excuses pour ne pas l’faire. elle ne s’arrête pas à ça, err. elle ne perd pas une seconde. parce que le temps c’est de l’argent, et qu’elle n’en as pas assez pour en perdre bêtement.

Tu sais pas quoi faire. Tu es perdue dans la ville de ton enfance, cherchant désespérément à trouver une personne introuvable. Oui tu as son adresse, mais non elle n’est plus là. Tu as demandé sa nouvelle adresse, son numéro de téléphone, une photo d’elle, mais rien, personne ne veut rien te donner. Forcément tu dois passer pour une psychopathe ou une ex cherchant à prendre sa revanche. Pourtant tu leurs a dit que tu étais sa cousine et que tu voulais que son bien. Non et encore non. Pays avec ses lois de merde. Tu n’es pas du genre à jurer ni à baisser les bras, mais tu commences un peu à perdre espoir. A cause d’elle tu as pris trop de jours de congés et tu as laissé en plan ton fiancé. Fiancé qui lui aussi essaye désespérément de te retrouver. Mais tu n’as pas le temps tu lui répètes. La famille passe avant tout. Même si au fond, il fait partie de ta famille lui aussi. Ou du moins c’est avec lui que tu vas en former une. C’est ce que tu te répètes pour te convaincre que tu as fait le bon choix.
Tu te retrouves donc à faire la queue pour un maudit café qui coûte la peau du cul. Oui tu le clames haut et fort, les cafés new yorkais sont beaucoup trop chers. Mais tu meurs d’envie de ressentir la caféine couler dans tes veines. Alors tu prends sur toi et tu essayes d’optimiser la chose. En faisant la queue tu as le temps pour répondre à tes mails et tes messages. Et c’est ce que tu fais, alors tu oublies la file d’attente pendant quelques minutes jusqu’à qu’une personne te fasse clairement comprendre qu’il va falloir revenir à la réalité. Tu te retournes et te trouves nez à nez avec une blonde de ton âge à peu près. Elle semble énerver et tu te sens coupable soudainement. « Merde je suis désolée. » tu avances de quelques pas et tu essayes de te rattraper en essayant de faire la discussion. « C’est le boulot. Vous savez ce que c’est, on a toujours le nez dedans. » tu lui souris, essayant de lui transmettre ta joie de vivre mais cela ne semble pas marcher. Elle semble encore plus blaser qu’avant. Décidément c’est pas ta journée. « vous venez souvent boire votre café ici ? » oui tu continues de lui parler, car tu ne peux pas accepter que quelqu’un te fasse la tronche pour une simple file d’attente.

err passe devant la gamine occupée, hélant le serveur pour un café froid. il fait bien trop lourd dans l’queens pour boire chaud. err ne se retourne pas tout de suite vers celle qui s’est voulu un peu trop lente. err vit à son rythme, la tête dans des milliers de pensées. que faire ? qui prévenir ? comment réagir ? et où est la suite, la finalité, le sens ? err n’a aucune idée d’à qui s’confier. elle regrette presque de ne pas avoir plus de contact chez les flics, pour faire parler différemment de son histoire. elle aurait pu s’en sortir comme ça. si elle savait mieux s’y prendre. si elle ne s’était pas jetée dans la gueule du loup, aussi. err se mord la langue, en attendant. une voix l’attire, elle comprend qu’on lui parle. « merde je suis désolée. » err comprend qu’elle a réagi, al blonde trop occupée à écrire des textos. err s’imagine une seconde les écrits rapides et les pulsions d’un sexto. bien que cette étrangère n’est pas l’air de ce genre. le café entre les doigts, enfin, err prend une gorgée et reprend des forces. assez pour écouter le moulin à paroles qu’elle vient de dépasser. le monde croule. la chaleur énerve. c’est définitivement une étrangère pour se permettre une conversation. « c’est le boulot. vous savez ce que c’est, on a toujours le nez dedans. » err hoche la tête, balançant un vieux sourire. « umh. » elle ne connait pas encore ça, err. et soudain elle envie cette femme qui doit être en déplacement. d’où ? seattle ? san francisco ? los angeles ? d’où vient-elle ? pourquoi faire ? rencontrer un investisseur ? récupérer un colis ? délivrer un article du new-york times ? err visualise. rêve. envie. un jour, ce sera son tour. « vous venez souvent boire votre café ici ? » restée plantée là, err a oublié de fuir. dans les vappes, elle a donné l’opportunité à cette blonde d’engager la conversation. err lève la main, ne supportant pas se faire alpaguer dans la rue. « wow, wow. on s’calme. j’suis pas ta copine. encore moins ta guide touristique. » un rire, des sourcils hauts et le torse bombé. err s’impose, royalement. « d’où tu viens pour avoir une dégaine pareille ? » un regard des pieds à la tête. un irrespect parfait. err se fond dans l’décors et dans son personnage. « et si t’aimes le bon café, c’est certainement pas ici qu’il faut le boire. » err grimace après une nouvelle gorgée. elle l’a dit bien assez fort pour que les regards se tournent sur elle. mouvement de cheveux, elle affiche un minois dégoûté. il n’est pas si mauvais. elle a juste besoin de faire une scène. comme toujours.

Faut croire que tu étais bien trop occupée à répondre à tes messages pour t’apercevoir qu’on t’avais passé devant car tu n’avançais pas. Tu ne pouvais pas en vouloir à la fille car tu l’avais bien fait poireauter pour quelques messages. C’était de ta faute alors tu t’excuses un million de fois comme tu sais si bien le faire. Aujourd’hui t’étais pas vraiment dans ton état normal. Tu n’arrivais pas à trouver cette cousine disparue et tu commençais à manquer d’indices et d’informations à son sujet. Ton père était en déplacement pour son travail et ta mère s’était pris deux semaines de cure dans un chalet en Suisse. Alors t’avais pas vraiment le choix que de te débrouiller par toi-même. De toute façon tu savais que ton père ne te dirait pas grand-chose. Il n’aimait pas parler de son frère jumeau et c’était presque impossible de lui tirer n’importe quelle information de sa bouche. Du coup tu te retrouves à essayer de faire la conversation à cette inconnue. T’as besoin de parler, de vider ton sac ou alors de te changer les idées en entendant la vie d’un autre. « wow, wow. on s’calme. j’suis pas ta copine. encore moins ta guide touristique. » tu fronces les sourcils, te demandant pourquoi cette fille réagit ainsi. Tu n’as rien dis de méchant il te semble. Il faut que tu te rattrapes. Elle ne semble pas du tout savoir que tu viens d’ici et que tu as toujours vécu à New York. Certes tu n’es jamais vraiment allée dans le Queens, mais ce n’est pas comme si tu n’y avais jamais posé les pieds. « je crois que tu te méprends sur mon compte. Je suis d’ici, j’ai toujours vécu ici. » tu lui souris, essayant de ne pas plus la brusquer et éviter de la faire fuir. A vrai dire c’est rare qu’on réagisse ainsi à ton égard. Tu es quelqu’un qui aime faire la conversation et illuminer la journée des gens, pourtant ça n’a pas l’air de fonctionner avec toi. « Oh je sors du boulot et je n’ai pas vraiment eu le temps de me changer. Je travaille pour Cosmopolitan, tu connais ? » quelle question stupide, bien sur qu’elle doit connaître ce magazine. Plus de 80% des femmes à New York le lisent et cela t’étonnerait qu’elle ne le lise pas. A part si elle vit dans une grotte mais si elle sort déjà de chez elle pour prendre un café ça ne risque pas d’être le cas.
Tu te rends compte aussi que tu ne t’es pas présentée. A force de ruminer tu en oublies presque ta politesse. « Excuse moi je ne me suis pas présentée. Je m’appelle Emma Dohwan et toi ? Et vu que le café est mauvais ici, tu n’aurais pas un autre spot dans le Queens pour moi ? Je vais rester par ici pendant un temps je pense alors autant avoir une bonne adresse. » tu lui sors ton plus beau sourire, espérant qu’elle ne parte pas en courant. Cette fille est très étrange n’empêche. Tu as l’impression qu’elle pourrait partir au quart de tour.

err ne supporte pas d’être interrompu. ou même qu’on la questionne. alors s’arrêter pour parler à une inconnue lui parait d’autant plus inconcevable. sans raison particulière, elle se permet juste d’envoyer son plus dur regard à cette jeune femme perdue. pas d’ici, pour sûr. et absolument pas tournée vers la bonne personne pour obtenir de l’aide. err est froide, piquante, perturbée, violente. elle n’en a que faire, de ces femmes perdues. elle n’en a que faire des autres, tant qu’elle ne peut en tirer un avantage. et là, face à cette jeune femme du centre du pays – elle sait bien que c’est une cause perdue. qu’elle n’aura jamais rien en retour de son aide et de son temps précieux. err s’apprête donc à partir, sur une dernière phrase bien piquée et une gorgée de café brulant déjà sa gorge. elle est pressée, comme toujours. pressée de s’échapper, de s’éloigner. pressée de continuer cette vie qu’elle tente de rendre meilleure, d’améliorer de jour en jour. err aimerait des réponses aux questions de sa vie, sans pour autant prendre le temps de les poser aux bonnes personnes. et même si elle fait volte-face, même si elle s’éloigne de cette jeune femme, elle se sent happée lorsqu’elle reprend la parole. comme si le destin les rapprochait, malgré tout. « je crois que tu te méprends sur mon compte. je suis d’ici, j’ai toujours vécu ici. » err hausse les sourcils et s’apprête à hausser les épaules, aussi. elle se tourne, fatiguée. elle la regarde, de nouveau. impossible que cette fille de la campagne soit de new-york. elle n’en porte clairement pas les caractéristiques. même si son style n’est pas affreux. au contraire. err ne l’avouera jamais, force de faiblesse, mais elle le pense une seconde. comme un démon au creux de son esprit. « oh je sors du boulot et je n’ai pas vraiment eu le temps de me changer. je travaille pour cosmopolitan, tu connais ? » err lève les yeux au ciel, comprenant bien que cette jeune femme n’a pas l’intention de la lâcher de sitôt. elle se tourne, err, elle prépare le scandale. main sur la hanche, café au bord des lèvres. air suffisant. err. de toute beauté. « umh. » et elle ouvre de nouveau les lèvres, prête à exploser d’autres mots. prête à envoyer d’où elle vient cette jeune naïve. ne connait-elle pas les façons de faire, ici ? à new-york ? encore une preuve qu’elle vient de ces petits villages où tout le monde se parle, se connait, s’adopte et s’accepte. c’est bien tout l’inverse, en ville. « excuse moi je ne me suis pas présentée. je m’appelle emma dohwan et toi ? » bien qu’elle continue de parler, le cœur d’err s’est arrêté. une seconde. là, au milieu de ce café. elle sent sa main faiblir et sa tête se remplir de brumes. dohwan ? comment ? pourquoi ? et ce sentiment, ce destin qu’err a ressenti. est-ce possible ? « et vu que le café est mauvais ici, tu n’aurais pas un autre spot dans le queens pour moi ? je vais rester par ici pendant un temps je pense alors autant avoir une bonne adresse. » bien que la jeune femme ait continué, err n’a rien entendu. elle s’est arrêté bien trop tôt dans le récit de cette femme qui parle trop. « comment ça, dohwan ? d. o. h. w. a. n. ? » err insiste, sans même savoir ce qu’elle cherche. ça peut être une simple coïncidence. ça peut juste être exceptionnel. ça ne peut pas être une vérité, un morceau d’un passé, ou une corde à laquelle s’attacher. err n’y croit pas. err n’y a jamais cru.