(wp #14) / annie.

Spoiler:

11 août.
le papier entre les mains, t’as du mal à accepter la situation, l’esprit embrumé, tes doigts atrophiés refusent de déplier ce bout de papier. t’arrive pas à croire que c’est réel, d’ailleurs, tu crois plus en un rêve, ton esprit qui te joue des tours, machiavélique inconscient le bourreau de tes nuits.
le retour des rêves lucides sûrement, enfin c’est ce que tu crois, ce que t’espère. parce qu’en réalité cette lettre te fais peur, parce que tu sais que ta vie peut dérailler d’un tas de façon différentes, comme ton cœur qu’est en milles morceaux t’as peur que ton âme ne soit plus que débris perdus dans l’espace. t’as peur de voir ce que tu vas devenir, t’as peur d’avoir encore gâché ta vie quand tu pensais avoir une dernière chance et pourtant tu t’lances.

oh, annie,
j’espère que ça va, à l’instant où tu lis les mots que j’ai posé pour toi. mais que ça va vraiment. tu sais tu vas apprendre à dire non, tu vas apprendre à dire « ça va pas », pas tout de suite mais ça viendras, je sais que t’en as marre d’avoir toujours la réponse positive, la bonne humeur que t’aimerais faire valdinguer à l’autre bout du monde à cause de cette rage enfouie, ligotée par la culpabilité. mais il faut que tu comprenne que le monde ne changera pas si tu te mettais à dire la vérité un peu plus souvent, les autres ne te détesterons pas, pas autant que tu te détestes toi même. alors ne cherche pas à complaire au monde entier, soit honnête avec toi même et tu le seras avec les autres.

t’aurais pas cru lire ça, t’es un peu sur le cul parce que t’imaginais un début tellement plus désastreux, une vie sans dessus dessous, du désespoir et de la haine, envers toi même, des réprimandes sur les décision piteuses que t’as pu prendre. pourtant c’est la bienveillance qui t’accueille et tu rêve à penser à une version de toi même qui a finit par connaître l’amour propre, ça te semble impossible et pourtant c'est là, noir sur blanc.

je sais que tu pensais qu’il était l’homme de ta vie. ah la naïveté d’un amour fougueux, t’avais jamais ressenti ça de ta vie et tu crois que tu pourras plus jamais aimer comme ça ? mais crois moi, t’en ressentiras encore un tas d’autres amours infinis, d’idylles merveilleuses. c’est triste de croire qu’à ton jeune âge t’as déjà pu ressentir l’apogée d’un sentiment si complexe et insensé, à croire que tu vas plus jamais trouver quelque chose d’aussi fort et d’aussi vrai. c’est faux tout ça, c’est fou tout ça ! ton cœur guérira et oui, il sera toujours là dans un coin de tes pensées effacées, un souffle ignoré des deux syllabes qui le représente, au fond dans les souvenirs digérés. mais tu vas trouver un amour encore plus beau et encore plus fort, une évidence qui aura tellement plus de sens et tu verras à quel point ce que t’as eu avant n’était rien comparé à ce que tu vas vivre et ressentir. tu apprendras l’amour sous toutes ses facettes cachées et tordues, sous toutes ses splendeurs aveuglantes. ton cœur guérira, ton âme comprendra, l’amour te reviendra.

l’encre qui s’échappe dans les fibres du papier, tu réalises que c’est une larme qui a fait fondre le bleu nuit sur ce blanc immaculé et avec elle tu sens les kilos qui t’écrasaient la poitrine s’en aller, un à un, jusqu’à ce que tu souffles enfin.
après toute ces journées en apnée tu retrouves la saveur de l’air qui t’entoures, celui d’un présent bien réel, d’une vie qui semble s’offrir à toi. t’as jamais vraiment su si tu pouvais être capable d’aimer à nouveau, parce que ton cœur il est en poussière, et que d’habitude la poussière on la vire d’un coup de balai, mais toi tu décides de récolter les particules, et tu les met à l’abri dans un coin de ton âme pour les laisser se reconstruire, parce que maintenant tu sais, tu guériras.

je suis pas là pour te gâcher les surprises de ta vie, je vais pas te raconter tout les détails de cette aventure improbable, ça sera à toi de tout découvrir, je viens juste apaiser ton âme blessée, ton cœur meurtri, ton espoir écrasé. t’apporter un semblant de paix pour que tu puisse garder espoir et continuer à te battre, la vie en vaut le coup je t’assures, même si là tu préférerais lui cracher dessus, t’as les phalanges noircies par la haine qui te mange au quotidien et le front ridé par ses sourcils que t’arrêtes pas de froncer, arrête de te faire autant de mal, arrête de vouloir te punir pour des erreurs que tu n’as pas faite. la vie se forme et se déforme avec les erreurs, l’effet papillon guide les lignes du destin et toi tu cherches à élever tes propres papillons. mais ça ne marche pas comme ça, le destin te rendra visite dans les moments les plus inattendus, tu vas trouver ce que t’aime faire et ça sera pas facile, mais tu vas t’épanouir, tu vas te réveiller tous les matins avec cette envie de conquérir le monde le rêve à portée de main, les objectifs plus nombreux que jamais. tu n’aurais plus jamais à te poser les questions sans réponses, à chercher ta place dans ce monde. ton travail vas t’apporter tellement de satisfaction et tu vas réussir à trouver l’équilibre entre la vie, le plaisir et le travail. mais il vas falloir que tu t’accroches d’accord ? si je t’écris cette lettre c’est avant tout pour ça, il faut que tu comprennes que ça ne sera pas facile, ta patience sera titillée, tes espoirs seront parfois tranchés, tortillés, bouleversés. mais tu vas trouver ton sens à ta vie,
garde la tête haute,
ça va aller.

t’as l’impression que c’est un mirage, une mauvaise blague, mais au fond de toi tu sais que c’est pas le cas, tu vois cette lettre et tu reconnais ton écriture, tu reconnais tes pensées, tu partages cette intimité, c’est toi, tu es en train de te lire et ça te fais trembler.
trembler d’espoir,
trembler d’amour,
trembler d’envie, de vie.
c’était tout ce que tu voulais, tout ce dont t’avais besoin, ces mots, un cadeau de la vie, une chuchotement d'espoir, comme une caresse maternelle avant de dormir, alors que la lune veille sur ton sommeil.