sur un écran géant (lais)

sur un écran géant;
@lais thoma

clementine n’a jamais vraiment quitté new york. elle a toujours eu une bonne raison d’y revenir. en fait, la moindre raison était bonne pour y revenir : un anniversaire, un concert, une crémaillère etc. tout est sujet à grimper dans un avion direction jfk airport. clementine ne s’accorde pas vraiment avec le décor californien. elle est comme cette fausse note que l’on n’entend pas du premier coup. pourtant, elle a essayé de faire des efforts jusqu’à se teindre les cheveux en blond alors qu’elle s’était jurée de ne jamais y toucher. (tu parles. quand un directeur de casting lui a dit qu’elle aurait plus de rôles en devenant blonde, elle accouru dans le premier salon de coiffure. le pire, c’est qu’il avait raison.)

finalement, elle reste une east girl et dès que l’occasion s’est présentée, elle n’a pas hésité une seconde. clementine hodgkin est de retour à new york. elle revient dans cette ville qu’elle nomme aisément dans ses discours « la maison ». elle aurait pu pour paraître plus fancy en s’installait à manhattan. elle aurait pu mais elle a préféré revenir s’installer là où tout à commencer : le queens. quand elle a quitté le domicile familial, elle était tombée sur une annonce pour louer une chambre dans une colocation dans le queens. elle n’y avait jamais foutu un pied à l’époque. c’était sa chance.

les cartons jonchent sur le sol de son nouvel appartement. cela fait maintenant trois semaines qu’elle est revenue définitivement et rien n’est déballée. elle fouille dans plusieurs d’entre eux à la recherche d’un scénario créant par la même occasion un vacarme désagréable. où peut-il bien être ? pense-t-elle. les gestes sont énergiques et le rythme cardiaque reste encore calme malgré le temps qui file. dans une heure, clementine a rendez-vous aux studios de la warner pour des essais.

il y a quelques mois de cela, clementine a été approchée pour un rôle dans un film d’espionnage. depuis sa nomination aux oscars, les projets commençait à déferler pour son plus grand bonheur. ce projet encore secret - mais plus vraiment car la presse spécialisée ne cesse d’en faire référence comme la super-production basée sur les romans de jane fairchild mettant en scène deux soeurs espionnes au service des états-unis. la soeur en question n’avait pas encore été castée du moins le nom n’avait pas été confirmé. pourtant, un nom apparaissait sur la shortlist plus que réduite celui de lais toma. elle l’avait croisé une fois, pour des premiers essais et puis clementine avait cru comprendre qu’elle était allée en cure de désintoxication - bon. et jusqu’à aujourd’hui, elle n’avait plus entendu parler d’elle. clementine s’était même dit qu’elle ne devait plus être en lice. à croire qu’elle s’était trompée.

un sourire apparaît sur son visage lorsqu’elle tient enfin en main le scénario recherché qu’elle s’empresse de mettre dans son tote bag bleu marine qu’elle avait retrouvé en faisans ses cartons. c’était avec lais qu’elle allait faire des essais. les aprioris qui se terre dans les tréfonds de sa pensée.

elle finit de lacer les lacets de sa converse gauche avant d’attraper à la volée sa veste en jean, un peu trop large à laquelle elle y avait soigneusement accroché divers pin’s. (une de ses grandes passions, les pin’s). vingt minutes plus tard, elle descend le pas rapide pour grimper jusqu’au dix-neuvième étage de la tour. elle est en retard (elle mettra ça sur le compte de la circulation - grosse menteuse) « je vous prie de m'excuser » lâche-t-elle en pénétrant dans le bureau du directeur de casting sans prendre le temps d’observer les gens déjà présents.

@lais thoma

la pièce est toujours aussi impersonnelle et insipide que dans ses souvenirs. les éléments de décorations avaient été choisis à l’économie. il y a dans un coin de la pièce, un bouquet de fleurs dont le temps n’a semble-t-il aucun effet. (sans surprise, ce sont des fleurs en plastique - cheap) le regard de clementine scanne la pièce de gauche à droite. à gauche, samson, le directeur de casting vêtu d’un costume presque trop grand mais de marque (tout de même) s’approche d’elle. sa voix nasillarde prononce son prénom en insistant sur les mauvaises syllabes provoquant chez clementine, la même réaction à chaque fois, une légère contraction de la mâchoire. ses oreilles saignent mais elle ne laisse rien paraître. à la place, elle laisse son sourire habiller son visage légèrement fatigué. dans le fond, est assise dans un fauteuil de designer du début des années 2000 (qui n’est plus à la mode, mais qui le redeviendra d’ici cinq ans - promis ), adelita ayala, la réalisatrice qu’elle avait rencontrée à plusieurs reprises ses derniers mois. leur première rencontre datant de février dernier lors de l’after des oscars. depuis le mouvement #metoo, warner s’essayait à l’exemplarité, la sincérité ne pouvant pas être vérifiée. subitement, surgit devant elle une chevelure brune qu’elle reconnaît aisément avant même qu’elle se présente. clementine a une mémoire particulièrement performante.

clementine attrape sa main qu’elle sert vivement et avec bienveillance lâche un : 
« bonjour lais, clementine. »
« comment allez-vous ? »
elle semble demander cela par politesse mais clementine est réellement intéressée par la réponse. elle la détaille du regard pour essayer de percevoir quelque chose. même si elle interceptait quelconques signes, clementine serait bien incapable d’interpréter quoique ce soit étant donné qu’elle ne la connaissait pas. clementine y avait pensé durant l’été à lais thoma. elle ne la connaissait pas mais elle y avait pensé notamment lisant les articles de mauvaises qualités qui traînaient sur le net. sans s’en rendre compte, clementine s’était mise à la fixer longuement suffisamment pour provoquer un léger sursaut quand samson vint expliquer le programme de cette fin de journée. « on se retrouve, aujourd’hui, pour de ultimes essais. nous aurions besoin - enfin adelita - voudrait vous revoir toutes les deux sur quelques scènes importantes. » que samson utilise le mot ultime n'a pas échappé à la jeune américaine signifiant que la fin des castings est proche et que le début de la préparation physique pour clementine allait débuter.

« top ! devant caméra ? » demande-t-elle en ôtant délicatement son manteau qu'elle vient déposer sur le dossier d'un fauteuil libre. elle sort de son sac le scénario qu'elle avait déjà annoté généreusement. trois scènes à faire, devant la caméra. clementine donne l’impression que tout est simple, qu’il n’y a jamais rien de compliqué. toutefois, elle est submergée de doutes qu'elle a appris a dissimuler à tous. ils ressortent parfois quand elle est seule chez elle et qu'elle a le malheur de se laisser envahir par ses pensées.

@lais thoma

on pourrait penser qu’il suffit de faire une pléiade d’essais pour que cela en devienne une habitude. toutefois, il réside continuellement au profond de soi, cette petite incertitude qui se propage jusqu’à rendre les mains moites, à faire tambouriner le coeur à contre-temps. et, il persiste chez clementine un sentiment légèrement bancale d’une jeune première qui n’aurait ni les codes, ni l’aisance d’une grande. pourtant, elle en a tout l’air hodgkin d’une grande - en tout cas dans les yeux des autres. elle le voit bien à la façon dont on l’observe, dont on lui parle. et elle sait qu’elle a encore tout à prouver, qu’elle n’a encore rien fait. (j’vous rassure même dans dix ans, elle continuera à vouloir prouver à la terre entière, qu’elle a bien fait de devenir actrice)

« c’est assez sportif en ce moment, mais l’énergie est toujours là » répond-elle guillerette. sa vie sans casting, sans tournage, sans tout ça… serait d’une tristesse de celle de ces après-midis d’automne pluvieux. clementine vit pour jouer la comédie. elle se déplace dans le bureau remettant quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles. samson, lui, articule maladroitement le numéro des scènes obligeant clementine a le faire répéter à deux reprises. (elle serait presque à s’excuser de ne pas l’comprendre à coup de : ‘désolée, j’suis un peu sourde’ alors que pas du tout) « vous êtes sûrs que vous voulez la scène quatre ? » elle feuillette d’un geste rapide « parce qu’il n’y a aucun de nos personnages » le sourire est presque gênée. samson s’agite jetant des regards rapides à alaya qui se cache derrière de grandes lunettes de soleil dont les verres sont teintés à l’excès. impossible d’y percevoir quelque chose. « scène six, je voulais dire scène six. »

extérieur, central park
les protagonistes font un footing
leurs montres sonnent en même temps
un message du directeur de la CIA - nouvelle mission : récupérer un disque dur contenant des données pouvant compromettre les prochaines élections américaines.

elle lève les yeux vers lais « tu veux faire une première lecture avant de passer devant la caméra ? » ça pouvait aider parfois. elle ne faisait pas toujours une première lecture avec ses partenaires d’essais. « j’ai une idée. » elle se détourne de lais et se dirige vers la table d’appoint comportant des bouteilles d’eau. elle en attrape une avant de revenir auprès de lais. elle ouvre délicatement le récipient avant d’y venir verser quelques gouttes du  contenant sur une serviette encore sèche. puis, elle vient l’appliquer sur les tempes, et le front de lais. « pour l’effet footing » plaisante-elle avant de faire exactement la même chose avec elle-même.