the girl behind the mask. (w/loreleï)

@loreleï blais / the girl behind the mask

La pluie tombe. Arthur serre son caillou contre sa paume. Le regard planté sur la tombe de mamie, il lui parle. « Tu crois que j’aurais combien de bonsoir, ce soir ? » Il la questionne comme si elle allait répondre. « Pas plus de deux j’imagine. » Il hausse les épaules avant de regarder la vieille montre accrochée à son poignet. « Je dois filer mamie. Repose-toi bien. » Il s’accroupit, pose son caillou à côté des autres, et il quitte le cimetière sous la pluie. Ce soir, il bosse de nuit. En d’autres termes, y’aura très peu de passage et il va passer son temps à attendre et à ruminer ses idées noires. Il arrive à l’hôtel, se change dans les vestiaires et accroche son badge. Ses cheveux sont encore humides, mais il s’en fout. Huit heures piles. Il s’assied sur son tabouret, derrière la porte d’entrée, prêt à bondir au moindre client. Un couple descend, suivi quelques minutes plus tard par un homme d’affaire en costume. Trois clients, zéro bonsoir. Tu vas voir mamie, pas plus de deux. Il sort finalement pour fumer une clope. Cigarette au bord des lèvres, il profite de ses trois minutes de répit en observant les quelques passants. C’est à ce moment-là qu’un taxi s’arrête devant l’hôtel. Alors Arthur écrase sa clope sur le sol, attrape un parapluie et se précipite vers la voiture pour abriter quiconque en sortira. C’est elle. La fille du patron, celle qui le salue une fois sur dix. « Bonsoir. » Sourire forcé, il l’accompagne jusqu’à la porte de l’hôtel avant de lui ouvrir et de reposer le parapluie à l’entrée. C’est à ce moment-là qu’il remarque ses joues rougies, ses yeux boursouflés. Comme si elle avait pleuré. Il sait pas quoi faire, Arthur. Les femmes qui pleurent, il a jamais su gérer. Mais elle, il ne peut pas se résoudre à la laisser filer sans s’assurer que tout va bien. « Excuse-moi ? » Il s’approche d’elle, elle se retourne. « Tout va comme tu veux ? » Le regard interrogateur, les mots maladroits. Arthur se tient devant elle, et malgré tout, il ne peut s’empêcher de la trouver belle. J’ai du mal à croire que tu sois aussi conne que toutes les autres gamines de riches. Alors dis-moi Loreleï, qui es-tu ?

je suis fatiguée. elle explique, à son amie. celle qui est censée la comprendre sans forcer. cependant, ça fait un moment que loreleï a arrêté de se faire des belles images et qu'elle a compris que la vie, leur monde à eux, il se passait différemment. elle garde son sourire. le bilan de cette soirée reste correct ; elle s'est vengée à trois reprises d'une fausse rumeur qui lui est venue aux oreilles. elle a posté un nombre incalculable de photos sur instagram. ouais. tout devrait être bien, dans le meilleur des mondes.
mais elle a bu.
elle a beaucoup bu, et elle ne se sent pas très bien.
alors, voilà. elle est fatiguée, elle veut rentrer. son amie supplie un dernier verre et... elle est qui pour refuser ? salir sa réputation ? non. dans ce monde là, elle ne peut pas se permettre de perdre quelques paillettes. alors... un dernier. et le dernier était finalement l'avant, l'avant dernier. putain. elle ne se sent pas très bien, alors que la fête a commencé au beau milieu de l'après-midi quoi. elle va rentrer dans un état lamentable, elle en est certaine. dans ce genre de cas, lore est toujours contente que ses parents ne soient pas là. ils n'ont pas besoin de voir cette image là, d'une fille qui fait visiblement n'importe quoi, n'est-ce pas ? alors... alors juste qu'elle s'amuse. et qu'il n'y a rien de mal dans tout ça.
tant pis.
c'est vers le début de la soirée que les choses se sont dégénérées. elle a bu, ça n'a forcément rien aidé à la situation, mais le résultat est pathétique quand elle se retrouve à repousser ce mec qui colle ses lèvres partout sur son corps. elle est toujours là quand elle se retient de ne pas montrer son majeur à sa meilleure amie ; qui n'en est juste pas une finalement. elle se tort le ventre, dès qu'elle sort de cette immense maison, pour vider son estomac sans se retenir une seconde de plus. tant pis, rien n'est glamour dans ce qui est en train de se passer.
loreleï met du temps, avant de récupérer un taxi. les larmes ont coulé sans qu'elle ne retienne quoi que ce soit, trop épuisée de toute manière pour comprendre ce qu'il se passe. elle sait juste que le taxi met trop de temps et que la pluie a fait son invitation sur la ville, sans doute pour s'allier à ses propres émotions.
elle n'a rien. pas de parapluie. mais quand le taxi se gare devant l'hôtel, elle reprend son rôle de princesse. il fait assez nuit, alors, ça lui laisse assez de temps pour ne pas qu'on voit ses yeux rouges, qu'elle s'allonge dans son lit, et qu'elle dorme jusqu'au milieu de l'après-midi. un bonjour, elle devrait répondre. elle ouvre la bouche, mais en sentant la boule de sanglots, elle s'avise. elle fonce jusqu'à cette porte d'hôtel, qu'on lui ouvre, forcément. elle s'apprête juste à s'en aller. rejoindre sa chambre. mais ... elle se retourne, dès qu'arthur l'interroge.
tout va comme elle veut ?
loreleï secoue la tête. après plusieurs minutes d'un silence gênant. elle peut bien se permettre de dire la vérité hein ? il n'y a personne dans le hall de l'hôtel. savez-vous quand est-ce que mes parents rentrent ? sait-il si elle peut avoir la paix ce soir, finalement ? sa voix est remplie par l'émotion, par les sanglots, bien qu'elle ai dû mal à terminer cette phrase.

@loreleï blais / the girl behind the mask

Elle s’est retournée. Elle s’est retournée mais le silence s’installe, les minutes passent. Il n’y a personne, juste eux deux. Et la mélodie de la pluie qui tombe derrière les grandes baies vitrées du hall. Arthur, il voit bien tout ce qui se passe à l’intérieur d’elle. Il connait bien les combats, il en vit depuis sa naissance lui aussi. La boxe oui, mais la vie surtout. Parce que c’est la vie qui ébranle le plus. La vie qui envoie les crochets les plus puissants. Y’a ses yeux qui brillent, ses lèvres qui tremblent, ses joues rougies. Elle brise le silence, enfin. « Savez-vous quand est-ce que mes parents rentrent ? » Mais elle ne répond pas à sa question. Elle n’en a pas besoin, puisque sa réponse, Arthur la connaît. Il jette un oeil à l’horloge dorée qui orne le hall d’entrée. Ses parents sont à un gala de charité. L’un de ces trucs où le premier à partir est toujours celui qu’on regarde de travers. L’un de ces trucs où plus on reste, mieux ça vaut. Ce n’est pas la première fois qu’ils se rendent à un événement de ce genre là. Alors Arthur, il sait. Il sait qu’ils seront les derniers à partir, ceux dont on se souviendra plus que les autres. Ceux qui tiennent à leur image plus que les autres, surtout. « Ils ne rentreront pas avant deux bonnes heures, j’dirais. » Il pose à nouveau son regard sur elle. Elle l’a vouvoyé, il a bien relevé. Elle l’a vouvoyé quand lui l’a tutoyée, quelques minutes plus tôt. Peut-être qu’il vaut mieux s’en tenir à ça. Une relation formelle, rien de plus que des bonjours, des bonsoirs, des sourires de politesse. Peut-être qu’Arthur devrait rester à sa place. Appeler l’ascenseur et la laisser se démerder avec sa vie, comme s’il ne se souciait de rien. Seulement voilà, Arthur il prend rarement les bonnes décisions. Il appelle l’ascenseur pour Loreleï, et lorsqu’il arrive enfin, l’invite à entrer à l’intérieur. Puis il entre à son tour. Lui qui devrait rester là, au rez-de-chaussée. Là, à ouvrir la porte à ces gens qui ne le remarquent jamais. Ce soir, ils devront faire sans lui. Ce soir, Arthur déserte son poste. Et il appuie sur le bouton qui les mènera au dernier étage, le rooftop. « Et si on fuyait nos responsabilités pour quelques heures ? » Il regarde droit devant, sûr de lui, alors que l’ascenseur entame son ascension. « Et si tu cessais d’être une Blais, juste un instant, et que je cessais d’être ce portier ridicule ? » Il tourne la tête et plonge ses pupilles dans les siennes. Et finalement, les portes s’ouvrent. Arthur sort en premier, sous la pluie. Il ferme les yeux, le visage levé vers le ciel. Il laisse les gouttes glisser sur sa peau, sourire aux lèvres. Puis il se tourne vers Loreleï et lui tend la main, l’invitant à le rejoindre. Comme s’ils se connaissaient depuis toujours, comme s’il l’invitait à lui offrir sa confiance. Viens Loreleï. Laisse la pluie te débarrasser des poids sur tes épaules. Oublie ton nom, oublie tes obligations. Sois toi, juste toi. Et raconte-moi : qui es-tu ?

deux bonnes heures. ça lui laisse le temps de se reprendre un minimum. de sécher les larmes pour remettre correctement ce masque qu'elle n'a pas le choix, qu'elle doit porter. pour qu'ils soient tous fiers, qu'elle continue à être ce qu'elle n'est pas. mais c'est trop tard maintenant, trop tard pour se reprendre en main quand elle a l'impression que tout tombe à l'eau. qu'elle a pris une trop mauvaise passe et qu'elle n'est plus apte à faire marche arrière. ça devient vraiment terrifiant, mais... tant pis. la vie est ainsi. loreleï a fait ses choix, c'est trop tard.
elle le laisse faire, appeler l'ascenseur quand elle-même pourrait le faire mais... il est payé pour ça, non ? c'est très triste de voir les choses de cette manière. mais peu importe. elle rentre dans l'ascenseur sans broncher. elle devrait glisser un merci, mais elle a encore les larmes qui coulent, celles qu'elle tente de sécher, en vain. ça devient ridicule et difficile. sauf qu'arthur rentre avec elle dans ce même ascenseur, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. elle fronce les sourcils, devrait ouvrir sa bouche pour au moins réclamer la raison de sa présence mais elle ne fait rien. fuir leurs responsabilités. cesser d'être une blais, quand lui, cesse d'être un portier. tu... quoi ? elle murmure, sans comprendre pourquoi il fait ça alors que loreleï n'est pas la plus aimable avec lui. au contraire, elle est toujours très distante, très peu polie. bien qu'il soit le seul à avoir la chance d'entendre un tant soi peu le son de sa voix. l'ascenseur qui monte, monte. qui ne s'arrête pas à son étage. non. il monte encore plus haut jusqu'à ce qu'elle comprenne où il veut l'emmener. il sort le premier quand ses pieds sont paralysés sur le sol. cesser d'être elle-même, c'est effrayant. cette main qu'il tend. au beau milieu de la pluie qui ne s'arrête pas. elle fini par prendre sa main, sans savoir si c'est une bonne idée. elle le fait, en se laissant tremper par la pluie qui tombe beaucoup, beaucoup. pas de parapluie, rien. elle n'est plus la princesse qu'on protège, rien. alors d'accord. juste d'accord. elle se laisse faire sans trop broncher. et... et maintenant ? parce qu'elle ne sait pas tellement ce qu'elle doit faire. elle veut bien se libérer d'un poids, d'essayer du moins mais ça reste délicat. elle n'a pas son téléphone. elle n'a pas l'occasion de faire une story. rien. donc elle ne comprend pas. elle s'appelle loreleï, elle est une blais. et pourtant, savoir qu'elle a l'option de s'oublier ça l'aide. à glisser les larmes qui se noient par la pluie. à glisser son coeur en miette maintenant qu'en haut de cet hôtel, hormis les étoiles, personne ne pourra la pointer du doigt.

@loreleï blais / the girl behind the mask

« Tu… quoi ? » Arthur ne répond pas. Il laisse la surprise, et l’ascenseur qui monte. Les étages qui défilent, leurs vies qu’ils fuient. Il voudrait tellement que ce soit possible. Tout laisser au rez-de-chaussée, se barrer et ne jamais revenir. Il voudrait oublier sa vie ratée, laisser ses blessures cicatriser, et partir au bout du monde. Il voudrait changer de vie, changer de peau. Mais c’est con, parce qu’il est coincé avec lui-même Arthur. Va falloir qu’il s’y fasse. Il s’est déjà fait à l’idée qu’il n’est bon pour personne. Qu’il finit toujours par détruire tout ce qu’il entreprend. Mais ce soir, cette nuit, il oublie. Il oublie qu’il n’a pas pu sauver mamie, qu’il n’a pas pu sauver Thelma. Il oublie son job de merde, son avenir inexistant. Il en oublierait presque son nom pour n’être qu’un mec comme un autre. Un n’importe qui ou bien un tout le monde. Un mec qu’aurait tout à faire à trainer avec une meuf comme elle. Loreleï Blais, et le fric qui tombe de ses poches, et ses parents pourris jusqu’à la moelle. Il a pas besoin qu’elle lui raconte, il sait. Tout comme il se doute qu’il y a plus que ça. Que si elle peut s’oublier un peu, s’abandonner au rez-de-chaussée, là-haut elle sera mille fois mieux qu’elle ne l’a jamais été. « Et… et maintenant ? » Y’a la pluie qui tombe sur leurs visages d’humains cabossés, d’humains mal aimés. De ceux qui marchent de travers, qui font semblant, qui dressent des murs pour se protéger des autres. Qui font semblant de ne rien ressentir. « Maintenant, c’est l’heure de démanteler le mur autour de toi, Loreleï. » Arthur n’est pas aveugle. Malgré la pluie qui tombe sur sa gueule, il voit bien ses larmes qu’essaient de passer inaperçues. « Pourquoi t’essaies de te cacher pour pleurer ? » Il demande, de but en blanc. Parce qu’on n’est plus là pour faire semblant. Tu peux pas te cacher ici Loreleï. Y’a que toi et moi. Le ciel noir, les nuages, la pluie. Et toi et moi.

elle a froid. le corps tremblant, elle se sent si mal. le coeur prêt à exploser, l'âme en peine, la sensation de s'effondrer. elle n'en sait rien. elle a mal, partout. et arthur est là, l'aide, sans prendre la peine de la laisser en plan, de côté. il est là, et elle s'accroche à lui d'un coup ; peut-être un peu trop fort. doux contraste alors qu'elle a pris ses distances. qu'elle s'avance sur ce toit sans trop savoir où elle peut se mettre. rien. pas de protection, rien.
elle sent que les sanglots continuent d'exploser. pourquoi elle pleure, déjà ? pour le verre de trop, pour les moqueries ? elle n'en a aucune idée. elle sait qu'elle en a beaucoup sur les épaules. fatiguée de mentir quand elle fait les choses correctement. fatiguée de devoir se cacher, jusqu'à devoir prendre un putain d'ascenseur et se retrouver sur le toit de cet hôtel. loreleï fini par se rapprocher. elle pourrait frôler le vide, mais non. elle reste elle-même. elle s'approche. s'accroche. sans toucher le corps d'arthur. j'ai pas le droit de pleurer. pas ici. pas dans son monde. pas quand elle a de l'argent et qu'elle n'a aucune raison d'être malheureuse. et pourtant, elle l'est. elle est triste, elle ne sait pas trop quoi faire pour avancer comme elle aimerait. c'est trop tard pour ça, malheureusement. elle n'a pas le droit, pourtant elle le fait. elle pleure sans pouvoir se retenir, arrêtant de passer ses doigts sur ses joues pour tenter de se reprendre un minimum. mais en vain, elle fini par abandonner cette tâche. comme elle arrête de cacher son visage pour affronter le regard d'arthur. car elle sait, va savoir pourquoi, mais elle sait ; c'est le seul qu'elle retient au niveau du prénom. c'est le seul qui a le droit à un semblant de bonjour dès qu'elle rentre dans l'hôtel. le seul qui sort du lot, va savoir pourquoi. c'est ridicule, non ? tu dois sans doute me juger de pleurer alors que ma vie n'est pas minable. est-ce qu'elle vient de l'insulter sans se rendre compte ? oui. faut croire. et elle sent un élan de culpabilité d'un coup, en passant une main dans ses cheveux avant d'arrêter et de pendre ses mains le long de son corps. je sais pas. je crois juste que je suis fatiguée. elle n'en sait rien, oui. c'est la seule raison qu'elle offre là. qu'est-ce qu'il attend d'elle, en fait ? il attend qu'elle se livre ? elle ne le fera pas. elle n'a rien à dire. pas là. pas maintenant. elle devrait se sentir piéger d'être avec lui, mais... mais non. même pas.

» (gregor) mask singer
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