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| Sujet: damned souls — Amour Ven 4 Sep - 0:29 |
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novembre 2019, dans l'upper east side.
Le cancer s’infiltre dans les larges poumons aux alvéoles paniquées. La foule est grande, grésillante. Symphonie délirante, les murmures sont des cris, les cris des murmures et la rumeur de la jeunesse débraillée, suintante d’alcool et de débauche la foudroient, voyant ces autres s’asphyxier contre des lèvres poisons, se dérobant aux tentacules des hommes veules pour en trouver d’autres. Les femmes s’affament, vêtues de leurs guenilles les plus courtes pour exposer leurs courbes tendres, les vieux cons tapinent près d’une piscine en attente d’une ligne à aspirer, véritables fourmiliers à la trompe insatiable. Depuis une heure, elle voit la poussière filer dans les mains de fins limiers cherchant leurs prochaines victimes à étouffer. Les malicieuses s’enfilent des cachetons bourrés de rêves et de cauchemars sous les couleurs arc-en-ciel de spots bons marchés. Leurs visages se couvrent de rouge, de bleu, de vert, de jaune, de blanc nacré quand leurs langues fondent dans la bouche de l’autre pour s’abreuver de l’espoir vain d’un amusement que seule l’ivresse et la défonce peuvent rendre meilleures. Le cafard s’incruste, observe, tout droit venu de son royaume de nuisibles. C’est le genre de réunions dont on ne parle jamais, où l’on sait qu’il vaut mieux se taire une fois le jour levé pour que la nuit soit toujours aussi clémente, qu’aucun ne se retrouve le cul collé à la banquette sale d’un poste de police, empestant la gerbe, l’érotisme et l’épuisement. Mais ce n’est pas grave, car le père paiera pour étouffer le crime et le cercle reprendra. Vile sirène qui se tord dans le bain des damnés, elle contourne un couple puis un duo de filles aux rires bafouillants, les scrutent mais les oublient.
Ce soir, Dris est mort depuis un an. Grand gong, sourd et terrible sous la caboche. Les cloches annoncent l’heure fatidique du décès. Lame dans le cœur, Poumon perforé, L’encre a coulée, L’arrivée tardive, Dris est mort.
Voilà. T'as plus que les yeux pour hurler.
Sous son regard de corbeau des poches de fatigue que nul maquillage ne pourrait dissimuler, dans les puits sans fonds de ses prunelles sans iris on peut discerner un désir avide de destruction. Tout détruire pour mieux renaître. Quelque part, elle-même saigne un peu. On ne voit rien de la plaie ouverte sous un gilet noir, peau tranchée pour saluer la mort, pour quelques prières à l’haleine de souffre, bandée à la va vite pour que le sang ne bave pas trop. La douleur la porte, supportable, contrairement au cancer du deuil qui ne la quitte pas. Dans la cuisine, elle trouve mille bières déjà sifflées, en chope une qui n’est pas encore contaminée. Le bruit de la capsule qui saute sonne comme une déflagration. La mort va bientôt venir. L’amertume rejoint les lèvres sèches, assoiffée. Sans grâce, elle vide la moitié de l’orge fermenté, indifférente. L’échine arquée, elle ne voit pas venir le premier mec ivre qui vient l’accoster, repousse ses mots qui n’en sont pas d’un charmant sourire pour mieux divaguer ailleurs. Sous le gilet, la robe est noire. De ténèbres la veuve est drapée. Les cuisses pâles et frêles, les chaussures aux semelles usées, les genoux striés de stigmates de chutes enfantines et parfois adolescentes car la maladresse ne l’a jamais quittée, véritable fléau ambulant. Tâche noire dans ces terribles bacchanales orgiaques. Caillot qui bouche les artères d’un grand hall sous le joug d’un plafond où trône un grand lustre de cristal, les arêtes peintes à la feuille d’or, son corps de sous-fifre arrêté devant un imposant escalier de marbre noir, menant vers l’Enfer du premier étage. Elle sait qu’on finira par remarquer qu’elle est intruse dans ce monde de tocards habillés de soie, de velours, de rien, de tout, de pathétisme, d’égoïsme, de frustration. Des banalités humaines se pensant souvent supérieures et qui l’ont souvent mirées de haut, si bien installés sur leur piédestal d’héritiers. Regard errant, elle décrypte mal les visages d’une singularité barbante. Et puis peu à peu, la course s’arrête, la collision douloureuse. Les secondes s’égrainent aussi lentement que si elles étaient prises au piège du ventre trop fin d’un sablier, grain par grain, elles tombent comme son regard sombre dans celui d’un démon du passé. D’un battement de paupières, elle apparait, semblable à toutes ses apparitions précédentes. Un fantôme qu’on nomme Amour. Une insulte pour la gangrène vivante qu’elle est, tempête avalant les débris humains, les laissant pour mort une fois reparti. Aucune prière n’est jamais parvenue à la chasser. Te souviens-tu, Amour, comme tu m’as délaissée cette ultime fois, dépouillée de sa vie ? Sous le halo des cils, les prunelles s’embrassent et elles y mettent la langue et les dents, elles se mordent et se soupirent l’une dans l’autre. Au travers des pions bousculés par l’ivresse, elle demeure ainsi immobile, goûtant le goulot de sa bouteille, ignorée, comme toujours car si la damnée est jolie ce soir, elle ne vaut pas la peine de s’attarder. Sous les côtes sifflent le serpent rouge enroulé, crache son venin pour repousser l’inévitable rencontre. Car déjà ses pas la mènent sur ce chemin d’épines. Il n’y a pas de sourire pour l’accueillir, que ses yeux aux iris lascives pour ce vampire sorti de son cercueil. Il suffit d’une vision d’Amour pour être shootée, mise à terre d’une œillade. Là, tout proche d’un monde disgracieux, elles se toisent, louves prêtes à montrer leurs crocs ayant déjà mordus tant de fois. Sont-elles amies ? Ennemies ? Alliées ? Amantes ne s’étant jamais servies du corps de l’autre ? Tout le monde l’ignore, personne ne le sait, pas mêmes les deux protagonistes de cette histoire qui ne mérite pas qu’on vous la raconte.
Les cheveux sont d’or, une couleur qu’elle a toujours trouvé fade, pâle mais qui sur elle semblent être faite pour attirer les curieux, pour y laisser tremper les doigts, quitte à se les faire couper, la peau faite pour être tâchée d’un soupçon de rouge vice. Elle aimerait mais n’osera pas. Elle aimerait maintes choses mais préfèrera toujours laisser vivre ce grand froid entre elles. La collision pourrait les faire crever. Une main se lève, rejoignant son bras blessé si bien caché, l’odeur de rouille largement couverte par leurs parfums, par ceux des autres, par l’odeur d’explosion nucléaire qui plane. « Ta présence ici veut dire que la foudre va pas tarder à tomber. J’devrais dire aux autres de commencer à s’enfuir … » Au travers du brouillard des conversations, la voix persifle son incantation et le sourire qui se révèle enfin ment sur ses pures intentions. Elle est là pour semer quelques graines d’agonie, voir souffrir et trembler, peu importe qui, peu importe comment. Le monde des ignorants n’a pas idée que la Peste s’est invitée chez eux sous la forme de deux visages, prête à noircir leur beau tableau, à faire gonfler leurs cœurs de noir, à les voir se putréfier de peur sur place.
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| Sujet: Re: damned souls — Amour Ven 11 Sep - 14:46 |
| Elle presse ses bras croisés contre sa gorge. Elle sent les deux seins qui s’enfoncent, poussent les côtes, étouffent les organes amassés derrière les barreaux ivoires. Le corps se compresse, s’amenuise à l’infini à l’orée de désirs mortels qui acculent dans la chair visqueuse de sa cervelle. Ses eaux sur les sablons d’or luxueux ouvrent la voie au sang, et le violacé du macabre se dissémine dans l’océan. Ô comme ses yeux ont été fabriqués pour recueillir chaque goutte de la boisson pourpre, le soufre des cris. Le souffle. Ses songes sont encore tapissés des mémoires persiflantes. Des déchirements partout, de ce que la lame de son couteau a effleuré, de ce qu’a perforé la verge furibonde, des fissures et du craquèlement de l’âme qui ne tient plus la torture. Mais d’un fil, la fille, la vie, s’est accrochée. Cleptomane téméraire, insolente récidiviste. Délits mineurs et système bancal. Foutue de toute manière. Amour l’avait promue passeuse, l’haleine chaude de plaisir flottant sur l’aura frissonnante, vidée, mais survivante. Elle a soufflé sa palabre quelque part, dans ce qu’elle jugeait les prémices d’un recouvrement. Le deuil juste après la tornade, ce temps comme un baume, ce temps-remède qu’elle écrase avec la genèse d’un espoir. Les sensations du tourment, elle y pense là, appuyée sur un meuble devant les culs dorés qui se trémoussent, se lapent le palais et gloussent. Il y a du feu dans ses reins, le bas-ventre congestionné à se les imaginer parés de la splendeur de la détresse. Ça la rend si ivre qu’elle prête un rire sardonique à ce qu’ils lui racontent et qu’elle n’écoute pas. Elle est venue pour ça, lubricité détraquée cherchant approvisionnement, ramenée parmi les nantis par ses mauvais penchants. La subtilité de se faire sauter dans le luxe plutôt qu’au milieu des puces, histoire de pas tirer du plomb dans l’estomac d’Éros, maintenir la barque de l’obscène.
La blonde bat des cils, caresse de l’iris l’être de virilité factice prostré près de la porte. Elle cerne comme il est vide, un presque-rien, que se donnant il serait finalement quelqu’un cinq minutes durant. Son plastron de solitude et de mystères ravagé par des capacités sexuelles diminuées, écourtées aux dix premiers coups du bassin. Le sourire ne se précipite pas sur la lèvre, il s’avorte, au fracas de sa rétine contre cette silhouette -divine- et ce parfum aux notes morbides. Ça lui émousse la faim en même temps que ça la lui aiguise de la voir dans ce décor, la sibylline. Imra apparaissait toujours en ces époques où on ne l’attendait jamais. Et pour Amour, c’était perpétuel de ne pas l’attendre, de ne pas la retrouver à l’endroit même où elle l’avait laissée. D’elle, elle se prélasse et se lasse, sans négliger leurs augustes rencontres. Elles se respirent pourtant avec aisance et ce, par tous les temps, quelle que soit l’époque, dans cette nécessité de s’abreuver en soupirs mutuels.
Amour aime bien sa mort qu’elle transporte et qui ceint le corps informe sous les vêtements sombres. Petite déjà, l’ombre d’Imra pourléchait les gravats funèbres et laissait la benjamine s’en repaître, spectatrice d’Icare dans sa poursuite du malheur. Égoïstement, Amour s’était rendue certaine que la brune s’imbibait de ces souffrances juste pour lui donner de quoi se nourrir. Et elle acceptait bien le geste, sans s’obliger à la gratitude comme elle grapillait frénétiquement dans son coin la déchéance de l’aînée. La môme était seulement loyale à la puissante misère qui fourvoyait l’entité St-Clair. Cette nuit encore, quand la faim démange la lucidité de Vaughn, Imra apparaît. C’est l’étrange association de la martyre et de son bourreau, sans qu’on sache réellement à qui convient le rôle. Le vent des mots qu’elle ignorait balaye jusqu’à ses tympans quand il porte le son de sa voix, et elle a peint ses lèvres de ce sourire imperceptible décoché sur les intentions qu’elle devine. “Si tu m’dénonces c’est toi que j’enfourche, c’pour ça qu’t’es là non?” L’autre se tient à bonne distance, Amour toujours adossée au meuble contemple sa poupée préférée puis se détache pour s’en approcher. Amour enlace Imra, la pureté de cette accointance en parfaite disharmonie avec leurs engeances. Amour enlace Imra qui s’est laissée surprendre et n’a pas bougé son bras que la blonde sent contre son ventre. Elle caresse les cheveux napthés et ce geste révèle l’horreur assoupie. Le menton planté sur sa clavicule, Amour murmure gravement tandis que quelques mèches lui chatouille le bout du nez: “si t’es là c’soir j’sais qu’c’est pour moi. Comment on fait du mal Imra? J’veux qu’tu m’montres encore.” Cette fois, Amour se détache dans une indifférence placide, comme si les dernières secondes n’avaient pas existé et répond au rictus que St-Clair a balancé plus tôt.
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