los angeles/ la nuit tombée, shun

il ne se comprend plus xinyi. trop de questions. d'hésitations. de peurs, de doutes.
jamais il n'a ressenti de telles choses. jamais son coeur n'a battu de la sorte pour quelqu'un. est-ce la situation qui fait qu'il tombe petit à petit sous le charme de shun ? est-ce parce qu'il est terrifié ? se raccroche-t-il à la première personne à ses côtés ? il craint de se tromper xinyi, il a peur de réaliser qu'il a tort. mais ses mains tremblantes et ses pensées troublantes ne peuvent que confirmer qu'il s'éprend de plus en plus de ce chaperon qu'il détestait tant.
ce visage, il a appris à l'apprécier. ces yeux, il cherche à les croiser beaucoup plus qu'il ne le faudrait. ce corps, il voudrait le connaitre par coeur. mais son esprit n'est pas prêt à accepter. pourtant, les signes sont là. trop présents.

ses cauchemars, ses peurs pour la vie de shun sont une autre preuve irréfutable de cet attachement trop grand qu'il éprouve. pourquoi ne le repousse-t-il pas comme il en avait l'habitude ? pourquoi shun devient-il plus tolérant ? quelque part, xinyi est soulagé de ne pas entendre réflexion ou insulte mais ne serait-ce pas plus simple que shun soit exécrable pour faire taire ses sentiments naissants ?
« j'ris pas. » tu devrais qu'il songe. ne le fais pas, pitié pense-t-il. xinyi veut une chose et son contraire. « je juge pas. » ce soir, il a besoin de ça. il n'a pas la force de se défendre.

les doigts de shun n'ont jamais été si doux envers lui. caresses apaisantes dans ses cheveux, souffles rassurants à ses oreilles. « j'suis pas comme ça. c'est juste pour que tu dormes. »  là, blotti tout contre ce corps qu'il voudrait ne pas désirer, xinyi inspire longuement. « je.. sais... » non, il se sait rien. il ne sait plus. sa main se pose contre le torse brulant de cet homme trop tentant. il tremble. la peur du cauchemar vécu, de l'avenir incertain. « shun..? » son prénom a une saveur particulièrement troublante sur sa langue. « si je te demandais de... m'aider à m'enfuir, tu ferais quoi..? » xinyi ne sait même pas où aller, comment faire. il n'a pas de moyen et il est terrifié d'être seul. « dis rien... je sais ce que tu vas répondre... tu m'en empêcherais... et.. t'aurais raison. » s'il aidait xinyi, shun serait un homme mort. son père n'a aucune pitié. « si... t'acceptais... après t'avoir torturé pour savoir où je suis mon père finirait sûrement par nous tuer tous les deux. » rire amer. il n'a aucune solution. condamné à avoir peur. s'entrainer en vain pour ne jamais devenir celui qu'espère son père. « tu trouves que j'suis lâche de ne pas essayer de me battre pour la vie que je voudrais ? » xinyi ne sait même plus ce qu'il veut. mais la petite voix au fond de son crâne lui hurle qu'il ne veut plus d'une vie sans la présence de shun. « on devrait dormir... » souffle-t-il presque rageusement pour ne pas laisser son trouble prendre le dessus.

proximité traître. shun qui devrait s'éloigner, arrêter de jouer à ce jeu plus dangereux que nécessaire. il ne rit pas, il ne juge pas. et il sait ce que ça veut dire parce que la critique est dans sa nature. il a l'habitude de ne pas mâcher ses mots, de juger durement et xinyi en avait fait les frais au début de leur relation. il n'avait jamais caché son scepticisme par rapport à lui. oiseau trop frêle, prêt à être dévoré par les aigles.

et il a ce qu'il jugera comme un instant de bienveillance. charité du corps chaud pour celui qui lui paraît un peu plus frais. shun, il a le besoin de se justifier. c'est comme s'il ne pouvait pas assumer. assumer quoi ? il n'y avait pourtant rien. c'est ce dont il finira par se convaincre. et xinyi lui dit qu'il sait. il s'en trouve un peu plus rassuré, comme si la situation devenait soudainement normale. les doigts fins se posent contre sa peau. torse attaqué et il n'ose pas les repousser. geste anodin, qui semble pourtant si intime vu la pénombre et leur solitude. prénom à l'air de question. il ne fait qu'un bruit pour signifier à xinyi qu'il pouvait parler. il n'avait pas d'autre choix que d'écouter.

les mots le prennent de court. il n'avait jamais considéré une seule seconde que le fils bien élevé et poli qu'était xinyi pourrait vouloir s'enfuir. il se sent presque stupide, n'ayant rien d'intelligent à dire. et alors qu'il s'apprête à parler, xinyi semble avoir changé d'avis. et c'est vrai qu'il l'en empêcherait sûrement, du moins il devrait le faire. peut-être qu'une partie de lui serait curieuse quant au déroulement des événements, si xinyi venait à ne plus être là. qu'il retournait à ses livres et ses grands noms. mais étrangement, il n'a pas envie d'imaginer ça. lui, loin. pensée désagréable, sans qu'il ne veuille comprendre.

bien vite, le garçon le ramène à la réalité. eux deux morts. c'est ainsi que les choses se faisaient dans les clans. pourtant, il trouve monsieur li plus juste que beaucoup d'autres. peut-être qu'il serait capable de grappiller un peu de temps, après avoir payé sa dette. le rire amer de xinyi le fait resserrer sa prise sur lui un peu plus. lèvres qui se meuvent enfin. « peut-être pas. » lueur d'espoir, probablement malvenue.

shun, il continue de l'écouter. nouvelle interrogation du garçon. quelques semaines auparavant, il aurait sûrement dit oui. mais les choses avaient changé. le corps de xinyi contre le sien n'était qu'une énième preuve. « ça a pas d'importance ce que j'pense. » soufflé dans leur chambre noire. les yeux fermés, shun qui n'entend presque plus rien. « mais cette vie, tu pourras pas en sortir comme tu veux. » fatalité sur leurs épaules, shun il le sait. il y a toujours un prix à payer dans leur milieu. le sang, l'argent et autre. son père ne laisserait jamais xinyi partir, même s'il faisait mille efforts pour quitter le clan. et il acquiesce aux derniers mots du garçon. il voudrait oublier son parfum presque familier depuis de longues minutes. shun, il voudrait tout oublier. lui en premier.