good guy, hijo

Vie chamboulée. Xinyi n’a plus mis les pieds à l’université depuis de trop nombreux jours. Ça lui manque. Besoin d’apprendre, de comprendre. Aujourd’hui, il ne gère plus rien. Sa vie n’est qu’un flou qu’il ne peut qualifier d’artistique. Il déteste cette œuvre horrible que son quotidien est devenu. Séances de sport, de combat, d’autodéfense. Toujours avec la même personne. Shun. Il le voit en se réveillant le matin, tout au long de la journée et il est même la dernière personne sur laquelle ses yeux se posent avant d’aller au lit. Aucune entente entre eux. de la provocation, des pics. Faire vaciller. Blesser.

Aujourd’hui encore, Xinyi nettoie ses blessures. Aucune n’est vraiment infligé volontairement par Shun, ce n’est que leur entrainement et Xinyi n’est pas assez doué pour esquiver, pas assez fort pour répliquer vraiment. Lèvre fendue, bleus sur le corps. Son reflet, Xinyi le déteste. Il voudrait briser ce miroir et ne plus jamais se voir.

un peu de répit lui est offert ce soir, Shun a dû rester avec d’autres membres du gang. s’il pouvait ne pas revenir… bon sang, xinyi l'espère tellement mais cette prière ne sera jamais entendue. il sait parfaitement que Shun pointera de nouveau le bout de son nez le plus rapidement possible, trop fier de lui rendre la vie impossible.

Jamais Xinyi n’aura passé autant de temps en compagnie d’un être humain – même s’il se demande si ce terme correspond vraiment Shun. Ses livres lui manquent tout comme l’université et sa bibliothèque où il passait des heures, parfois accompagné par hijo. Hijo qui ne cesse de lui envoyer des messages inquiets. L’ignorer, est tout ce que Xinyi est parvenu à faire. Il aurait pu lui répondre de le laisser tranquille mais au fond, lire ces messages, voir que quelqu’un s’inquiète pour lui, ça le rassure. Et ce soir, Xinyi a besoin de lui. alors malgré les barrières qu’il s’est mises, il a fini par répondre à son ami.

Viens à la maison
ce soir si tu peux.

Il espère de tout coeur qu'il sera disponible. Besoin de se raccrocher au passé, de se dire qu’il peut encore toucher ses rêves du bout des doigts. Quand quelques coups sont frappés à sa porte, Xinyi réalise qu’hijo est vraiment là et qu’il n’a pas du tout réfléchi à ce qu’il allait lui dire. inventer une histoire serait stupide, Xinyi ne sait pas mentir. Sa peur se lit sur son visage. Alors il traine des pieds et ouvre sa porte, tête basse, il accueille Hijo et le fait entrer. « salut… » honteusement, il referme derrière lui et passe une main sur son visage. Regret immédiat quand la douleur irradie sa lèvre fraichement coupée. « Je suis… content que tu sois là.. désolé de ne pas avoir répondu plus tôt… ma vie est… en bordel en ce moment et… » son débit de paroles se stoppe alors qu’il se rend compte qu’il n’a même pas laissé le temps à son ami d’ouvrir la bouche. « désolé… tu.. m’en veux ? »

@hijo sakai

la lecture l’apaise, xinyi. ça lui donne des ailes rien qu’un instant. oubliée sa vie chamboulée, il s’imagine quelqu’un d’autre, quelqu’un de différent. loin de tout ce grabuge, de cette tension et de tout ces interdits. lorsqu’il ferme les yeux, xinyi se voit plus fort. assez courageux pour dire ‘non’. pour partir. refuser cet avenir noir que son père peint pour lui.
mais des que ses paupières lourdes s’ouvrent sur son véritable monde, tout s’envole. ses désirs, ses bonnes résolutions. incapable de faire quelque chose pour changer quoi que ce soit, xinyi se contente de subir. seul.
solitude qui lui pèse de plus en plus. shun est une constante dans sa vie mais il n’est d’aucun soutien. pire, il lui met la tête sous l’eau dès que l’occasion se présente. c’est son rôle après tout. lui, il voudrait autre chose. il voudrait de la tendresse. de l’amour, amical ou plus fort encore. il veut quelqu’un à ses côtés. pour le serrer, essuyer ses larmes et le rassurer.
alors c’est naturellement qu’il a fini par autoriser hijo à pénétrer dans son nouvel univers. doit-il lui avouer ? tout raconter au risque de le mettre en danger ? avant même son arrivée, xinyi se met à paniquer. pourquoi a-t-il fait ça ? pourquoi a-t-il invité hijo chez lui ? et si shun rentrait plus tôt ? et s’il lui faisait du mal ? et si… ?
trop tard. hijo est déjà là. mais ça apaise son cœur de poser enfin les yeux sur un visage familier. un visage doux.
ça le chagrine de l’embêter avec ses problèmes alors qu’hijo a déjà beaucoup à gérer mais il lui fait confiance. impossible à expliquer, xinyi lui confierait sa vie.
« j’évite de trop me regarder dans le miroir en ce moment, ça fait peur. ma carrière de mannequin est fichue. » il déteste ce qu’il y voit. un lâche. mais il ne peut retenir un faible rire à la réplique d’hijo. lui qui est toujours impeccable, propre sur lui, ne ressemble aujourd’hui qu’à un pauvre gosse égaré et meurtri.
dans sa cuisine, xinyi sort de quoi faire des boissons chaudes tout en réfléchissant à la réponse qu’il pourrait offrir à son ami curieux. plus question de faire machine arrière, il doit des explications à hijo. ses gestes se font lents, ses pensées, elles fusant à toute allure. « je n’ai pas remis les pieds à la fac depuis un moment… ce n’est pas eux, non.  » quelque part, il aurait préféré subir le courroux de ces abrutis écervelés, ça les aurait peut-être écartés d’hijo quelques temps. « d’ailleurs.. j’espère que.. tu vas bien toi… j’suis désolé de pas avoir pris de nouvelles… » changer le sujet quelques temps pour reculer l’inavouable ; mais son inquiétude pour hijo est réelle. « on fait la paire toi et moi… » tous deux sont considérés comme « faibles » mais méritent-ils pour autant qu’on les traite ainsi ?
tendant une tasse fumante à hijo, jamais xinyi ne croise son regard, trop honteux. « je… ne reviendrai sûrement jamais à l’université… » le dire tout haut à l’effet d’une grande claque en plein visage. les coups de shun ne lui ont jamais fait aussi mal que cette foutue constatation.

@hijo sakai

inquiéter hijo est la dernière chose que veut xinyi. mais il sait que son absence a dû soulever des interrogations. jamais il n’avait loupé un cours, toujours le nez dans ses livres, son quotidien est bien différent à présent. il n’a pas touché aux pages noircies de ses auteurs préférés depuis trop longtemps à son goût mais il a l’impression de ne plus les mériter. ses doigts salis par les coups ont-ils le droit de frôler de nouveaux ces pages remplies de savoir ?
« comment ça j’ai pas la carrure d’un mannequin ? » faussement outré, xinyi apprécie que son ami tente d’alléger l’ambiance mais il sait que ses prochains mots vont de nouveau les plonger tous deux dans la noirceur. il voudrait pouvoir continuer à rire un peu avant de tout balancer et de rendre encore plus réelle cette situation de merde dans laquelle il est obligé d’être.

la douleur, xinyi ne la sent plus vraiment. il n’a pas encore reçu énormément de coups. shun se retient la plupart du temps. s’il se blesse c’est souvent par sa faute, sa maladresse. sur le ring, il est ridicule et shun ne se prive jamais de lui rappeler. « pas vraiment… c’est assez superficiel… ce qui fait mal c’est plutôt… la situation ? » ne plus être maitre de son destin, ne plus contrôler son avenir, devoir subir la présence perturbante de shun. et l’absence de tout ce qu’il appréciait avant. l’absence de son ami.
avouer qu’il ne retournera plus à la fac semble déstabiliser hijo. prévisible après tout. xinyi fait partie des meubles de l’université depuis presque trois ans. il y passe plus de temps que chez lui. du moins, avant « c’est… pas facile à dire. » xinyi a honte. honte de sa situation. de la subir. honte de n’être qu’un pantin qui a fermé les yeux sur les activités de son père depuis toujours.
tous ses camarades pensent qu’il vient d’une bonne famille. la sienne n’a rien de « bon ». l’argent qui entre est toujours sale mais il ne l’a jamais repoussé. « pour.. mh, poser la situation » xinyi cherche ses mots, le regard rivé sur le liquide brulant. peu importe la tournure des phrases, le constat est le même : « mon père est le chef d’un des gangs les plus puissants de new york. et… » impossible de regarder hijo, c’est beaucoup trop dur. « et j’suis forcé à... m'entrainer pour en faire partie. » il ne parle pas encore du but ultime de son père : sa succession. Li senior veut que son fils suive ses pas mais surtout qu’il continue de marcher dans cette direction malsaine.
xinyi ne s’en sent pas capable mais il n’a pas le choix.

@hijo sakai

le climat qui se voulait détendu change vite lorsque xinyi avoue à hijo la raison de son absence. rien ne présageait une telle évolution pour xinyi. il se voyait déjà terminer ses études tranquillement et exercer le métier de ses rêves. impossible à présent. propulsé dans un monde qu'il ne connait pas, il doit oublier toutes ses certitudes. s'il avait été plus fort, il se serait rebellé, aurait tout plaqué. mais connaissant son père, il ne pourrait même pas faire quelques kilomètres sans être ramené par un de ses sbires. shun certainement.

voir hijo dans cet état le met mal à l'aise, il ne veut pas être jugé et mis dans le même panier que tous ces délinquants mais c'est pourtant ce qu'il est amené à être. pas un petit caïd des rues, non, il fait partie d'un des plus puissants gangs de new york. armes, drogues, sexe, meurtre. il ne veut pas y penser mais il sait parfaitement que ses missions tourneront autour de tout ce qu'il déteste.

tête basse, xinyi soupire. « tu sais que je n'ai aucun humour et... que blaguer c'est pas mon fort. » puis ça ne lui serait jamais venu à l'idée de mentir à ce sujet. à quoi bon. hijo doit le savoir au fond mais il veut juste se rassurer, éloigner la possibilité que son ami fasse partie d'une branche terrifiante de leur ville. « j'aimerais bien que ça soit des conneries. mais... non. » finalement, il se décide à fixer son ami et ce qu'il voit dans ses yeux le rend triste. hijo a peur, est déçu. c'est normal. « j'suis désolé. je pensais.. pas en arriver là. j'pensais pas qu'il me forcerait à le rejoindre. c'est pour ça que.. j'en parle pas. j'veux pas qu'on m'associe à lui. » ça le frustre cette situation et le l'avouer à quelqu'un n'arrange rien. tout devient encore plus réel.« et avant que tu me dises 'tu peux refuser'. non. impossible. il m'a même mis un chien de garde. » ses yeux dérivent sur une des vestes en cuir de shun qui traine sur une chaise. shun est devenu son quotidien. shun. shun et toujours shun.

@hijo sakai