shooting buddies - Arabella

J’ai toujours aimé tirer.
Depuis très jeune, j’ai été en contact avec les armes et ça m’a toujours fait du bien. La puissance du tir, le recul de l’arme lorsque je tire… Le bruit surtout. Même si maintenant, je n’entends plus de la même manière le choc de la balle qui traverse le papier et qui finit contre le mur. Je n’entends plus ça du tout, au contraire, je peux toujours m’entendre en train de tirer, sentir le recul contre mon épaule sans que j’ai à grimacer. J’avoue qu’en plus en réapprenant à entendre les nouveaux sons et à m’y faire, j’apprends à tirer de l’autre main, contre l’autre épaule. Je n’ai pas forcément mal en ce moment même, mais je préfère m’entrainer à tirer de l’autre côté juste au cas où je serai emmerdé avec la douleur. L’explosion, ça ne se pardonne pas et c’est irréversible. Je me sens m’énerver un peu quand je me revois dans le camion, à aller sur le lieu de mission, mais que nous nous sommes fait piéger. Je ne réfléchis plus davantage que je me mets à tirer presque en plein mille sur la personne. Je soupire agacé parce que je suis très tenté de tirer à la main où je suis le plus à l’aise, que je veux montrer le meilleur de moi-même. Seulement, je suis là pour m’entrainer et non pour impressionner quelqu’un. De toute manière, personne ne me reprendra même si je sais qu’il y a des militaires sourds dans l’armée, mais ils ne sont pas aussi sollicité sur le terrain, pas plus que j’en avais l’habitude et je sais d’avance que mon retour sera une erreur… De plus, avec une peine en prison sur le casier, je n’irai pas très loin.

Au moins, mon imagination est intacte et je peux sans mal imaginer la tête d’une personne bien spécifique à la place d’un dessin vierge. Je peux imaginer la tête de mon père biologique que je rêve de descendre là, je peux imaginer les têtes des Afghans qui ne méritent la mort. Seulement, tirer sur les vraies personnes, c’est encore plus jouissif et ça a un effet assez libérateur de devoir enlever une vie. J’ai toujours aimé les fusils à lunettes parce que j’ai toujours pu tirer à distance. J’ai toujours pu observer toutes les personnes possibles dans une foule et devoir sélectionner lesquelles méritaient de vivre ou pas. J’étais Dieu, c’est sûr. Mais je sauvais les vies de la majorité des gens en tuant les mauvaises personnes… Et si elles étaient innocentes ? Du mal pour un bien. Tout simplement… Au moins là-bas, c’était des personnes tuées parce que c’était la guerre. Ici, je peux être puni pour avoir grillé un feu rouge, alors tuer une personne dans New York. C’est plutôt mort et ça me fait dire que ce n’est pas demain que je tuerai quelqu’un. Il va falloir que je vive ainsi et que je trouve autre chose à faire, mais je n’ai pas la motivation. Au moins, je me bouge un peu les fesses pour aller à ce stand de tir en fin de journée pour avoir presque toute la salle pour moi seul. Enfin bon, il y a quatre autres personnes qui sont là à tirer avec les mêmes armes que la mienne (qui n’est techniquement pas la mienne mais passons), mais je les ignore, même quand il s’agit de bien les reconnaître qu’ils se débrouillent pas trop mal.

J’aurai pu continuer à m’entrainer seul jusqu’à la fermeture… Mais j’avoue que c’est la première fois que je viens en fin de journée… Je venais surtout après le déjeuner et je me rends vite compte que je passais quasiment tout mon après-midi avant d’être obligé de partir parce qu’il y avait plus de place et tout le monde attendait. Donc voilà, fin de journée + moins de monde = un Jamie très content. Bon j’ai l’air blasé à fond, mais intérieurement, je suis content de pouvoir tirer comme je veux et sans qu’on vienne m’embêter. Des fois il m’arrive de parler trop vite en vrai: le coach ou l’entraineur ou je ne sais pas quel nom lui donner a claqué dans les mains (au moins ça j’ai pu entendre) et a proposé qu’avec les cinq personnes (et moi) on devrait faire un concours de tir. Cette proposition m’a fait lever les yeux au ciel, je me suis redressé avec l’air un peu ennuyé: je n’ai jamais aimé les compétitions, surtout que je peux être mauvais joueur spécialement et que tirer, ça n’a jamais été un jeu. J’essaye de l’écouter mais je ne comprends pas tout ce qu’il me dit. Le fait qu’il manque des brides d’informations m’énervent au plus haut point, mais ce qui m’énerve d’autant plus, c’est que je me sens obligé de demander à la personne à côté de moi. Une femme. “ Ai-je bien entendu ou il a vraiment dit qu’on ferait une compétition de fin de journée…?”