(meg) leur beauté muette.

Les mains noircies par les voitures réparées, examinées, Luzia passait son avant-bras sur son front afin de se gratter, limitant les dégâts ainsi que les traces de gras sur son petit minois. Elle avait beau travailler dans un domaine où la testostérone était primordiale, Luzia n’en restait pas moins soucieuse de son apparence, bien qu’elle n’était guère des plus féminines. Collant troué, short trop court et pull débraillé, l’éternel blouson de cuir sur les épaules, et elle s’en allait, Luzia, remettant sur le porte-manteau sa combinaison de mécanicienne tachée à n’en plus pouvoir. Elle n’était pas des plus ponctuelles, la poupée, toujours quelques minutes de retard, pour récupérer sa commande de course chez elle et repartir immédiatement chez Meg, à seulement quelques pas. Elles avaient toujours vécu non loin des autres, les filles, mais voilà que les rencontres étaient programmées, la plupart du temps. Puis, Luzia frappait à la porte de son amie, ce sourire étincelant aux lèvres, le soleil en plein milieu de la nuit, alors que sa Meg lui ouvrait, se confrontant à cette joie qui émanait de ce visage, à l’allure candide. Levant ses sacs en tissu, elle dévoilait ses plans de la soirée : rester chez elle, cuisiner, tout simplement s’occuper de son amie, pour laquelle elle s’inquiétait depuis le décès de son petit ami. « Je viens passer la soirée chez toi. » Et elle pénétrait à l’intérieur, déposant rapidement les courses, pour enlacer Meg, ferme étreinte, qui traduisait tant l’inquiétude que la joie de revoir ce petit minois qui cachait bien trop de choses. « Comment vas-tu depuis.. Hier ? » Le doux écho de son rire résonnait dans la pièce vide, toujours présente pour détendre l’atmosphère.

i'm waiting up, saving all my precious time, losing light, i'm missing my same old us. -- @luzia aguirez

Elle s’enfonce. Peu à peu, elle s’enfonce, alors que plus rien ne compte. Plus rien ne semble compter. Quelques étincelles subsistent encore, pourtant. Elles subsistent à travers les personnes qu’elle aime, à travers ceux qui comptent encore pour elle, et qu’elle tente de protéger. C’est tout ce que tu souhaites, Meg. Protéger les personnes que tu aimes et qui ont encore la chance d’être envie. Protéger ceux que tu finiras par blesser, si tu restes à leurs côtés. Parce qu’elle se sent poursuivie, parce qu’elle se sent traquée. Toujours. Toujours par la mort qui s’accroche à elle, qui la suit, comme un boulet à sa cheville. Comme une malédiction qu’elle porte depuis la naissance. Mais les filles, sa famille, Luzia, Pearl, elle ne peut pas leur dire adieu. Elle est incapable de s’en détacher définitivement. Parce qu’elles sont soudées, toujours présentes les unes pour les autres, et de depuis des années désormais. Depuis de trop nombreuses années. Si bien qu’elles te connaissent par cœur, Meg. Elles te connaissent mieux que personne. Et elles doivent voir, sentir, que tu n’es plus la même. Que la dépression s’empare de toi, bien que tu essaie de le cacher par tous les moyens, bien que tu essaies de ne pas montrer que les antidépresseurs sont devenus ta seule manière de survivre. Alors lorsqu’elle entend quelqu’un frapper à la porte, lorsque le doux visage de Luzia illumine, rien qu’un peu, son cœur brisé. - Coucou toi… Qu’elle lâche, en se poussant pour la laisser entrer. Elle sait qu’elle n’a pas le choix, que Luzia ne baissera pas les bras. Et elle sent qu’elle s’inquiète. Elle sent qu’elle s’inquiète pour elle, depuis des mois désormais. A juste titre, certainement, mais elle ne veut pas de cette inquiétude, Meg. Elle ne veut pas voir sa lumière s’éteindre. Elle ne veut pas voir cette lumière disparaître, surtout pas à cause d’elle. - Je vais bien, Luzia… Mais comme tu le dis, on s’est vues hier… Tu n’étais pas obligée… Faible sourire qu’elle esquisse, alors qu’elle la laisse pourtant s’installer. T’arrives pas à te montrer faible, Meg. T’arrives pas à admettre que t’es plus la même. Que t’es brisée.

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