Et j'apaiserais ton âme - Hazel

Trois lettres.
SOS.
Ton cœur a bien failli lâcher quand tu as lu ces trois lettres.
Ça te rappelle de mauvais souvenirs. Comme quand t'étais à Hong Kong, t'avais pensé que c'était une mauvaise blague que t'faisait ton jumeau, alors que pas du tout.
Ça n'avait rien d'une blague.
Et là le message vient d'Hazel, t'as rapidement compris que c'était à cause de son endométriose, qu'elle est pas bien, pliée en deux dans son lit.
Pas question d'la laisser seule. Manquerait plus qu'elle te claque entre les mains si tu n'agis pas dans l'immédiat. Tu seras là, pour elle. Pour l'apaiser, pour lui faire penser à autre chose, pour traverser cette crise avec elle s'il le faut.
Tu la lâcheras pas.
Jamais.

T'as pris quelques affaires pour la nuit, si jamais elle te demande de rester avec elle, d'toute façon pour Hazel, t'es prête à faire tous les sacrifices du monde. Mettre ta vie et tes études sur pause, pour ses beaux yeux. Elle n'est pas ta meilleure amie pour rien, même si y'a cette légère différence d'âge entre vous, tu t'en fous pas mal. T'as fermé la porte de chez toi, pris un Uber pour t'rendre dans son quartier, le tout en quelques minutes, t'as même gueulé sur le chauffeur pour qu'il aille plus vite.

Et te voilà, devant sa porte, une chance qu'elle t'as filé le double de ses clés quelques semaines plus tôt, comme ça, elle aura pas à se lever d'son lit.
« Haz' ? C'est moi, j'suis là, j'arrive. » et tu t'empresses d'aller jusqu'à sa chambre. Inquiète à l'idée d'la voir dans un sale état.
« Hey... » tu murmures doucement, t'posant à ses côtés, sur son lit. « J'suis là maintenant. »

inspirer. expirer. souffle de vie déréglé, paupières écrasées. recroquevillée sous ta couette, les poignards lacèrent ton abdomen. les larmes qui roulent sur tes joues, tu as envie de t’arracher les entrailles pour qu’enfin cesse l’insupportable douleur. tu as appelé ton travail. ce soir, tu ne feras pas jouer les pleins aux as. les crises, tu en as l’habitude. essayer de te soulager avec tes comprimés de morphine. celle-ci, tu serais capable de te surdoser volontairement pour faire taire la sourde blessure. tu as vomis tes tripes, hazel, n’a rien avaler de la journée. tu es dans un piteux état. endométriose qui envahie ton quotidien plus que jamais. tu es impuissante, attendre que cela s’estompe à coup de analgésie carabinée. bientôt. bientôt, tu auras cette chirurgie exploratrice, l’affaire de quelques semaines. savoir enfin quel ampleur a pris la maladie. délivrance qui se fait attendre. stratégie thérapeutique qui dépend entièrement de cette hospitalisation programmée. en attendant, tu encaisses les crises plus ou moins facilement. tu ne peux plus. aux alentours de vingt heures, tu envoies un appel à l’aide à ton amie, azur. ta plus proche amie. jamais elle ne remplacera héléna dans ton coeur, bien évidemment. seulement, toi, tu as été capable de t’attacher à cette blonde des blés de caractère. ce soir, tu as besoin de sa présence pour t’aider à supporter l’insupportable. il est passé un temps que tu ne pourras qualifier, perdue dans les limbes de l’opium. soudain, cette voix s’élève dans ton appartement. la voilà. un mouchoir entre les mains, tu déglutis difficilement. « az’. » que tu murmures d’une voix faible, éteinte. tes gestes ralentis, une tentative de te tourner vers elle. vive douleur qui te rappelle à l’ordre. grimace qui fracture ton visage maculé, te résigne finalement à ne pas bouger. la pièce est plongée dans la pénombre avec, pour seule lumière, les résidus d’éclairages urbain par-delà ta fenêtre. « je… merci. » les seuls mots que tu arrives à couler avant de fondre de nouveau en larmes. tu sens qu’elle arrive à tes côtés. tu arrives à lever le bras pour qu’elle s’approche de toi, posant ta tête sur ses cuisses. sanglots qui secouent ton corps malmené. boîtes de médicaments qui tombent du lit, tu es au bord de la rupture. des heures que cela dure, tu aurais espérer que la morphine puisse te casser pour fermer les yeux. ne serait-ce que quelques minutes de répit dans cet enfer. « ça fait des heures que je suis comme ça, j’ai rien pu manger. » tu essaies de reprendre ton souffle, tu sais que te contracter ne fera qu’accentuer la douleur. cercle des plus vicieux. néanmoins, la présence d’azur te fait du bien. t’apporte une bouffée de d’oxygène. vulnérable, tu l’es plus que jamais.