Freed from desire || Lonàn

Freed from desire

Lonàn & Mila

Enfin, je peux m'extraire de la nasse brûlante que représente le club, effervescence de bruits, d'alcool, de fumée, de corps en mouvements à laquelle je ne suis pas habituée. Si j'ai la chance de déjà savoir danser, je n'avais jamais mis les pieds dans un club de striptease qu'en tant que spectatrice, et il me faudra encore quelques semaines, sans doute, pour m'acclimater à cet environnement nouveau. Ici les règles sont différentes de celles que je connaissais, et j'ai appris rapidement que certaines filles accordaient facilement des extras aux clients les plus généreux. Délicat jeu d'équilibriste, que celui de jouer avec cette subtile possibilité, laisser les hommes croire qu'un pourboire conséquent leur permettra d'accéder aux portes du paradis, sans jamais le leur accorder.

Je crois, ce soir, ne m'en être pas trop mal sortie, si je me fie aux billets verts qui ont échoué sous l'élastique de mes bas. Descendant du podium, je louvoie entre les tables, esquivant dans un sourire enjôleur les quelques mains qui se voudraient baladeuses, cherchant à crocheter le moindre morceau de chair passant à leur portée. Ici, la lie de la société s'amasse dans l'espoir de laisser éclater ses plus sombres pulsions, et on ne vous demande pas d'être belle, mais de faire bander. A cette heure tardive, le club est bondé, saturé de fumée et de vapeurs d'alcools, et c'est pourtant pour une dose supplémentaire de nicotine... et d'herbe, que je m'en éloigne.

C'est par la porte de sortie que je m'éclipse, non sans avoir ramassé mes affaires au passage, derrière le comptoir. J'enfile ma veste en cuir, qui couvre à peine le body en dentelle noire dont je suis vêtue, et fouille mon sac à main pour en sortir de quoi rouler. Sans même prendre le temps de regarder autour de moi, je me cale contre le premier mur à ma portée, une jambe repliée, pied posé sur le béton, et entreprends de confectionner le rouleau toxique, avec l'aisance de l'habitude.

Mila & Lonàn

Freed from desire

Enfoncé dans un canapé
Admirant les silhouettes virevolter
Début d’une nouvelle soirée
Que tu n’es pas prêt d’oublier

La diversité comme élément clé. Volonté de tout expérimenter. Ce soir, il a décidé d’admirer les corps féminins quasi dénudés se trémousser. La drogue qui circule dans ses veines lui donne l’impression de les voir s’envoler. Qui est le plus à même de planer ? Les strip-teaseuses ou un Lonàn embrumé ? Grâce et volupté, les corps sont animés dans une danse effrénée. Un autre monde dans lequel il plonge sans hésiter. Des blondes, des brunes, des rousses, il y en a pour tous les goûts alors pourquoi se priver ? Lonàn est presque un habitué. Client régulier qui ne se fait pas prier. Payer pour observer, en voilà une riche idée. La musique est envoûtante. Berce les sens de sa douce mélodie. L’ambiance est chatoyante. Invite à se laisser aller. Pour autant, il est interdit de toucher. Dommage, parce que certaines ne semblent vraiment pas farouches. Prêtes à offrir quelques extras en exclusivité. Il tend la main vers la table pour attraper son verre. Boit le reste d’une traite et laisse l’alcool courir le long de sa gorge. Et maintenant ?

Boire c’est bien
Mais rien ne vaut un petit joint
Pour reprendre les choses en main

Décidé à prendre l’air pour s’aérer l’esprit – et faire redescendre cette chaleur qui le brûle lentement à l’intérieur – Lonàn se lève de sa banquette. Se faufile aisément à travers la foule qui peuple le club. Arrive à l’extérieur, devant l’établissement. Constate amèrement qu’il y a un peu trop de monde à son gout devant l’entrée. Sa démarche nonchalante le guide un peu plus loin et en chemin, il récupère un joint déjà prêt à l’emploi dans la poche interne de sa veste. Prévoyant, l’irlandais. Inutile de perdre du temps. Amène son sésame à ses lèvres et rapproche son briquet pour l’allumer. Dans le même temps, ses prunelles claires se posent sur une demoiselle déjà présente sur les lieux. Une silhouette pas vraiment inconnue puisqu’elle virevoltait sur scène quelques minutes auparavant. Sans gêne aucune, il laisse son regard balayer son corps un peu plus en détail. A son tour, il s’adosse au mur à proximité. L’odeur caractéristique du joint roulé vient lui chatouiller le nez. Voilà que la danseuse est friande du même genre de substances que lui. Peut-être en moins poussé. Sourire aux lèvres, il n’hésite jamais à se lancer. « Une petite pause bien méritée ? » Question rhétorique, ça tombe sous le sens. « J’ai pas le souvenir de t’avoir déjà vue ? T’es nouvelle par ici ? » Ou la mémoire lui fait défaut, ça ne serait pas étonnant avec toutes les merdes qu’il a dans le sang. Impossible de lui en vouloir, les camés ne sont pas réputés pour avoir bonne mémoire. « En tout cas, j’me souviendrais de toi maintenant, tu sais attirer l’attention. » Premier compliment de la soirée. Peut-être le premier d’une longue série ? A n’en pas douter.

AVENGEDINCHAINS @Mila Ivanov

Du bout de la langue, j'humecte le côté collant du papier et récupère d'une main leste le joint ainsi roulé. Le nécessaire échoue dans mon sac à main, d'où je tire par la même occasion un briquet qui commence à se faire vieux. Je le porte à mes lèvres lorsqu'une silhouette vient s'adosser contre le mur, près de moi. Etant sortie par l'entrée de service, je suis surprise d'avoir de la compagnie autre que féminine à cette heure, et je darde un regard curieux sur mon voisin. Il possède le genre de visage avenant qui, s'il n'inspire pas nécessairement confiance, a au moins le mérite de ne pas susciter la crainte.

« J'ai commencé la semaine dernière, tout juste. »

Un sourire, en miroir du sien, se dessine sur mes lippes encore grimées de carmin. J'incline doucement le minois, étrécit le regard dans une moue à la fois amusée, et flattée par son petit compliment. Ca n'a pas l'air de grand chose, mais dans un lieu où les hommes se contentent de vous jeter des billets à la figure comme si vous faisiez la manche, ou de tenter de vous mettre une main au cul, ces quelques mots suffisent à éclairer mon visage. Non pas que je ne perçoive pas les messages sous-jacents, mais peu importe, je retiens qu'au moins, je ne perds pas mon temps entre ses murs. Satisfaire la curiosité mâle, n'est-ce pas exactement ce qu'on me demande ?

« Ravie d'avoir su attirer ton regard. »

Je me penche, une main en coupe-vent pour protéger mon joint, et tente de l'allumer, vainement, tant mon briquet semble décidé à vouloir me faire défaut. A nouveau, je tourne la tête vers mon voisin, avise ce qu'il tient, lui-même, entre ses doigts.

« Tu me prêtes du feu, s'il te plaît ? »

Mila & Lonàn

Freed from desire

Le besoin de fumer se fait sentir. Parce qu’à l’intérieur ça commence à bouillir. A force d’admirer tous ces corps féminins à moitié dénudés, difficile de garder la moindre clarté dans ses idées. L’envie de toucher devient compliquée à refréner. Alors c’est à l’extérieur qu’il vaut mieux aller s’intoxiquer avant de potentiellement dérailler. Pas de cigarette cette fois, mais bel et bien un joint roulé. Histoire de continuer de planer. Tube délirant entre les lèvres, c’est avec une certaine satisfaction qu’il tombe sur l’une des strip-teaseuses, elle aussi s’apprêtant à fumer. Le hasard fait plutôt bien les choses puisqu’il a une soudaine envie de s’amuser. Pourtant habitué des lieux – étant donné qu’il appartient à son frère – c’est bien la première fois qu’il croise la demoiselle en soirée. Un détail que beaucoup n’auraient sans doute pas pris le temps de noter. Mais Lonàn, il sait repérer les jolis minois à croquer. Un sourire étire ses lèvres quand elle lui confirme ses suppositions, la jolie poupée. Satisfait, il laisse son dos s’appuyer contre le mur derrière lui et glisse l’une de ses mains dans la poche de son pantalon troué. Lonàn, ou l'air toujours débraillé. « Je ne pense pas que t'as attiré uniquement le mien. » Il faudrait être sacrément aveugle ou carrément gay pour ne pas trouver cette fille jolie, on ne va pas se mentir.

Joint amené à ses lèvres, il en aspire une bonne bouffée alors que sa comparse du moment tente vainement d’allumer le sien. Son briquet est-il en train de rendre l’âme ? Il la regarde faire, Lonàn. Sans réagir, jusqu’à ce qu’elle lui demande son aide. « Ouaip. » Qu’il balance de façon nonchalante en haussant les épaules. Coinçant sa drogue en tube entre ses lèvres, il se décolle légèrement du mur et récupère son briquet dans sa poche. D’un coup de pouce habile, il l’allume et une flamme jaillit. Tendant sa main vers la demoiselle, elle n’a plus qu’à se baisser un peu pour en profiter. « Tu viens d’arriver en ville ? » Lonàn et sa curiosité mal placée. La partie ne fait que commencer. « T’es quand même assez bien tombée en t’échouant ici, le patron n’est pas trop con. » Même si Morgan sait arborer de temps en temps – souvent – sa tête des mauvais jours. Comme tout le monde n’est-ce pas ? A moins qu’il ne réserve son air de chien qu’à ses frangins. Ça ne serait pas très étonnant aux vues de leurs relations conflictuelles actuelles. Enfin. Décidant de ne pas ranger son briquet une fois éteint, il joue avec entre ses mains. « Et tu viens d’où ? » A-t-il l’impression d’empiéter sur l’intimité des gens à poser trop de questions ? Pas le moins du monde.

Ironique en soi puisque toi tu n’es pas du genre à te dévoiler
Toi, Lonàn, ce que tu aimes chercher
C’est la vie de merde que les autres peuvent cacher
Parce que tu sais qu’à ce petit jeu, personne ne peut te surpasser.

AVENGEDINCHAINS @Mila Ivanov

Un mince sourire se dessine, étirant mes lèvres, creusant une légère fossette sur mes joues, tandis que je hausse les épaules, feignant sans doute de ne pas avoir l'air aussi touchée que je le suis en réalité.

« C'est plutôt bon signe, alors, parce que c'est justement ce que l'on me demande... Attirer les regards. »

Si je sais danser, c'est la première fois que je m'essaie au strip-tease de façon professionnelle, et je ne peux pas nier que j'avais certains doutes quant à mes capacités. Non pas que je manque de confiance en moi, je sais que je plais, et je ne suis pas dupe des regards qui glissent sur moi... Seulement c'est une chose, d'attirer l'attention des mâles en soirée, c'en est une autre de concurrencer les professionnelles qui se trémoussent contre les barres de pole dance. Visiblement, je ne me débrouille pas trop mal.

Je me tourne vers le blond, rouleau toxique coincé entre les lèvres alors que la flamme de son briquet jaillit pour en embraser l'extrémité. Je tire quelques bouffées, pour allumer le joint, avant de lui sourire en signe de reconnaissance. Je ne crains pas son jugement. D'une part parce que le lieu se prête à ce genre de consommations, ensuite parce qu'il est justement en train de se détendre exactement de la même façon.

« Non, je suis là depuis des années. Mais New-York est une grande ville, pas étonnant qu'on ne se soit pas croisés... J'en déduis que tu es un habitué ? »

Son commentaire sur le propriétaire des lieux me fait légèrement froncer les sourcils, et l'espace d'un instant je me demande s'il n'est pas proche du patron, ou bien un employé que je n'aurais pas encore croisé... Je me garde donc de tout commentaire, d'autant que je ne connais que très peu Morgan, je ne me risquerais pas à le critiquer ouvertement, ni même à chanter ses louanges. Je me contente donc d'un sourire, avant de souffler la fumée de mon joint.

« Au départ, d'Ukraine. Et toi ? »