«On dit que la carte du Mat est la première mais aussi la dernière lame du tarot de Marseille. Elle sera annonciatrice d’indépendance et de décisions de vie qui seront le plus souvent très importantes car elles auront un impact fort sur votre avenir, qu’il soit personnel ou professionnel. L’arcane du Mat vous prédit un changement qui peut être en projet depuis un moment, mais il peut aussi annoncer un départ ou une décision prise sur un coup de tête. C’est en tout cas le besoin de changement et de nouveauté que vous prédira le Mat dans le tarot de Marseille lors d’un tirage.
le fou annonce une envie ou un besoin de liberté. Un mouvement ou changements.»
Tu viens tout juste d'arriver sur New-york. Depuis quoi, deux jours? C'est fou comme les choses ont changées en sept ans d'absence. Les buildings sont toujours plus haut, les boutiques toujours plus nombreuses. Les restaurants divers et variés peuplent les rues pour laisser de bonnes odeurs y traîner quand ce n'est pas la fumée noire des taxis qui vous prennent au poumons. Tes pas sont lents contre le pavé, ils sont légers. Tu prends le temps de redécouvrir avec une attention toute particulière les nouveaux aspects de la grande pomme et surtout de ton quartier de coeur. Le queens. T'y as passé cinq ans, dont trois étant les plus belles années de ta vie. T'étais une gosse Amy à l'époque. Une gamine faiblarde, rêveuse. Un petit moineau aux ailes fragiles. Tu te contentais de voleter ici et là, chantant pour qui voulait bien l'entendre. Pour Joshua surtout. Tu n'as plus rien de ce frêle volatile, t'es devenu un chat de gouttière. Élancé, fier, rusé. Tes longues années avec la foire ont eu le don de t'endurcir. De fignoler cette carapace imparfaite que tu portais. Menaçant de s'effondrer lorsque tu as pris tes jambes à ton cou pour fuir. Fuir loin de lui, sa colère.
De sa noirceur qui te paralysait. T'as baissé les bras, lâché l'affaire. Ton plus grand regret est d'être partie tout ce temps. De ne pas avoir laissé de mot, ou d'indications. Tu t'es envolée, comme si tu n'avais jamais existé. T'as l'espoir fou de le retrouver. Si t'as su avoir le courage de revenir après tout ce temps il faut que tu croies en la chance aléatoire de recroiser son chemin. Tu te doutes bien qu'il ne se laissera pas faire facilement, qu'il refusera d'écouter ce que tu peux bien avoir à lui dire. On ne change pas ce qu'on est, forcément qu'il ne t'attend pas bien sagement pour partager un thé au chaud. Il ne te faudra pas abandonner. Il faudra que tu te battes corps et âme pour qu'il te pardonne un jour, pour que l'envie lui prenne de passer du temps à nouveau en ta compagnie. Mais tu désespères pas, jamais. Tu trouves toujours la lumière Amelia, même dans les moments les plus sombres. C'est ça ton secret, t'alimentes cette flamme sacrée en toi que rien ne saurait éteindre. Encore moins maintenant alors que le temps et les rencontres ont su faire de toi une jeune femme accomplie. Tu as parcouru le pays entier, tu as fais des rencontres toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Tes connaissances se sont élargies, tes croyances aussi. Toi qui étais déjà une âme bien libre alors que tu arpentais Nyc à peine majeure, te revoilà en parfaite petite sorcière wiccane. Bien décidée à reprendre ce qu'elle a laissé de côté il y a de ça un peu moins d'une décennie. Réussir ton pari fou qui est de le retrouver.
Tes cheveux blonds virevoltent au gré du vent, le fond de l'air est frais. Il n'y a qu'à regarder le bout de ton nez pour s'en rendre compte. Un épais bonnet de laine noire vissé contre ton crâne, un casque audio orne le tout. Stevie Nicks dans les oreilles, ton humeur est légère. Bonne enfant. T'aimes les fêtes de fin d'années, l'humeur qui règne dans les rues. Les sourires sur les visages des gamins, les adultes et leurs bras chargés de paquets colorés. T'as oublié depuis bien longtemps à quoi ressemblait le chaleur d'un foyer. D'une famille. En y repensant bien, t'as jamais vraiment connu ça toi Amelia. T'as eu le droit aux tuteurs, professeurs particuliers tous plus strictes les uns que les autres. Les apparitions publiques et événements mondains. C'était pas toi, tout ça. Toi tu t'échappais une fois la nuit tombée pour aller danser en compagnie des étoiles. Tu te levais avant l'aube pour accueillir la rosée et chanter en chœur avec les oiseaux les plus matinaux. Tu ne regrettes pas Salem ni ce que tu as laissé derrière toi. T'aurais cependant aimé connaître l'amour et la dévotion de tes parents. Être comprise par les tiens, ne pas être forcée à endosser un rôle ne t'allant aucunement. Pouvoir vivre simplement. Ton ventre se met à grogner avec violence. Ta journée de manche s'est voulue des plus compliquées et tu n'as pas vraiment de quoi te payer un bon plat chaud. C'est pas franchement un problème, tu chopperas bien un truc dehors. T'as manqué de rien ces dernières années et t'es pas franchement effrayée par la débrouille. Dans le fond, ça te connait pas vrai?
T'avances parmi les passants, les yeux brillants. Mille et une lumière luisent, les chansons de noël vont bon train dans les rues et les odeurs sucrées des stands hivernaux viennent chatouiller tes narines. Nouveau grognement désespéré de ton estomac. D'une main, tu tentes de fouiller dans la poche arrière de ton jean afin de dénicher ta maigre menue monnaie. Mauvaise poche, c'est sur ton deck de tarot que tes phalanges s'attardent. Curieuse, t'en tires une carte. Tes yeux se posent sur ta carte préférée. La seule sans numéro attribué. Tes prunelles s'attardent un instant sur le jeune homme au baluchon serré entre tes doigts habillés de mitaines sombres. Elle te correspond plutôt bien, cette lame dans le fond. Ton humeur joyeuse et légère d'autant plus amplifiée par ce bref tirage, tu décides d'entrer dans un petit café le temps de te réchauffer. Un nuage blanchâtre s'échappant lorsque tu souffles, tu pousses la porte afin de te faire happer par une vague de chaleur agréable. Tu parcours la salle des yeux rapidement, les lieux ne sont pas franchement bondés. C'est en trouvant ta monnaie qu'un homme semblant être l'un des serveurs vient t'interpeller pour le moins rudement. Faut dire qu'avec ton large sac à dos et tes couches de vêtements plus ou moins empilées t'es pas forcément sur ton trente-et-un. Le pingouin tente de t'arrêter, t'escorter vers la sortie en prétextant que les lieux sont privés et que t'es plus que priée de dégager. "Non mais franchement, juste un petit café s'il vous plaît et je disparais! Ni vu ni connu j'vous jure!" T'essaies, tu tentes pour le tout. Tu lui fais les yeux de biche larmoyante, tu tentes d'être un boulet humain lorsque vraisemblablement excédé l'inconnu commence par te prendre par la force. "Vous voulez pas connaître votre avenir m'sieur? Moi je lis les cartes, vous bah vous servez des cafés. Y'a pas moyen qu'on s'arrange franchement? J'vous fais même les lignes de main gratuitement! Si ça c'est pas un deal!" Mais non rien n'y fait. T'arrives cependant, dans un élan de fourberie, à t'éloigner de lui pour le tromper et pénétrer un peu plus dans les lieux. Tu t'approches du bar à toute hâte, comme une enfant commettant une grosse connerie pour gagner les côtés d'une femme aux allures de grande dame. Tu te jettes contre l'un des hauts tabourets et décoche ton plus joli sourire toutes quenottes dehors, les cartes en main.
"J'suis sûre que vous ça peut vous intéresser pas vrai?"