(flashback) fatal mistake (lion)

Auprès des autres, le masque qui s’égratigne, débris épars sur la moquette saillante, copeaux de rigueur échoués. Le parfait qui s’abîme contre sa partenaire infirme de raison. Baby a cédé aux petites tentations avilissantes, et il ne sait plus qui sont les bras qui la bercent alors qu’elle a échappé à ses aguets. Jude l’avait prévenu, que la demoiselle avait cette absurde tendance à se défausser dans les excès quand le monde lui paraissait trop terne, que sans doute finirait-elle par lui apparaître inconnue au milieu du chaos généré.

L’absence prompte a tranché ses tympans, le maniaque n’est plus capable d’entendre les déboires incessants des convives. Des opales féroces courent à travers la vaste demeure où il aimerait voir s’étouffer les bruits, les murs, le troupeau hostile qui empêche Baby d’immerger devant ses rétines engorgées. Une dévotion vive qu’elle avait dû trouver pesante ; on ne festoie pas avec Lion comme on le fait avec Jude. Autour de lui, l’animal constate, ils sont arrivés dans la fournaise d’un empire doré, mais à quelques moments dans la soirée, quelqu’un a tué les braises et tout, autour, a l’air d’un champ de misère, berceau du délabré.

Dandy a le poil qui s’hérisse de cette inconstance qu’elle a institué, ce vacarme déchaîné. Il la voit au loin et le trouble, avec son portrait las, s’éteint. Et il se fait l’épée qui transperce la houle humaine, sans s’absoudre de quelques égratignures. Encore, quelques dépôts vains qu’on dégueule du bout des lèvres tandis qu’il acquiesce bravement, sans mot dire. Quelques regards balancés sur le volute noirci, il guette ce minuscule solide qu’elle laisse se dissoudre dans sa coupe. Les ridules de son front apparaissent, la mine sombre, les sourcils qui se cognent. Brutalement, il interrompt l’ébat insupportable, chasse les derniers obstacles, arrive en retard pour dissuader l’enfant de céder à ses vices. Du haut de son bras, le bourreau se saisit comme de sa hache « Diantre Baby, pas de ça ici » il articule d’une autorité transie. À quoi bon flageller cette môme qui semble déjà atteindre sa sentence. Il l’observe, épie chaque centimètre de son visage. « Rentrons, dans peu de temps j’ai bien peur que tu n’y vois plus clair » le maître déclare, glisse une main dans le dos de son amie afin de l’induire vers la sortie.

Près d’elle, il sent que l’alcool ingurgité a surplombé son parfum. Que quelques relents toxiques battent ses tempes. Que Baby pourrait créer quelques éclats sur le corsage immaculé de sa réputation, indésirables foudres qui pourraient bousculer sa tranquillité. Il ne s’attarde guère dans les vestiaires, appose farouchement le manteau de la gamine sur ses épaules. Elle a de la poudre d’explosif au fond du regard « pour moi, ces événements ne sont pas une corvée Baby, ce sont des événements importants ». La réprimande-allumette qu’il frotte contre son grattoir. La porte s’ouvre pour laisser traverser leur silhouette, Lion adresse des iris impitoyables noyés d’amitié. Il soupire alors que le glacial pourfend la chaleur enrobante d’antan « rentrons avant que tu n’attrapes froid ».

Parmi sa poigne d’or, l’oiseau dans sa cage s’agite, bat des ailes et bute contre le grillage. Ses plumes tombent comme sa contenance, morceau par morceau. L’orgueil s’émince avec elle. S’il ne s’était pas agi de Baby c’est le mépris qui tâcherait son trois pièces sur mesure, mais il arbore une mine sévère, agacée par les sottises de l’espiègle. Il arque un sourcil et relâche les mains autour de son bras « et toi, Baby, pourquoi avoir accepté si tu te savais incapable de retenir tes instincts primaires? » flèche qu’il décoche d’entre ses lippes, scrupuleusement acérée. L’effluve d’éthanol embaume l’aura de la poupée endiablée. Il n’y a pas d’amusement pour habiller les parures austères de son visage, il détourne ses billes violacés loin de la résistante du nouveau monde.
Les mains engoncées dans les poches de son manteau, les yeux à l’ombre de son chapeau, il attend sans mot dire que le carrosse vienne récupérer ces épaves. Mais l’oiseau psalmodie avec emphase que l’aube est plongée dans un sommeil profond, qu’elle ne se réveillera pas avant quelques longues heures et qu’elle ne saurait faire offense aux promesses de la nuit. Et le carrosse arrive, fixé sur les quatre roues d’un moteur qui grogne. Un valet s’en échappe et Lion concède « ça ira Mike, nous rentrerons à pieds » léger dodelinement de la tête, carrosse les abandonne au gravier qui rutile sous le coup des roues.
Les yeux qui scandent l’indifférence, s’arrête sur la glace qui givre la peau de l’enfant qui ignore allègrement les sens submergés. Elle a la toile de son manteau lâchement posée sur ses épaules et l’ivresse qui suinte d’entre ses pores. « Alors marchons, peut-être qu’un peu d’exercice te fera recouvrer la raison » il maudit Jude d’avoir cédé la nymphe entre ses pattes. Il est sûr de l’entendre rire en s’imaginant ces antagonistes ensemble et à la fois séparé par un gouffre. « Peut-être qu’on pourra trouver un café encore ouvert » nargue-t-il en claudiquant jusqu’au bas des escaliers du pallier. Des sphères dénudées de la clémence qu’il agite sur son faciès vaseux « enfin ça c’est seulement si tu es encore capable de marcher sans t’effondrer », un sourire creuse des sillons sur son visage. Une main qu’il tend vers elle, une béquille pour l’alcool qui dévaste sa balance.