a bit of fun turns to regret. (ismaël)

Blottie dans les bras de ce mec, Lilith, sa vision se brouillait dans le regret. Elle l'avait suivi entre les ruelles, glorifiant hypocritement son physique juste pour avoir plus de fric, jusqu'à le suivre chez lui. Lilith, elle était sobre en passant la porte, elle décida de s'oublier dans une étreinte avec cet inconnu, l'âme éteinte, les pensées éreintées qui allaient vers Ismaël, et là, c'était comme si elle était arrivée à s'imaginer que c'était lui qui la touchait, ses mains qu'elle adorait sentir sur ses courbes frêles. Mais il était pas là. Et ce gars n'était pas celui qu'elle avait en tête. Elle simulait, tentant de lui donner cette satisfaction qu'il voulait entendre pour se sentir fier, pendant que Lilith, elle se revoyait avec Ismaël, dévoilant des parcelles de son être jusque là recouvertes par un voile de mystère, arrachant peu à peu l'ombre qui dansait autour d'elle pour le laisser entrer par le biais de ses prunelles. Il lui manquait cruellement, et Lilith, elle aurait simplement voulu le voir à sa place, à la faire frémir de plaisir. Peut être bien que dans l'urgence du moment, elle avait expié son prénom entre ses lèvres, le palpitant à l'agonie sans Ismaël, son lapsus révélant simplement à quel point elle le désirait contre elle. Quelques minutes plus tard, Lilith, elle fixait le plafond à la recherche de ses émotions que le quotidien lui volait quand elle n'était pas avec le blond.

- C'est qui Ismaël ?... Bon, au pire, appelle moi comme tu veux, j'en ai rien à foutre tant que tu restes avec moi cette nuit.
- On a été d'accord pour se voir juste la soirée, c'est que tu m'as dit tout à l'heure.
- J'ai changé d'avis. Allez reste encore avec moi...
- J'reviens.

Lilith se redressa subitement du lit, enfilant ses sous-vêtements avant de rejoindre la salle de bain où elle se passa un coup d'eau sur le visage, regardant dans le miroir les traits de son masque étirés dans le désespoir. Elle n'avait pas envie de rester avec lui ce soir. Elle avait besoin de retrouver sa plus belle échappatoire, Ismaël et son regard. Elle revint vers lui, le remarquant avec deux coupes de Champagne.

- Tu peux au moins la boire avec moi avant de partir ?

Il lui sourit et Lilith, elle accepta sans sourciller, ayant juste le désir de vite dégager d'ici. Elle se rhabilla rapidement avant de boire d'une traite la liqueur dorée, parlant rapidement avec lui avant de sentir sa tête tourner.

- Je me sens... Bizarre là.
- Reste là, j'vais te chercher un remontant.

Il s'absenta, laissant Lilith en proie au malaise, soudainement empreinte de sueurs froides, le réflexe désespéré de ses mains à la recherche de son portable, appelant directement Ismaël, le sang pulsant trop fort dans sa tête, espérant qu'il décrocherait, alors qu'elle lui donna des informations sur son état et sa position pour qu'il la retrouve.

Lilith se cacha dans la salle de bain quand il vint la surprendre peu de temps après alors qu'elle savait qu'ismaël était tout près, la serrure cédant sous la force de ses bras qui l'accaparaient, qui l'étouffaient, Lilith le mordant au sang avant de s'élancer dans le couloir, tentant de s'échapper de ce gouffre en butant contre les murs, accrochant la peinture et les décorations qui tombaient.

L’inquiétude l’avait gagné au moment où il avait entendu sa voix.
Il avait compris instantanément que quelque chose clochait.
Il avait tout laissé en plan Ismaël. Sa soirée en famille, les remontrances de sa mère, les insultes de sa sœur. Il n’avait donné aucune explication, avait filé à travers la barraque comme un coup de vent, démarré sa voiture tout en restant au téléphone s’assurant que Lilith reste assez longtemps à l’autre bout du fil. Il sentait son estomac se tordre à mesure qu’il effaçait les kilomètres le séparant d’elle et de son bourreau. Les films qui s’étaient construit dans son crâne étaient terribles, les images s’entrechoquaient les unes aux autres lui donnant une nausée qu’il contrôlait avec difficulté.
Il était arrivé sur place à une vitesse qui dépassait l’entendement.
Avait abandonné son téléphone sur le siège passager et gravit les paliers qui le séparait de sa belle en moins de deux minutes. Il entra dans l’appartement à la volée, la porte claquant derrière lui alors qu’il hurlait déjà le prénom de la femme. C’est elle qui arriva en courant contre lui, son corps s’écrasant avec force contre son torse alors qu’un homme était juste derrière elle. Le regard d’un prédateur et trop peu de vêtements sur le dos pour qu’Ismaël ne comprenne pas ce qui allait se dérouler. C’est le regard apeuré de Lilith qui eu raison de son calme. Enflammant instantanément ses sens.
Tous ses démons remontés en un quart de seconde.
Ses mains qui s’étaient accrochées aux épaules de la brune, l’obligèrent à se décaler sur le côté alors que son corps entier s’élançait déjà jusqu’au connard. Il le saisit par son haut, emmenant son dos heurter le mur avec une force herculéenne. Il voyait rouge Ismaël, le sang pulsait entre ses temps jusqu’au bout de ses doigts qui écrasaient la trachée du client. tu lui as fait quoi ?! qu’il sifflait, j’ai payé, putain. l’homme se débattait, repoussant le blond qui fut obligé de reculer d’un pas. t’as payé tu dis ? … il ricanait l’héritier, mauvais, perdant déjà son souffle avant que son poing ne vienne s’abattre contre sa pommette. Une droite, deux, trois. Il finissait à terre.
Le lion toisait la proie sur le sol.
En proie à une dualité interne.
bébé, bébé, ça va … ?
Affolé, il tournait le regard vers Lilith, il n’eut pas le temps de s’approcher d’elle que l’enculé était déjà debout, c’est lui s’approchait d’elle. Toi, tu dégages, tout de suite. Si t’as pas envie de finir en pièces. qu’il menaçait, pointant son index sur Ismaël qui peinait à calmer sa respiration. Tout alla beaucoup trop rapidement.
Les corps s’entrechoquèrent. Les coups pleuvaient ne faisant qu’alimenter la rage qui vivait en lui. Il ne voyait plus rien Sartier, ses membres entiers engourdis par une colère grondante. Il avait du sang dans la bouche, de l’hémoglobine sur les phalanges. Quand il reprit ses esprits, il était à califourchon sur l’homme qui ne bougeait plus. Le poing armé, il regardait le visage déjà tuméfié. Il respirait encore, juste assez pour ne pas être déclaré comme mort. Il se relava, passant sa main souillé dans ses cheveux, les serrant à la base. putain, putain, putain… il tremblait l’gosse. Il avait recommencé, encore. Ses deux mains à présent contre ses joues, il ne parvenait pas à chercher les yeux de celle qui faisait battre son cœur. Focalisé sur cet homme. Ne ressentant qu’à peine les douleurs physiques qu’il avait pu lui infliger. C’était en interne que tout se passait.

Elle criait en silence dans la prison de ce corps amorphe qui était incapable de la tirer vers la sortie. Elle aimait pas Lilith, qu'on puisse la contraindre de quoique ce soit, même pour du fric, parce qu'elle tenait à se sentir libre. Elle avait pas prévu de rester entre ces murs ce soir, elle avait prévu de retrouver Ismaël entre les siens, de passer peut-être même la nuit chez lui, à se perdre dans son lit, entre ses bras, dans le creux de ses iris devant lesquels elle n'arrivait plus à fuir. Ca la rendait barge de dépendre autant de quelqu'un, parce qu'elle l'aimait bien, et c'était un euphémisme qu'elle préférait retenir pour mieux s'approprier son déni. Pourtant, ses gestes parlaient à sa place. C'était le premier numéro qu'elle avait contacté, sans réfléchir, parce qu'elle savait qu'il serait là, qu'il l'attendrait même dans leurs disputes, les mots qui résonnaient dans le fracas de leur coeur déchus. Lilith, même dans la haine, elle lui revenait, parce que c'était plus fort qu'elle, et que si elle le rejetait, c'était pour mieux le vouloir après. Percutant le corps d'Ismaël dans sa course effrénée, abimée par la drogue qui valsaient dans son organisme éméché, Lilith, même avec la vision brouillée elle reconnut directement la chaleur de l'homme qu'elle avait attendu toute la soirée, s'accrochant à son corps de manière désespérée, le laissant regarder son visage habillé d'un masque de vulnérabilité. Elle se décala, s'appuyant contre le mur pour qu'elle daigne arriver à se supporter, ses jambes tremblant sous le poids de ses émotions, de ce poison qui courait dans ses cellules, regardant Ismaël s'entretenir avec son client pour avoir des explications, soulagée à l'idée qu'elle allait sortir avec lui de la maison. Le regard vide, Lilith, c'était comme si elle vivait de loin la symphonie des coups qu'il lui portait au visage, complètement ravagée par les effets de la drogue qui aggravait son cas, ce trou intersidéral qui s'ouvrait dans son crâne. Elle hocha doucement la tête quand il s'adressa à elle, ses yeux s'écarquillant soudainement quand le client revint à la charge près d'Ismaël. Lilith, elle était plus vraiment là, et pourtant, elle avait cette peur qui tournait à l'intérieur, celle de voir son amant blessé par les coups qu'il n'aurait pas pu maitriser. Elle se fichait de l'état de son client, il y avait que l'état du blond qui pouvait inquiéter sa conscience. Entre les coups qui pleuvaient, Lilith, elle voyait juste deux masses se chercher dans leur colère noire, laissant glisser son corps sur le sol, épuisée, à moitié consciente.

- Bébé... Qu'est-ce t'as fait... ?

Elle l'entendait marmonner, écoutant sa rage mêlée à une certaine appréhension, ne voyant plus qu'Ismaël debout devant son client qui était par terre.

- Faut qu'on se barre. J'veux pas que t'aies des problèmes.

A demi consciente, elle comprenait dans le silence et l'agitation de ses gestes qu'il avait dépassé certaines limites.

Il était allé trop loin Ismaël.
S’était fait aveuglé par cette rage sourde qui s’était emparé de lui en voyant Lilith dans une état pathétique.
C’était son mode de fonctionnement au Sartier. Jamais dans la demi-mesure. Les émotions allaient beaucoup trop vite dans son organisme au point qu’il perde le contrôle en une fraction de seconde. Il avait recommencé, encore. Il finirait en taule. C’est ce qu’il se disait en regardant ses phalanges abimées, en regardant ce mec allongé sur le sol. Il avait du lui péter le nez, l’arcade, la mâchoire. Il était méconnaissable et Ismaël, il tremblait encore. L’adrénaline pulsant dans son sang. Il le méritait, n’est-ce pas ? Il voulait se rassurer. Ca bourdonnait dans son crâne, si violement qu’il en avait une migraine soudaine, aussi violente que les coups qu’il venait de porter. Comme un rappel à l’ordre pour lui montrer quel monstre il pouvait être. La voix de Lilith le sortit de sa tourmente, au moins pour quelques minutes, il se tourna vers elle, assise sur le sol, appuyée contre le mur, la voix faible, le regard vitreux.
Son cœur se mit à battre irrégulièrement. C’est tout ce qu’il ressentait pour elle qui le frappait maintenant. Un amour qu’il aurait aimé taire encore longtemps, un amour qu’il tentait d’enfouir sous des dizaines et des dizaines de conneries. Plus extravagantes les unes que les autres. Lilith, fantôme de son passé, venait de se faire une place contre les remparts de son myocarde. S’y logeant si fortement qu’il la sentait à chacune pulsation. C’était une preuve, que malgré tout, il restait humain. C’était elle, à l’heure actuelle qui le raccrochait à la terre ferme. Silencieusement, il l’en remerciait.
Il s’approcha d’elle, se mettant à son niveau pour passer une main contre sa joue brulante. comment tu te sens ? tu peux te relever ? qu’il demandait tout en l’agrippant pour la faire tenir sur ses jambes, il l’emmena jusqu’au canapé le plus proche, l’y déposant et l’abandonnant seulement quelques secondes pour aller chercher un verre d’eau. Il retournait tout sur son passage Ismaël, son corps prit d’une panique qu’il ne parvenait plus à contrôler. L’eau entre ses mains couvertes d’hémoglobine, il accourait jusqu’à elle pour la lui tendre, bois un peu, ça ira mieux, du coin de l’œil, il zieuter le corps toujours inerte. quelqu’un savait que tu étais ici ? avec lui ? dis-moi, il faut que je sache bébé, malgré la douleur qui lui prenait tout l’esprit, il tentait de réfléchir le plus rapidement possible. Il ne pouvait pas retourner en prison, pas aujourd’hui, pas maintenant qu’elle était dans sa vie. Il prendrait pour vingt piges pour récidive et son nom n’y changerait rien. Cela ravirait même ses parents, qui seraient enfin débarrassé du parasite qu’il avait toujours été. j’sais pas si… j’sais pas si il est mort. il perdait son souffle, il perdait les mots.

Les nerfs tirés à vifs, ils avaient un à un cédés sous la toxicité du poison qui se déversait dans son organisme, Lilith, à moitié inconsciente, pas sûre de vraiment comprendre ce qu'il se passait autour d'elle, la voix d'Ismaël se mélangeant avec le bruit de son sang qui pulsait dans ses tempes, le visage blafard, elle qui subissait simplement les conséquences de son refus à rester avec lui ce soir. Lilith, comme une poupée beaucoup trop belle qu'on monnayait pour en faire taire ce qui la rendait humaine, pour coudre ses lèvres afin qu'elle ne dise jamais le contraire de ce qu'on attendait d'elle. La porcelaine de son visage se brisait dans l'épuisement qui l'usait, et sans vraiment s'en rendre compte, elle savait inconsciemment qu'il venait de se passer quelque chose de grave, le silence pesant et les gestes agités d'Ismaël la mettant sur la voie. Comme un goût de trop tard sur les lippes, Lilith, elle tentait de s'accrocher à son regard comme s'il s'agissait de son seul espoir. Et c'était le cas. Parce que sans lui, elle aurait surement été piégée dans les bras d'un type qui lui aurait fait du mal, ouvrant des plaies déjà bien trop profondes à l'intérieur de son âme, baignée dans son mal-être.

- Faudra bien...

Elle murmura, le corps encore au sol, s'aidant d'Ismaël pour soutenir son poids sur ses jambes tremblantes, prenant place sur le canapé avant de le voir s'éclipser puis revenir avec un verre d'eau afin de lui permettre de s'hydrater. Lilith, elle voyait bien ses mains tachées d'un rouge sombre, ces mêmes traces qu'elle retrouvait sur le contenant dont le contenu fût verser dans sa trachée, tentant de canaliser son angoisse qui se faisait de plus en plus bruyante. Elle était reconnaissante des attentions qu'il lui offrait, lui qui aurait très bien pu se barrer pendant qu'il en était encore temps.

- Merci.

Elle secoua la tête négativement, essayant de se rappeler des gens qui auraient pu être au courant de sa soirée en Enfer.

- Nan personne. Y'a que toi. 'Fin... Y'a mon patron qui m'a mise en relation avec ce type, mais il peut pas l'ouvrir t'façon.

Ce n'était pas lui qui allait crier au meurtre alors qu'il trainait déjà dans des trafiques malsains, abimés de noirceur. Le verre vide toujours entre ses mains, Lilith, elle redressa le regard vers ses iris lorsqu'il ajouta ces mots, le coeur qui lui faisait défaut, la respiration s'emballant dans l'angoisse alors qu'elle prenait conscience de ce qu'ils risquaient tous les deux.

- Putain mais qu'est-ce qu'on fout encore ici ??

Elle balança dans un geste brusque le verre qui s'éclata au sol, Lilith qui tenait à peine sur ses jambes essayant de se redresser vivement.

- Isma, faut qu'on parte, dans le doute on peut pas rester là...

Elle passait ses mains dans ses cheveux, tournoyant sur elle-même dans le stress qui débordaient de ses veines.

- Pourquoi t'as fait ça...

Les yeux brillants de larmes, elle s'approcha de lui, confrontant sa stature qui la surplombait.

- J'vais faire quoi moi sans toi si tu vas en taule ?

Il paniquait Sartier.
Les gestes incertains, les mains fébriles, le regard fuyant et le cœur battant.
Et s’il était mort ? Et s’il l’avait tué ? Et si quelqu’un l’apprenait ? Qu’adviendrait-il de son futur ?
C’est sur Lilith qu’il focalisait ses pensées, essayant tant bien que mal de calmer ses nerfs. Il voulait savoir si quelqu’un d’autre était au courant de sa venue ici, les témoins l’inquiétant plus que tout autre chose. Son patron, oui c’était une certitude. Il se redressa, pensif, ne voulant pas s’approcher du corps inerte. Le bruit du verre brisé l’obligea à rediriger son attention sur la brune, qui elle aussi se mettait à paniquer. Il s’inquiétait Ismaël, pour elle, pour son état autant physique que psychologique. Elle parlait et il ne savait que répondre le blond, passant lui aussi ses mains dans ses cheveux cherchant une solution qui ne viendrait jamais. j’sais pas, je… j’sais pas pourquoi j’ai fait ça.
Qu’il murmurait pour lui-même.
Pour elle, c’était pour elle qu’il avait éclaté la gueule de ce mec. Sans retenu, aucune. C’était parce qu’il avait vrillé, que ses neurones avaient grillé au moment où il avait saisit tout le mal qu’il comptait lui faire. Lilith devenait sa faiblesse. Son poison le plus coriace, il manquait cruellement de réflexion quand elle était dans les parages, laissant ses sens dicter chacun de ses gestes. Il s’approcha d’elle ensuite, posant sa main avec délicatesse sur son épaule pour capter son regard. Elle était droguée la femme, le visage déformé par la peur.
j’vais pas aller en taule, ok ? j’vais pas y retourner, pas aujourd’hui. Je te le promet.
Une promesse qui lui coutait beaucoup, une promesse qu’il ne tiendrait peut-être pas. Et ça lui foutait la trouille. Horriblement. Bien sur qu’il retournerait en taule, s’il venait à mourir cet homme.
j’voulais pas, je te jure que je voulais pas. j’ai pas réfléchi, putain.
Il perdait peu à peu son sang-froid. S’éloignant à reculons du corps, butant contre le canapé qui arrêta sa course.
j’suis désolé bébé, putain, j’suis désolée. Il faut que tu partes, il faut pas que quelqu’un te voit ici.
Il parlait beaucoup trop vite l’ex-taulard, n’osant plus regarder sa belle dans les yeux. Il fouillait dans la poche de son pantalon, récupérant son téléphone pour composer le premier numéro qui lui passait par la tête. Les quatre sonneries avant qu’elle ne décroche étaient insoutenables, il se mettait à piétiner dans le salon, faisant les cent pas tout en piaillant de manière désorganisée.

Cami elle grince des dents, emprise de sa torture mentale à s’inventer le pire. Sa virée clandestine est empreinte d’anxiété, elle s’expédie seule vers une destination inconnue. Discrète, s’incruste avec délicatesse dans un hôtel à la plaque en or gravé. Elle joue de son theatre, se fait cliente régulière d’un endroit qu’elle ne côtoie pas. Ce simulacre se veut si réel, si concret.
Ses doigts claquent la porte indiquée avec dureté, y’a uniquement sa gorge serrée qui l’empêche d’gueuler. C’est Cami. Elle s’annonce, s’dénonce dans les dédales des ténèbres qui se dessinent devant elle. Et la gosse perd pas d’ses sales manies à rentrer sans qu’on l’invite. Elle se faufile dans cette cellule de luxe, splendeur profanée par le chaos dressé dans un tableau baroque. Du sang, des halètements découpés par des phrasés incertains. Des corps désarticulés, des faciès épouvantés. C’est quoi c’putain de bordel ? Elle a pas d’tact Cami, ça glisse entre ses lippes comme une habitude récalcitrante. Ses opales roulent entre les deux êtres présents et la vérité fait l’chemin jusqu’à son crane. Et le myocarde s’étiole, se fend en deux parties.
Lilith et Ismaël.
Dans une même pièce.
Le sauveur qui a besoin d’être sauvé. Y’a qu’un flottement avant d’se reprendre. Est-ce que c’est elle alors qui est mieux qu’moi ? Elle s’oublie, se souvient qu’elle est pas là pour noyer ses joues sous les larmes. Elle s’approche avec lenteur, sa main se pose sur le bras de celui à la candeur entachée par la rage. Quelqu’un t’a vu rentrer ici ? Les yeux de chat percent, veulent faire mal, ses sourcils sont arqués et ne dégagent que la sériosité de la situation. Elle a mal Cami, mal d’le voir décomposé, de voir son épiderme brisé et recouvert de plasma. La poupée désemparée se retourne vers Lilith, bourreau d’sa vie et pourtant victime cette nuit. Et toi assis-toi, t’es pas foutue de tenir sur tes jambes, me claque pas entre les doigts. Tu me donnes le tournis et j’ai besoin de réfléchir, pas de vomir à te regarder marcher. Elle s’venge silencieusement, met ses frustrations à l’arrière-plan alors que l’angoisse la prend aux tripes. Le mutisme se fait roi, il s’installe comme l’indésirable de la soirée. Cami elle respire, voit son faciès se déformer sous ses doigts sur le bord de trembler. Elle ment avec facilité, veut rester calme dans la torpeur de ses sentiments. Et ses bras sont croisés, forment une muraille pour l’empêcher de flancher. J’veux savoir s’il est mort.
Vipère au poing est ce soir maitresse des destins.

Le regard qui aspirait la moindre lumière comme pour s'arracher loin de son Enfer, Lilith, elle était plus aussi sûre d'elle, le visage effritée dans la panique et dans la colère, les opales perdues dans celles d'Ismaël, son seul phare au milieu de cette nuit noire, son parfum qui dansait autour d'elle pour mieux colmater les brèches de l'incertitude qui régnait dans la pièce. En proie à son poison, elle se sentait vulnérable Lilith, piégée dans son propre désastre, le corps qui tanguait au-dessus du vide qui semblait vouloir l'attirer dans son entonnoir. Elle voulait pas partir. Pas loin de lui. Pas loin d'eux, parce que Lilith, y'avait que lui en qui elle avait confiance, qui pouvait la sortir de son désordre affligeant, bien qu'il était l'inquisiteur de tout le tumulte qui s'agitait à l'intérieur. Tous ces papillons aux battements bancals qui respiraient son doux mal, ces écorchures qu'elle voulait encore sentir dans son myocarde quand elle expiait son prénom dans ses désirs instables. Et là, lui, son plus beau chaos était finalement devenu son radeau, les pans de son âme en lambeaux s'attachant à lui comme pour lui promettre silencieusement qu'elle n'allait pas s'enfuir malgré la peur, malgré sa léthargie. Peut-être bien que demain tout changerait dans la réalité de ses maux acides.

- Nan je reste, je peux pas te laisser bébé. C'est à cause de moi tout ça.

Sa culpabilité la frappait au visage, Lilith, c'était à cause d'elle qu'il était dans cet état, la mine blafard, le regard balafré par la rage et le désespoir. C'était à cause d'elle qu'il allait mal, la succube comme une malédiction qui entraînait trop souvent les âmes à leur perdition. Elle le regardait contacter quelqu'un, entendant à peine ce qui se jouait dans la conversation. Ca lui demandait trop d'efforts de prêter attention, de ne pas s'effacer dans la décoration qui vint très rapidement s'habiller de la présence de Cami. Ca l'embêtait qu'elle sache. Pour leur mascarade, pour eux, pour lui, elle qui devait comprendre dans le silence que Lilith avait contacté Ismaël pour qu'il lui vienne en aide. Ce genre de gestes qui trahissait son statut de simple conquête. Ce genre de réalité qui lui faisait comprendre à Lilith qu'Ismaël comptait plus qu'elle ne pouvait le laisser paraître.

- Si ma gueule te revient pas tu peux te barrer aussi, c'est pas interdit. Pas de ma faute si ce type a essayé de me droguer.

Lilith, l'acidité dans sa voix et dans son regard mortifié qu'elle lança à Cami, elle acceptait pas ses remarques dans sa susceptibilité à vif sous l'effet de la fatigue. Elle acceptait pas vraiment qu'Ismaël l'ait contacté elle, comme complice, comme un vent de jalousie qui imprégnait son air.

- Faut surtout qu'on essaye de cacher qu'on était ici et qu'on se barre. Vous auriez jamais du être ici tous les deux.

Elle soupira, se laissant sombrer dans le sofa, le regard pointé sur l'homme qui gisait toujours sur le sol.

- J'crois qu'il a des caméras de surveillance qui donnent sur l'extérieur. Faut supprimer l'enregistrement de ce soir.

Il tournait en rond depuis qu’il avait passé l’appel le gosse.
Il n’aurait jamais dû l’appeler, elle. C’était une erreur, une erreur qui leur coutera cher à tous les trois. Il n’avait plus approché le corps Ismaël, tentait de calmer ses angoisses et celles de Lilith jusqu’à ce qu’elle frappe à la porte.
C’est une tornade qui rentra dans l’antre mortuaire. Cami elle avait la rage au bout de la langue et il ne savait plus où se mettre le blond. Une main accrochée à ses cheveux alors qu’il la suivait dans les couloirs jusqu’à ce qu’elles tombent enfin l’une face à l’autre. C’était la nausée qui le gagnait, ses neurones criant au drame alors qu’il cherchait dans son esprit si quelqu’un l’avait vu rentré ici. Il n’en avait pas la moindre idée, tout son corps avait été animé par une colère si puissante qu’il peinait à se remémorer l’instant où il avait franchi les portes.
j’en sais rien. j’me souviens pas, j’en avais rien à foutre.
Son regard azurs était planté sur Lilith qui s’enflammait sous les remarques de l’autre femme. Dans d’autres circonstances il aurait été pris d’un fou rire maladroit, mais là, il ne parvenait plus à faire le moindre geste.
arrête. si j’étais pas arrivé, c’est peut-être toi qui aurait été à sa place.
Qu’il crache, pointant du menton l’homme sur le sol.
J’veux savoir s’il est mort.
Mort.
Mort.
Encore une fois.
Il s’approcha avec précaution, s’accroupissant pour venir tâter sa jugulaire d’ses mains encore tâché de sang. C’est son cœur à lui qui se stoppa lorsqu’il sentit d’imperceptible battements. Il respirait encore. Et Ismaël ne savait pas si c’était une bonne, ou une mauvaise chose. De nouveau la panique comme seul refuge, son regard perdu dans le vide entre Cami et Lilith.
il est vivant, enfin, à peu près. d’un bond il était debout, les sourcils froncés et une rage nouvelle au creux du bide, putain, putain, putain, il avait envie de le frapper à nouveau de toutes ses forces pour lui faire exploser le crâne une bonne fois pour toute, c’est qui ce type ? c’est un mec important bébé ? tu l’sais ? son attention vers Cami à présent, j’vais retourner en taule, c’est sûr.

L’ton salé est salvateur.
L’besoin de cracher sa haine est comme un antidote pour Morales. Détester pour mieux avancer. Faire du mal pour se sentir planer. Le dormeur du Val trouve concurrent à sa taille, Cami elle a deux trous rouges elle aussi dans la poitrine. Ca l’irrite de partout, ça lui transperce la chair avec souffrance. Le pantin est désarticulé, plus rien n’fonctionne, les ficelles ont été coupées depuis qu’elle a foutu ses pieds sur le palier à reconstituer les récits secrets. Elle exècre le spectacle qui se joue devant elle, déteste le monde entier qui raille de sa tristesse infinie. La voie Lactée n’suffirait pas pour supporter le flot de perles salées qui s’accumule à l’intérieur de son être.
Foutue vie.

Foutue nana mieux qu’elle.

L’cul bombé et les traits séraphins comme si l’bon dieu lui-même les avait taillé.
Le rictus est automatique, la colère de Lilith a l’effet d’un shot d’éthanol. Elle plane trois secondes avant d’atterrir, ses opales accrochés aux deux émeraudes d’en face. T’épuises pas à t’énerver contre moi princesse, concentre toi plutôt sur ta drogue et toi. Elle rirait bien d’son état si elle était pas trop occupée à se soucier du coupable.
Bébé.

Ca raye ses tympans comme une craie blanche sur l’tableau noir, elle racle sa gorge et détourne le regard. Pourquoi ça fait si mal d’aimer ? Peut-être parce que c’est pas partagé. Elle supporte pas son regard, sûrement moins l’idée de le voir s’décomposer entre quatre murs et six barreaux.
On s’en branle si c’est un mec important c’est l’cadet de nos soucis ! Elle se rapproche, réduit à néant la distance avec lui. Les billes bleues shootent les siennes avec force, son doigt se pointe comme une menace. Et si tu me pleures encore dans les oreilles j’te promets que je te laisse ici. T’iras pas en taule, t’as compris ? Reprends-toi putain, il est où le Ismaël que j’connais ? J’vois qu’une fillette qui a ses premières règles devant moi là. Cami s’écarte, prend l’air pour mieux réfléchir, la bombe a explosé pour laisser place au calme. Tu vas nettoyer tes mains, te faire le plus propre possible pour sortir comme si tout était normal. Lilith. Pars avec lui si tu peux encore marcher jusqu’à un taxi. Restez chez lui, sortez pas d’une semaine, faites-vous oublier même. Ca lui arrache la gueule d’les encourager, contribuer à tisser leurs liens sans l’vouloir. Mais la gosse se veut lucide, se veut bien-pensante pour une rare fois dans sa vie. Et moi je mentirai. Je dirai qu’on est rentré de boite, chambre d’hôtel, il a tenté de me droguer, je l’ai remarqué, je l’ai frappé avec un objet que je dois trouver, et au pire je frapperai un mur pour montrer que j’ai aussi un peu frappé avec mes poings. Je serai accusée de légitime défense. De meilleures suggestions ou tout le monde est d’accord ? C’pas qu’elle stresse au fond Cami, c’est qu’elle est même pétrifiée.