falling (ismaël)

Elle aurait voulu s'oublier, s'occulter dans les vapeurs toxiques de ses pensées anarchiques, les envies destructrices qu'elle apaisait dans la cocaïne, loin d'Ismaël, le coeur à la renverse dans son absence, dans cette latence qui mettait en péril l'équilibre de tous ses sens. Elle n'était pas sortie depuis ce fameux soir. Elle était restée prostrée dans le noir de son désespoir, les larmes roulant sur ses joues, Lilith cherchant dans ces longues minutes qui s'éternisaient un échappatoire illusoire, un moyen de s'accrocher à autre chose qu'à ses mauvais choix. Elle prenait des nouvelles de son client de loin, non pas pour user de son empathie éteinte, mais plus pour s'assurer de la sécurité de celui qui faisait vibrer son âme défunte dans l'obscurité. Trop de questions se débattaient dans son esprit arraché, les souvenirs qui lui manquaient par endroit, l'envie de savoir pourquoi, pourquoi Cami avait été là, pourquoi elle avait eu ce sentiment que ce n'était pas qu'une première fois que ces circonstances lui tombaient dessus à Isma. Elle avait besoin de lui, de sa peau, de ses lèvres dont elle voulait se nourrir encore et encore, juste pour apaiser sa possessivité exacerbée qui menaçait toujours d'exploser. Alors, elle l'avait contacté, après quelques jours sans aucun échange qui eut l'effet d'une éternité, elle lui avait demandé de venir dans l'antre de ses ambitions échouées, juste pour qu'il y ramène un peu de vie dans sa destruction programmée, lui qui avait été capable du pire juste pour la sauver, lui qui inscrivait son prénom au fer rouge dans le creux de son palpitant malmené.

Elle s'était habillée et maquillée simplement pour masquer les épreuves qui avaient tirés son visage épuisé, entendant quelques minutes plus tard quelqu'un frapper à la porte d'entrée, Lilith pressant le pas pour ouvrir, réfugiant ses opales dans ceux de d'Ismaël, l'être de tous ses désirs.

- Salut...

Qu'elle souffla, son regard valsant jusqu'à ses lèvres.

- J'avais presque oublié à quel point t'es beau.

Elle avait envie de le goûter, de sentir ses lippes imprégnées sa peau asséchées par son manque qui irradiait ses maux.

Le stress était bel et bien là lorsqu’il frappa à la porte.
C’était la première fois qu’il se trouvait devant chez elle. Le cœur au bord du précipice. Il était sur le point de connaître son monde à elle, d’en découvrir un peu plus sur qui elle était. Mais ça ne se passerait pas dans les meilleures conditions. Au contraire. Il y avait cette nuit qui avait tout changé, qui avait remué le passé, fait re naitre ce monstre qu’il avait toujours été. Pourtant sous le regard de Lilith il avait eu la sensation de pouvoir être autre chose que ce meurtrier et c’était sous ses yeux à elle qu’il avait tabassé un autre homme jusqu’à le laisser pour mort.
Quand elle ouvrit la porte, il retenait sa respiration Ismaël, le souffle coupé, soulagé de la voir là devant lui. Il aurait aimé la serrer dans ses bras, mais il osait à peine faire un pas pour pénétrer dans l’appartement. Ses yeux clairs la détaillaient avec une immense délicatesse, les jours s’étaient écoulés et avait été douloureux. Loin d’elle, il ne savait plus comment avancer Sartier.
Un sourire au coin des lippes à sa réflexion et il avança pour qu’elle puisse fermer la porte derrière lui. Le regard curieux dans un premier temps, découvrant son lieu de vie qui appuyait une nouvelle fois qu’ils ne faisaient pas partie du même monde. Le cœur battant il se tourna vers elle, n’attendit pas une minute de plus pour se ruer contre elle. Capturant ses lèvres pour un baiser qui le remplirait d’une énergie nouvelle. Tout son être lui avait manqué et pendant qu’il l’embrassait, il la serrait contre lui pour qu’elle ne puisse s’échapper.
Ce que tu m’as manqué,
Qu’il souffla. C’était une évidence à laquelle il tentait de s’habituer. Lilith avait pris une place considérable dans son organisme, elle faisait battre son cœur, avait tout pouvoir de vie ou de mort sur sa personne. Il redoutait la suite. Il savait qu’elle voudrait des explications, qu’elle l’avait fait venir ici pour qu’il éclaire sa lanterne.
Comment tu vas ? … enfin, je veux dire, comment ça s’est passé ?
Après qu’il ait été obligé de prendre la fuite.
Il ne savait pas ce qu’elles avaient fait toutes les deux, si la police s’en était mêlé ou non. Si l’homme était à l’hôpital, s’il était mort, peut-être. Il n’avait pas cherché à savoir, terrorisé par une réponse qu’il n’aurait sans doute pas assumée et qu’il n’assumerait pas le moment venu. Il se détacha de la femme à contre cœur, tournant sur lui-même, cherchant un endroit ou poser son cul.

Elle revivait cette soirée dans les méandres de ses cauchemars, l'organisme encore épuisé par le poison qui l'avait contaminé. Mais Lilith, elle savait que ses plus beaux songes appartenaient à Ismaël, lui qui s'était tenu à distance de ses ténèbres pour ne pas bouleverser son calvaire. Elle avait témoigné comme prévu, de sa voix brisée, le visage livide et l'esprit vidée alors qu'ils avaient transportés le corps dans une civière jusque dans l'ambulance, la lumière colorée des girophares dansant sur sa peau blafard, et Cami, elle avait fini par se tirer peu de temps après, comme elle, et depuis plus personne n'avait de nouvelles. Elle avait fait comme si ce n'était rien, comme si elle allait bien, Lilith qui s'était enfermée dans un mutisme où elle avait presque trop sagement attendu qu'Ismaël ne vienne l'en délivrer, jusqu'à ce jour, le cœur déphasé par cette attente qu'elle voulait rompre pour se laisser attirer dans la beauté de ses yeux d'un bleu profond. Il était dans le coma, son client. Elle l'avait appris en lisant les articles sur internet, et quelque part, elle savait que ce n'était pas plus mal. Il ne parlerait pas, Ismaël serait en sécurité jusqu'au jour où il expierait la vérité. Pourtant, Lilith, elle avait une tonne de questions à lui poser, et elle avait peur de voir son cœur exploser.

Son regard rencontra le sien quand elle ouvrit la porte et ce fut comme une bouffée d'air frais en pleins dans ses poumons, elle qui avait erré en apnée jusqu'ici, sans exister jusqu'à ce qu'il daigne lui redonner vie dans son sourire. Elle l'invita à entrer, fermant la porte d'entrée pour les plonger dans leur intimité, n'ayant pas eu le temps de parler qu'il vint emprisonner ses lèvres dans un baiser, les mains de Lilith venant s'accrocher à ses flancs pour l'attirer contre son corps, percevait sa chaleur à travers ses vêtements, et pour une fois depuis quelques jours, elle avait l'impression de ressentir autre chose que la mort, ses lèvres attrapant les siennes comme pour éloigner leurs torts, les remords.

- Toi aussi. C'était trop long. J'veux plus...

Elle devenait bien trop dépendante de lui et elle s'en rendait compte, mais la machine était lancée, et son addiction bien trop ancrée. Elle baissa les yeux un instant à sa question, tentant de trouver les mots, de se remémorer ses fautes.

- On a détruit les vidéos des caméras... L'ambulance est arrivée, j'ai dit qu'il... M'avait drogué et que Cami m'avait aidé parce qu'il était entrain de me violer. Les flics sont arrivés après et on a dit exactement la même version. Ils en sont restés à là quand ils nous quitté, je pense qu'ils attendaient que le type se réveille. Sauf que j'ai appris aujourd'hui qu'il était dans le coma.

Elle plissa les lèvres, reportant son attention sur Ismaël.

- Bébé... Je t'en veux pas pour ce que t'as fait. Sans toi il m'aurait sans doute vraiment violer à l'heure qu'il est.

Qu'elle ajouta, d'une voix tendre, sa main venant doucement caresser la sienne.

- Mais pourquoi tu l'as appelé, elle ?

Lilith lui avait terriblement manqué.
C’est tout ce que son cœur était en train de retranscrire. Des battements irréguliers qu’il ne parvenait à maîtriser. Il s’était inquiéter, avait tenu le plus longtemps possible avant de la recontacter. Ce soir là avait sonné un tournant dans leur relation. Il savait Ismaël que les choses seraient emmener à changer, qu aujourd’hui il aurait l’obligation de faire face à ses erreurs. Les plus récentes comme les anciennes.
Lilith le serait contre elle, il se laissait faire le blond, complètement attendri par les gestes de la femme.
Il écoutait avec attention tout ce qu’elle était en train de lui dire, après qu’il ait pris la fuite elles avaient géré le souci à deux. Leur version sans doute plus digeste que la sienne. Jamais les flics n’auraient cru un ex-taulard mis en cause dans une précédente affaire de meurtre.
oui, mais je n’étais pas obligé de m’emporter à ce point. dans le coma ?
Il fronçait les sourcils l’héritier, le cœur battant de de voir revivre la même scène encore et encore. L’homme qu’il avait agressé quand il avait dix sept ans, lui aussi était tombé dans le coma avant de passer l’arme à gauche.
Puis la question qu’il ne voulait pas entendre.
La question qui tendait son corps tout entier malgré la main de la brune contre sa peau.
pourquoi tu l’as appelé, elle ?
Il détourna les yeux quelques secondes, sans doute quelques secondes de trop.
parce que,
Il ne trouva rien de mieux à faire que de s’éloigner de Lilith, respirer un peu d’air pour E donner du courage. Il ne savait pas s’il devait avouer à quel point ils étaient proches tout les deux, à quel point ils avaient été proches ces derniers temps. Il ne savait pas si c’était le moment de confier ses péchés. Avec Cami, il était allé trop loin.
elle me connaît, j’ai paniqué, je ne savais pas qui appeler d’autre et ...
Il tournait déjà en rond dans l’appartement.
Se massant la nuque.
et je ne voulais pas retourner en prison. je ne peux pas retourner en prison.

Lilith, elle était plus sûre de ce qu'elle devait ressentir, de ce qu'elle devait lui dire, bouleversée entre la jalousie destructrice et l'angoisse putride, elle avait le cœur qui battait trop vite dans ses iris, il y avait trop de bruit dans son esprit et dans sa cage thoracique, là où résonnait la voix de son plus beau vice, lui qu'elle ne savait fuir.

- Ouais, coma. Y'a plus qu'à espérer qu'il se réveille pas. Sinon on est foutus.

Lilith, elle se trahissait dans ses gestes qui ne laisseraient jamais croire à une indifférence, sa peau qu'elle touchait, sa chaleur qui malmenait son palpitant alors qu'elle avait tout un tas de questionnements qui tournaient en boucle dans le creux de sa conscience. Il prit de la distance et c'était comme une bouffée d'air gelée qui s'infiltra dans ses entrailles alors que son regard s'assombrissait dans la rage. Pourquoi Cami, pourquoi elle avait l'impression d'avoir une goupille explosive à la place de son myocarde rachitique, celui qu'Ismael nourrissait en secret.

- Elle te connaît au point de se rendre complice d'une tentative de meurtre ? Tu m'as jamais vraiment dit à quel point vous étiez proches. J'aimerais savoir.

Les bras noués sur sa poitrine, Lilith, elle sondait ses iris, son allure qui perdait en assurance au milieu de son appartement.

- Ta famille est riche. Tu pourras te barrer à l'autre bout de la Terre sans passer par la case prison.

C'était ce qu'elle pouvait penser, elle qui avait peur de songer à lui derrière des barreaux, loin de ses yeux, blotti dans ses maux.

- Et... Tu me payeras un billet d'avion. Quelques fois. Histoire que je te fasse oublier toutes les autres. Que tu comprennes que t'auras pas mieux.

Elle s'était approchée, le regard baigné de sensualité, sondant son âme pour qu'il lui révèle ce qu'il cachait.

- Parce que... Je sais ce qui te rends dingue... Elle sait rien, elle.

Elle souffla contre ses lèvres, les siennes dansant en suspension, ses pupilles sombrant dans les siennes, le cœur en fusion.