looking back (morgiana)

c'est souvent pareil.
la nuit, le soir, les rues, le bruit.
c'est souvent la même chose. un amas de couleurs dosé de la même façon, dès que le soleil se couche et que tout se fait plus frais. c'est lassant, dans la bouche de certains, de goûter aux mêmes choses sans ne rien découvrir.

pour heath, tout est différent, à chaque seconde. toutes les nuits sont nuancées, l'ordre des étoilés changé; jusqu'au poids de l'obscurité dans le ciel nocturne. c'est peut-être ça, d'être idiot. s'émerveiller d'une chose aussi banale et récurrente qu'une nuit froide, subir les palpitations de la découverte. pendant que le reste de la terre est coincée dans une danse monotone, heath s'avance à contre-courant. le coeur coincé dans la gorge, c'est dans un queens bruyant qu'il se plonge, les yeux gorgés d'éclats.

ce soir, encore, c'est différent. c'est peut-être même un peu plus dangereux que d'habitude. un bonnet enfoncé sur la tête et le corps couvert de plusieurs couches de vêtements, heath a inconsciemment choisi de ressembler à tout le monde, de se fondre dans la masse. c'est plus pratique pour ce qu'il a en tête, sûrement.

et c'est vers un bar encore un peu bruyant que ses pas le portent. rien de très surprenant, une façade comme les autres, un peu plus de monde que d'habitude. heath sait qu'il ne s'est pas trompé. il attend, patiemment, que les sons s'atténuent et que les clients sortent un à un. ça prend le temps d'une cigarette et demie, et heath sait se montrer patient. il continue de l'attendre sans se montrer trop évident, trop effrayant. naturel.

il la reconnait, de loin. il sait quand c'est elle. c'est peut-être l'instinct, quelque chose qui s'en rapproche de près ou de loin. en tout cas, heath sait, et il s'approche d'elle, pendant un de ses éclats de rire. il se sent un peu désolé, perfide d'arriver quand l'instant est coloré. morgiana et ses couleurs éphémères. rouge un temps, grise une seconde. jaune une seconde, bleue pour toujours. instable.

quand il est assez près, sûr d'être entendu, rien d'autre qu'un simple "mo." quitte ses lèvres. il tâche d'être moins compliqué que les choses d'avant. c'est mauvais, de venir maintenant et de l'attraper au vol. c'est mauvais de revenir alors qu'on n'est pas attendu.
heath ne s'en soucie pas vraiment. il y a sa deuxième cigarette qui pend à ses lèvres, tirées dans un sourire déplacé. morgiana devant lui, comme avant.

c'est mauvais.

y a comme un truc dans l’air ce soir, un truc qu’est pas à sa place, un truc désagréable qui bourdonne dans un coin de ton crâne. dernier verre après le show, le rythme qui s’apaise petit à petit, entre les rires de Bowie et les sourires de Nana, les caresses discrètes de Roscoe, essayer de chasser le sentiment qui te fait douter de l’instant. t’as la cigarette au bout des lèvres, tu la crame un peu trop vite, en même temps que ton verre de tequila, les vices ont la peau dure, mais tu garde que les plus simple, les moins rudes. on y va ? je suis claquée l’alcool qui fait effet, surement, les bout des doigts engourdis, l’envie de rentrer te lover dans votre lit, dormir jusqu’à pas d’heure, t’as ces habitudes de chat capricieux quand tu le décide.
La bande qui se lève, tu ferme la marche, une blague ou deux échangées avec Nana pendant que les gars parlent devant, ça semble simple, ça tourne un peu, tu rigole ouvertement, et c’est bien rare, ces moments d’euphorie que tu laisse filtrer. juste pour eux. rien que pour eux. t’aimerais que ça reste ton pour toujours parfait.
mais rien ne dure éternellement, t’es la première qui devrait le savoir pourtant.
mo, ton prénom balancé, une sonorité familière, qui te ramène presque trop loin en arrière, tes pieds figés dans l’asphalte alors que tu sens ton palpitant se désintégrer. mo murmuré dans tes souvenirs, à toi, à lui, à vous, quand tu croise son regard, vos cigarettes en harmonie, qui rougeoient. putain.
t’as pensé tromper le passé, à courir plus vite, à essayer de lui échapper.
mais tu t’es faite avoir, et le voilà qui t’as rattrapé.
je. continuez sans moi, je vous rattrape marmonné tout bas, l’impression que tu pourrais vomir, là maintenant, ton coeur et ta honte, ton coeur et ta peur, sur le pavé, comme ça.
T’attends qu’ils tournent le dos, et tu sais déjà, les questions auxquelles t’aura le droit ce soir, un Roscoe surement trop curieux, de ces blancs dans ton histoire, dans ton passé, que t’as encore du mal à révéler.
comment tu m’as trouvé ? bonjour heath, comment ça va ? depuis le temps ? t’as pas changé, on dirait qu’on s’est quitté
hier
y a un instant
quelques s e c o n d e s.
Mais t’as pas envie de jouer aux fausses bonnes manières, ça n’a jamais été ça entre vous, non, jamais. Et tu te sens soudain gamine, 16 ans tout au plus, au fond de son canapé.
et t’aime pas ce goût dans ta bouche.
l’amertume âcre des remords.

mo, mo, mo.
morgiana.
elle est toujours aussi jolie. il y a toujours la brutalité de sa réalité à elle, planquée dans son regard qui hurle au secours - mais ça, il faut la connaître pour en avoir conscience. il faut savoir qui elle est, ce qu'elle veut, comment elle parle. il faut avoir passer des heures à ses côtés, un joint fixé dans la bouche, à se vider le cerveau. pour en avoir conscience, il faut être heath. ça frôle la prétention de l'affirmer, mais c'est la vérité.

il voit encore, ce soir, que rien n'a tant changé que ça. c'est toujours déchiré dans le regard de mo. est-ce qu'elle est heureuse? est-ce qu'elle fait quelque chose qui lui donne assez d'intérêt pour réussir à se lever le matin? est-ce qu'elle a souri, aujourd'hui? les questions se bousculent furieusement dans le crâne de heath, qui est soudainement rattrapé par le passé. passé mesquin, qui ne semble plus si loin que ça.

"j'ai pas vraiment eu à chercher," heath souffle en même temps que sa fumée. c'est un demi mensonge. il voulait la retrouver, c'est vrai, mais il s'est simplement laissé porter par la ville.

et c'était facile. c'est toujours facile entre eux.

il s'approche, un peu, tentativement. pour voir si elle risque de s'évaporer si il est trop près. elle est toujours jolie. ça pince le coeur d'une façon que heath n'aime pas vraiment.

"tu sais," il reprend, le sourire dans la voix. "j'aime bien penser que c'est destiné, toi et moi. que peu importe où l'autre va, on finira par se retrouver." il replante la cigarette dans sa bouche, un petit moment. détaille morgiana, vérifie que ses souvenirs n'avaient rien omis. et puis, il la retire, s'autorise à parler, encore. "mais visiblement, toi, t'es pas du même avis. tu préfères m'échapper, hein, mo?" rictus sur les lèvres. rien de moqueur. ça l'amuse juste de penser qu'on veuille le fuir. ça l'amuse d'être quelqu'un à éviter, alors qu'il n'est rien du tout. "c'est pas bien grave. t'as l'droit, et t'es plus une gamine maintenant. je m'en fous un peu."
comme de tout. c'est facile, aussi, d'en avoir rien à foutre. c'est la facilité préféré de heath. sa façon à lui de prendre la fuite. repousser les choses et attendre qu'elles viennent lui détruire le coeur.
"y'a juste un truc qui m'a dérangé." il ajoute. blessé, touché, atteint. dérangé, c'est pas assez fort. "t'es partie sans dire au revoir, mo. ça se fait pas, entre nous deux. on se dit toujours au revoir." le sérieux regagne ses traits, alors qu'il ne la quitte pas du regard une seule seconde.

mo, mo, mo.
les nuits passées éveillé, à penser à comment ça serait de la revoir après avoir partagé un petit bout de lui avec elle.
morgiana.
la tristesse ficelée au visage.
heath n'est plus vraiment sûr que quoi que ce soit puisse la sauver.

j'ai pas vraiment eu à chercher, comme une fatalité, entre ses lèvres, ça te fait un pincement quelque part au fond de ta poitrine. T’avais oublié, enfermé tes erreurs du passé quelque part à double tour, et jeté la clé. Tu pensais New York assez grande pour vous deux, pour vous séparer sur un brin d’éternité, ne plus jamais te retrouver confronté à tes dérapages incontrôlés. ((hypocrite)).
Tu sais, non. Tu sais pas Mo. Tu sais plus. Tu sais plus rien depuis longtemps. Ptêtre même que t’as jamais su. j'aime bien penser que c'est destiné, toi et moi. que peu importe où l'autre va, on finira par se retrouver. Et c’est terrible cette douleur, dans ta poitrine, le sourir qui tombe, douloureusement. T’as jamais su vraiment gérer tes émotions. Et ça doit se lire dans ton regard, que ses mots ont trouvé leur cible, comme une lame en plein coeur.
Toi et moi pour l’éternité. Des souvenirs qui reviennent en vague, des promesses arrachées entre deux moments hors du temps. Heath gravé dans ta peau, dans ton coeur, des années auparavant, comme une putain d’évidence, du matin jusqu’au soir. T’aurais jamais cru, que ça se casserait la gueule comme ça.
Par ta faute encore moins.
Incapable de garder quelque chose d’intact entre tes mains.
tout casser, bousiller. Comme un verre explosé au sol.
Des milliers d’éclats, de votre relation.
Tranchant le bout de tes doigts.
mais visiblement, toi, t'es pas du même avis. tu préfères m'échapper, hein, mo? Le soir où t’as fais tes valises, le soir où t’as même pas laissé un mot sur la table, le soir où t’as claqué la porte pour ne jamais la rouvrir. t’échapper. Respirer de nouveau, réapprendre à marcher par toi même. C’était pas simple. Conditionnement délicat, l’oublier pour ne pas souffrir. T’échapper. Heath la voix qui tremble, comme si tu cherchais tes mots, une justification, une explication.
Assume.
Putain Mo. Assume.
c'est pas bien grave. t'as l'droit, et t'es plus une gamine maintenant. je m'en fous un peu. Et chaque seconde est plus brutale que la précédente, plus douloureuse. Ah tu t’en fous un peu. Cette envie de s’assurer que c’est pas vrai. les habitudes qui reviennent au galop. Cet éternel besoin d’être là, quelque part, dans leur coeur à eux. Heath, Roscoe. Prendre trop de place, signifier quelque chose. ne jamais être oubliée. t’es dégueulasse Mo.
y'a juste un truc qui m'a dérangé. Surement plus qu’un truc. ca se voit dans son regard à lui. Ca se sent dans la tension qui les sépare. dans l’air. Une odeur d’amertume, un goût d’aigreur. t'es partie sans dire au revoir, mo. ça se fait pas, entre nous deux. on se dit toujours au revoir. Et ça finit par t’achever. Entre l’alcool qui grimpe, la surprise et la panique grandissante. Cette nausée qui ne fait que grandir. Mal Être, malaise, tu sais pas où te mettre.
J’pouvais pas te dire au revoir Heath. T’essaye de rassurer ta voix, de te redresser, de redevenir cette Morgiana que tu mimes sur scène. [color=indianred]J’serais jamais partie sinon. j’aurais pas pu.|/color] Le quitter comme ça, l’affronter. Tu sais bien comment c’était, toi et moi t’as presque plus de voix, presque plus de souffle, incapable de le regarder plus longtemps dans les yeux.
Putain il a toujours eu cet effet.
Que t’es pas grand chose face à lui.
Qu’une gamine, sur le pavé.
C’était pas normal. Oser prononcer les mots, et toutes ces fois où t’en a chialé, à cause de lui. Et toutes ces fois où tu l’a fait hurler. Et toutes ces fois où vous avez saignés pour votre passion maudite.
C’était pas normal.
Non.
Mais vous n’étiez pas normaux non plus.