if i only could. (w/alix)

@alix romani / if i only could

Assise sur son canapé, Murphy a le coeur brisé. Entre ses doigts, une photo de Flora et elle. Elle avait cinq ans, elle était pleine de vie. Comment est-on sensé mourir à cinq ans ? Pourquoi ? Ça fait des jours qu’elle a le regard vide, Murphy. Des jours qu’elle ne pense qu’à elle, sa filleule, qu’elle se torture l’esprit. Depuis qu’elle l’a appris, elle ne vit qu’à moitié. Elle commençait à espérer, elle commençait à y croire, à se dire que peut-être, elle finirait par sortir. Par goûter à la vie. Mais son espoir s’est envolé avec Flora. Elle aurait voulu savoir. Et si elle avait su, aurait-elle été capable de se rendre aux funérailles ? Elle soupire, le coeur lourd. Dans sa tête, y’a que du brouillard. Elle a essayé de dessiner. De faire quelque chose de beau, quelque chose qui lui rendrait hommage. Elle a essayé mais chaque dessin a fini en morceaux, au fond de sa poubelle. Rien n’était assez bien pour Flora. Rien. On toque à la porte. Murphy sursaute. La photo à la main, elle se précipite vers l’entrée, jette un oeil à travers le judas. C’est Alix. Alix qui lui avait promis de passer. Alors rapidement, Murphy cache la photo entre deux bouquins de sa bibliothèque. Elle ne sait pas trop pourquoi, elle n’a jamais eu à faire face à ce genre de situation. Elle prend deux secondes pour reprendre ses esprits, et elle ouvre. Enfin. Sa meilleure amie est là, le visage fatigué. Elle n’ose pas imaginer ce qu’elle ressent. Si seulement je pouvais. Si seulement je pouvais, je prendrais ta place Alix. Je voudrais prendre ton chagrin. Prendre ta douleur. Je voudrais te libérer de tes peines. Souffrir à ta place. Et sans un mot, Murphy enroule ses bras autour d’Alix. Elle la serre, fort. Elle la serre pour lui dire qu’elle est là. Elle la serre parce qu’elle a besoin d’elle, elle aussi. Et cachée contre sa meilleure amie, elle laisse couler quelques larmes. Des larmes qu’elle essuie discrètement avant de relâcher son étreinte. « Je suis contente que tu sois là. » Elle essaie un sourire, mais il ne ressemble pas à grand chose.

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{ if i only could }
crédit/ tumblr ☾ w/@Murphy Hawkins

Elle ne voulait pas voir Murphy.
Elle ne voulait pas venir. Elle ne voulait même pas, lui dire. Un fragment d’elle, encore en vie, ne cesse de lui rappeler combien c’est égoïste. Combien c’est égoïste de lui avoir caché le décès de sa filleule, combien elle l’a rendue encore plus isolée du monde extérieur. Alors qu’elle l’a si souvent encouragée à sortir de ce maudit appartement, Murphy. Elle a été égoïste, sans doute, mais peut-être qu’elle a le droit d’être égoïste, une fois dans sa vie. Peut-être qu’elle a le droit de ne penser qu’à elle et sa peine, elle et sa détresse. C’est elle qui a perdu sa fille.
Elle ne voulait pas voir Murphy.
Mais elle a tant insisté, sa meilleure amie. Trop fort pour qu’elle puisse s’y opposer. Trop fort pour qu’elle ne sente pas sa douleur de ne pas pouvoir venir d’elle-même, la rejoindre. Alix, elle est faible, faible face à ceux qu’elle aime. C’est plus vrai encore avec Murphy qui a le don inexplicable pour faire ressortir toutes les émotions qu’elle voudrait enfouir au plus profond d’elle. Elle peut prétendre qu’elle va bien à ses amis, à sa famille, elle peut donner l’illusion aussi à son mari.
Mais elle n’y est jamais arrivée avec Murphy.
Peut-être car elle la connaît depuis toujours et par conséquent par cœur. Peut-être car elle est véritablement comme une sœur. La sœur qu’elle n’a jamais eue. Ou c’est peut-être, juste, Murphy qui provoque ce déferlement de sentiments en elle. Murphy qui, de sa douce et délicate lumière, sait la sortir de ses ténèbres.
Seulement les ténèbres, elle ne veut pas les fuir, Alix. Elle veut s’en imprégner, elle veut les engloutir, comme un poison qui lui donnerait la force nécessaire pour se venger. Comme un mal toxique qui transformerait sa douleur en énergie, son chagrin en colère, et toute sa tristesse en rage. La rage d’obtenir sa vendetta ; la rage, pour Flora. Elle ne peut pas se permettre de craquer, si elle veut parvenir à se venger. Elle refuse de se laisser aller, Alix.
C’est bien pour cette raison qu’elle a tant repoussé sa venue chez sa meilleure amie.

Elle risque de balayer tous les murs que tu t’es construits,
elle risque de faire volatiliser,
toutes les barrières censées te préserver,
elle risque de faire éclater tout ce que tu ne veux pas ressentir,
toute l’agonie refoulée, toute la torture enfouie,
elle est la seule à avoir tout ce pouvoir, Murphy.

Mais aussi celui de la faire venir chez elle sans même avoir à en bouger. Le cœur fébrile, la fille Ferreira essaie de garder le calme implacable qu’on lui connaît. La froideur dont elle fait preuve depuis des jours. À peine a-t-elle pourtant toqué à la porte, qu’elle sent les bras doux de sa meilleure amie envelopper son corps. Elle la serre, fort, très fort, alors que la carcasse vide reste interdite. La gorge nouée, elle finit par glisser à son tour ses bras autour d’elle, quelques brèves secondes de faiblesse qu’elle s’autorise. Et puis, elle ne tarde pas à se détacher, pour ne pas céder. C’est Murphy qui a laissé échapper plusieurs larmes là où elle, fait encore tout pour retenir les siennes. Alix contemple la personne la plus douce qu’elle connaît, incapable de savoir quels mots prononcer. « Tu ne m’as pas beaucoup laissé le choix. » elle affirme avec un sourire fêlé, le sourire qui disparaît sur le visage de la mère endeuillée. Elle se détourne de Murphy pour éviter de croiser trop longtemps ses iris beaucoup trop empathiques. Elle retire son sac à main, puis sa veste distraitement. Elle lui tend maladroitement un petit sac, dans un geste un peu gauche qui ne ressemble pas à la féline qui possède une parfaite maîtrise de ses membres autant que des armes. Cassée, Alix, elle est toute cassée, mais elle fait semblant d’être rafistolée. « C’est pour toi. » Une petite plante, comme à chaque fois. À chaque fois qu’elle lui rend visite et qu’elle essaie, un peu, de lui apporter du monde qu’elle ne veut plus voir.
Ce monde désespoir,
qu’elle non plus, n’a plus vraiment envie de voir.