Sujet: the way of all flesh ± ciarán Ven 27 Déc - 5:27
the way of all flesh
Ciarán - Nana
«La musique est la vapeur de l'art. Elle est à la poésie ce que la rêverie est à la pensée, ce que le fluide est au liquide, ce que l'océan des nuées est à l'océan des ondes..» victor hugo
TRACKLIST
► "Oroborus" – 5:22 ► "Toxic garbage island" – 4:07 ► "A Sight To Behold" – 5:10 ► "Yama's Messengers" – 4:04 ► "The silver cord" – 2:32 ► "All the tears" – 3:41 ► "Adoration For None" – 6:20 ► "The art of dying" – 9:54 ► "Esoteric Surgery" – 5:45 ► "Vacuity" – 4:52 ► "Wolf down the earth" – 6:26 ► "The way of all flesh" – 17:04
Ta tante, y'a pas à dire c'était un putain de phénomène. Tu te rappellera toute ta vie le jour où elle a débarqué chez vous, au japon après plus de vingt ans passés hors du territoire. Shizue Matsuda, c'était un sacré bout de femme. La première fois que tu l'as vue t'as d'abord cru qu'une yakuza venait s'en prendre à vous avec ses tatouages plus que visibles et sa coupe aux couleurs criardes. Elle ne ressemblait en rien à ta mère dont elle était l’aînée de quelques années et tu doutes que ta génitrice vienne à lui ressembler un jour. 'Basan c'était le vilain petit canard de sa famille tout comme toi. Trop créative, passionnée, rebelle. Elle jouait avec son groupe dans des bars clandestins, revenait à la maison avec toujours plus d'encre sur le corps. Ta mère ne t'avait jamais parlé d'elle, d'aucune manière qui soit. C'est comme si sa sœur n'existait pas et tu te rappelles de l'effroi sur son visage lorsqu'elle l'a découvert dans l'entrée de votre jardin. Comme si elle avait vu le plus terrible des fantômes. Elles entretenaient des rapports étranges, tu l'as appris bien plus tard. Les deux femmes s'appelaient de temps à autres. Obasan envoyait de l'argent à ta mère lorsque ton père est décédé. Pour lui apporter son soutient, ou tu n'sais pas vraiment quoi. Et lorsqu'elle t'as chopée sous son bras comme si t'étais un vulgaire sac de riz, ta tante s'est contentée de balancer à ta génitrice que de toute façon on ne peut pas élever un enfant que l'on considère comme une épine dans son pied. Ouais, c'était le genre de personne à inventer des proverbes.
T'as mangé cher, en arrivant à New-York. Toi qui avait passé près de trois ans enfermée entre quatre murs, terrorisée par l'extérieur. C'est Shizue qui t'as redonné foi en l'être humain, combien même elle se contentait de te traiter de poule mouillée et de hāfu. Appuyant sur tes cordes sensibles pour te pousser au craquage. Fallait purger l'abcès. Te vider de tout ce qui te dévorait de l'intérieur, gratter les parties nécrosées pour les faire disparaître. Elle t'as foutu devant un piano sans que tu ne saches vraiment quoi faire devant ces touches blanches et noires. T'avais aucune idée de comment les faire parler toi et même des années de pratique plus tard tu n'arrives pas à la cheville de ta tante. Tu doutes pouvoir un jour arriver à un tel niveau. T'as eu la musique comme thérapie, quelques médocs aussi. Juste ce qu'il faut pour tes anxiétés, te faire dormir un peu en éloignant les fantômes d'Aokigahara. Loin, très loin de toi Nana. Les séances devant les touches d'ivoires se sont vues répétées. Peu à peu t'as commencé à composer. D'abord timidement, sans trop savoir ce que tu faisais. Puis guidée par ton sang, par ce que tu pouvais ressentir lorsque la pulpe de tes doigts se mettaient à flatter les gammes assortissant diverses mélodies. L'amour de la musique t'es venue grâce à 'basan. Jamais t'aurais cherché l'apaisement et le réconfort en la musique si elle ne t'avait pas forcé la main en te laissant devant ce foutu clavier que tu as détesté pour y avoir été contrainte. Comme si elle savait, qu't'en avais besoin.
L'une des premières personnes que t'as rencontré après ton arrivée est l'un de ses amis, un autre musicien. T'étais encore cette japonaise effarouchée à l'époque, un peu sauvage et craintive. Ne faisant pas franchement d'effort pour parler l'anglais au détriment de ta langue maternelle combien même tu maîtrisais cette seconde langue. La première fois que vous vous êtes vus, il a demandé très sincèrement à ta tante si elle se mettait à adopter tous les clébards errants qu'elle pouvait trouver devant le pas de sa porte en te dévisageant des pieds à la tête. Faut dire que ta tante n'a jamais envisagé d'avoir de gosses, encore moins d'te récupérer toi. Pourtant t'étais là, c'est ce qu'elle s'est contentée de répondre d'un air las en faisant pénétrer l'homme chez elle. Ciarán lui s'est montré cynique, grognon et généralement d'une humeur massacrante. Sauf quand il avec coup dans le nez, combien de fois t'as pu choper les deux à moitié ivres peu avant le levé du jour dans la vaste cuisine de chez Shizue. Bien trop pour que tu puisses toutes les compter. Petit à petit, tu t'es faite au brun et à sa présence tout comme il t'as toléré toi. Tu t'es même mise à l'apprécier, au fur et à mesure que ton caractère s'est mit à évoluer. T'as pas mal changé en dix ans Nana, elle est loin cette gamine effrayée et instable. Ta tante est partie l'an dernier, sans qu'vous puissiez y faire quoi que ce soit. Ne pouvant que la regarder faner, un goût salement amer en bouche. Un an. Bordel ce que le temps passe vite.
Les planches de ton skate filent à toute allure contre le pavé froid de la grosse-pomme. Les fêtes de noël approchent et tu tentes tant bien que mal de te mettre dans l'humeur générale afin de ne pas trop te laisser aller à la tristesse que d'te retrouver pour la première fois seule sans celle à qui tu dois tout. Ton casque audio vissé tout contre ton bonnet, les basses résonnant dans les tympans tu traverses le queens en direction d'un repère que tu ne connais que trop bien. T'as encore emmerdé l'anglais et il risque de pas franchement être très joyeux de te voir. Mais premièrement, ça faisait longtemps. Ta gueule doit forcément lui manquer n'serait-ce qu'un peu, surtout quand on a un minois aussi attachant qu'le tien. Ensuite, il peut rien t'refuser parce que t'es comme la fille de Shizue alors de ce fait bah t'es un peu comme une vip. Ouais t'aimes bien user de cet argument pour lui imposer ta présence fortement attachiante. En vérité, c'est un professionnel qu'tu respectes énormément et il le sait c'con là. Blablabla t'as des goûts de merde mais quand tu m'écoutes moi ça va. Tu peux presque imiter sa tronche et son ton après des années d'pratique c'est peu dire. Tes doigts continuent de filer contre l'écran d'ton portable alors que d'un œil tu surveilles la foule de passant à travers laquelle tu slalomes rapidement. Bonne princesse et pour lui prouver que tu n'te déplaces pas pour rien, tu lui envoies un fichier audio. Tu sais qu'son appétit se verra plus qu'ouvert, tu l'connais dans le fond. Assez pour savoir que malgré ses railleries quant à ton "groupe de branques" il saura apprécier l'travail colossal que vous avez fournis. Bande de grand malades qu'vous êtes.
Petit à petit, tu reconnais les environs du Viper. Les gens commencent à quitter les rues, regagnent la chaleur de leurs foyers alors que tu crèves de goûter à ce putain de saké mentionné un peu plus tôt au fil de vos texts. Chacun son truc pour se réchauffer, toi t'optes pour les pratiques de l'est. Tu finis par freiner tranquillement, l'allure de ton skate perdant en importance. Tu récupères ce dernier entre tes phalanges une fois stoppé devant les néons du club que tenu par ton dernier modèle encore vivant. Mais lui dites pas ça, encore une fois il risquerait d'prendre la grosse tête. Le bout du nez rouge et l'air quittant tes poumons en un nuage grisâtre presque épais, tu te hâtes de gagner l'intérieur ta planche fièrement serrée dans ta main. Tu pousses un soupir de contentement alors que tu franchis le seuil. Contrairement à l'allure froide à l'extérieur des lieux, tu peux apprécier le confort d'un bon chauffage tranchant nettement avec les températures chutant toujours plus au dehors. "Konbanwa! Ciarán-saaaaaaaan?" Tu hèles d'une voix chantante et joueuse, tout ce qu'il y a de plus insupportable alors que t'avances à travers les lieux bien calmes. Tu fredonnes une chanson de noël tout ce qu'il y a de plus cliché en avançant dans la semi-pénombre des lieux. Et après ça, c'toi qui t'fais désirer."Doko ni imasu ka? Te caches pas alors que tu m'as dis d'me dépêcher hein!" Que tu te mets presque à accuser, laissant ta planche à roulettes et ton manteau plein de neige reposer contre un coin du bar devant lequel tu échoues enfin. Putain un jour tu finiras pas t'pommer ici c'pas possible autrement. Heureusement qu't'as prévenu que t'arrivais.