Solace.

ft ismael.

Elle a fait un effort Kaja, pour se sentir lambda ce soir et se fondre dans la foule en se laissant emporter en soirée par quelques collègues. Elle s'est dit qu'il fallait peut être lutter contre son intégration difficile et sa solitude bien trop ancrée. Mauvaise idée, il fallait écouter son instinct de survie qui lui suggérait de rentrer chez elle pour s'oublier dans les pages d'un livre inspirant. Elle s'en rendra compte bien trop rapidement. Quelques sourires s'esquissent, elle tente de capter les sujets de conversation qui ne sont qu'éphémères car elles sont sept à se partager le petit coin de ce bar enivré. Au final, elle fait semblant d'entendre, de comprendre, de compatir alors que la vérité est tout autre, ça ne l'émeut pas mais il semble que la pression sociale exige autre chose d'elle. Au lieu de continuer la mascarade, elle tente une percée à travers les corps qui se fracassent pour espérer un verre d'eau. Kaja a décidé de rester consciente et parfaite lucide, comme souvent. Sa traversée est stoppée par un gars, il ne lui faut quelques secondes pour comprendre qu'il s'est déjà assommé avec quelques pintes. Ses lèvres se pincent en une légère moue qui colore son visage. Elle essaie de l'esquiver mais il se décale en même temps, au même endroit comme s'il s'agissait d'un jeu. « Excuse-moi » Sa délicate voix fend l’air alors que ses prunelles s’allument d’une lueur de révolte oscillant presque vers l’insolence si mal interprétée. Elle force une nouvelle fois passage profitant d’un effet de surprise réduit à néant. Ses poignets sont rapidement emprisonnés et son odorat est agressé par l’haleine alcoolisé de ce corps étranger qui tente de se greffer à elle sans vouloir comprendre que le rejet est la seule conclusion de cet acte médical non consenti. Elle fait taire l’angoisse sourde qui pourrait naitre. Ses opales s’accrochent à la lumière qui agresse ses rétines. Kaja recule brusquement, en même temps que l’étranger s’avance et finit par cogner heureusement son dos contre quelqu’un. La politesse et l’urgence obligent, elle arrive partiellement à se défaire de cette emprise pour se retourner afin de s’excuser. Ses prunelles désabusées s’attardent un instant sur les traits durs de l’inconnu bousculé. Elle a bien envie de dire que c'est le moment pour lui d'être un héros, mais ce n'est absolument pas ce qu'il lui inspire.

un autre whisky. qu'il crache sèchement à la barmaid sans la moindre formule de politesse. c'est son troisième, quatrième, peut-être cinquième de la soirée. il ne sait pas. tout ce qu'il sait, c'est qu'il lui en faut un autre, tout de suite. de quoi s'esquinter encore plus les neurones en cette soirée lamentable. le verre glisse jusqu'à lui, il l'attrape et l’ausculte, dubitatif. presque certains qu'elle a craché la garce, ou alors elle a du lui servir un de ces alcools bon marché -ceux qu'il ne boit jamais- il hausse les épaules et avale une gorgée avant de poser un billet de cinquante dollars sur le comptoir. garde la monnaie, qu'il siffle avant de s'éloigner, il veut rejoindre sa table, celle où est assise la jolie blonde qu'il a harponné pour la nuit. une bimbo des beaux quartiers, peu habitué à sortir dans ce genre d'endroit. elle voulait de l'exotisme, il l'a emmené au coeur de l’effervescente du queens. pas de cocktails aux milles couleurs, pas de bouteilles de vins à cinq cent dollars. juste une foule au multiples facettes et des relents de bières. de loin elle lui adresse un sourire, alors il en fait de même. sourire qui se transforme en grimace quand il se fait sauvagement bousculer. on lui cogne dans le dos, ça lui fait presque perdre l'équilibre et voilà que son bourbon s'étale sur le blanc de son t-shirt trop cher pour l'endroit. ses mâchoires se contractent immédiatement.
il ne sait plus se contrôler ismaël.
il a laissé le fauve sortir il y a quelques mois et est incapable de le remettre en cage.
il se retourne, n'entend pas les excuses de la brune. putain, mais c'est quoi ton problème ?! qu'il grogne, serrant entre ses doigts son verre devenu vide. il pourrait le faire exploser, son sang ne circule plus dans ses phalanges. il l'observe avec attention, est tellement sur les nerfs qu'il n'est pas en mesure d'apprécier la beauté qui se trouve face à lui. quand ses yeux clairs remontent, c'est la tronche d'un homme, haut d'une tête de plus qu'elle, qui lui fait face. il lui faut une seconde de plus, pour remarquer la main qui enserre le poignet de la femme, avec tant de fermeté qu'il est certain qu'elle n'est pas consentante. tu fais quoi là ?! il grogne une nouvelle fois, tu comptes la kidnapper en plein milieu du bar ou ça se passe comment ? il n'a droit qu'à un regard mauvaise, l'homme tire plus fort la femme vers lui. ismaël dégoupille. il éclate le verre au sol, tu veux pas plutôt embarquer quelqu'un de ta taille gros lard ! à son tour de se saisir du poignet de l'inconnue. il n'a jamais été un héro. trop maladroit, trop viscéral pour ces choses là.

Le verre s'éclate contre le sol, et fascinées, ses prunelles suivent les courbes des morceaux rapidement avalés par la foule. C'est un malade. Voilà ce qu'elle se dit en interne avant de redresser son minois. Un malade qui incarne sa seule porte de sortie. Kaja se retrouve coincée entre les deux, poignets immobilisés, la conscience et la volonté bâillonnées. Elle cille face au ridicule de sa situation et se sent soudainement comme l'enfant incapable de traverser correctement la route sans aide. Elle serait bien capable d'ironiser mais son instinct de survie lui demande délicatement de fermer sa gueule. « Je pense que mon choix est fait » elle souffle à son inconnu initial. La vérité est qu'elle est privée de choix, contrainte au fond de suivre l'un ou l'autre, peu importe. Kaja profite d'un instant pour se dégager d'un coup sec avant de se rapprocher de son inconnu de substitution, pas complètement inconsciente. « Pas de vague » elle demande calmement alors que ses prunelles se tournent instinctivement vers le blond qu'elle sent plus nerveux dans ce duo déséquilibré. Discrètement, l'enfant libéré se masse les poignets sans arriver à statuer sur le plus douloureux des deux. « Je vais te dédommager de ton verre» elle propose en soutenant un instant son regard pour lui faire comprendre qu'ils seraient temps qu'ils s'éclipsent pour se noyer dans la foule enivrée du bar. Samedi soir classique pour certain, sortie en terre inconnue pour Kaja ce soir qui étouffe dans cet air qu'elle juge désormais irrespirable. Sauf qu'il ne bouge pas. Elle expulse un soupir discret avant de l'attraper par le bras et disparaitre pour rejoindre un bout du bar qui ne serait pas encore colonisé par ceux qui ne voient que flou. La poupée ne peut pas s'empêcher de jeter un regard derrière eux pour s'assurer qu'ils n'ont pas été suivi malgré eux. « Kaja» elle se présente sobrement avant d'essayer de capter l'attention de la barmaid dépassée mais professionnelle. « Qu'est ce que tu veux ? » Kaja lui demande, immobile dans une fausse attente. « Je crois que tu es demandé » elle ironise, son regard ayant capté celui d'une blonde en demande.

il a un petit sourire fier quand la brune annonce qu'elle a fait son choix.
le sourire d'un gosse trop sûr de lui.
c'est lui qu'elle choisit, c'est évident. tellement évident qu'il lance un dernier regard mauvais à l'homme d'une tête plus haut que lui. elle se rapproche la femme, lui murmure quelques mots que son cerveau essaie de comprendre. pas de vague. ça ne lui ressemble pas. il n'est qu'un raz de marrée perpétuel. c'est à coup de poings qu'il voudrait faire tomber l'homme qui les regarde toujours avec insistance. il faut que sa bouche s'entrouvre à nouveau pour qu'il pose ses azurs sur elle, la colère l'enveloppe, le serre tellement fort qu'il a du mal à sortir des pensées qui traversent son crâne. il la regarde, sans bouger. elle s'impatiente, sa poigne à elle est plus douce que la sienne. il s'en rend compte lorsqu'il la laisse l'embarquer, à travers la foule, jusqu'à la pointe du bar. kaja, il ne sait pas si c'est un sourire qu'il lui offre, ou une grimace, mais son visage bouge. qu'est-ce que tu veux ? se barrer d'ici, voilà ce qu'il veut, prendre l'air, loin de ces gens trop saouls et aussi con que lui. loin de cette barmaid. je crois que tu es demandé. et loin de cette blonde. il se tourne sans avoir émis le moindre son, blondie les matte, sa bouche se tord, ses épaules se hausses. il ne lui offre même pas un signe, toute son attention se reportant sur l'inconnue. ismaël, ses doigts tapotent contre le bois du bar, avec nervosité, jusqu'à ce qu'ils se serrent en un poing qui cogne lui aussi contre le bois, et je ne bois que du whisky, sec. un double, qu'il boira d'une traite pour sûr. puis, ça lui fera pas de mal de rester un peu seule, elle est pas habitué à ce genre d'endroit, c'est pas sa came. il dévisage kaja, amusé, c'est pas la tienne non plus, c'est certain. qu'il affirme sans se départir de son sourire taquin. la vérité, c'est que ce n'est pas sa came à lui non plus. qu'il préfère les bons bourbons vingt ans âge, et les soirées mondaines où l'on fait croire que l'on aime le caviar.

Ses sourcils se froissent en même temps que l'ego du blond se gonfle. Ses opales se font fascinées un instant. Une remarque acerbe reste néanmoins coincée dans sa gorge, parce qu'il reste son choix par défaut mais qu'un rapide calcul lui fait comprendre que ce n'est pas le moment. Son palpitant s'agace de son rôle de demoiselle en pseudo détresse. Ils s'éloignent, elle ose se détendre. Ismael. Kaja le dévisage un moment. Elle est à deux doigts de poser sa main, calme, sur son poing fébrile dont la régularité des coups agace l'irakienne à la sérénité malmenée ce soir. Elle ne peut s'empêcher de lui signaler la présence de son admiratrice assumée, une touche de lumière dans ce bar aussi abordable que médiocre. La jolie blonde ne semble pas être dans ses bonnes grâces. Un air surpris se peint quelques secondes sur les traits ciselés de la brune. « C'est toi qui l'a amené ici ? » Kaja demande, curieuse alors que ses opales se vrillent sur le visage de son sauveur en carton du soir. « Et tu es certain qu'elle est ta came, elle ? » Kaja demande sans gêne parce que c'est bien la première fois qu'elle entend dire "ça lui fera pas de mal de rester seule". Il semble manquer cruellement de délicatesse ou d'attention, tout simplement. Elle compatit simplement en interne avant de se concentrer sur le blond la seconde d'après. « Je ne m'amuse pas » l'enfant expulse, capricieux, comme pour lui donner raison. Il en faut beaucoup pour la divertir quand elle décide de se la jouer faussement intellectuelle. Personne n'est dupe, elle détonne par ses traits emprunts de nostalgie et de sarcasme alors que le reste de la foule se fait inconsciente et mouvante. Kaja finit par commander le verre d'Ismaël. « Je me suis perdue » elle souffle dans un sourire un peu ironique parce qu'elle regrette de s'être laissée entrainer dans ce guet apens. L'irakienne se saisit du verre pour le tendre à l'inconnu, soutenant son regard sans ciller. Elle donne l'impression d'être ce lapin naïf et fasciné par les phares de la voiture qui risque de l'écraser.

C'est toi qui l'a amené ici ? il regarde blondie au loin, puis repose ses yeux sur la brune, un fin sourire sur les lèvres. c'est qu'il est fier de sa connerie, de chacune de ses conneries. oui. c'est moi. elle voulait un endroit plus "exotique" que ce qu'elle fréquente habituellement. il hausse les épaules. l'éxotisme, il le prend en pleine gueule lui aussi. ce bar, ce n'est pas son lieu de prédilection. le sartier est plus plages et jet privé. des soirées où même alcoolisés, les gens sentent le parfum à mille dollars le flacon. Et tu es certain qu'elle est ta came, elle ? peut-être que c'est à cause de l'alcool, peut-être que c'est parce qu'il est juste simplement trop con, mais il prend sa question pour une provocation. autant être honnête, vous êtes toutes, ma came. blonde, brune, rousse. petite, grande. frêle, moins frêle. sauvage, insouciante. il les regarde toutes, les femmes. il n'est pas difficile, peut-être un peu trop facile. kaja commande le verre qu'elle lui a promis, je ne m'amuse pas. il arque un sourcil, la regarde de haut en bas, puis se concentre une nouvelle fois sur ce lieu de débauche bon marché. elle lui tend le verre. il en boit la moitié. je me suis perdue. il répond à son sourire, termine son verre avant de l'abandonner sur le comptoir pour la barmaid pas aimable. tu t'es perdue ? qu'il répète, il ricane bêtement maintenant. comment on peut se perdre jusqu'ici ? ... doit bien y avoir quelque chose qui t'a attiré dans ce bar, non ? ... un mec, peut-être ? qui t'a emmené jusqu'ici, pour finir par t'abandonner à ton sort, trouvant meilleure chaussure à son pied. un peu comme ce qu'il est en train de faire à présent. si tu t'ennuies tant que ça, on a qu'à se trouver une meilleur occupation, tu crois pas ? il dit cette phrase, sans le moindre sous entendu, pour une fois.