Dreams can make you cry but love will never die. [Ft Ella]

« I've been running from my demons, afraid to look behind.
I've been running from myself, afraid of what I'd find. »

Les mots s'entassent sur les lignes sans fond, sans forme. T'as l'impression de conter un putain de rapport de stage. Trop détachée pour t'embarrasser de détails qui auraient leur place dans ce procès-verbal, et pourtant trop impliquée pour être parfaitement honnête dans ce recueil d'informations compromettantes. Les boulettes de papiers s'entassent dans ta poubelle. Boulettes que tu devras brûler, au cas où des yeux indiscrets se faufileraient dans ton intimité. Au cas où on serait tenté de découvrir ton secret. Boulettes que tu continues de commettre pourtant. Prudence est mère de sûreté, qu'il t'a martelé. Si il savait. Si seulement il savait que dans les opales de Cahal t'es à deux doigts de te noyer, Iskandar ne placerait pas autant d'espoir dans ta réussite. Frénétiquement, ta main pianote sur le bois de ton bureau, nouvelle page que tu jettes aux ordures. « Et puis merde ! » Foutue culpabilité. Celle qui t'étouffe un peu plus chaque jour, te broie les entrailles, te souffle d'envoyer tout valser. De tout abandonner. Sale balance. Sale traître. Cette petite voix qui s'insinue au plus profond de ton être et ravage tout sur son passage.

Avec minutie, tu réduis en cendres les preuves de ta trahison. Ce soir ton cerveau est en panne. Comme beaucoup de fois ces derniers temps. Mais ce soir, tu n'as pas le Closer pour te changer les idées. Ce soir, tu n'as pas cette agitation dans laquelle tes pensées trop bruyantes peuvent être bâillonnées. Ce soir, comme à chaque pause loin du Closer, tu es seule face à tes tourments. C'est alors qu'un bruit dehors attire ton regard. Une silhouette familière se dessine sous la lumière orangée des lampadaires du quartier, Ella, ta voisine et amie. Ella aux traits tirés, semblant tout aussi misérable que toi mais certainement pas pour les mêmes raisons. C'était décidé, ton défi de la soirée : faire renaître un sourire sur ses lèvres sans vie. Et par la même occasion, t'offrir une échappatoire, loin du silence accusateur de ton appartement. Loin des tracas qui pourrissent ton cœur et t'entraînent toujours plus loin de la surface.

En un éclair, tu es devant chez elle. La sonnette retentit annonçant une soirée plutôt animée en perspective et un appel au secours, bien trop maquillé pour être vraiment appréhendé. Et lorsque sa porte laisse dévoiler une Ella profondément anéantie, tu sais que tu as fait le bon choix. « On sort ce soir. Et je n'accepterai pas un non comme réponse. » Parce que toi et moi, on a besoin de s'évader. « Allez, plus vite que ça, on est déjà en retard ! » Tu la presses dans l'espoir de la sortir de sa catatonie. Tu l'as connu plus radieuse avec cette étincelle rieuse qui, autrefois, illuminait ses yeux. J'te laisserai pas sombrer Ella. « On s'active, allez ! » Pas comme moi. Tu la tires finalement par la manche, l'entraînant dans ton sillage. « Ce soir, on va se déchaîner sur le dance floor ! » Ce soir on va noyer notre fardeau dans des danses endiablées. Ce soir on va rêver à un meilleur lendemain. Ce soir, j'te promets qu'tu vas rayonner. Ce soir, on va rire à gorge déployée. Ce soir, j'veux te voir t'amuser. Ce soir, j'aimerai que tu me contes tes peines. Ce soir, laisse-moi te donner un peu de gaieté. Ce soir, permets-moi de te réconforter. Parce que, de cette fleur, tu t'es attachée et qu'tu supportes pas d'la voir se faner.

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C’est un jour sans. Il y en a pour tout le monde de temps en temps. Pour Ella, de plus en plus souvent. C’est fréquent depuis toujours, chez elle, les descentes d’humeur. Elle a plus souvent été malheureuse qu’heureuse. Heureuse, elle l’était auprès de la famille qu’elle s’était construite. Auprès de l’amour qu’elle avait trouvé, quelque part, dans les ténèbres. Morgan, il a toujours été l’élément déclencheur de son bonheur. Comme de son malheur. Il était déjà à l’armée, qu’il influait sur tout ce qu’elle ressentait. Quand ils se sont séparés, rien ne s’est arrangé. Elle continuait de le retrouver, chaque fois que le moral était trop bas. Elle se pointait au Closer, le beau sourire aux lèvres, pour espérer ressentir à nouveau ce voile de douceur. Cette dose tendre et amère à la fois de bonheur. Bonheur éphémère, qui ressemblait davantage à une chimère, parce qu’elle l’avait déjà perdu. Il y a encore quelques mois, dans un mauvais jour, elle aurait eu le même réflexe. Mais elle ne met plus un pied au club, Ella. Elle ne peut plus, elle n’y a plus sa place. Plus sa place auprès de lui.

Peut-être qu’elle ne l’a jamais eue.

Elle pourrait aller sonner chez Zéphyr. Elle l’accueillerait à bras ouverts, elle le sait. Seulement, elle n’a aucune envie de la pourrir de sa noirceur. Aucune envie de lui ôter son oxygène comme elle est en train de perdre le sien. L’impression cruelle d’être toxique pour la seule personne qui tient encore véritablement à elle. La seule, surtout, qui a besoin d’elle. Celle qui est là malgré tous ses travers. Non, elle n’ira pas la retrouver. Ni elle, ni aucun de ses amis de soirées. Elle plomberait l’atmosphère de n’importe quelle fête. Trop souvent, elle s’est noyée dans l’alcool, la drogue ou d’autres vices pour oublier à quel point sa vie est misérable. Elle ne veut plus, n’y arrive plus. C’est sans compter sur la sonnette d’entrée qui, à peine rentrée, déjà retentit.

C’est sans compter sur la seule amie,
Qui croit encore pouvoir te redonner vie.

La porte à peine entrebâillée, elle reconnaît la voix mélodieuse, presque trop chantante pour être vraie, d’Ava. Ava, qu’elle a justement rencontré au Closer. Ava, qui a eu un aperçu de sa relation chaotique avec Morgan. Ava, qui tout doucement a pris le rôle de confidente, chez celle qui ne se confie jamais. - Av’... L’arnaqueuse n’a pas le temps de prononcer une parole, pas son mot à dire. Elle la presse, l’empresse, lui promet la soirée de sa vie, ou presque.En retard, vraiment ? - La seule chose qui m'attend, là tout de suite, c'est mon lit. Aucune envie de s'agglutiner dans un bar bondé d'inconnus, tous aussi inintéressants les uns que les autres. Aucune envie de voir du monde quand elle n'a même plus l'impression d'en faire partie. Mais c'est sans compter sur l'obstination d'Ava. Elle ne sait pas d'où son amie tire une telle détermination. Elle, elle n'a plus la force de rien. Pas même celle de lutter contre elle. Ce n'est pas faute d'essayer, pourtant. - Mais… Non, j'ai pas envie ! Elle a le sentiment désagréable d'être une enfant en plein caprice. Pourtant, c'est Ava, là, qui lui en fait un. Un soupir las s'échappe de ses lèvres. - J'ai vraiment pas la tête à m'amuser Ava. J'vais te plomber le moral, crois-moi. Ce n'est pas en lui disant une chose pareille qu'elle va la faire partir. Elle le sait, elle a appris à la connaître durant tous ces mois. Tout comme Ava doit savoir que, quand elle est dans cet état, l'en sortir est plus que laborieux. Parce que, toi aussi, tu t'es ouverte à elle, lentement, comme une fleur qui éclot à son rythme. Sauf que la fleur a bien fini par faner.

Tu te sens honteuse de te laisser avoir autant d'importance dans sa vie. Tu t'en veux de t'être attachée à cette petite fleur aux pétales fanés. Tu t'en veux, parce qu'un jour, la vérité va éclater et qu'elle n'épargnera pas votre amitié. Elle risque réellement de l'abîmer, la fêler. Et t'es effrayée quand tes pensées effleurent la possibilité qu'elle puisse ne jamais te pardonner. Et ça te hante chaque nuit depuis qu'elle a pris une place vitale dans ton palpitant malmené par tes tourments. Une douleur accueillie par une oreille sourde. Tu peux compter sur les doigts de la main les personnes sur lesquelles tu peux réellement t'appuyer et t'aimerais qu'Ella en fasse partie. Mais tu ne peux pas la mêler à tout ça. Isis, Sinéad, c'est déjà trop. D'autant plus qu'Isis est en première ligne, ta collègue aux cheveux dorés, qui pourrait se retrouver en danger par ta faute. Et ça, ça te paraît une montagne impossible à surmonter.

C'est pour ça que tu prends autant de soin à la tirer vers le haut, Ella. Pour pas qu'elle s'attarde sur tes fêlures. Pour pas que l'envie la traverse de les explorer et de tout découvrir. Parce que t'aurais trop peur de ce qui pourrait lui arriver si jamais on apprenait qu'elle te couvrait. Et pourtant, tu peux pas non plus t'empêcher de gravité autour d'elle. Parce que tu t'es laissée attirée par l'idée que tu pourrais la sauver. Que tu pouvais l'aider à se relever. Et t'as réalisé trop tard que tu l'avais adopté et que, évidemment, l'inverse était vrai. T'as grave merdé Ava, de les avoir laissé entrer chacun à leur façon. De les avoir laisser compter. De les avoir aimés. Et ton amour c'est un putain de cadeau empoisonné. Il déborde de sincérité mais il a une face cachée.

C'est peut-être pour ça que tu t'escrimes à tout arranger dans leurs vies chaotiques ? Peut-être pour ça que tu prends les devants en repoussant l'inévitable : la fin tragique de tout ce que vous avez partagé. Ça te ressemble pas autant de négativité. Peut-être bien que y a surtout cette colère extrême qui bouillonne en toi et te griffe de l'intérieur. Rage dardée envers toi-même. Et puis t'as trop d'empathie pour observer leur naufrage sans bouger le petit doigt. Trop impliquée, pas assez détachée. T'as pas retenu les leçons qu'on t'a enseigné. Sûrement parce que ça incluait trop d'inhumanité et que t'es incapable d'autant de cruauté. Et te voilà devant cette porte que tu as franchi bien trop souvent. Plantée là alors que t'aurais pu rester bien sagement entre tes quatre murs, éviter de resserrer ce lien qui te serre le cœur à chaque fois que tu lui mens éhontément.

Sa voix interrompt le flot de pensées incontrôlables qui font souffrir ton crâne et tu l'en remercies. Elle ignore tout de ce qui te ronge et pourtant, c'est un baume sur tes plaies ouvertes. La voir dans cet état te bouleverse plus que les détails que tu as omis de partager avec cette dernière. Parce que tu le fais pour la protéger. Pour la protéger de toi et de tes intentions cachées. « J'crois que t'as mal compris que j'te laissais pas le choix en fait alors on arrête de discuter et on s'active. » T'imposes ta loi Ava parce que tu sais qu'il faut au moins ça pour l'éloigner de la pente glissante dans laquelle tu la vois s'engager. Hors de question de la laisser s'enfoncer dans des ténèbres qui t'engloutissent déjà à moitié. T'es l'oiseau pris au piège dans la marée. Et tu veux pas qu'elle t'y rejoigne parce que t'es pas sûre de pouvoir l'en sortir sans qu'elle perde toutes ses plumes. Et ça te tue d'assister à sa chute, lente, inévitable, fatale.

D'où la raison de ta présence ce soir. Ça et ta trop grosse culpabilité que tu traînes comme un boulet. T'avais besoin de l'abandonner le temps d'une nuit pour aider une amie. « Me plomber le moral ? Qu'elle est mignonne ! Allez, arrête de faire ta mijaurée et viens t'amuser. » Tu t'opposes à la résistance de ses pieds ancrés fermement sur son palier. Qu'à cela ne tienne, t'es pas prête d'abandonner. Tu resserres ta prise et l'oblige à franchir cette barrière invisible qu'elle érige bien trop souvent ces derniers temps. Et ça te fait mal parce qu'elle te renvoie à tes propres maux. Un effet miroir que tu ne peux laisser continuer ainsi, qu'elle le veuille ou pas, tu vas la sauver contre vents et marées. Et même si ça doit t'esquinter, tu reculeras devant rien pour retrouver la pétillante Ella que t'as rencontré il y a quelques mois.

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Elle ne sait comment, elle ne sait pourquoi, Ava a pris une telle place dans sa vie. Peut-être que, à force de la voir au club, elle commençait à faire partie des meubles. Témoin involontaire des scènes qu’ils lui offraient avec Morgan, elle aurait pu rester simple spectatrice. Et elle l’a été, longtemps. Jusqu’à ce jour où Ella, elle n’en pouvait plus. Jusqu’à ce jour, où elle a laissé la colère parler pour elle. Une fois toute la rancœur évacuée, le ressentiment a laissé place, tout doucement, à l’amertume, au chagrin, à la peine. Ce mal qu’elle a toujours enfoui devant les autres, elle l’a laissée, elle, l’entrevoir et l’apprivoiser. Confidente insoupçonnée de ses états d’âme, elle l’a aidée à se décharger, bien souvent, de ses tumultueuses pensées. Elle n’a jamais pu pleinement la libérer. Comme Ella n’a jamais pu se délivrer totalement de l’homme à l’origine même de leur rencontre. Ni de tous les ténèbres qui menacent, chaque jour, de la faire définitivement sombrer. C’est un poison qui coule dans tes veines. Jusqu’à la fin, il te hantera, comme ton enfer personnel. Non, les miracles, elle n’y a jamais cru, Ella. Elle n’y croira jamais. Mais, bien souvent, Ava a été une oreille attentive pour elle. Une de ces personnes rares, si rares, que l’arnaqueuse a laissé entrer dans son cœur. Plus rare encore, une de celles qui a su gagner sa confiance. Rendre nécessaire sa présence. Ces personnes-là, elles comptent sur le doigt d’une seule de ses mains. Et Ava, elle en fait partie. Ava, elle a su devenir son amie.

Même quand t’en as pas envie,
Surtout, en fait, quand t’en as pas envie.

Sortir ce soir, c’est la dernière chose dont elle a envie. Pas d’humeur à faire la fête jusqu’au bout de la nuit. Elle l’est rarement, en réalité, ce qui paraît étrange pour une fille qui passe la majorité de ses soirées en dehors de son appartement. Mais elle ne fait pas partie de ces fêtards invétérés, plutôt une âme désespérée. Isolée. Qui cherche, seulement, à se brûler les ailes pour oublier qu’elles sont déjà coupées. Comme si les vices de la nuit pouvaient l’aider, un peu, à oublier combien sa vie est misérable. Un leurre auquel elle n’a aucune envie de croire, pas cette fois. Pas ce soir, pas cette semaine, pas ce mois. Elle ne sait pas pourquoi la belle insiste autant. Avec Ella, elle perd son temps. Elle ne pourra pas te sauver. Avant même de la rencontrer, t’étais déjà condamnée. Mais elle insiste quand même, Ava. Avec cette force de caractère que la sulfureuse admirerait, si elle pouvait encore voir ce qui est admirable. Si elle ne voyait pas tout en noir. Elle insiste tant et si bien que l’âme en peine sait d’avance qu’elle va capituler. Trop fatiguée par la vie pour lutter, trop chargée qu’elle est à se lamenter. Ses yeux se lèvent au plafond quand elle l’entend la presser, en signe d’insolence, alors qu’elle est déjà en train de céder. – Je suis pas mignonne. lâche-t-elle, en dernier signe de rébellion. Juste avant la capitulation. – Est-ce que je peux au moins me saouler avant d’aller me coller à des inconnus en sueur et en manque ? qu’elle demande, de sa voix acerbe. De son regard sur le monde trop amer. Elle n’attend pas la réponse de son amie qu’elle s’éloigne déjà en direction de la cuisine. Deux verres à shooters dont elle se saisit, la bouteille de rhum qu’elle attrape dans son placard. Pour une fois, la barmaid se fait servir par l’habitante des lieux. – Alors, t’as rien de mieux à faire de ton soir de congé qu’aller en boîte avec quelqu’un qui n’en a même pas envie ? Elle tend le premier verre à la jeune femme avant de servir également le sien. Sans trop y croire, elle trinque avec elle. – À cette soirée prometteuse. Un soupçon d’ironie dans ses paroles, pourtant elle esquisse un faible sourire devant Ava. Peut-être que son énergie sera communicative, peut-être qu’ensemble elles vont rire, peut-être que la vie ne sera pas si terrible… Peut-être que, pour un soir, elle pourra te donner l’illusion de vivre.

T'aimerais réussir à recouvrir de peinture colorée chaque recoin de sa vie. Faire que la couleur reste et qu'elle la voit, qu'elle sache qu'elle est là. Sauf qu'Ella elle est peut-être encore plus empêtrée dans sa propre toile de problèmes que toi et elle lui colle à la peau. Comme si, depuis Morgan, rien avait plus de sens.
D'importance.
D'essence.

Et ça te détruit d'avoir pris une place que tu ne mérites pas parce que le peu de bien que tu lui as apporté, tu vas lâchement le lui retirer. Un vrai cadeau empoisonné. Sauf que t'es incapable de lui tourner le dos. Incapable de la laisser coincée dans cette boucle sans fin. Incapable de te retirer de sa vie pour son bien. T'es égoïste Ava, tu t'es attachée malgré la distance que tu lui as imposée. Tu l'as laissée t'apprécier et ton cœur c'est ouvert à elle sans crier gare. Maintenant, tu te retrouves pieds et mains liés. Incapable de t'éloigner. Incapable de lui avouer la vérité. Une parfaite incapable pour résumer. Pourtant, quand tu te retrouves face à ce visage apathique, tu balayes tes tourments d'un revers de la main pour te concentrer sur les siens. C'est comme ça que tu survis Ava, en consacrant toute ton énergie à t'occuper des autres. Tu ne te laisses pas le temps de penser parce que si tu le fais, ton monde risque d'imploser et t'es pas sûre de résister à l'explosion qui va s'en suivre.

Le problème avec Ella, c'est qu'elle considère qu'elle est déjà perdue alors que t'es persuadée qu'elle peut renaître de ses cendres. Elle ferait un magnifique Phoenix si elle y croyait encore. Elle volerait si haut, presque à en décrocher les étoiles. Au lieu de ça, elle se contente de s'enfoncer dans son désespoir, elle a cessé de se battre. A tort ou à raison mais ça te rend malade de l'observer chuter, toujours plus bas. Bientôt, elle te rejoindra et ce sera à toi de la retenir pour l'empêcher de tomber dans l'oubli. Elle n'a pas le droit de baisser les bras. Elle n'a pas le droit de laisser la noirceur envahir son cœur. Parce que tu ne supporterais pas un autre abandon. Alors tu luttes pour deux. Même si tu traînes un poids mort, tu la lâcheras pas. C'est le moins que tu puisses faire après ton imposture.

La douleur se répand comme une traînée de poudre dans tout ton corps lorsque tes yeux la perdent de vue un instant, le temps que tes pas emboîtent les siens. Tu es une vraie nuisance Ava et ta poitrine souffre horriblement, elle brûle de ces non-dits qui ne font que retarder l'échéance. La vérité éclatera tôt ou tard, et il serait bien que tu crèves l'abcès avant qu'on ne le fasse pour toi. Mais pour le moment, c'est le moral de ton ami que tu veux remonter. À chaque jour sa peine. « Bien sûr mais sois un peu plus enthousiaste s'il te plaît, on ne va pas à un enterrement ! » Souvent, tu te demandes pourquoi tu mets autant d'énergie à réparer quelque chose que tu vas détruire de toute façon. La culpabilité t'étreins si fort que parfois t'en as du mal à respirer. Elle est ton épée de Damoclès et tu ne sais jamais quand elle va te trahir. Parce que là est tout l'enjeu. Et tes émotions prennent beaucoup trop de place dans ton discernement. Ce serait assez comique que tu sois ta propre perte. Tu t'es déjà tirée une balle dans le pied, pourquoi pas finir de t'achever avant qu'on ait pitié de toi et qu'on prenne le relais ?

Tu attrapes prestement le liquide salvateur, celui qui te fait oublier un temps que t'es qu'une putain d'usurpatrice. Et même si ton authenticité n'est pas à douter, tes mensonges, eux, vont te faire plonger. « Faut croire que non puisque j'suis là. » Un clin d'oeil tandis que les verres s'entrechoquent. L'alcool brûle tout sur son passage, anesthésiant ta chair et tes tourments. C'est cette sensation que tu recherches, l'apaisement. Ça crie beaucoup trop dans ta tête et les migraines s'enchaînent à un rythme effrénée. Ton sommeil en est terriblement affecté et tes cauchemars finissent de te tenir éveillée. La fatigue s'accumule, les angoisses déboulent avec leurs grosses valises et se proclament comme maître des lieux. Le stress s'invite avec la paranoïa parfois. Un bon cocktail qui met tes nerfs à rude épreuve. Alors une soirée loin de tes démons, c'est tout ce que tu te demandes. Et si, en plus, tu peux illuminer un instant les opales autrefois si ensoleillées de ton amie alors tu feras tout ce qui est en pouvoir pour y parvenir. Même si c'est éphémère. Parce que ça voudra dire que la lumière est toujours là et qu'elle a juste besoin d'un coup de pouce pour briller à nouveau. Ton corps réclame un autre shooter, histoire de faire taire pour de bon la bête noire qui te consume trop rapidement à ton goût. « Et un dernier pour la route ! » Ce geste tu l'as exécuté tellement de fois dernièrement que c'est devenu un automatisme. La musique des verres qui se heurtent résonne à tes oreilles et c'est à ton tour de lancer un toast. « À toi mon amie, que cette soirée marque le début d'un nouveau commencement. »

Oh Ella, tu ne me mérites vraiment pas.
Je suis navrée de ce qui va se passer,
quand tu comprendras que j't'ai trompée.
J'espère que tu me pardonneras.
Mais je t'aime trop pour te laisser dépérir.
Alors tu vas me faire le plaisir de sourire.

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crédit/ tumblr ☆ w/@Ava Carlton

Elle ne saurait dire à quel instant précis sa vie a basculé. Elle ne saurait dire ce qui l’a brisée. Il y a eu la rupture avec Morgan. Violente, brutale, destructrice. Dévastatrice. Il y a eu la perte de sa famille, celle qu’elle avait choisie. Meg et Djawny, qu’elle a abandonnés, alors qu’ils étaient bien les seules personnes au monde qui l’aimaient. Il y a eu toute cette enfance misérable, auprès de parents lamentables. Elle a vécu au milieu des cris et des coups. Des trahisons et des tourments. Une atmosphère noire dans laquelle elle a grandi, évolué. Dans laquelle elle est devenue celle qu’elle est. Peut-être que, au fond, sa vie n’a jamais basculé. Peut-être que c’est bien là tout le problème. Elle a toujours été la même. Aussi minable que douloureuse, aussi pitoyable que tumultueuse. Elle a été ballottée de drames en drames, d’abandons en abandons, de souffrances en souffrances. C’est difficile, à force, de trouver une véritable raison à son existence. Difficile de lui donner même une quelconque importance.

La seule chose qui te rattache à la vie,
Finalement, ce sont eux, tes amis,

C’est elle, Ava, venue ce soir,
Te donner un brin d’espoir.

C’est peut-être peine perdue. Elle est peut-être une cause déjà perdue. Mais, Ava, elle prend quand même cette peine. Elle lui prouve, chaque jour, combien elle tient à elle. Combien elle est prête à être là pour elle. Ava, elle fait partie de ces personnes, qui n’étaient pas là, des années durant, et puis qui apparaissent subitement. Qui se rendent indispensables. Au point que l’on se demande, au bout du compte, comment on a pu faire, sans elles. Ella, elle se demande comment elle a pu tenir le coup sans elle. Sans Opale. Sans Leonore. Sans Zéphyr. Elles sont les seuls piliers encore debout dans sa vie. C’est pour cette raison qu’elle ne peut pas lui en vouloir d’être ici, chez elle, pratiquement contre son gré. Ni même de l’obliger à venir avec elle à cette soirée.

Au fond, tu sais que t’as besoin d’elle.
Elle et son obstination, elle et sa détermination,
Elle et son regard malicieux, elle et son sourire contagieux.

Alors elle la regarde, Ava, tenter de remettre des couleurs dans une vie en noir et blanc. Elle ne sait vraiment pas d’où elle tire une telle détermination. Ça n’existe pas dans le monde d’Ella. Dans le milieu trop pauvre, trop sombre d’où elle vient. Le monde auquel aucun rêve n’appartient. Elle est peu habituée à se retrouver face à un tempérament aussi solaire qu’elle est lunaire, aussi forte qu’elle est faible. Mais la présence de son amie lui fait toujours du bien. Peut-être que, ce soir, elle lui en fera plus encore. Parce qu’elle en a besoin, plus encore qu’à son habitude. Peut-être qu’elle l’a sentie, Ava, prendre de la distance, sans le vouloir, sans même le percevoir. Si tout lui échappe, à elle, rien ne semble manquer au regard de lynx de son invitée surprise. Si elle ne croit plus en rien, Ella, son amie est là pour elle.

Elle est là pour te tendre la main,
Et, peut-être, te ramener sur le droit chemin.

Aussi sûre d’elle que d’ordinaire, la belle brune ne paraît pas douter un instant du fait qu’elles s’amuseront. Rien ne le laisse entrevoir dans le visage terne et morose d’Ella, encore moins dans ses grandes prunelles trop éteintes. Devant ses paroles pleines de bon sens, l’âme en perdition lui jette un regard qui en dit long. – Tu ne vas pas non plus m’obliger à sourire, hein. Et pourtant, elle sait qu’elle veut seulement son bien. Elle sait même qu’elle en a besoin. Trop faible devant Ava, elle accepte de la suivre, seulement à condition qu’elles boivent un peu avant d’y aller. Pas un instant, elle ne se doute de tous les tourments qui peuvent avoir envahis l’esprit bien trop mystérieux de son amie. Pas une seconde, elle n’imagine tous les problèmes qu’elle peut vivre, ceux auxquels elle n’est pourtant pas si éloignée. Mais la sulfureuse, trop habituée à ses propres chants de sirène, ne soupçonne rien. Trop plongée dans leur amitié, elle lui est si bénéfique, que jamais elle ne pourrait se méfier d’elle. Elle qui a tendance à se méfier de tout le monde. Elle a oublié sa propre règle, Ella, celle de ne faire confiance à personne.

Comment tu pourrais la soupçonner,
T’as rien à offrir, plus rien à donner,
T’es juste une âme brisée.

– Tu dois vraiment avoir aucun ami. elle lui rétorque, pour la taquiner, l’ombre d’un premier sourire sur son minois. Ce n’est pas la meilleure manière de lui prouver sa reconnaissance mais, au moins, elle commence peu à peu à se laisser aller dans l’ambiance. Les verres s’entrechoquent une fois, deux fois. La chaleur de l’alcool fait déjà son effet alors qu’elle rebondit au toast beaucoup trop optimiste de son amie beaucoup trop positive. – Tu prends quoi, dis ? Parce que ça doit être vraiment quelque chose pour te faire croire à des conneries pareilles. Ce n’est pas une soirée qui va changer sa vie. Elle n’a plus grand-espoir pour celle-ci. Mais elle a accepté de suivre la barmaid dans ses folies, elle ne compte pas changer d’avis. – Bon allez, j’te suis. On prend un taxi ? Il vaut mieux car elle ignore dans quel état elles vont rentrer. Elle aura besoin d’une bonne dose d’alcool pour s’amuser. Suivant la belle jusqu’à l’extérieur, elle se laisse entièrement guider. Elle lui donne les cartes en mains pour la soirée.

Et, peut-être aussi, pour te redonner un peu d’éclat,
S’il y a quelqu’un qui en est capable, c’est bien Ava.

Une fois dans la voiture, elle pose son regard sur elle, encore galvanisée par l’alcool. L’ambiance festive des vendredis soirs qui vient déjà à elle. Il faut juste qu’elle parvienne à pleinement s’en laisser submerger. Cela ne lui est pas arrivé depuis longtemps. Depuis… Sa dernière rencontre avec Morgan. – Alors, comment ça se passe, au boulot ? Et elle regrette aussitôt d’avoir posé la question. Mais elle ne peut pas s’en empêcher, Ella. C’est plus fort que toi. Trop fort pour toi.

Ava t'as jamais connu la famine, la misère. Mais tu les as côtoyé. Tu voulais voir de tes propres yeux le monde dans son intégralité. C'est p't'être aussi pour ça qu'tu t'es engagée. Un moyen d'avoir un aperçu de la rue. Ce milieu que l'on imagine hostile car les gens qui la peuplent sont bien souvent des âmes égarées que la vie a brisée. Des rêves réduit en poussière ne laissant que des chimères. Au fil de ton infiltration, ta vision s'est heurtée à cette nuit sans étoiles. Des astres privés de lumière, cherchant à retrouver leur éclat tout en se débattant avec les ténèbres qui les entravent. Et si tu le pouvais, tu balayerais d'un coup de baguette magique tous les malheurs qui les attachent à leur passé. Tu répandrais de la poussière de fée pour apaiser leurs esprits apeurés. T'aimerais les libérer de leur chaînes, qu'ils retrouvent leur liberté que la vie leur a ôté. Ce ne sont pas que des épaves. Eux aussi sont à même de briller. Ça, t'en es persuadée. Et tu vas tout faire pour qu'Ella retrouve sa flamme d'antan. Celle qui faisait d'elle un être resplendissant. Parce qu'elle est toujours là, quelque part, vacillant dangereusement, à deux doigts de s'éteindre complètement. Et ton rôle, c'est d't'assurer que jamais cette étincelle se meurt.

Parce qu'Ella la vie vaut la peine d'être vécue pleinement.
Et qu'tu mérites d'en vivre chaque instant intensément.
C'est pourquoi j'te laisserai pas te réfugier dans l'ombre.
Là n'est pas ta place. Elle ne l'a jamais été.
Viens, prends ma main, j't'emmènerai loin des ténèbres.
Laisse-moi chasser ces nuages pour qu'tu vois c'que c'est qu'un ciel ensoleillé.

Alors ce soir, tu partages volontiers ton feu pour vous réchauffer. Tu laisses ta chaleur l'envelopper pour la protéger des dangers. Un repère sur lequel elle pourra toujours compter malgré que tu l'aies trompé. La scandaleuse vérité, c'est qu'Ella tu l'as connu bien avant ça. Sur des photos prises par les fédéraux. Elle était une simple proche des McGrath et forcément son portrait s'est r'trouvé dans vos petits papiers. Un visage parmi tant d'autre et pourtant, sa détresse t'a profondément touchée. T'es arrivée au moment où tout a volé en éclat. T'as vu les prémices d'une relation à deux doigts de la cassure. La chute a été longue et le choc s'est avéré fatale. Pas que t'avais pas remarqué ses fêlures. Mais Morgan était le pansement qui les guérissait lentement. Sauf que le bandage n'a pas tenu. Et depuis les blessures sont restées à vifs. Pour l'un comme pour l'autre. Tu connais pas tous les tenants et aboutissements, seulement c'que t'as pu observer avant le naufrage. Et ça a été un sacré carnage.

Ella ne baisse pas les bras.
Je suis là.

T'aurais pu regarder de l'autre côté. T'aurais pu ne pas t'impliquer. T'aurais dû rester en dehors de sa vie. Mais t'as pas su lui tourner le dos. Incapable de l'abandonner à son sort. Incapable de ne pas tenter l'impossible pour sauver le plus d'âmes possible. Et tu sais bien que tu peux pas empêcher les malheurs de s'abattre sur les plus démunis. Mais tu comptes bien essayer d'épargner ceux que tu as eu l'occasion de rencontrer. T'as pas de super pouvoirs Ava mais t'as de l'amour à revendre. Et ça, tu te prives pas de le partager sans modération. « C'est mal me connaître Gardner. Je souhaite, que dis-je, j'exige de voir ses lèvres s'étirer gaiement au cours de cette soirée. » La malice au bord des iris, tu taquines ton amie un peu trop mélancolique à ton goût. Tu souhaites la guider à travers le noir. Lui montrer qu'après la pluie, vient toujours le beau temps si on est assez courageux pour le laisser chasser les nuages qui l'empêchent de rayonner pleinement. Et t'es persuadée qu'Ella, elle est aussi brave que n'importe qui. « Outch ! C'est si évident ? » Et voilà, ton dur labeur récompensé par ce sourire qui illumine ses traits un court instant. Une petite étincelle de joie s'échappant de l'épaisse fumée maussade qui la recouvre jalousement. Un signe que tu n'es pas arrivé trop tard, que rien n'est perdu.

De l'alcool pour diluer les problèmes, les rendre plus légers. Procédé éphémère qui ne soulage rien à long terme mais qui permet de supporter les stigmates que tous vous portez. Vos erreurs, vos mensonges, vos envies enfouies, vos rêves déchus, vos cauchemars, vos peines, vos joies révolues, vos déceptions, vos regrets. Un mélange d'émotions propre à chacun. Un mal universel. Et c'est avec détermination que tu te fraies à grand coup de hache un passage dans cette jungle infernale. T'emmerdes la loi du plus fort. Y a qu'en se serrant les coudes que tout le monde pourra survivre. Le chacun pour soi tu connais pas. « C'est juste que tes yeux sont remplis de merde ma chérie mais t'inquiètes, j'ai le remède pour les laver. » Ces joutes verbales qui t'ont tant manqué. Ces petites taquineries qui animaient vos débats. Un moyen de montrer ton attachement grandissant. Parce que qui aime bien châtie bien, n'est-ce pas ? L'alcool pour noyer les peines et rendre les soirées plus folles. Une méthode facile pour repousser encore un temps les questionnements qui vrillent vos crânes. Une issue provisoire. Une occasion de reporter les choses à demain. Ou d'aborder plus sereinement vos soucis. Une totale désinhibition qui met à nu le plus récalcitrant des palpitants. « C'est beau de croire que t'avais le choix. » Nouvelle pique pour raviver la flamme. Celle que tu as vu timidement chatoyer. « Et bien sûr darling, t'as cru que j'allais être ton chauffeur personnel ? J'compte bien me la mettre aussi ! »

Un rire aux notes joviales s'échappe d'entre tes lippes tandis que tu traînes presque ton amie jusqu'à votre carrosse de la soirée. Une virée entre filles. Un instant, tu mettras tout en œuvre pour la délivrer de cet enfer dans lequel elle s'est plongée. Pas besoin qu'Hadès l'ait enlevée. Elle s'y est invitée. Mais ce soir, t'es venue la délivrer pour lui montrer l'infini de possibilités qui s'offre à elle. Si toi tu peux encore le voir alors elle aussi. La voiture s'ébranle et la question tombe. Un orage que tu as bien du mal à chasser parce qu'il revient toujours au grand galop. Impossible à complètement éloigner, véritable gouffre à ennuis. T'es tentée de détourner le sujet. Ça te ramène bien trop à ta propre culpabilité. Et puis qu'est-ce que tu peux bien raconter ? Elle le sait dans le fond qu'il est rongé par le même mal qui l'affecte elle. Tu laisses planer le silence quelques instants. Tu choisis tes prochains mots précautionneusement... ou pas. « Et si t'allais voir par toi-même ? » Parce que tu sais très bien que tes petits tracas du quotidien ne l'intéressent pas. C'est bien d'une connaissance en commun à qui elle fait référence. Celle qui a son importance. « Tu veux bien l'oublier un instant ? J'suis là pour toi ce soir et j'veux que tu t'amuses. » Tes mots plus doux contrastent avec ton air courroucé. Elle n'est pas étrangère à tes pensées. P't'être bien qu'elle devrait braver ses interdits et le retrouver, au lieu de rester plantée là à attendre quelque chose qui ne viendra sûrement pas. Parce que l'un comme l'autre, ils ont besoin d'être bousculé. « Ce soir, c'est nôtre soirée. On les emmerde tous. On va s'éclater. » Un immense sourire illumine dorénavant ton visage momentanément fâché.

Votre carrosse s'arrête à l'adresse indiquée d'où la musique vous parvient par vagues entraînantes tandis que vos pas vous conduisent devant une entrée plutôt prisée. L'attente n'est pas très longue mais l'excitation, elle, est à son comble. « Avoue qu't'as envie d'remuer ton popotin maintenant que j't'ai traînée jusque là. » Légère bousculade enfantine. Parce qu'Ava, souvent, t'es une vraie gamine. Y a toujours cet enfant qui sommeille en toi, une Wendy des temps modernes à qui il manque son Peter Pan. Le vigile vous laisse entrer sans encombre et t'entraînes ton amie jusqu'au bar. La première tournée que tu offres sans sourciller. Un mètre de shooter pour vous motiver. Tes yeux se perdent vers la piste de danse où les corps se déchaînent au rythme de la musique endiablée. « Prête à éblouir le dance floor ? » Déjà quatre shots dans la vue, tu perds pas ton temps. Une vie vous en avez qu'une et t'es bien décidée à la vivre pleinement.

Toi aussi t'as le droit au conte de fées.
Laisse-moi te montrer une autre réalité.
Danse avec moi jusqu'au bout de la nuit.
Danse pour chasser tous tes soucis.
Je sais bien que c'est éphémère.
Mais c'est mieux que d'toujours regarder en arrière.

☾ ☾ ☾
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crédit/ tumblr ☆ w/@Ava Carlton

Âme égarée, âme trop souvent brisée. Elle n’a jamais cru en sa bonne étoile simplement parce que, pour les gens comme elle, il n’y a pas d’espoir. Juste des objets, utilisés, médiatisés, juste des oubliés, qui n’compteront jamais. Les rares fois où elle a eu la sensation de compter, c’est par le biais de l’amour. Les flots de sentiments qui donnent l’illusion que tout est possible. Que rien n’est définitif quand, en vérité, tout est déjà inscrit. Leur fin aussi. Porteuse des ténèbres, elle les emporte, partout avec elle. Oublie les sourires ravageurs, ceux qu’elle s’octroyait, quand elle avait encore la sensation de respirer. C’est terminé depuis trop longtemps pour elle, et pourtant, c’est toujours agréable, un peu de lumière. Ava, esprit insoumis et libéré, semble délivrée des maux infligés par la société. Une vie banale, passée au comptoir d’un bar, qui ne lui a pas ôté cette flamme.

Celle que t’avais, toi aussi, quand tu l’as rencontrée,
Quand, t’osais encore espérer,

À défaut de pouvoir raviver le feu qui l’animait, parce que cela, elle ne pense plus jamais y arriver. Elle se laisse, néanmoins, réchauffer par celui qui brûle encore juste à ses côtés. Ce bout de femme pas ordinaire, tantôt solaire, tantôt lunaire. Elle sait combien la vie ne vaut rien. Mais elle a l’air d’avoir appris comment l’aimer quand même. Au fond, elle l’admire, Ella. Elle l’admire parce que, contrairement à tous ceux qui vivent avec insouciance leur vie sans jamais voir plus loin que le bout de leur nez, Ava elle sait. Elle sait mais elle est là quand même. Prête à affronter la vie, pour le meilleur comme pour le pire. Oui, Ava, tu l’admires. C’est pour cette raison, aussi, qu’elle est prête à saisir sa main, presque, sans protester. La laisser la guider comme une boussole quand elle-même a perdu tous ses repères. Une confiance aveugle qu’elle lui témoigne quand elle n’est plus capable de croire en ses paires. Mais elle ne lui dira pas, assurément, pas une habituée des déclarations. Elle préfère encore la taquiner et, en même temps, se laisser bercer par l’ambiance festive.

Elle a le sourire contagieux, Ava,
Ou peut-être cette lueur de vie au fond de ses yeux.

D’un roulement de yeux volontairement exagéré, ses paroles ponctuées. Elle ne veut pas lui donner raison, pas trop vite. Pas alors qu’elle sent encore son âme se flétrir. Elle ne voudrait pas lui offrir un faux-espoir. Elle ne sait que trop combien ils font mal, les faux-espoirs. Mais il y a un faible sourire qui apparaît timidement sur le bond de ses lèvres. – C’est ça, ou t’as le syndrome du sauveur. elle lance, sans réfléchir. Sans se dire, pas un instant, qu’elle frôle peut-être plus la vérité à cet instant qu’elle ne l’a jamais fait. Mais ses paroles sont prononcées avec naïveté, ce sont celles d’une femme trop écorchée, une femme qui en aurait peut-être bien besoin, d’être sauvée. Pour ce soir, elle compte sur son amie, autant que sur les verres alcoolisés. La légèreté qui vient, encore brève, tandis qu’elle s’essaie à retrouver un semblant de conversation. – Qu’est-ce que je disais ? qu’elle rétorque, simplement, en écho à ses dernières paroles. Elle ne sait pas quelle mission son amie s’est donnée. Mais elle paraît bien décidée à la relever.

T’as pas l’habitude d’autant compter,
Bien trop entourée d’âmes tout aussi abîmées,
Ava, elle pourrait bien être la seule à y arriver,
La seule capable de t’empêcher de sombrer.

L’esquisse d’un nouveau sourire revient sur son visage plus si morose. Sourire amusé, cette fois, devant l’ambition de sa sauveuse. L’assurance qu’elle n’a pas perdu, pas une seconde, même devant la mauvaise volonté de la sulfureuse. Cette force qu’elle ne tire d’elle-ne-sait-où, pour mieux lui en venir à bout. Il faut admettre qu’elle n’est pas une adversaire à sa hauteur, Ella. Toute détermination s’est fait la malle depuis que de plomb a été envahi son cœur. Les sentiments trop lourds à porter, pour qu’en puisse elle puisse protester, elle se laisse presque trop docilement guider. – J’vois. Tout ça pour pas avoir l’impression de te déchirer toute seule, hein. Les taquineries reviennent rapidement. Certainement un peu trop envahies par le sarcasme, arme dérisoire pour se protéger. Mais son amie, elle la connaît. C’est de cette manière que tout a commencé entre elles. De cette manière qu’elle est devenue si importante pour elle. Elle se laisse bercer par le rire de son amie, comme elle la laisse l’entraîner jusqu’à ce taxi. L’illusion est là, presque réelle.

Juste deux filles qui vont s’amuser,
Juste deux amies que la vie n’a pas brisées.

On s’y croirait. Mais ils reviennent, les tourments. Ils reviennent, les vieux démons. Comme le besoin de se faire mal en évoquant le sujet qu’elle devrait à tout éviter. Celui dont elle ne veut rien savoir mais, en même temps, tout connaître. Envahie par ce besoin presque malsain. Le nom, jamais prononcé, pourtant deviné. La réponse arrive, pas celle qu’elle attendait, ni même celle qui va l’aider à satisfaire sa curiosité. Ses yeux incendiaires se font revolver. – Tu sais très bien que je n’y mets plus les pieds. Plus depuis la dernière fois qu’elle a osé. Plus depuis le scandale qui a éclaté. Elle détourne les yeux, cette fois, sans rétorquer.

Tu voudrais bien,

L’oublier,
T’essaies depuis des années,
De l’oublier,
Sans jamais y arriver,
À l’oublier.

Elle sait qu’elle a raison, Ava. Elle ne le sait que trop bien. Tout cet amour, il la consumait quand ils étaient ensemble. Il la tue à petits feux maintenant qu’ils sont séparés. La sirène relève les yeux vers elle, silencieuse quelques instants, avant de hocher d’un petit signe à peine la tête. – Ok. On va s’amuser. elle lui promet, le sourire cette fois un peu forcé. Il ne faut pas plus que cette promesse pour que, finalement, le chauffeur s’arrête. La course payée, les deux complices s’extirpent de la voiture pour rejoindre le bar déjà bondé. Elles parviennent, après quelques brèves minutes, à s’immiscer dans les lieux. Empreintes déjà de l’atmosphère, tout le monde ici est là pour faire la fête. – T’es fatigante, Carlton. Non, elle n’avouera pas. Trop de mauvaise foi. Puis, il lui faut un peu plus pour retrouver la lumière au fond de ses prunelles. Un peu plus pour se laisser happer par l’ambiance qui règne autour d’elles. Et elle paraît l’avoir deviné, Ava. Le mètre de shooter commandés, elle ne fait clairement pas les choses à moitié.

Et, un à un, tu les prends,
Le premier te surprend,
Le deuxième te détend,
Le troisième s’enchaîne,
Et le quatrième t’entraîne,

Dans le beau monde de la nuit,
Celui de tous les possibles.

Elle sent d’humeur beaucoup plus légère. Beaucoup plus solaire. La lueur de vie qui revient dans ses prunelles, lueur erronée, alcoolisée, mais de grande nécessité. Ce soir, c’est exactement, ce dont elle avait besoin. – Si t’as pas peur d’être éblouie... Le sourire malicieux sur les lèvres, elle saisit le bras de son amie pour l’entraîner jusqu’à la piste de danse. Au milieu de tous les autres fêtards en transe. Elles commencent à se déhancher, au rythme effréné du d.j. C’est plaisant, envoûtant. Libérateur aussi, de se déchaîner, au sens propre comme au figuré. Elle sent sa liberté retrouvée au fil des minutes tandis que les musiques se poursuivent inlassablement. Se penchant auprès de la belle barmaid, pour qu’elle puisse l’entendre malgré le volume sonore de la musique, elle lui confie. – Ok, je dois l’avouer… T’as bien fait de me traîner ici.

C’est peut-être l’alcool qui lui a donné un coup de main,
Mais sans Ava, elle ne serait pas là, c’est certain,
[i]Et peut-être qu’elle n’en dira pas autant demain matin,
Mais, là tout de suite, c’est tout ce dont elle a besoin.

Ava, ta vie elle était toute tracée. Pas que tu l'avais prévu au millimètre près mais tu savais où tu allais. Maintenant, tu nages dans l'inconnu, à la recherche d'une bouée à laquelle tu pourrais te raccrocher. Une bouée qui te permettrait de garder la tête hors des flots déchaînés de ta perdition. Des flots qui ne manquent pas de te bousculer et t'engloutir à mesure que le doute se propage en toi. Cette sensation que plus rien n'a de sens. Que ton monde s'écroule en même temps que tes croyances. Un chamboulement que tu as du mal à accepter. Tu luttes à contre courant pour retrouver un semblant de sécurité. Tu es à la recherche de la vérité mais tu n'es pas encore prête à entendre les réponses qui s'offrent à toi. Un maelstrom de sentiments contraires qui retournent chaque centimètre carré de tes certitudes. Racines profondément ancrées mais qui s'arrachent à une vitesse fulgurante sous la poigne de fer de tes tourments. C'est la douleur d'avoir été trompée aussi facilement qui s'agite dans tes entrailles. Ce feu cuisant d'une colère que tu peines à étouffer. Une envie de tout envoyer balader. Seulement, t'es bloquée entre tes devoirs et cette petite voix qui te supplie de tout arrêter. Démissionner et révéler la cinglante vérité. Une imposture qui a trop longtemps durée mais que tu ne saurais stopper car ça signifierait les mettre en danger. Un danger que tu t'es jurée d'écarter le temps que tu le pourrais. Assez pour rétablir la balance. Assez pour que l'orage passe sans trop les écorcher.

Le résultat de ce dur labeur, il est devant toi. Cette amie que tu as rencontré et avec laquelle la vie s'est allégée. Une présence réconfortante dont tu ne pourrais plus te passer mais qui pourrait t'être enlevée aussi rapidement qu'elle est arrivée à tes côtés. Tu le redoutes ce jour où tu devras avouer tes méfaits. Ce jour où tu devras lui rendre des comptes parce qu'elle est en droit de connaître la personne que tu es. Et d'un autre côté, tu l'attends avec une certaine impatience. Il est difficile de se laisser aller quand l'on omets des détails qui ont toute leur importance. Des détails qui font toute la différence. Tu t'es inventée quelques épisodes d'une vie qui te correspond bien plus que celle que tu vis. Ce travail qui t'as bien plus enjouée que ces années passées à traquer les chimères d'une société malade. Au final, c'est le système qui les nourrit et les grands de ce monde en font partie. Eux, ils en ont sacrément des fantômes dans leurs placards. Peut-être même plus que beaucoup de ces criminels un peu trop tapageurs qui ne connaissent pas la discrétion. Celle dont ils se parent pour accomplir leurs ravages. Des dommages bien plus importants à l'échelle mondiale que des hommes isolés qui n'ont pas cette renommée. Là où il y a l'argent, il y a également le vice. Ces plaisirs inavoués qui se complaisent dans leurs ombres, bien cachés derrière leur immunité.

Alors Ava, tu flanches pas. Tu tiens le fort pour mille, histoire de leur prouver qu'ils vous ont pas tous bernés. Un moyen de résistance pour protéger de leurs réticences, ceux qui ne sont pas prêts à admettre que la réalité est truquée. Que les institutions telles qu'on les connaît ne sont qu'un grand spectacle qu'on continue de payer parce que l'on ne connaît rien d'autre. Et que si le rideau tombait réellement, on ne saurait pas faire face à ce qui viendrait. Repartir à zéro comment ? Alors on continue de fermer les yeux, d'observer de loin ce vaste cirque, espérant un changement mais ne souhaitant pas non plus tout abandonner. Une peur viscérale que de ne pas savoir où l'on va. Et c'est bien ça ton problème. Cette perte de repères. Repères dont il ne reste que tes proches et auxquels tu te raccroches. Et tu ferais tout pour les sauver. Même d'eux-mêmes. Surtout d'eux-mêmes. Ce soir, tu veilles sur Ella. Son feu sacré que tu tentes de raviver. C'est un travail à plein temps dont tu ne te plains aucunement. Tu sais qu'un jour, il portera ses fruits. Ce sont ses mots qui te percutent et te ramènent au moment présent. Y a un léger flottement quand tu te rends compte de ce qu'ils impliquent, emprunt d'une légère panique. Joliment maquillé par un sourire coupable, tu hausses les épaules, cherchant une légèreté que tu peines à trouver. « Je ne fais que mon devoir d'amie Mlle Gardner. »

Excuse-moi, j'ai l'impression de ne pas être à la hauteur.
Mais je te promets que je vais tout faire pour te sauver.
Tu verras comme il est beau de rêver, de se laisser aller à ses futilités.
Parce que sous ta mauvaise humeur,
Je sais que se devine un grand cœur.

La victoire est presque trop facile mais tu acceptes sa capitulation avec l'espoir que tu pourras la retrouver un jour. Cette Ella insouciante et rêveuse qui s'est perdue en route mais que tu comptes bien ramener à la maison. Tu sais que c'est une protection et tu te mets en quatre pour lui montrer qu'il n'y a plus rien à craindre et que tu seras toujours à ses côtés, prête à l'épauler. Pour le moment, tu te contentes de ces moments volés que tu captures dans ton esprit pour te rappeler de ne jamais abandonner. Ta richesse, ce sont eux, tes amis. Plus précieux que n'importe quoi dans ce monde. Un trésor que tu chéris jour et nuit mais que tu défends également contre tous ces charognards qui voudraient leur ôter cet éclat qui les fait briller. Parce que malgré qu'ils soient cassés, ils irradient toujours de cette chaleur si chère à ton cœur. Et même si Ella ne la ressent pas, elle est toujours là. Diffuse mais présente, jamais totalement absente. « Je ne vois pas ce qui te fait dire ça, tu sais que je bois toujours en bonne compagnie pourtant ! » Tes yeux semblent la montrer du doigt. « La preuve. » Au cas où elle aurait pas deviné. T'aimes bien trop vos joutes verbales pour t'en priver. Enfin, tu la fais quitter son nid douillet pour l'inconnu. Un semblant de fraîcheur dans une vie qu'elle s'acharne à dépeindre en noir et blanc. Et parce que les habitudes reviennent bien trop vite au galop, Morgan entre dans la conversation. Ce sujet de prédilection qu'elle ne peut s'empêcher d'aborder dès que tu relâches un peu trop ton attention. Mais cette fois-ci, aucune dentelle dans ta réponse. Tu cherches à clore rapidement ce sujet qui la tourmente bien trop en temps normal. Il est difficile de chasser ces pensées. Beaucoup trop persistantes pour être ignorées. Et pourtant, c'est ce que tu lui demandes à mi-mots. Ce n'est pas réellement de gaieté de cœur que tu muselles son malheur mais puisqu'en parler ne changera pas les faits, autant le mettre de côté l'instant d'une soirée ? Laisser cette douleur au placard et porter l'insouciance qui lui va si bien au teint. C'est comme ça que tu la préfères mais tu sais que le chemin est long et semer d'embûches alors tu t'armes de patience et l'accompagne au mieux dans cette traversée du désert. Seulement, parfois, tu la conduis dans les quelques oasis qui peuplent son trajet, histoire de se ressourcer. Histoire de se changer les idées.

Rien n'est plus agréable que de remarquer ses traits se détendre et ce sourire émerger, ravissant n'importe lequel des prétendants vous entourant. Et y a cette faible lueur qui illumine ces firmaments. Et même si c'est éphémère, tu profites pleinement de ce moment de pur bonheur. Ce fardeau qu'elle te laisse partager le temps d'une soirée pour qu'il soit plus léger à porter. « Je sais mais tu m'aimes comme ça, avoue-le. » Touché. L'alcool s'invite et désinhibe vos êtres tout entiers. Les masques tombent au profit d'une réelle complicité qui vous unie depuis le début. C'est fou le pouvoir que possède ce liquide salvateur. Et en même temps un peu trop illusoire pour que ça dure réellement. Mais l'heure n'est pas aux contrariétés, et bien aux célébrations. Et c'est Ella qui vous entraîne au milieu des danseurs que le rythme de la musique a complètement embarqué. Une danse que vous rejoignez sans mal et qui délie les langues les plus réticentes. « Voyez vous ça, Mlle Gardner s'amuse vraiment alors ? » Coulé. Malgré la taquinerie, c'est un regard bienveillant dont tu la drapes et une étreinte chaleureuse qui l'accueille. « Je suis heureuse que cette sortie te plaise et... je crois que je suis pas la seule a avoir été éblouie. » Tu désignes d'un discret mouvement de tête deux hommes qui vous observent avec attention sans réelles tentatives de rapprochements. Un sourire mutin que tu peines à cacher, plutôt amusée par la situation.

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crédit/ tumblr ☆ w/@Ava Carlton

Âme perdue, à la vie décousue. Elle n’a jamais su où elle allait. Pas parce qu’elle changeait trop souvent d’avis, pas parce qu’elle ne savait pas ce qui lui faisait envie. Non, elle n’est pas de celles-là. Elle est de celles qui n’ont pas eu le choix. Pas le choix de fuir le domicile familial dès qu’elle en a eu l’occasion, pas le choix d’accumuler les petits boulots à répétition. Elle a eu une vie compliquée, Ella, et quelques rares bonnes étoiles pour l’éclairer. Certains sont toujours là, mais la plupart se sont envolés. Ou peut-être que c’est elle qui les a laissés tomber. Peut-être qu’elle n’est pas faite pour aimer. Pourtant, de tous les luxes qu’elle a pu frôler, en se servant de tous ces hommes si facilement charmés, aucun ne l’a égalé, l’amour. L’amour des siens, l’amour comme seul besoin. La louve n’en a pas l’air au premier abord, ni même au deuxième. Pas une romantique dans l’âme, pas non plus du genre à mettre la famille sur un piédestal. Elle paraît repousser l’amour bien plus que le chercher. Mais elle en manque terriblement. Cruellement. De ces douleurs qui rongent avec le temps, de ce vide qui se creuse indéfiniment. La sirène a oublié comment nager, sans les siens, elle se laisse couler dans les abysses de ses propres tourments. Elle se laisse submerger, par cette vie qui la dépasse, sans tenter de remonter à la surface. Mais elle a de la chance, Ella, elle en a conscience. Car ses amis, ils sont bien là. Ava, elle est bien là.

Comme une lumière,
Parmi les ténèbres,
Ava, elle veut que tu te souviennes,
Que tu n’es pas seule dans cet enfer.

C’est sans grande conviction, d’abord, qu’elle l’écoute la baratiner. Tout lui promettre pour la convaincre de l’accompagner à cette soirée. L’arnaqueuse n’est pas d’humeur à s’amuser. Encore moins à se déhancher sur la piste de danse d’une boite de nuit bondée. Tout ce qu’elle veut, c’est se morfondre dans sa misère. Elle estime en avoir bien le droit car, après tout, c’est tout ce qui lui reste. Mais non. Visiblement non. De sa détermination habituelle, son amie parvient à la convaincre peu à peu de la suivre. C’est la force de caractère d’Ava qui lui fait deviner qu’elle n’abandonnera jamais la première. Elle a cette vivacité, cette énergie en elle, que la brune ne semble plus connaître. Elle ne peut pas lutter, pas contre elle. Mais ce n’est pas seulement l’obstination de la jeune femme qui achève de la persuader. C’est cette impression, bien ancrée, qu’elle pourra passer une bonne soirée. Elle saura s’amuser, seulement en compagnie d’une belle amitié. Elle ne lui a jamais vraiment dit tout le bien qu’elle pense d’elle, à Ava. Elle n’est pas de ce genre-là. Les déclarations ne sont pas dans ses habitudes, pas plus que les preuves d’affection. Il est difficile en réalité, pour ses proches, d’imaginer combien ils peuvent compter. Ils ne doivent pas imaginer leur importance dans cette vie tourmentée. Encore moins de l’équilibre qu’ils apportent dans une existence des plus instables. Elle ne pourrait pas l’avouer, Ella, au risque de se sentir beaucoup trop vulnérable. Mais c’est là une vérité incontestable. L’amitié d’Ava lui est précieuse, vitale. Elle n’a plus aucune envie de se passer d’elle.

Celle qui te fait toujours retrouver le sourire,
Celle qui te rappelle, comment vivre.

Rare attache dans une existence chaotique, elle est devenue cette alliée que rien n’empêchera d’être là pour elle. Même pas Ella elle-même. De ces amitiés sincères, trop solides pour êtres ébranlées. C’est ce dont elle est persuadée, alors qu’elle la suit, les yeux fermés. Peut-être qu’elle la taquine en lui affirmant qu’elle a le syndrome du sauveur, Ava. Mais la réalité est bien là. C’est elle, ce soir, qui la sauve de ses démons. C’est elle, si souvent, qui l’empêche de sombrer complètement. – Il nous manque plus qu’un bracelet d’amitié, et tu serais parfaite. déclare-t-elle, cette fois avec l’ombre d’un sourire sur le visage. C’est bon signe si elle se fiche d’elle, c’est qu’elle accepte de se prêter au jeu et lui faire le don de sa présence. Sur cette belle pensée, toutes deux quittent l’appartement pour se faufiler dans un taxi. Elle veut essayer, pour la barmaid, d’être de bonne compagnie. Elle ne sait pas si elle en sera capable, mais elle mise énormément sur l’alcool. Elle n’est pas la seule, visiblement. Devant les mots de son amie, l’esquisse d’un nouveau sourire se dessine sur le visage de la féline. Il y a même cette petite lueur dans ses opales qui brille. Elle se rallume, doucement, progressivement. Comme si, derrière les cendres du passé, elle parvenait à retrouver les derniers éclats du feu qui, autrefois, l’habitait. – C’est vrai que je suis une fille particulièrement grandiose. Là, elle plaisante complètement. Loin de se trouver extraordinaire, elle n’a pas un soupçon d’exceptionnel. Ou peut-être juste sa capacité à tout faire de travers. Rien qui fait d’elle une belle personne, pourtant, c’est à elle qu’Ava a décidé de faire don de son amitié.

Précieuse amitié, de celles qui comptent plus que tout le reste,
De celles qui, sur fond de chamailleries, ne sont que tendresse.

C’est certainement la raison pour laquelle elle encaisse la réaction d’Ava sans broncher. Elle en a peut-être assez de l’entendre parler de Lui si souvent. Se retrouver piégé entre Morgan et elle ne doit pas être très évident. Peut-être aussi qu’elle refuse de la voir se lamenter, ce qu’elle pourrait finir par faire, si elle venait à en parler. Elle voudrait l’oublier quand elle sait que c’est impossible. Tout ce qu’elle peut faire, c’est le mettre de côté, le temps d’une soirée. Soulager son cœur, l’alléger de tout ce poids pour quelques heures. Avec la belle brune à ses côtés, elle pourrait bien y arriver. C’est ce qu’elle commence vaguement à espérer quand elles se retrouvent dans ce club bondé. Ce qu’elle arrive tout doucement à croire quand les verres se multiplient. La légèreté de mise, elle sent peu à peu cette insouciance qui l’envahit. Elle secoue la tête, de gauche à droite, négativement, quand elle lui demande de lui avouer son affection. L’embêter sur le sujet est une bien meilleure option. – Aimer ? T’aimer toi ? Non, je n’connais pas. Le sourire malicieux, elle sent bien l’alcool qui fait son effet. Elle est encore bien consciente pourtant, mais elle est bien de meilleure humeur soudainement. Elle finit même par entraîner son acolyte jusqu’à la piste de danse tant redoutée. Au rythme de la musique, elles commencent à se déhancher. Les sons s’enchaînent tandis qu’elles prennent plaisir à s’amuser. Et elle se rend compte, Ella, qu’elle avait raison. Un aveu dont elle lui fait part en toute sincérité, sûrement grâce à toute la tequila absorbée. – Oui ça va, évite de faire une danse de la joie quand même. ne peut-elle s’empêcher de préciser, le sourire qui vient ponctuer ses dires. Avant l’étreinte qu’Ava vient lui offrir. – Merci Ava.

Merci de l’avoir forcée à venir avec elle,
Merci d’être toujours là pour elle,
Merci d’être cet ange gardien pour elle.

Mais, pas le temps de rebondir davantage, son amie lui désigne discrètement deux hommes aux regards braqués sur elles. Les opales qui se posent un instant sur eux, il ne faut pas plus de leur part pour les retrouver. Les corps qui se rapprochent, les hanches qui se déhanchent, elles dansent à leurs côtés. Et elle se laisse doucement aller. Après un bref échange avec l’un des gars, la sulfureuse avance jusqu’à son amie pour lui dire à l’oreille. – Ils ont des places au coin vip, on y va ? Aucune intention envers les garçons, juste l’intuition qu’ils auront de quoi s’éclater un peu. Et oublier un peu plus.