flavor of life / mahe

elle avait encore du mal à assimiler l'idée, clara. pour elle, c'était comme si on venait de lui annoncer que son monde s'écroulait, elle n'était pas prête, elle n'avait pas les épaules pour cela. un bébé... la jeune femme sent son palpitant qui s'enfonce dans sa poitrine à l'idée. ce n'était pas censé arriver, pourquoi ? comment ? les questions qui fourmillent dans son esprit sans qu'elle ne puisse y trouver un quelconque réconfort, une réponse qui lui redonnerait espoir, que tout allait s'arranger. mais ce n'était pas le cas. elle avait dépassé la date limite, et même si elle avait encore eu le temps, aurait-elle pris la décision de ne pas le garder ? elle ne savait pas, elle ne le saura jamais. il y a peu de temps si on lui avait dit qu'elle se retrouverait dans cette situation, sans rire au nez de la personne, elle aurait balayé la remarque d'un geste de la main en souriant légèrement, sa voix chantant une réponse telle que « non ce ne serait pas possible » ou « bien trouvé mais ce n'est que ça, une blague » oui elle aurait pu en rire il y a encore quelques temps. plus vraiment à présent. prenant une inspiration profonde, elle fixe le téléphone qu'elle tenait dans ses mains, hésitante, son coeur qui s'emballe dans sa poitrine, il fallait qu'elle lui dise. il méritait au moins de le savoir non ? se mordant la lèvre, elle ouvre pour la vingtième fois leur conversation, celle restée silencieuse depuis le jour où elle avait arrêté de chercher des explications, où elle avait cessé de comprendre. il était parti, il avait rompu tous contacts du jour au lendemain sans lui dire ce qu'il y avait, avait-elle dit - ou fait - quelque chose de mal ? elle se souvient avoir pleuré au début, son coeur ne comprenant pas ce rejet soudain, puis la peine avait laissé place à de l'amertume, mais clara ne pouvait pas rester fâchée longtemps, ce n'était pas dans son caractère. et puis l'amertume avait laissé le champ libre à un vide, des questions sans réponses, des sentiments ternis par un silence, il ne reste que des souvenirs de ce qu'ils étaient l'un pour l'autre, ce qu'il avait été pour elle. avait-il ne serait-ce même qu'un peu des sentiments pour elle comme elle en avait eu pour lui ? clara l'ignorait. mais elle avait décidé d'arrêter de chercher, le laissant comme il avait su si bien le faire, et elle aurait fait son chemin si seulement il n'y avait pas eu cette nouvelle. combien de temps reste-t-elle à fixer son écran sans pouvoir se décider ? dix minutes, vingt, plus encore... quand elle parvient enfin à taper quelques mots, rien de bien long, doigt qui s'arrête un instant sur le bouton qui déclencherait tout, était-elle prête pour ça ? pour en discuter avec lui ? peut-être qu'il n'en aura rien à faire, après tout il était bien parti une fois, pourquoi voudrait-il de ça... rongée par des sentiments contradictoires, elle perd encore du temps pesant le pour et le contre dans l'espoir de trouver la solution miracle. elle a les oreilles qui bourdonnent quand elle ferme les yeux, le texte qui s'affiche dans la conversation, elle panique, cherche presque à effacer la preuve mais elle se fige. mahe, c'est clara. je sais pas si tu veux encore me voir mais, j'ai besoin de te parler. non, non, non elle n'est pas prête, elle ne peut pas. mais quand le petit symbole lui montre que le message a bien été distribué, elle ne peut plus faire marche arrière.

ça n'aurait pas dû arriver, ils avaient été idiots, complètement idiots de laisser une telle chose se passer. mais en même temps, comment auraient-ils pu prévoir que ça allait finir comme ça ? ce n'était pas comme si mahe faisait encore parti de la vie de clara, il avait disparu un jour, sans prendre le temps de lui dire pourquoi il se cassait, si elle avait fait quelque chose de mal ou quoi que ce soit qui puisse justifier qu'il l'abandonne ainsi sans nouvelles durant tout ce temps. et maintenant qu'elle attendait un bébé ? clara se sentait au bout de sa vie. elle ne pouvait pas en parler à ses parents, ils ne comprendraient pas comment elle ait pu se retrouver dans une telle situation et ne pas chercher à s'en débarrasser plus tôt, ils n'auraient pas voulu qu'elle le garde c'était certain. pire même, elle n'avait aucune difficulté à les imaginer la tirant par les bras pour la conduire à l'hôpital pour régler « son problème », c'était triste à dire mais vu comment ils s'étaient comportés avec brandy – bien qu'elle ne se soit pas trouvée dans son cas – ça ne la surprendrait même pas. assise sur un banc dans un parc depuis elle ne savait combien de temps, peut-être une heure, plus ou moins, elle s'en fichait clara, elle était trop perturbée pour compter les minutes, perdue dans un dilemme. devait-elle en parler à mahe ? cela ne pouvait être que lui le père, ou bien garder le secret pour elle ? elle se mord la lèvre jusqu'à pratiquement sentir le goût amer du sang dans sa bouche, comment allait-il le prendre ? allait-il penser qu'elle cherchait à le piéger pour ce qu'il lui avait fait ? se casser sans demander son reste ? clara n'était pas comme ça, mais personne ne pouvait prévoir la réaction du jeune homme. un message que la blonde finit par pianoter sur son téléphone, l'angoisse de l'attente, les doutes et les questions qui viennent une fois de plus assaillir son esprit alors qu'elle fixe l'objet dans ses mains tremblantes, et s'il ne répondait pas ? s'il se contentait de lire le message et passer à autre chose ? avait-il toujours son numéro d'ailleurs ? quand elle sent son portable vibrer, elle sursaute presque, les larmes lui montant aux yeux tandis qu'elle lit le message de mahe, une vague de nervosité qui la submerge alors qu'elle se lève pour aller le rejoindre, encore heureux ce n'était pas très loin d'ici, comme si c'était un signe du destin – ou une grosse blague. quelques minutes plus tard, elle voit sa silhouette au loin, son palpitant qui s'emballe dans sa poitrine, elle triture les manches de son manteau comme si ça pourrait l'aider à se détendre, sa voix qui tremble encore légèrement quand elle s'adresse à lui. « salut, mahe. » avec le froid qui se faisait plus fréquent, elle pourrait sûrement faire passer les vibrations de sa voix comme une réaction face à la température. « pardon de te déranger à cette heure, t'avais sûrement mieux à faire. » elle ajoute du bout des lèvres, rentrant les mains dans ses poches. c'était bizarre, un malaise qui s'installe mais elle ne sait pas trop comment aborder le sujet. « ça va toi ? » eh bien, quel courage.