moonlight serenade (tadhg)

T’aime bien l’été,
Les longues soirées sous les étoiles,
Les petits matins aux levées de soleil.

Tu souffles, le front humide, le corps chaud. La langue pendante. Comme un putain de clébard. Encore quelques mètres et tu abandonnes le vélo devant la devanture rouge carmin, sans même prendre la peine de l’attaché. Et qui volerait un vieux machin pareil, avec son guidon tordu et sa selle grignoté. Tu entres dans la pizzeria où il fait encore plus chaud, l’antichambre de l’enfer selon toi, l’impression d’être un rôti en cocotte. L'vieux bill est encore là, les mains pleines de pâtes et de farines, le ventre bedonnant qui pointe derrière le comptoir. Tu le connais à peine mais tu l’as trouvé sympa à la première minute où tu as foutu les pieds dans son établissement. Il est comme toi bill, il grogne, constamment. T’attrape une canette de bière dans le frigo au coin de la pièce, laisse tomber ton cul sur une chaise en plein milieu de la pièce, les jambes tendu devant toi. Il y a la télé qui crache une émission débile, style une famille en or, de jolie tête blonde jouant à la faille parfaite. « Hé je te paye pas pour siffler mes bières », voilà qu’il grogne encore, gamine insolente hausse les épaules, en profite pour prendre une nouvelle gorgée de liquide ambré.

Tu claques du poing sur le comptoir, l’œil défiant ton patron. « Bon elle est prête cette commande? », tu t’impatientes, dernière livraison avant de retrouver la liberté de ta cage, l’appartement aux ombres fantomatiques. T’imagine déjà la douche fraîche que tu vas t’offrir, le joint que tu le fumeras à la fenêtre de ta chambre, comme quand tu’étais gamine. T’attrape le carton encore fumant, repars de plus belle.

T’abandonne encore une fois le vélo contre la façade d’un immeuble.
Plein coeur du queens.

T’as les mollets en feu quand t’arrive à l’avant dernier étage, réajuste ta casquette avant de frapper à la porte. Prête à dégainer ton plus beau sourire, tes belles phrases apprise par cœur. mais le sourire se décompose quand tes yeux rencontre le reflet d’une silhouette que tu ne connais que trop bien. Tadhg. en chair et en os. bien vivant, bien présent devant toi. “non mais sans déconner”, rictus mauvais qui viens déformer tes lippes, tu plaque la pizza que tu tiens encore dans tes mains contre son torse. t’entre dans l’appartement, n’attend même pas d’y être invité, sans-gène t’observe autour de toi. impossible qu’il soit chez lui, impossible qu’il soit revenus, pour toujours. pour de vrai. “tu te fou de ma gueule ?”, tu comprend pas ce qu’il fait la, tu comprend pas ce putain de destin à la con qui le remet à chaque fois sur ta route. tu comprend pas tout jj, mais tu t’es fait une raison, comme à chaque fois qu’il part, qu’il disparaît sans prévenir, et qu’il reviens. pourtant t’es beau tadgh, aussi beau aujourd’hui que le jour ou t’es partis.

Tu sais plus sur quel pied de ton coeur, tu devrais danser. Neo il voulait pas revenir ici, de base. C'est toi le problème. Toi avec tes fantômes jamais morts dans ce putain de Queens. Des grands monstres en formes des mains de papa qui cognent jusqu'à plus conscience. Jusqu'à ceux d'un minuscule fée, jamais vraiment plus qu'un bout de femme qui mord fort, qui à coups de dents, arrache tout sur son passage. La fée JJ et ses poudre de fucking fée. Celles qui t'ont bien fait vriller la tête et c'est probablement un peu de là que t'es jamais revenu. Sauf que t'arrives jamais à fuir son ombre longtemps, l'addiction peut-être aussi sous sa peau diaphane. Longtemps étant un terme relatif, six mois, c'est long ? Comment ça pu fonctionner avant de ne plus faire de sens, à un moment, vous deux, non ? Tu t'éclates tellement la tête sur les murs que tu sais même plus pourquoi tu reviens encore. Peut-être parce que tu veux foutre en l'air, tout, bien, en l'air. L'anarchie dans la rue, comme dans le coeur. Tes actions ne font qu'à peine de sens, mais Neo te suit et toi tu ne le mérites pas. C'est peut-être pour te libérer, ou te condamner, mais tu pars, profites de son absence de là où vous créchez pour partir dans la nuit. Trop lâche pour le faire sous la lumière, pour lui expliquer, pour voir la peine et ne pas savoir comment l'interpréter de toutes façons. Ne pas savoir si c'est par habitude ou si c'est pire que ça.

T'as pas le choix que d'enquêter, d'aller retrouver un vieux pote à son boulot, de mentir, dire que t'es que de passage, lui d'mander si tu pourrais t'prendre une douche chez-lui, une connerie dans le genre qu'il peut pas dire non. Sa clée d'appartement, celle que t'utilises même pas de peur de la perdre ou l'oublier dedans. Tu préfères de loin une fenêtre ou, chez-lui, encore plus facile, une carte bancaire. Sans loquet, tu la passes dans l'embrasure et avec la bonne force, la carte se plie un peu et la porte s'ouvre. Celle que tu refermes rapidement derrière, verrouille. Tu veux surtout l'ordi du pote, le téléphone fixe qu'il a encore parce qu'on est old-school chez les anarchistes.

Elle est pas trop dure à retrouver, la petite fée, à retracer, jusqu'au boulot. Fucking pizza que tu commandes, que tu mangeras probablement pas. T'es pas difficile, mais t'as envie d'vomir un peu quand tu manges de produits animaux. Parfois, t'as pas l'choix, parce qu'autrement tu crèves. Là, c'est pas vraiment la pizza que tu commandes, essayant un peu de changer ta voix, de pas perdre pieds dans ta propre poitrine en attendant ton bourreau, ses claques. On dirait que ça prend des mois. Toi, toi tu l'as bien, encore, fait attendre six mois, non ? Toutes vos vies, pour de promesses de gamin que tu ne sais même plus si tu peux tenir. Fucking coeur en brocoli qui sait plus où s'foutre dans ton système entre ta cervelle qui détracte et ton corps qui sait s'oublier au passage. Toutes tes angoisses cognent dans ta cervelle comme des casses-têtes aux pièces manquantes. Tes veines qui deviennent chaudes d'anxiété quand la sonne chante ta mort imminente. Tu sais plus quelle gueule aura la faucheuse, mais tu sais que ta fin ne sera pas douce. T'avales ta salive de béton avant de te trainer jusqu'à la porte de la fin de ta vie (encore une autre, petite mort).

Tu sais pas si c'est ton coeur ou ta respiration qui s'arrêtent en premier ou si t'es déjà plus là, plus dans ton corps. Son sourire qui se liquéfie parce que t'as versé sur son existence, l'acide de ta présence. Parasite qui a tellement avalé de chimique, que ça ne l'élimine plus, sur-crase qu'on a rendu plus fort à force de taper dessus. Comme ses bébés poings qui se serrent et ne demandent qu'à retracer ton corps en vengeance pour tout ce qu'il est trop tard pour que vous soyez, hein ? Le carton de pizza s'écrase contre ton torse et t'as un rire nerveux, refermant la porte alors qu'elle te contourne. Tu fais valser la pizza sur la table basse, cadeau pour l'hôte. Tu sais même pas si t'as envie d'la mordre un peu ou de la prendre dans tes bras de forces et chialer. Tu sais même pas où tu prends l'audace dans la dérive qu'est ta vie, mais t'as un sourire un coin, un peu narquois.

« J'tai manqué ? » À peine bâtard, à peine malade. À peine plus en manie quand t'as décidé qu'on revenait. C'est bon, t'auras toute ta phase dépressive pour regretter et te convaincre que tu ne vaux pas la peine d'exister. Vous êtes beaux comme ça, deux petits poisons qui se mélangent dans une même bouteille. À quelques souffles arrogants de fondre sur elle pour lui voler rageusement ses lèvres boudeuses de petite Clochette. Sauf que tu la nargues du bout du regard, pris entre ta peur de plus avoir personne à force de conneries et tes envies de tout voir exploser.

P'pa te l’avait dit que l’amitié ça durait pas toujours, que les amis y'en avait deux catégories : des bons, des amis qui restent toujours, des amis qui sont comme une deuxième famille, et puis des autres, qui vont et qui viennent, qui partent parfois pour ne jamais revenir. toi tu lui as dit que c'était pas vrai, que tes amis à toi c’était tous des vrais, de ses amis qui été bien plus que ça au fond.

et si papa avait raison ?
si les enfants perdus n'existait plus ?
s’il ne perdurait que des souvenirs, quelques brides de nostalgie, des photo avec des sourires usés.

tu veux pas y croire, de tout ton corps et de tout ton cœur tu refuses de croire que la fin des gosses de Neverland à sonner, qu’il est temps de ranger vos rêves de gosse et devenir ce que vous avez toujours refusé d’être : des adultes. la vie vous a séparé, vous éloignant tour à tour, vous rapprochant parfois. T'as retrouver Peter, au coin d’une rue il y a plusieurs mois de ça, vous, vous êtes accroché, à l’une comme à l’autre, parce que vous en aviez besoin pour survivre. et ce soir, ce putain de destin à la con te met la plume entre les pattes. Tadhg. Tadhg et son sourire qui t’horripile, t’énervent encore plus, son sourire de petit con satisfait d’être con. c’est vraiment tout ce qu’il est Tadhg, un con, qui s’en va trop souvent, qui revient trop souvent. T’aimerais mieux qu’il parte, pour toujours. ou mieux, qu’il reste. pour toujours.

il ose demander s’il t’a manqué alors que tu tournes sur toi-même au milieu de la pièce, laisse tes yeux aller et venir sur les objets de l’appartement, sur tout ce qui compose cet intérieur. Ce n'est pas chez lui, tu l'sais bien, Tadhg à pas de chez lui de toute façon, il est partout ou on l’accepte. tu te laisses tomber sur le canapé, les jambes tendu devant toi, tu hausse les épaules. “j'sais pas, pt'être bien”, tu vas quand même pas lui faire le plaisir de lui dire que oui, comme à chaque fois ou il s'enfuit, comme à chaque fois ou il disparaît tu semblais crever, petit à petit. tu vas pas lui faire le plaisir de lui dire que t’as pensé à lui, pendant des jours et des nuits, pleurer pour ses bras quand papa est partie, pleurer pour voir qu’un peu de son sourire à la noix. “qu’est-ce que tu fou là ?”, tu te lèves, dansante, des pas légers, démarche enfantine, des bras balant le long de ton corps. Des pas pleins d’air, qui te ramène à lui, milieu de la pièce, te plantent à quelques centimètres, petite devant sa carrure... “pourquoi tu reviens à chaque fois ?”, t’as le sourire malicieux, clochette, le sourire qui demande à entendre des mots, bien précis. tu veux qu’il le dise Tadhg, qu’il dise qu’il est revenus, pour toi. rien que pour toi et tes beaux yeux. parce que tu sais que c’est vrai, tu sais que s’il revient à chaque fois c’est pour toi, pour vous, les enfants perdus. parce qu’il ne peut pas vous quitter vraiment, comme toi tu ne peux les quitter pour de bon. et puis de toute façon, qu’est-ce qu'il ferait sans vous ?