BRONX - art therapy (cosima)

ça hurle constamment dans ta tête;
ça envahit tout ton espace personnel,
tes pensées les plus secrètes vont toujours vers elle.


T'arrive pas à te concentrer, tu fronce les sourcils, préoccupé. tu te sens perdu en vérité, complètement paumé, comme si ton quotidien et ta vie tout entière avaient été déréglés. comme si on avait retiré une pièce maîtresse de l’équation, de ton équilibre. peut-être que c’est le cas, peut-être que l’annonce de Sally, sa maladie, son refus de prendre les traitements, peut-être que tout ça remet tout en question. qu’est-ce que tu fais encore la rio ? à travailler ici, le bâtiment délabré à quelque rue de chez toi, dans ce quartier qui t’a vu grandir. qu’est-ce que tu fais là ? a t’occuper de ces gens qui, même s’ils ont besoin d’aide, ne sont pas Sally. tu devrais être avec elle, voilà tout.

tu tapotes quelques tendres mots sur ton téléphone, de douce parole pour savoir comment elle va, ce qu’elle fait, où elle est. Tu’es inquiet, surement encore un peu plus qu’avant. Protecteur, même si tu as l’impression de l’étouffer. et tu sais bien que Sally elle n'est pas faite pour vivre dans une cage, pas faite pour vivre entre quatre murs, pas faite pour ne prendre aucun risque, bien au contraire. tu la connais si bien.

tu relève la tête, le téléphone coincer dans la poche arrière de ton jean. tu dois faire bonne figure, garder ton éternel sourire qui sait rayonner entre les murs gris, accueillir les jeunes que tu reçois aujourd’hui, l’atelier que tu’as préparé tout spécialement avec elle, Cosima. Tu’avais hâte de voir son déroulement, d’apprécier son savoir-faire et de faire évoluer les cas les plus difficiles. depuis toujours tu’les certains que l’art est une thérapie, une bonne solution pour aider à s’évader, ou même juste à s’exprimer. et depuis toujours tu les encourages à se lancer. peindre, dessiner, écrire, qu’importe, tant qu’il y trouve un nouveau souffle, une libération, une forteresse personnelle. t’y pense aussi toi, à écrire ces quelques phrases qui vont et qui viennent dans ton esprit, les quelques morceaux de rap que tu caches encore dans ton armoire, entre tes pulls et tes Sweat. peut-être qu’un jour tu lui montreras à Sally, tous les jolis mots que tu as écrits pour elle.

le temps s’écoule, l’esprit ses libère un peu, la salle se vide peu à peu. un brouhaha qui se transforme doucement en un silence planant. t’aime bien cette ambiance, tu t’y sens bien, comme chez toi -et c’est un peu le cas-. cette salle n’a pourtant rien de chaleureux, coincé dans le sous-sol du bâtiment, quelques fenêtres donnant sur une cour où la végétation a repris ses droits. des murs gris, froid, quelques graffitis dans un coin. Tu’as pourtant beaucoup d'idées pour lui redonner vie, des tas de projets laisser en suspens. tu te promets de t’y consacrer quand t’aura le temps. mais pas maintenant, non pas maintenant. Deux bières a la main, tu la rejoins, sourire aux lèvres. “merci pour cet après-midi, je crois que ça leurs a plu”, tu t’assois là, non loin d’elle, sur l’une des tables vide. tu hausse les épaules, “même s’ils ont encore un peu de mal à l’exprimer”, toi ça te dérange pas, tu’es habitué, mais tu sais que pour les intervenants extérieurs, l’expérience n’est pas toujours des plus concluantes. "on fait du bon boulot !", que tu conclue, sourire au lèvres, pas peu fier de votre collaboration

( ART THERAPY )
@rio washington

la peur de l'ennui, c'est exactement ça. c'est la peur de l'ennui qui la pousse à ne jamais faire la même chose. ses journée ne se ressemblent guère. de l'extérieur, elle donne l'impression d'être désordonnée et complètement perdue qu'on finit toujours par s'inquiéter pour elle. qu'est-ce que tu fais en c'moment ? oh... pleins de trucs. son pseudo statut d'artiste lui permet d'orchestrer son joyeux bordel sans trop de difficultés, qu'on cesse très rapidement de la questionner. elle les a à l'usure et ça l'arrange bien.

cosima est une machine à idées, elle en a toute la journée. Il y en a des bonnes, des très bonnes même mais il y en a aussi des très très très mauvaises. elle donne souvent l'impression d'agir avant de réfléchir. les choix qu'elle fait suive toujours la même logique : la sienne. elle rassemble  les diverses feuilles colorés étalées sur la table. D'un geste rapide, elle les glisse dans une grande pochette rigide. «  merci pour cet après-midi, je crois que ça leurs a plu » elle lève la tête, le sourire aux lèvres. « c'est un réel plaisir. » lance-t-elle à rio.

rio washington, elle le connaissait peu – pour le moment. il est ce que l'on appelle un collègue et ça lui faisait étrange d'en avoir des collègues. cosima avait davantage l'habitude de travailler pour des clients ou pour elle-même. ainsi, les têtes défilent sans jamais s'arrêter mais la tête de rio, elle commençait à revenir souvent dans la big picture de sa vie.

depuis quelques mois, cosima intervenait dans un centre social situé dans le bronx. elle y animait un atelier culturel à destination de jeunes parfois en grande difficulté. ce n'était pas la première fois, qu'elle faisait ce genre de choses. elle en avait fait quelque uns lorsqu'elle était étudiante par le biais de son école. elle y avait trouvé une certaine satisfaction à réfléchir à des ateliers, de les faire vivre et de voir quelque chose se passer. au départ, elle ne devait réaliser qu'une seule intervention – ils avaient reçu une demande au studio. elle était arrivée avec un projet plus grand qu'elle, comme bien souvent. elle avait conçu une grande toile et une quantité astronomique de bombes de peinture afin de réaliser une sorte de cadavre exquis dessiné. ça n'avait pas trop mal fonctionné – puis elle a rencontré rio. Il lui a demandé s'il était envisageable qu'elle revienne, elle a dit oui. aujourd'hui, elle vient une fois par semaine et ils les préparent ensemble.

cette semaine, l'atelier était consacré au collage. pour ça, elle avait ramené des magazines divers et variés et couvrant différents centres d’intérêt pour que tout le monde puisse y trouver son compte. ça avait bien fonctionné au regard des créations – ça oui. bon c'est vrai qu'ils n'étaient pas non plus une satisfaction évidente. « même s’ils ont encore un peu de mal à l’exprimer » elle émet un léger rire « ça c'est sûr, mais j'ai l'impression qu'ils font des progrès après tout, les ateliers sont aussi là pour les aider à s'exprimer et tant pis si ce n'est pas par les mots. » cosima range les derniers feutres noirs avant de s'installer en face de rio, où il avait déposé une bière. « à la tienne » dit-elle, en guise d'un merci et pour se féliciter. « j'me disais, rio, est-ce qu'il y aurait pas un truc à faire avec la déco de la salle ?  genre, tu vois en terme d'appropriation, ça serait vraiment intéressant. » elle y avait pensé la nuit dernière puis tout à l'heure, en faisant l'atelier.

cosima avait une certaine passion pour la décoration, elle pouvait passer des heures dans les rayons des magasins. La plupart du temps, elle laissait ses pulsions la guidait et repartait avec une tonne de trucs complètement inutiles mais jolis. Elle avait toujours évoluer dans des endroits où la décoration était 'chargée', ça la stimule en vérité.