crossroads

Un instant. Une journée. Un mois ou toute une vie.
Elle a croisé tant d'âmes qui semblent gravées au fer rouge dans sa mémoire. Des visages comme une mosaïque de vie qui tapissent la chambre des souvenirs. Des vieux, des jeunes. Des tristes et des heureux. Des rides soucieuses ou celles qui naissent des sourires qu'on a trop fait. De la beauté, toujours empreinte d'une million d'émotions. Elle a croisé tant d'âme et aimé chacune d'elle, dans toute leurs somptuosités ou leurs atrocités, avec leur défauts ou leurs qualités. Parfois simplement le temps d'un regard – et sans un mot – comme des ombres qui se croisent sans jamais s'arrimer l'une à l'autre.
Faye faisait parti de celle-là. De ses amours fugaces et inconnus qui prennent vie à la lueur des stroboscopes sur une piste de danse ou au coin d'une rue. Une constante trop lointaine pour l'intégrer à son existence. Elle connaissait son visage aux joues rondes, son regard pétillant et sa beauté transcendante. Sa voix quand elle disait bonjour à force de trop se croiser.
Puis elle a connu les ombres posées sur ses traits.
Elle a vu.
La douleur. Le repos pour panser les plaies à vif dans une chambre d'hôpital aseptisée. Au rythme des battements cardiaques trop strident du monitoring. Une jolie mélodie qui promettait qu'elle était encore là, bien en vie. jamais à l'heure elle est pourtant arrivée de justesse au rendez-vous sur la croisée des chemins. Carrefour de vie ou elles étaient peut-être destinées à se croiser, faye glissant de sa falaise et nuria tendant ses bras trop frêle pour la récupérer en un tas de morceaux qu'elle aurait voulu savoir recoller.
elle veut voir
le patchwork de son être rapiécée, elle veut la voir vivante bien vivante sous ses yeux inquiets de ne l'avoir vu qu'abîmée. Elle veut la voir, debout, vaillante. Un sourire aux lèvres peut-être. une utopie, si tôt elle veut juste être sûre que ça va, au moins un peu, quand elle frappe à la porte. « salut. » sourire solaire, éclatant de douceur en une rangée de dents blanches. Nuria détonnerait presque dans sa jovialité avec la tristesse des événements qui ont précédés cet instant. Trop heureuse pourtant de la voir sous ses yeux, bien éveillée. en vie « j'me suis dis que t'aurais pas envie de cuisiner, qu'il te fallait plutôt du repos. » elle lève son sac comme une offrande pour un laisser-passer. Nuria mal assurée quand elle craint que la porte se referme sur son visage. Elle n'est, dans le fond, personne. Juste celle – pas tout à fait inconnu – qui était là quand il fallait. Symbole d'une soirée qu'elle voudrait sans doute oublier qu'elle incarne malgré elle. « et comme je sais pas cuisiner j'ai commandé. » qu'elle rajoute, comblant le silence pour faire taire l'incertitude. Elle voudrait simplement dire laisse-moi entrer, j'ai besoin d'être sûre. J'ai besoin de voir que t'es bien vivante après t'avoir vu si peu en vie.

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{ mercy on my heart }
crédit/ tumblr ♔ w/@nuria costello

Un instant. Un moment de silence. Un moment d’accalmie. Elle a le sentiment que ce n’est pas arrivé depuis des lustres, Faye. Un comble, venant de celle qui s’obstine à ne jamais se retrouver dans cette sérénité pesante. Un comble, pour celle qui mène une vie à l’opposée de la stabilité. Moment d’accalmie qui lui fait du bien, autant qu’il la terrifie. Parce que c’est la première fois depuis des jours qu’elle se retrouve complètement seule. La première fois depuis des jours qu’elle se permet d’essayer de retrouver ses idées, de réaliser et accepter ce qui lui est arrivé. L’agression. Les bleus sur le corps. Les douleurs. Les souvenirs effacés. C’est la première fois depuis des jours qu’elle peut essayer de comprendre. Mais cela ne fait pas que du bien, non. Parce que t’as aussi toutes ses craintes qui surgissent, Faye. Celle de revivre cette soirée à nouveau. Celle de ne jamais aller mieux. Celle de ne jamais te souvenir de tout ce que tu as oublié. Craintes qui l’envahissent. Craintes qui viennent se bousculer contre son esprit. Et toujours ce même silence. Il n’y a qu’elle. Seule avec elle-même. Jusqu’à ce qu’un tambour contre sa porte se fasse entendre. Surprise, parce qu’elle n’attend personne. Surprise, parce qu’elle est tout juste rentrée de l’hôpital. Elle se lève pourtant, la fatigue toujours présente sur son visage. La fatigue toujours inlassablement menottée à son corps.
Et c’est Nuria. Nuria qui apparaît, sous ses yeux. C’est Nuria, le soleil dans l’obscurité. C’est Nuria, le visage qu’elle connait, le visage qu’elle aperçoit bien souvent, le visage qui est venu la sauver. Parce qu’elle est ta sauveuse, Faye. Elle t’a aidé, lorsque tu en avais le plus besoin. Sans elle, elle n’a aucune idée de ce qu’elle serait devenue, à terre dans cette ruelle. Sans elle, peut-être que la situation aurait été bien pire encore. Et une fois de plus, c’est son sourire, qui vient l’illuminer. Cette douceur, dont elle a peut-être terriblement besoin. Quoi de plus rassurant qu’un ange gardien. - Nuria… Ça me fait plaisir de te voir. Qu’elle brode, un sourire sincère sur les lèvres. Parce qu’elle n’a jamais eu l’occasion de la remercier. Parce qu’elle n’a jamais pu lui dire combien elle lui sera éternellement reconnaissante de l’avoir aidé. Et comme si cela ne suffisait pas, la brune semble bien décidée à prendre soin d’elle. Et tu te demandes, Faye. Tu te demandes pourquoi elle se sent si concernée par ce qui peut bien t’arriver. - Tu es… Adorable. Je n’ai pas d’autres mots. T’es beaucoup trop gentille. Paroles sincères, impression réelle d’être tombée sur son ange gardien. Sur la seule, peut-être, capable de l’aider. Et c’est sans plus attendre qu’elle se décale, la laissant pénétrer dans son appartement. - Entre ! Comment est-ce que tu vas ? Parce que c’est la moindre des choses, que de lui demander si elle va bien. C’est grâce à elle, qu’elle est certainement toujours en vie, aujourd’hui. C’est grâce à elle, qu’elle n’est pas plus amochée encore.

elle a toujours fais attention.
Aux autres. Au monde.
Elle les a côtoyé, leur a parlé, les a aimé.
Trop peu pour certains. Comme pour Faye. Elle a cette impression d’avoir failli manquer une histoire, rattrapée de peu au vol. un message du destin qui murmure vois. Regarde elle n’était qu’un visage furtivement de passage dans sa mémoire. Une vieille connaissance de laquelle on ne connaît pourtant rien. Un acte manqué peut-être quand l’univers envoie nuria sur les lignes de vie de faye. Deux âmes entrées en collision après n’avoir fait que se frôler. Ça ressemble aux prémices des belles histoires tragico-romantique. Le début douloureux de quelque chose de plus grand, de plus beau. Et c’est peut-être un peu pour ça qu'elle est la, Nuria. Trouver dans le drame qui les lient autre chose que ses carcans de victime et de sauveur. Parce qu'elle n’a rien d’une héroïne et faye est bien plus que celle qui a failli ne plus voir le soleil se lever. et soudain, Nuria veut tout savoir d’elle après avoir vu sa chair meurtrie, son visage endormi elle veut entrevoir l’éclat de la vie aux abords d’un sourire. Un fragment d'âme dans son regard. « a moi aussi. » ça n’a rien d’une phrase bateau. ça me fait plaisir de te voir en vie. de ne plus être confrontée à l'inertie du corps. Faye peut bouger. Elle est là, debout sur ses jambes. Vivant au rythme des pulsations de son cœur qui n'a pas cessé de battre. Rassurante dans cette fragilité qui a la beauté d’être. d'exister elle n’est pas un songe ni ce mirage venu d’une prière. Si elle n’avait pas peur de la faire fuir, Nuria ouvrirait les bras. Rassurée de la sentir tangible entre ses mains, palpant la vie qui reprend ses droits. « je vais bien. » elle va toujours bien nuria. Si souvent que ce serait effroyable d'entendre l'inverse. Plus encore à cet instant qu’elle lui dédie entièrement, consciente que la seule inquiétude qu'elle avait en venant à été apaisé par son visage. ça ne peut qu'aller bien « mais c'est plutôt à moi de te le demander » et pourtant. Elle demande rien, elle force pas. Elle ouvre la porte aux possibles. Peut-être que faye voudra parler, ou ne rien dire. Dire la vérité, mentir ou se taire. Peu importe, elle ne croit pas que ça soit si important d'avoir la réponse dans ces instants ou toutes sembleraient juste. Personne plus que faye ne pourrait dire non, rien ne va mais peut-être pas le dire à nuria. Elle n’est personne -pas assez quelqu’un- et si elle voudrait s’arroger le droit de cueillir ses peines elle préfère seulement sourire et être là. Un bout de soleil pour les nuits de cauchemar, elle voudrait chasser les ombres qui doivent peupler ses songes. « je suis contente de savoir que tu as pu rentrer chez toi. » elle veut dire : loin des murs aseptisés de l’hôpital. Elle veut croire que si elle est là c’est que tout va mieux – comme si c’était si simple – espérer que déjà le traumatisme est loin quand il ne peut qu’être à vif. Rêvant naïvement qu’un sourire et de la bouffe à emporter cicatriseront les plaies. et sans doute que non mais c'est un début. elle n’a aucun diplôme mais pourra bien se faire infirmière. Rafistoler les âmes avec de l’amour.

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{ mercy on my heart }
crédit/ tumblr ♔ w/@nuria costello

Elle est comme un ange. Comme un ange sans ailes. Comme un ange dans auréole. Mais bien un ange, un vrai. Pas en surface, mais en profondeur. Parce qu’elle a été là, Nuria. Elle a été là alors qu’elle aurait pu s’enfuir. Alors qu’elle aurait pu se retrouver morte de peur. Elle a été là, et par son courage, elle lui a certainement sauvé la vie. Elle aurait pu passer des heures entière étendue contre le bitume froid de cette ruelle. Des heures entières à agoniser, incapable de se lever, incapable de bouger, incapable même de crier pour alerter qui que ce soit. Mais la brune est arrivée, avec cette beauté sans pareille qui est la sienne. Elle n’a jamais eu aussi peur que lorsque la mort est venue caresser son épaule. Elle n’a jamais eu aussi peur, mais Nuria a chassé toutes les ombres, toutes les souffrances. Lorsqu’elle a vu son visage, elle a compris, Faye. Elle a compris qu’elle n’était plus en danger. T’avais mal. Tu souffrais. Mais elle, elle est venue t’englober de son aura magique pour te prouver que tu ne serais plus jamais seule.
Preuve qu’elle lui donne, aujourd’hui encore.
Preuve qu’elle lui donne, alors qu’elle s’inquiète encore.
Aucune autre personne ne serait si gentille, si douce, qu’elle l’est en venant s’assure qu’elle va bien. En apportant le repas pour qu’elle ne se fatigue pas. - Moi ? Je ne peux qu’aller bien, j’ai la chance de t’avoir. Qu’elle lâche en riant, pourtant foncièrement sincère. C’est une chance. Une réelle chance. Parce qu’au fond, elle n’a pas grand monde dans sa vie, Faye. Elle a effacé ses parents de son existence, elle cache ses réelles activités à ceux qui comptent pour elle, elle ne sait que survivre. - Assis-toi ! Désignant le canapé, Faye se dirige finalement jusqu’au frigo pour en sortir de l’eau et des sodas. Elle dépose le tout sur un plateau accompagné de deux verres qu’elle attrape finalement pour rejoindre le salon, Nuria, et ce repars qui les attend déjà. Marchant à son rythme, elle pose le plateau sur la table basse avant de s’installer à ses côtés. Poser sa jambe lui fait un bien fou, et elle aimerait savoir quand est-ce que sa vie redeviendra complètement normale. Si elle le redevient un jour, Faye. - Oui, j’ai pu rentrer. J’avoue que ce n’est pas évident mais… Je suis bien contente de ne plus être cloîtrée dans cet hôpital. La solitude est la même, mais au moins, ici, elle ne se sent pas complètement malade. Elle n’a pas l’impression d’être simplement cette pauvre fille agressée en pleine rue et laissée pour morte.