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CONTEXTE / un(e) inconnu(e) t'arrête au beau milieu de la rue et te demande de l'aider à cacher un corps.
QUESTIONS-GUIDES ET DIRECTIONS À PRENDRE (FACULTATIF) /
• rédige la scène. comment fait-il/elle la demande ? que dit-il/elle ?
• décris ce que tu ressens.
• fais une liste de toutes les questions qui te passent par la tête à ce moment-là ou rédige un récit qui met en avant ces interrogations.
• énumère les raisons qui pourraient t'amener à accepter ainsi que les raisons qui pourraient t'amener à refuser.
• parle de la décision que tu prendras finalement.
Erratiques sont les larmes.
En turbulence elles la réclament.
Mais les traits du faciès lui échappent.
Autant que ces ombres identitaires qui dérapent.
L'inconnu a des airs d'esprit frappeur. Sa frénésie incohérente déboîte soudainement les ventricules son muscle moteur. De ses deux paumes ensanglantées, il la secoue d'un air désarmé. Le carmin poisseux en souille l'ivoire immaculé. La blouse satinée qu'elle porte en cette triste soirée devient brusquement fresque d'horreurs matérialisées. Les mots, pêle-mêle, qu'il lui lance s'enchevêtrent dans une course folle. Elle peine à en comprendre la logique. Statique. Il y a le circuit de ses veines qui se glace. La légèreté de son poids plume se métamorphose en ancre de paquebot. L'espace d'un instant hors du temps, l'anonyme laisse à l'orée de ses lèvres la terrible saveur des enfers.
«
J'ai besoin d'aide ! Je... J'ai... Elle ne respire plus. »
«
Je crois que je l'ai tuée... »
«
Ouais. Je crois que je l'ai tuée. »
Tandis que la nuit cruelle les terrasse, l'acerbité de l'effroi l'embrasse. Les mots lui manquent et la pulpe de ses lippes doucement s'assèche. Comment chasser la mort lorsque le tambour coincé dans son encéphale la mord ? Pourquoi encombre-t-il la placidité mortifère de son indifférence avec l'électricité de l'urgence ? De quel droit ose-t-il l'entraîner dans les bas-fonds de l'inhumanité ? Devrait-elle frôler la carnassière déchéance ou marteler ses espoirs d'arrogance ? Pourquoi semble-t-il s'étrangler au sel qui creuse ses joues ? Est-ce la virulence du regret qui le dévore ou bien l'engouement de la peur qui le tord ? Reconnaît-il son erreur, le pauvre pécheur, ou craint-il seulement le foudroiement de son châtiment ?
Sur la lame de ce fulgurant désespoir, elle vacille dangereusement. De quelques caresses, elle pourrait repousser le cerbère de la fatalité. Sur les braises, l'ambre de ses iris pourrait le rassurer. Malgré la profondeur du noir auquel il s'est damné. Puisque les fantômes s'endorment dans le creux de leurs maux éclatés.
Douleur éphémère qui ne compenserait pourtant jamais la perte de cette vie qu'il venait de voler. Âme charogne qui se confondait maintenant avec la férocité de ceux qui lui avaient retiré ses parents, piétinant leurs cœurs et leurs lueurs pour n'en laisser que de tristes fadeurs. Puis la colère, poison crucifère, vint brutalement lui brûler les poumons ; la cage thoracique devenant ainsi incendiaire. Ses flammes la lacèrent allègrement tandis que la violence l'incite à bousculer cet autre qu'elle méprise à présent. Des vertiges de fureur l'empêchent de respirer normalement. Par son existence et son blasphème, il lui rappelle le deuil qu'elle n'a jamais su surmonter.
Lorsqu'il tombe au sol, étreint par les épines voraces qu'il lui sous-estimait, il ne réagit pas. Perdu, il sait qu'il l'est mais l'obscurité haineuse qu'elle dégage l'effraie alors que c'est pourtant la douceur de ses apparences qui l'avaient d'abord attiré. Il comprend durement qu'elle ne l'aidera pas et qu'aucune once de pitié ne l'effleure à présent.
Ainsi, elle l'abandonne sans se retourner. Sur le béton sale, le claquement de ses talons résonne. Elle court, à une vitesse démesurée et bouscule quelques passants, les lumières agressives de la ville l'aveuglant. Dans une épaisse perdition, dans une foule d'inconnus, elle cherche sa mère. Son père. En vain.
C'est dans une ruelle poussiéreuse, à côté d'une benne à ordures que la danseuse chute. À quatre pattes.
Pour mieux vomir toute la douleur qu'elle éprouve de les avoir perdu et surtout ce cœur qui n'a jamais su colmater comme il se doit les plaies qu'a causé leur décès.
L'émoi dégueulasse lui brise les cordes vocales. Dans les houles de son silence slave, elle se barricade. Elle ne lui a pas tendu la main. Elle ne l'a pas sauvé. Malgré l'étincelle authentique de ses larmes qui soudainement se calquent aux siennes et les griffures maladroites qu'elle a cru apercevoir au fond de son regard de tueur.
Les vies arrachées ne reviennent jamais,
mais pour toujours hantent les vivants. Qui mieux qu'elle le sait ?