trackin. (morgan)

droit dans la gueule du loup, encore une fois. l'histoire se répète inlassablement, le dernier accroc avec son dealeur personnel ne lui a visiblement pas suffit. elle veut toujours vivre plus loin, plus fort, frôler la mort du bout des doigts pour sentir son coeur de camée battre encore. c'est une pulsion incontrôlable qui la pousse à recommencer cet éternel manège. ce soir c'est un nouveau vendeur de rêves qui prend le relais, un parfait inconnu avec de nouvelles possibilités de mise en danger pour will. pourvu qu'il soit sombre, assez pour remuer l'adrénaline qui stagne depuis trop longtemps dans ses veines. pourvu qu'il ne la prenne pas en pitié quand le moment viendra d'annoncer qu'elle est venue sans l'ombre d'un billet pour payer sa précieuse poudre blanche. c'est vêtue seulement d'un short et d'un haut qui laisse apparaitre son nombril qu'elle s'aventure dans le queens méconnu, celui qui est bien trop sombre pour les touristes émerveillés, trop risqué pour les jeunes enfants sans défense. pourtant c'est le regard fier que will dévale les rues, comme une princesse à qui on ne peut rien refuser. elle sait qu'il peut lui arriver n'importe quoi dans cette rue où les pupilles sombres scrutent la moindre proie, mais elle ne demande que ça. un peu d'action pour rajouter du plaisir à celui de la drogue ingérée un peu plus tôt. elle n'est jamais satisfaite will, le goût du risque n'est jamais réellement assouvi. c'est un besoin pour combler l'amour qu'elle ne ressent plus. ce même besoin qui la pousse à attendre patiemment dans un recoin de cette ruelle qu'elle connait maintenant par coeur. les yeux clos, elle rejette sa tête légèrement en arrière pour la laisser s'appuyer contre le béton froid qui vient contraster avec la chaleur que produit son corps à cause de ce manque qui ne la lâche jamais. dans cette position son esprit fou peut presque s'inventer la sensation de la poudre qui s'infiltre dans ses narines, la sensation de bien-être qui vient faire s'envoler toutes les autres. juste du plaisir, l'impression de pouvoir conquérir le monde, ces quelques choses qu'elle n'a pas quand elle est sobre. l'envol des pensées n'est que de courte durée, bientôt les pas lourds du dealeur résonnent dans la rue. elle sursaute la gamine, elle n'est pas folle au point de le laisser la surprendre sans être un minimum sur ses gardes. son visage creusé par la came et le manque de nourriture se redresse en laissant sa tignasse brune retomber en cascade sur ses épaules. aucun mot n'est prononcé quand l'inconnu se dessine dans l'ombre, ils sont comme deux sauvages qui se toisent pour mieux comprendre les faiblesses de l'autre. il n'est pas aussi jeune que son revendeur habituel, mais il est aussi bien plus imposant avec son aura d'autorité qu'elle ne peut pas ignorer. ça ne l'empêche pas de jouer à l'insolente quand ses lèvres viennent souffler quelques mots dans un froid glacial. « tu as ce que j'ai demandé ? » c'est son unique but. les sacrifices, les billets glissés après une nuit fauve, tout est fait dans cet unique but. se sentir vivre à grands renforts de poudre blême.

— Welcome to your life
There's no turning back
Even while we sleep
[ will & morgan ] @lorde

les mains agrippées sur le volant, l'air hagard. surement ailleurs. il se complait plus dans le rôle du truand de service, se refuse à continuer ainsi. pourtant, morgan n'a pas le choix. ou peut être que si, seulement, tu le saisis pas. les devoirs avant les espoirs. les rêves mis au placard. de toute façon, il n'en a pas. n'en a plus. ils ont été balayer par le vent y a bien longtemps. il ne s'en plaint pas. ne l'a surement même pas remarqué, que sa vie est juste rythmée par les obligations des uns et des autres, des décisions d'un frère ainé. ça n'a plus la moindre importance. il s'exécute. comme le bon soldat qu'il est. qu'il était. qu'il sera. la poudre blanche posée en évidence sur le siège passager. il n'a même pas prit le temps de la cacher. pourquoi faire au juste ? au fond, tu rêves d'être prit. d'être mit au placard. de respirer loin de cette existence qui te fais suffoquer. ce soir, morgan se la joue dealeur des rues et dans le fond, ça le fait presque sourire. un rictus collé à ses traits et les phares des voitures qui illuminent ses pupilles bleutées. une ruelle malfamée et sombre à souhait. l'ironie des stéréotypes bien huilés. il a dépanné jax sur ce coup là, espère qu'il lui sera redevable d'une loyauté sans faille. dans ce monde pourri jusqu'à la moelle, les gens sur qui on peut vraiment compter se font aussi rare qu'une sobriété marquée.
et dans la nuit noire,
il broie l'atmosphère de la cancéreuse.
la bagnole garée sur le côté, la casquette vissée sur le crâne et ce tube fumant entre les lippes, il entreprend la course fatidique. les pupilles cherchent dans les coins sombres, le macadam qu'il malmène de sa démarche désabusée. il tire sur la cigarette, s'enfume l'être tout entier jusqu'à ce que ses yeux ne percutent l'âme émiettée, la chevelure sauvage d'une douce nuit d'été et le visage enfantin d'une gamine à peine sevrée. mcgrath tique un instant et fronce les sourcils. le mégot fumant entre ses phalanges brisées par les coups trop de fois donnés, il s'arrête juste en face d'elle. elle est trop jeune pour s'entacher des merdes qu'il est prêt à lui vendre. il n'est pas prit de remords non. juste une constatation qui lui fait froid dans le dos, parsème son échine d'une impression malsaine. il ne met pas le doigt dessus. se contente seulement d'observer la scène qui se joue. elle ouvre la bouche et c'est un sourire amère qui se dessine sur les traits de son visage. morgan lâche son mégot dans une flaque d'eau à ses pieds, détourne les yeux de la juvénile et fouille dans la poche de sa veste. les paquets de poudre blanche y sont, bien dissimulées. il est prêt à lui en tendre un avant de reculer. l'arrête du nez qu'il se pince finalement avant de relever ses pupilles vers la brune. l'fric d'abord. morgan ne perd pas le nord. des années qu'il s'est pas aventuré dans les ruelles sinueuses d'un queens au bord de l'implosion et pourtant, il sait très bien comment ça marche. affaire de famille, il parait. seul vice auquel il n'a jamais cédé, la poudre qui envahit les narines. non lui, c'est plutôt l'alcool et les liqueurs qu'il s'enfile sans rechigner. elle a les yeux qui crient le manque, et cette nonchalance revendiquée. t'as quel âge ? quinze ans ? t'es surement mauvais pour donner le bon nombre. il demande sans état d'âme, se fou royalement si elle s'en sent vexer. trop jeune pour se bouffer la vie avec ces merdes qu'il revend. il devrait se sentir coupable. il l'est. puis efface cette pensée.