Angie • redessiner les lignes de son coeur

Angie cherchait les mots pour lui remonter le moral. Elle avait l'air en colère, très en colère. Mais il n'était pas certain de la raison de cet émoi. Elle avait surtout l'air très mal orientée envers l'amante de son ami. Elle soutenait encore que celle-ci ne le méritait. Ah Angie, qui ne voyait chez Toby que ses qualités depuis toujours, alors qu'il était un homme aussi plein de défauts qu'un autre. Celui-ci poussa un soupire. "Tu es dure, Angie, tu sais?"" indiqua-t-il simplement, dans un demi-sourire, triste.

"Tu sais, ce n'est pas la peine de tout rejeter sur elle comme ça. J'ai accepté cette relation, et... Je me plaisais même, je m'épanouissais, d'une certaine façon. Ca me convenait. Et je croyais que ça lui convenait aussi. Je ne m'attendais pas à ce que, du jour au lendemain, elle demande à prendre du recul. Si cela s'était passé progressivement, je l'aurais ressenti, j'aurais... mieux compris, je crois. Ou peut-être que je suis trop aveuglé par moi-même, pour comprendre ce qu'elle ressent. J'ai toujours essayé d'être à son écoute, mais peut-être pas suffisamment. J'aimerais qu'elle revienne et qu'on reprenne comme avant. Elle me manque." Et il était prêt à changer pour elle, il était prêt à entrer un peu dans son monde pour mieux la connaître. Comme cette fois où ils étaient allés en boite de nuit, tous les deux. "Elle est fragile, même si elle le montre pas. Elle a besoin de temps, et c'est vrai que c'est une indécise. Elle est perdue, et elle fait ce qu'elle veut quand elle veut, en espérant retrouver son chemin. Mais ce dont j'ai le plus peur, c'est que pendant notre séparation, elle se dise que son chemin n'est pas avec moi. Je ne sais pas si j'arriverai à rester juste un ami dans sa vie... Même si je le lui ai promis, que je serai toujours là pour elle." ajouta-t-il ensuite, désireux de défendre celle qu'il aimait devant les attaques d'Angie, qui la jugeait complètement coupable du désarroi de jeune prêtre. Mais Toby était au courant que Cassey n'était pas une femme qui désirait se marier ou refonder une famille. Au-delà de son coeur brisé, il y avait de cela tout de même vingt ans, au-delà de ce qu'elle avait subi avec le premier homme qu'elle ait aimé, peut-être voulait-elle simplement encore profiter à sa façon de la vie, s'amuser. Chacun avait sa propre vision de la liberté, et Toby pensait qu'en ce qui concernait Cassey, la liberté n'était possible que si elle n'avait pas d'attaches sentimentales envers un homme. "Je m'inquiètes sans arrêt pour elle, qu'il est en train de se passer du mal dans son existence. Et moi, je ne suis pas là pour l'aider, ou seulement pour la rassurer, juste l'écouter ou juste... bah être là. Je suis totalement exclu. Des fois, je me dis que je devrais jouer les bourrins et aller la voir... Tout bonnement. Mais j'ai trop de respect pour elle, pour la distance qu'elle souhaite entretenir, pour le faire. Je ne suis pas comme ces hommes qui, quand quelqu'un ne leur répond pas ou s'écarte, vont venir tambouriner à sa porte et s'imposer pour qu'elle leur tombe dans les bras. J'ai trop de respect et je veux qu'elle revienne dans ma vie, uniquement parce qu'elle en a envie." expliqua-t-il doucement. Et toute cette réflexion que le poussait à faire Angie, le rendait encore plus malheureux. Il ne rit pas à la remarque de son amie, qui se voulait pourtant pleine d'humour, pour détendre l'atmosphère, mais il laissa se créer sur ses lèvres un tendre sourire, comme pour lui montrer qu'il appréciait l'effort, le geste. Sa main toujours dans la sienne, il se sentait plus serein, ainsi.

Angie espérait que Cassey ne reviendrait pas, pour son bien. Toby fit la moue. Elle avait peut-être raison, peut-être qu'au lieu de se morfondre, de penser à elle comme si elle était la seule personne importante dans sa vie, il ferait mieux de profiter de ce temps de mise à l'écart, pour réfléchir à tout cela, lui aussi. Pour s'écarter. Pour que cet amour ne le fasse plus souffrir autant. Mais il ne savait pas comment il pouvait le faire. Il était devenu comme drogué à Cassey, même si, parfois, elle lui faisait tant de mal. "Oh Angie, ce n'est pas tout noir ou tout blanc. Elle a le droit d'avoir ses émotions et ses sentiments. Elle a le droit de choisir ce qu'elle veut dans sa vie et de prendre du temps... C'est juste que c'était si brutal." expliqua-t-il doucement.

Il rit très légèrement à la remarque suivant de la demoiselle. "Tu vois, toi-même tu dis qu'il faut être masochiste pour me supporter." rétorqua-t-il. Mais cette fois, malgré les doutes qui l'accablaient, il ne le pensait pas. Il lui restait quand même de la confiance en lui, et il savait qu'il n'était pas un monstre. Et les mots qu'elle prononça eurent l'effet d'un baume sur son coeur. "C'est gentil ce que tu dis." déclara-t-il simplement. Il n'était pas persuadé que ce soit véridique, mais c'était toujours plaisant de l'entendre. "Mais je ne sais plus où est ma place. Et c'est à moi de la trouver." Après tout, il avait très peu regretté, pour ne pas dire du tout, d'avoir rompu ses voeux, d'avoir menti à tant de monde. Il savait que la relation à Dieu, ce n'était pas du bonheur et des paillettes, de la grâce, mais plutôt savoir ce que Dieu voulait comme chemin pour nous et s'y attacher. C'en était-il détourné? Ou ce chemin pentu et de douleurs étaient justement le sien? Celui qui lui montrerait qu'il devait vivre autre chose. Avec Cassey ou sans elle. Il plissa les yeux, intrigué par la remarque suivante.

Angie venait de faire une proposition, sous le temps de l'humour, et pourtant...
"En fait, pourquoi pas. On a toujours été bien ensemble." déclara-t-il simplement. Il ne pourrait jamais lui promettre de l'aimer comme un homme aime son épouse, même s'il adorait Angie depuis toujours, qu'il avait énormément de sentiments pour elle. Ce n'était pas la même chose. Mais il pourrait très bien lui promettre fidélité, prendre soin d'elle, fonder un foyer en sa compagnie. Après tout, ils se connaissaient par coeur... Et leur foyer serait calme. Il sourit ensuite, doucement, comme un enfant, afin qu'elle ne prenne tout de même pas sa réflexion trop au sérieux. "Mais tu mérites un mari qui t'aimera de l'amour d'un homme pour sa femme." Et si c'était possible que Toby l'aime, un jour? Qu'il réalise qu'il l'avait toujours aimé? Après tout, en maternelle, ils avaient promis de se marier quand ils seraient grands.

Réaliste? Non, elle était dure. Dure envers Cassey, qui n'était qu'une femme paumée comme tant d'autres. Et qui plus est, le premier amour de Toby qui avait découlé dans quelque chose. Peut-être le dernier et le seul? Il ne répondit rien, se calant davantage contre son coussin. Cette conversation commençait à lui donner mal à la tête.. A moins que ce ne soit les anti-douleurs qui n'étaient plus efficaces. Et Angie qui poursuivait, tentant de le convaincre que Cassey n'était peut-être finalement vraiment pas faite pour lui, qu'il devrait abandonner. Mais ce n'était pas le genre de Toby de laisser tomber, surtout les gens qu'ils aiment. Et pourtant, il ne se rendait nullement compte des sentiments et émotions qui vivaient, flamboyantes, toujours aussi intenses malgré les années, dans le coeur de son amie depuis l'enfance.

Il ferma les yeux un instant, pour se calmer. Les mots de la demoiselle étaient forts, violents à son oreille, c'était un peu comme se prendre des coups brutaux. Mais Toby ne voulait pas plomber Cassey. Certes, il ne l'avait peut-être pas présentée sous son plus beau jour, car la jalousie, la peur de la perdre, lui faisait dire des mots peut-être un peu trop forts, mais elle n'était pas un monstre. Loin de là. Il avait cru toucher son âme. Et peut-être que c'était réellement le cas.

"Ce n'est pas si simple, tout n'est pas noir ou blanc. Dans une relation, on est deux. Alors si des choses se passent mal, c'est qu'il y a des fautes des deux côtés. Et dans notre cas, ça ne se passait pas mal, c'est juste... qu'elle a besoin de temps, pour réfléchir, de temps sans moi. Du temps sans un homme dans sa vie, enfin, un homme en relation sérieuse." indiqua-t-il, essayant là encore d'expliquer ce qu'il avait compris. C'était comme s'il essayait encore de le comprendre lui-même, à le ressasser. Les jours passaient et il pensait encore toujours à elle. Il devait se concentrer sur le travail pour tenir. "Non, ce n'est pas une manipulatrice, ce n'est pas celle que tu crois..." déclara-t-il simplement. Elle ne l'avait jamais manipulé, n'est-ce pas? Elle avait été franche avec lui, même si, souvent, ses actions n'étaient pas très logiques du point de vue de notre jeune homme. Mais chacun avait sa sensibilité et sa vision de la vie, à ce niveau-là, et ce qui paraissait censé pour l'un ne l'était pas pour l'autre. "Honnêtement, mon esprit cherche des explications, mais je ne sais pas ce qu'elle fuit. Peut-être que j'ai faux..." dit-il. Il tentait d'expliquer suivant ses repères. Cassey en avait d'autres. Un large soupire s'échappa des lèvres du trentenaire, alors qu'il bougeait un peu entre les draps. Les trucs débiles. Il ne répondit rien, il n'en avait plus la force. Il ne voulait surtout pas se disputer avec Angie, elle était la seule qu'il ne pourrait pas perdre. L'absence de Cassey était une douleur, celle d'Angie aurait été la souffrance ultime.

"Je vais essayer de m'éloigner de tout cela, de ne pas trop y penser. Je te promets... Je vais tenter de réfléchir de façon cohérente, pour savoir ce qui est le mieux pour moi, aussi. Même si je compte prendre en compte ce qui pourrait être le mieux pour elle, mais ça... c'est elle qui peut le savoir. J'espère quand même qu'elle reviendra me voir, quelle que soit sa décision finale, à propos de nous." expliqua-t-il ensuite, doucement. Oui, il devait se ressaisir. En ce qui concerne ce fait, Angie avait raison. Il n'avait pas le droit de se laisser détruire, il devait prier et voir de quoi l'avenir serait fait. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire, évidemment. Ce ne serait pas du jour au lendemain que la douleur qu'il ressentait dans la poitrine s'évaporerait. "N'en parlons plus...Parlons de toi!" ajouta-t-il ensuite, sur un ton las, mais tendre. Un petit sourire s'était dessiné sur ses lèvres. Il bougea encore une fois dans les draps, irrité. Sa tête lui faisait mal. Il ferma les yeux quelques secondes, avant de prendre une grande inspiration, comme si cela pouvait l'aider.

Il rit à sa remarque. "Ah oui, tu penses? Pourtant, je te supporte depuis la maternelle. Et, à cette époque, j'étais assez fou pour te faire des câlins!" s'exclama-t-il, plutôt jovialement. Le coeur n'y était pas encore tout à fait, mais c'était presque le cas. Il était décidé à se contrôler, à mettre toute l'énergie nécessaire pour se concentrer sur autre chose, d'autres personnes, que Cassey. Il aviserait lorsqu'elle reviendrait. Ou plutôt si elle revenait.
"Et arrête de dire des bêtises, tu as une âme. Et elle est merveilleuse." ajouta-t-il ensuite. "Quant à l'amour, tu es sûre que tu n'en veux pas? Même du mien?" demanda-t-il, pour la taquiner, ne se rendant pas compte, encore une fois, de la portée de ses paroles.

Qu'il arrête de se prendre la tête. Cela sonnait si simple dans la bouche de son amie et pourtant, il donnerait tout pour y parvenir, pour cesser de se poser des questions sur la réaction de Cassey. De toute façon, il ne pouvait rien y faire, alors... Bien sûr, il y avait toujours l'option d'aller frapper directement à sa porte, mais quel genre d'homme serait-il s'il l'obligeait à mettre un terme au silence et à la séparation, contre son gré? Peut-être qu'un autre, comme cet ex lâche qui s'était imposé dans sa vie de bien des manières, était homme à passer outre les demandes de la belle pour obtenir ce qu'il désirait d'elle, mais Toby ne l'était pas. Alors, il attendrait. Il l'avait dit qu'il l'attendrait. Dans quel état d'esprit serait-il et quelles réflexions aurait-il mené jusque-là? Il ne le savait guère. Et il était conscient que la façon la plus saine de vivre et de gérer les choses était de prendre le tout avec philosophie, ne plus chercher ce conflit intérieur qui lui tambourinait les entrailles, de prendre du recul. Son travail l'aiderait sans doute. Il y avait tant de gens qu'il pouvait, même devait, entendre et aider. Et lui, tombait dans un désarroi, par égoïsme.

Il ferma les yeux. Angie n'avait pas tort sur toute la ligne. Non, Dieu n'aimait pas faire souffrir ses enfants, Dieu était miséricordieux, mais la vie, selon les choix que l'on avait fait, ou les choix des autres autour de nous, n'était pas un long fleuve tranquille. Et évidemment, s'ils étaient fait l'un pour l'autre, avec Cassey, à un moment il finirait par avoir un signe précis. Et prier était la seule chose qui pouvait le calmer, la seule chose qui pouvait le reconnecter au Seigneur, l'aider à trouver sa voie. Il sourit, tout en plissant les yeux. Son crâne lui faisait mal, bon sang. Cependant, il tenta de se montrer jovial, pour ne pas inquiéter son interlocutrice davantage.

Les taquineries fusèrent et Toby était bien loin d'imaginer la portée de ses mots, comment ils atteignaient la demoiselle et la détruisaient petit à petit. Il rit délicatement, à la réponse qui lui fut donnée.
"Et pourquoi est-ce que tu finirais désespérée avec moi?" demanda-t-il ensuite. "Je suis tellement insupportable?" ajouta-t-il, fronçant les sourcils. A ce moment, un pique de douleur l'atteignit. Il lâcha subitement la main de la jeune femme pour la poser contre sa propre tête, laissant échapper un petit cri. Il ferma les yeux un moment, mais cela n'avait pas l'effet voulu. "Je crois que j'ai besoin d'appeler une infirmière, j'ai mal au crâne..." dit-il doucement, avant de tendre la main sur le côté, espérant atteindre le bouton.