ergo glu capiuntur aves

elle fait tâche,
elle fait soleil.
éclaboussure étincelante.
jamais aussi mal à l'aise que dans son élément envahis par ces autres qui ne connaissent rien de son monde. Elle est pas faite pour les fioritures nuria, diamant brut qui ne connaît pas cet éclat policé qu'ils présentent tous dans un sourire fielleux.
Des palabres vides et des rires creux.
Ces gens aux poches pleines qui ont le coeur aride.
Osant pourtant un jeu d'actrice à l'aise dans cette foule pour les besoins d'un objectif qu'elle considère plus grand qu'elle. Il y a sur les murs les âmes d'inconnus couchées en œuvre d'art qui méritent qu'on les voit enfin. Qui mérite la reconnaissance qu'on n'offre que rarement à ceux qui ne sont personne. Un nom comme un murmure qu'on n'entend jamais que, ce soir, Nuria a décidé de crier au monde. Au grand monde. Celui dont la voix porte et l'argent élève, ou leurs paroles deviennent celles d'évangiles pour consacrer ceux qu'ils auront choisis. Un sacre qu'elle aurait aimé leur offrir plus légitimement mais elle n'a jamais fait partie de ceux qu'on écoutait.
Elle n'a jamais été comme eux.
Alors elle fait mine – sans grâce aucune – de savoir à quel jeu elle joue. Une maladresse que le temps n'a jamais endigué lorsqu'il s'agissait d'être autre chose qu'elle-même. t'as jamais été douée pour les faux semblants, nuria. Quand tu veux rire, tu ris aux éclats. Quand tu es triste tu ne retiens aucune larme. et quand les fantômes apparaissent entre les visages inconnus, elle ne masque rien de cette sensation glaciale qui tétanise sa colonne vertébrale. Elle connaît le regard d'une clarté abyssal, le tumulte des océans qui semble déjà la noyer. Cinq ans. Cinq secondes. Une éternité. Juste un instant. Une infinité de possible qui ont mené ici. le destin peut-être blague douteuse au goût de mélancolie et nuria redevient l'oiseau aux pieds lestés d'une enclume. Elle ne vole pas, elle se traîne. Le dos droit et l'assurance vacillante. Si elle ne fuira pas, elle n'aura jamais l'aplomb de ceux qui ne craignent aucun courroux. jamais son aplomb, à lui. « celle-ci a été peinte par un vieil homme qui élève seul sa petite-fille. tous ces tableaux ont cette mélancolie pourtant j'ai rarement vu quelqu'un d'aussi heureux.. » son visage s'adoucit, ils sont tant de personnes qu'elle affectionne sur ses œuvres exposées. Tant de visage qu'elle voudrait illuminer qu'un instant elle oublie l'instant qui revient lui couper les jambes comme une lame de fond. « mais quelqu'un a déjà enchérit dessus. » et peut-être qu'il y a un goût d'apaisement illusoire à savoir que rien de ce qu'elle aime ne finira dans son obscurité.

tout devait se passer sans encombre.
ce n'était qu'une exposition de plus qu'il rayerait de son agenda trop rempli.
une de celle où il se devait de faire une apparition, il siroterait quelques verres de champagne, jouerait de son sourire pour faire bonne figure. peut-être repartirait-il avec une ou deux oeuvres pour remplir une collection sans queue ni tête, qui ne lui tient pas à coeur. tout était prévu, régler comme du papier à musique. de ses poignées de main à son costume trois pièce qu'il avait enfilé deux heure plus tôt.
tout devait se passer sans encombre.
il resterait encore une heure, c'est ce qu'il s'était dit en regardant la montre à son poignet. deux heures de liberté avant de rejoindre son appartement qu'il fuyait depuis sa nuit de noce. ici, il était dans son univers, entouré d'êtres humains qu'il pouvait déchiffrer en un simple coup d'oeil. des gens de son milieu, venus pour exhiber leur carnet de chèques en affichant leur bon goût parfois bancal.
c'est sur l'un des plus grands tableaux qu'il avait jeté son dévolu, absorbé malgré lui par toutes les émotions qu'il rejetait. il observait, méticuleusement chaque détail, faisant totale abstraction de tout ce qui se trouvait autour de lui, son alliance claquant de manière anarchique contre sa coupe de champagne.
tout devait se passer sans encombre.
jusqu'à cette voix.
- celle-ci a été peinte par un vieil homme qui élève seul sa petite-fille. tous ces tableaux ont cette mélancolie pourtant j'ai rarement vu quelqu'un d'aussi heureux..
c'est avec nervosité qu'il tourna légèrement son visage. c'est le palpitant serré, les sourcils froncés qu'il resta bouche-bée devant celle qui était devenue le démon de ses nuits. les mains immédiatemment moites, la bouche sèche et l'envie douloureuse de prendre la fuite.
- mais quelqu'un a déjà enchérit dessus.
en moins de cinq secondes il capte son regard. en moins deux secondes, l'intensité de ses yeux lui donne presque des vertiges. en moins d'une seconde c'est une claque aux relents de regret qu'il se prend en pleine figure. lui qui ne pensait jamais la revoir, se retrouve pris au dépourvu, sa prestance voulant se faire la malle. son cœur voulant tomber à genoux pour implorer un pardon qu'il ne mérite pas. mais cyriel parks garde le dos droit, posture princière qui lui colle à la peau.
- alors je paierai le double. qu'il lâche dans un soupir qui en dit plus qu'il ne le voudrait à qui dois-je m'adresser ?
il demande, ses azurs rivés aux siens. incapable, bien qu'il le voudrait de la lâcher un moindre instant du regard. c'est elle qui est devenue oeuvre, il cherche les différences amené par le temps. cinq ans ce n'est pas si long, mais privé de toi, c'est comme si vingt ans s'étaient écoulés.

Cinq.
Chiffe annonciateur de bouleversement imminents.
La numérologie ne ment pas. Elle sait le pouvoir des astres autant que celui du destin. Des maîtres incontestés dont elle n'a pas toujours compris les lancés de dés mais auxquels elle n'a jamais cessé de se soumettre. On ne mène pas de guerre contre les événements, uniquement contre ce qui les compose. Cyriel est le centre d'un bouleversement auquel elle ne s'attendait pas sans savoir encore si elle doit prendre les armes pour se protéger à nouveau.
fatum.
il n'y a aucun hasard. jamais. Nuria est de celle qui croit que le monde est régie par des lois plus grande que lui. Une croyance qui a laissé fleurir l'insouciance qui avait germé en elle déjà enfant. Qui s'épanouissait déjà à la lueur néfastes des démons peuplant son monde, qui n'a jamais cessé de grandir même sous la cendre. alors je paierai le double cinq années ne sont pas assez pour changer. Le contour de son être se dessine en apparence semblable à celui d'autrefois. Une vérité ou un mirage qu'elle ne sait plus déchiffrer. Elle a apprit à ses dépends que le sixième sens qu'elle croyait avoir le concernant n'était pas fiable. Ne l'avait sans doute jamais été. Et son sourire est compassion. Est déception. Pourquoi aurait-elle voulu qu'il sache ou il mettait les pieds ? Pourquoi aurait-il du savoir qu'elle était – entre ces murs décrépies – une reine invisible ? Que son royaume, bien moins fastueux que le sien, s'étendait là sous ses yeux ? Elle avait balayé son souvenir en n'en gardant que ces cicatrices indélébiles qui parsèment encore son âme, il n'y aucune surprise à découvrir qu'il en avait fait autant. « à la patronne » un murmure. « à moi. » dit avec clarté. regarde-moi cyriel. Mes ailes remplumées. Elles ont survécus à tes crocs acérées. Il y a là sous tes yeux mon existence rebâtie.
Regarde-moi, j'ai dompté la douleur de tes actes, annihilé le venin laissé par les lames plantées dans le myocarde.
Je crois.
mais qu'importe les souffrances, ce soir est un accroc au temps qui passe. Une parenthèse qui n'a aucun sens, de celles qui prendront fin avec le levé du jour puisqu'il ne peut en être autrement. C'est elle – elle seule – qui a ouvert la porte à son univers. Elle qui, inconsciemment peut-être, l'a appelé ou simplement laissé entrer. Elle voudrait se montrer hostile au nom d'un ressentiment qu'elle garde au fond du palpitant, incapable pourtant d'exprimer autre chose que ce calme électrique qui oscille entre mélancolie et inquiétude. « est-ce que ça t'intéresse vraiment ? » cette soirée. Ce tableau. son regard s'arrime au sien, le défiant de dire qu'il s'en fiche. L'arguant presque de n'être pas moins que ce rôle qu'il aimait tant montrer. « j'ai déjà vendu des tableaux à des imbéciles qui ne comprenaient rien de ce qu'ils avaient sous les yeux. Ne fait pas comme eux, s'il te plait. » et c'est là que le bas blesse. Il n'aura fallu qu'une poignée de minute pour qu'elle retombe dans ces travers. Si facilement encline à croire qu'il est différent, si violemment rappelé à l'ordre lorsque, déjà, il est trop tard. Pourtant elle fait ce qu'elle sait faire de mieux, pour cet instant volé au temps, elle lui laisse une chance de redorer l'image d'un souvenir de lui depuis longtemps abîmé pour que demain,  quand il sera redevenu souvenir, l'amertume soit adoucie.

c'est la vie qui le prend de court.
le karma qui lui fait une mauvaise blague.
il a l'intérieur qui bouillonne et les années écoulées qui lui serrent la gorge.
cyriel parks qui a toujours aimé être vue, rêve en cet instant de disparaître derrière un épais nuage de fumée. il aimerait se pincer férocement et se réveiller du cauchemar qui prend forme sous ses yeux: nuria et son regard étincelle.
- à la patronne. à moi.
leurs iris s'entrechoquent et la répartie de l'homme s'étiole. il absorbe les quelques informations avec difficulté. et alors qu'il voudrait la féliciter pour ce qu'elle a réussit à construire il s'en trouve incapable. sa main gauche accrochée à la coupe de champagne comme à une bouée de sauvetage. c'est donc ce que tu es devenue ? la reine d'un royaume qui m'a toujours échappé.
- est-ce que ça t'intéresse vraiment ? j'ai déjà vendu des tableaux à des imbéciles qui ne comprenaient rien de ce qu'ils avaient sous les yeux. Ne fait pas comme eux, s'il te plait.
il lui en faut, du courage, pour parvenir à détourner son attention de la femme. c'est la toile qu'il observe de nouveau, longuement, avec une minutie qui lui était jusque alors inconnue. est-il interessé ? oui. l'est-il pour les mauvaises raisons ? oui et non. la réponse oscille dans son crâne, il ne sait plus. il ne sait plus ce qu'il fiche ici. la gorgée de champagne qu'il avale ne l'aide en rien à cloisonner son esprit et les tourments d'une vie passée le rattrape. une vie où il avait tenté d'être lui même et où la réalité l'avait rattrapé à coups de mauvais choix.
- tu me la vendrais ? qu'il articule, toujours accroché au tableau. tu me vendrais un bout de toi ? plusieurs m'interessent, mais celle-ci, il lâche l'oeuvre des yeux, plongeant ses iris dans ceux de la patronne, celle-ci a quelque chose en plus. j'vois qu'elle te tient à coeur.
les questions se bousculent contre ses lèvres, il ne les laissent pas sortir. joue la carte de l'enfant roi remit de la rupture depuis des lustres. il n'écoute pas son palpitant qui fait désordre contre sa cage thoracique.
- tu ne savais pas, que je serai là ? qu'il jette finalement, curieux, lui qui avait trouvé l'invitation dans un tas de courrier à son bureau, il ne sait pas si il serait venu si seulement il avait su.

Le profil est le même. Ça prête à sourire. Rictus de mélancolie quand il semble évident qu'il n'a pas changé. Peut-être l'aurait-elle voulu, qu'il reparaisse dans sa vie avec l'éclat de l'homme bon qu'il savait être parfois. Que ça se verrait sur les lignes de sa mâchoire, dans la sclère de ses yeux. C'est finalement plus difficile de le retrouver tel qu'elle l'avait laissé y a des années, au milieu des débris de leur histoire. Mais les rois n'ont-ils pas des statuts immuables bâtis à leur effigie ? Il est sans aucun doute l'une d'elle quand nuria se fait l'impression de n'avoir jamais été que ce bout d'irréel qui n'existe plus que dans leur mémoire. tu me la vendrais? Elle soupire, déjà consciente de sa réponse qu'elle voudrait différente. Elle pourrait simplement mentir pour le plaisir de ne rien lui céder mais elle n'a jamais été de celle qui se perde dans des paroles fallacieuses. Elle tombait dans celles de cyriel tout au plus. « si tu la veux vraiment, elle est à toi. » comme tout ce qu'elle a déjà possédé. Tout fini entre ses mains. Et elle reste stoïque devant son regard – une difficulté plus grande que de rester imperméable à ses mots – inspirant trop fort pour chercher l'air qui s'évapore à mesure qu'ils semblen graviter dans le même espace vital. Trop près après avoir été si loin. « au double de l'offre, comme tu l'as proposé. » qu'elle murmure presque amusée, si l'argent n'a jamais été un problème pour cyriel elle crachera pas sur une jolie liasse pour maintenir à flot l'oeuvre de sa vie. Pour donner une – large – part au créateur de la toile aussi. Quoiqu'en pense les biens nés de cette soirée, tout ces artistes qu'elle représente méritent bien plus qu'eux l'or qu'ils ont entre les mains. Et elle voit pas venir la prochaine question, la prend bizarrement comme un uppercut sans trop savoir pourquoi. Peut-être tente-t-elle de voir dans ses interrogations un message qu'elle n'ose même pas lire. « non. mais a bien y réfléchir, j'aurais du m'en douter. » elle fronce les sourcils sans trop savoir si elle l'a su au fond d'elle et l'a occulté volontairement où si sa présence relève d'une vrai surprise. Elle a mis tant de force à gommer le souvenir de cyriel qu'elle a conscience parfois de préférer poser un voile noir sur son image plutôt que de se la remémorer. C'est e seul écueil dans sa conscience, elle a su vivre avec toutes ses blessures nuria, panser chaque plaies et en faire de belles histoires qui avaient un goût mélancolique. mais pas cyriel. il a toujours laissé en elle un goût métallique. « c'est sans doute mieux que je n'ai rien su. » haussant les épaules comme si l'aveu ne signifiait rien. Nuria qui n'a jamais eu peur de rien, crapahutant sur les obstacles de sa vie comme elle savait si bien escalader les murs pour entrer par la fenêtre. Faut croire que les années ont au moins ça de changer : elle a fini par savoir ce que c'était de flipper. « je suis pas sûre … que j'aurais eu envie de te revoir. » murmurant à la toile comme si c'est à elle qu'elle parlait. Et dans le fond elle sait toujours pas si elle en a envie maintenant qu'il est là. Provoquant ces paradoxes qu'il savait déjà créer autrefois. Amour indéfinissable pour son âme et aversion profonde pour son être. Et elle s'excuserait presque d'un regard de le lui avoir avoué.

- si tu la veux vraiment, elle est à toi. au double de l'offre, comme tu l'as proposé.
il est ravi cyriel, le sourire crispé mais l'ego récompensé. il voulait cette oeuvre, il l'aura, avec le consentement de celle qu'il a si souvent cherché à éblouir. il acquiesce d'un sige de tête, gardant ses iris longuement plantées sur la brune, avant de poser la question à dix milles dollars: tu ne savais pas, que je serais là ? il attend, presque avec impatience la réponse qui ne lui convient pas. as-tu perdu tout tes sens nuria ? ceux qui faisait de toi une enfant si spéciale ? toi qui a toujours su pressentir mes moindres faits et gestes.
- c'est sans doute mieux que je n'ai rien su. il détourne le regard, ne veut pas entendre la suite. il aimerait se boucher les oreilles, que quelqu'un s'immisce entre eux et fasse en sorte de les séparer dans la seconde. c'est par la toile qu'il essai de se faire absorber. il a beau essayer, de toutes ses forces, rien n'y fait. nuria ne disparait pas. sa voix résonne encore jusqu'à lui. je suis pas sûre … que j'aurais eu envie de te revoir. il ferme les yeux lentement, essaye maintenant de se propulser loin de cette mauvaise pièce de théâtre. en vain.
- je comprends. il réponds mécaniquement, le mensonge se répand hors de sa bouche et il avale une gorgée pour terminer sa coupe de champagne. je crois que... je ne serai pas venu non plus, si j'avais su. cette fois, c'est une vérité. mais quand il repose ses iris sur elle, quand il redessine son visage, il est frappé par ses sentiments. aussi douloureux soient-ils. l'évidence se trouve devant lui. l'évidence vient de donner un coup de pied et a fracturé la porte: il n'a jamais tourné la page. il a eu beau les arraché les unes après les autres, elles revenaient à chaque fois dans le carnet de sa vie.
- mais maintenant que je te vois, il se tait, attend qu'elle daigne lui apporter de l'attention, je sais que j'en avais envie, de te voir. j'avais besoin de savoir si tu allais bien. besoin de ressentir à nouveau. besoin d'entendre mon coeur battre ta mesure.

Que deviennent les amants imprudents qui ont laissé la passion les consumer ? Ceux qui survivent à l'apogée de leur chute ? Finissent-ils, eux aussi, par se recroiser par hasard, se parlant hasardeusement comme des énamourés maladroit qui se reconnaissent à peine ? Elle se souvient d'un temps, avant le feu dévorant – et même pendant – ou parler avec lui était d'une facilité déconcertante. Dans les affrontements sanglants ou les plus doux, elle savait quoi dire nuria et il lui semblait alors que cyriel savait toujours quoi répondre. Ont-ils perdus ça aussi, dans la bataille ? Ou les années leurs ont-ils retirés ce don qu'ils avaient de se comprendre ? Parce qu'il a beau dire je comprend nuria comprend rien, elle. Ni lui et encore moins elle-même. Dans des retrouvailles rêvés, elle aurait eu l'aplomb des plus grands, capable de ne ressentir que cette mélancolie agréable pour des années révolues. Parvenant à ne garder en mémoire que la beauté d'un lien qu'ils ont pourtant brûlé par les deux bouts. « mais tu es là. et moi aussi. » et aucun de vous deux ne l'aurais voulu, aucun de vous deux ne l'avais prévu. et maintenant quoi ? la question semble flotter entre leurs corps. maintenant on reprend nos vies ? Maintenant on parle de ce qu'on est devenus ? On fait semblant de croire que le monde ne s'est pas soudain arrêté de tourner ? Qu'il n'y a pas les effluves entre nous de nos nuits passés ? L'odeur de nos corps et celles de nos larmes. elle a le sourire douloureux nuria, de l'entendre dire qu'il avait envie de la voir. Elle a mal d'y croire aussi. De le penser sincère sans en être jamais sûre. D'avoir envie qu'il dise vrai. d'avoir l'impression de ressentir que c'est le cas et tout serait plus simple si elle n'avait pas ce soulagement étrange en l'entendant, cet apaisement à ressentir la même chose. « ça me fait plaisir aussi. » aveu de faiblesse peut-être, elle dépoussière les vestiges d'eux pour leur redonner un peu d'éclat. « de voir que tu vas bien, surtout. » une inquiétude qu'elle n'a jamais perdu bien malgré elle, de s'attarder sur les sentiments et le devenir de cyriel comme s'il était tout ou partie d'elle. Elle craignait peut-être que la spirale de laquelle il ne savait pas sortir avait fini par l'engloutir depuis le temps. veillant la rubrique nécrologique comme on s'attend à voir y apparaître l'évidence funeste. finalement rassurée de le voir encore debout. Triste -et un brin égoïste- de voir que malgré ses efforts passés, le résultat n'ai rien à voir avec elle. « enfin, t'en a l'air du moins. » davantage qu'autrefois. bien plus qu'à son départ

la réalité ne lui plait pas.
il aimerait fuir. s’arracher à cette vérité qui lui fait tourner la tête.
il n'était pas prêt à la revoir. encore moins prêt à se rendre compte qu'il n'avait jamais cesser de ressentir. le coeur à l'agonie toutes ces années semble reprendre du poil de la bête et ne s'arrête plus de cogner dans sa cage thoracique. il ne parvient plus à décoller ses iris de la femme, bien qu'il le voudrait. l'alliance qui orne son annulaire devient tout à coup pesante. oppressante. synonyme d'un mensonge qu'il ne saurait assumer devant nuria. toute sa vie, il n'y a eu qu'elle. celle qui partage sa vie aujourd'hui n'est qu'une ombre aux contours floutés. la patrone de la galerie parle une nouvelle fois, sa gorge se noue.
heureux, est un mot qui lui semble à l'opposé de ce qu'il ressent à l'instant présent. il n'y a que l'acidité des remords qui le ronge. toutes les conneries qu'il a fait le percute de plein fouet. nuria lui a filé entre les doigts parce qu'il n'a pas réussis à maintenir son ordre interne. la peur de trop compté, celle de trop donner l'a rattrapé et c'est dans les bras d'une autre qu'il a cru trouver une solution. crachant sans vergogne sur l'amour savoureux qu'ils partageaient.
- je vais bien. oui. il n'y a pas la moindre conviction dans ce qu'il prétend, détournant son regard pour le reposer sur le tableau qui finira entre ses murs. un bout de nuria accroché à son mur, une nouvelle opportunité de ne jamais parvenir à oublier ce qu'elle représentait. je suis content de voir, que toi, tu as réussis. ajoute-t-il désignant de ses bras l'intégralité du lieu, ce dont tu as toujours rêvé. il admire ce qu'elle est devenu. il se doute du temps et du labeur que cela a du lui coûté. là où lui, n'a toujours eu qu'à tendre la main pour obtenir ce qu'il désirait. est-ce que cela serait déplacé, si je te proposais que l'on aille boire un verre. un de ces jours. que l'on rattrape, tout ce temps perdu. il a l'infime espoir qu'elle décline. qu'elle ne redevienne qu'un fantôme du passé. un mirage qu'il pourra oublier à son réveil demain matin. il a l'infime espoir qu'elle accepte, que le temps s'arrête. qu'ils puissent le saisir une nouvelle fois.

Rassurée de l'entendre dire oui je vais bien comme on voudrait prendre de soin d'un enfant, veiller sur quelqu'un qui nous est cher. Assez lucide pour être consciente qu'elle l'a toujours espéré même dans les moments les plus dur. Convaincu qu'au-delà de l'horrible qu'il affiche parfois il reste de ceux qui mérite le bonheur. Et les iris déçues qui balayent son visage. ce n'est pas ça, mon rêve pas le seul, pas le plus grand. Il devrait savoir pourtant, qu'elle ne bâti pas l'avenir rêvée sur des entreprises – certes honorablement belle – mais sur quelque chose de plus grand encore. c'était toi, mon rêve il y a longtemps déjà. Il semble avoir avoir oublié qu'elle n'a pas eu le choix d'en trouver un autre. Battre la mesure sur d'autres mélodies puisque leur opéra tragique c'était achevé, noyé dans un torrent de larme. Et elle sourit de travers, reflet de son cœur à la dérive. Trop tard pour lui rappeler ce qu'ils ont perdus. Trop tard pour rappeler à son souvenir qu'elle aurait voulu bien d'autres choses. « le temps perdu ne se rattrape pas, cyriel. » il a filé trop loin, trop vite. Ce ne sont pas des heures qu'ils ont laissé leur échapper mais des années entières. Un temps infini qui a décomposé leur relation et qu'en reste-t-il? des souvenirs à la mélancolie aigre-douce. S'il y avait eu quelque chose à rattraper – à sauver – ils l'auraient compris bien plus tôt. non? cyriel n'a de toute façon jamais été de ceux qui courraient après quoique ce soit. « mais d'accord. » elle se surprend elle-même à croire que cette mascarade à un sens. Leur faille spatio-temporelle s'étend un peu plus dans des promesses de lendemains où ils seront encore là. Ensemble. C'est aussi grisant qu'effrayant. Les effluves de cette dope enivrante ont trop vite embrumées ses esprits, nuria fonce tête baissée dans un nouveau carnage annoncé en croyant se faire la promesse de ne pas abaisser les murs qui la protège. mais en a-t-elle jamais eu, en réalité ? « tu es libre demain ? » pas dans une semaine, pas dans un mois. Pas dans si longtemps qu'on aurait le temps de regretter et de changer d'avis. Maintenant. Trop vite. Pour ne pas perdre de temps à y réfléchir vraiment et de voir que l'idée est enrobée d'une fatalité qu'on refuse de voir.